Esprits désemparés
Au creux de la vague? Difficile à dire, quand notre temp devient si illisible, quand l'ordre du monde connaît de tels soubresauts, prenant de court toute analyse rationnelle. Quand la brutalité est contagieuse, face aux déferlement de la haine. Attendre anxieusement ou céder à la désespérance? Ou entrer en résistance? Au moins par un surcroît de raison pour sortir de la sidération. Que faire par gros temps? Passer en mode survie ou rester les yeux ouverts? Comment trouver le chemin?
"Aujourd’hui, la menace porte un autre visage, celui du fascisme incarné par Trump et Musk ou le despotisme de Poutine. Elle affiche des intentions et des références claires, dont elle ne s’est d’ailleurs jamais cachée, et adopte un vocabulaire guerrier qui rend paradoxalement la résistance plus évidente. En neurosciences, la survie relève d’une activité cérébrale modifiée afin de répondre à une situation de stress aigu. Des hormones sont alors sécrétées pour aiguiser notre attention et notre capacité de veille, nous rendant ainsi plus alertes. La “survie” que j’ai pu observer autour de moi prend ainsi des allures de fête organisée, parfois de coupure avec l’actualité, mais pour mieux prendre soin de ses proches, d’agitation intense pour trouver des espaces de réflexion et de résistance, tant qu’il est encore temps. Ce n’est ni le repli au jardin d’Épicure, ni l’ataraxie cultivée sous le portique des stoïciens, qui mettent à distance le monde en se concentrant sur la régulation des désirs et des besoins – sans parler de la fuite et de l’exil de Hobbes, qui le mènent à penser l’exercice de la politique sous le régime de la violence, nous n’en sommes pas encore là. Alors que l’ennemi mitraille d’initiatives, d’annonces et d’informations, il s’agit de trouver les marges dans lesquelles l’hystérisation du rythme ne prend pas. De retrouver des bulles, mais pas d’anesthésie cotonneuse : plutôt de rêverie et de création, puis d’action. Comme le remarquait Pierre Zaoui dans son bel essai Beautés de l’éphémère. Apologie des bulles de savon (Seuil, 2024), nous sommes tous capables de nous émerveiller d’un simple flacon à bulles, enfants comme adultes, pauvres comme bourgeois. La fragilité rassemble." [Philosophie Magazine__Merci à Victorine de Oliveira ] ____________________________ |
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