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lundi 29 mars 2010

Errements agricoles


Peut-on faire mieux que la nature?

Une agriculture prométhéenne, sans maîtrise d'elle-même, aveuglée par une mythologie mortifère du progrès , un technicisme à la logique uniquement mercantile
____L'Europe, bonne élève...

-"Dans cet ouvrage, des chercheurs, scientifiques et "spécialistes" reviennent (ainsi) minutieusement sur les OGM, traitant des risques de dissémination, des problèmes de santé, du manque d’"expertise" sur le sujet (puisque la plupart des études sont directement produites par les firmes qui en font commerce), de la question cruciale du brevetage du vivant, et du scandaleux pillage des ressources génétiques mondiales et de notre environnement par quelques firmes. Bref : de notre rapport d’apprentis sorciers à la vie sous toutes ses formes.
À travers un nécessaire retour sur l’histoire de la sélection variétale et l’industrialisation de l’agriculture à l’œuvre depuis deux siècles, Jean-Pierre Berlan montre au final l’importance cruciale (et le caractère éminemment dangereux) du projet de société qui transparait derrière l’application des principes marchands et de la logique industrielle au monde vivant."
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"Derrière les OGM, c'est un projet de mort qui s'impose "(1)
"...La première chose à dire est qu’il ne faut surtout pas utiliser le terme "OGM" ou "Organisme génétiquement modifié". Pour une bonne raison : ce terme a été inventé par Monsanto, à l’époque des premières manipulations génétiques. En 1973, en Californie, deux chercheurs, Cohen et Boyer, ont créé la première « chimère fonctionnelle ». Puis le premier brevet a été déposé en 1980 .
À ce moment-là, on pensait pouvoir industrialiser la vie, en faire à peu près ce qu’on voulait. Pour un biologiste de cette époque, la vie n’était qu’un vaste meccano dans lequel il suffisait de transférer des gènes d’une espèce à l’autre pour avoir la fonction correspondante. A l’époque, donc, les chercheurs pensaient détenir avec les « chimères fonctionnelles » l’explication ultime de la vie : séquencer tous les génomes du monde allait permettre de comprendre ce que c’est qu’être vivant. Et partant, comprendre aussi ce que c’est qu’être humain : j’en veux pour preuve le fait qu’un type comme Walter Gilbert, prix Nobel de physiologie et de médecine, ait pu déclarer que le jour où on aurait séquencé le génome des humains, on saurait enfin ce que c’est qu’ « être humain ». C’est dire les illusions dans lesquelles on se berçait, et la propagande qui régnait à cette époque…

Le terme « chimère » vient de là, de cette véritable explosion autour d’un vivant qu’on croyait pouvoir maitriser et industrialiser à volonté. Sauf que parler de « chimère génétique » n’était guère appétant pour les entreprises qui se lançaient dans l’aventure, comme Monsanto. Leurs services de relations publiques - c’est-à-dire de désinformation - ont donc décidé, en accord avec les scientifiques eux-mêmes, qu’il valait mieux utiliser un terme beaucoup plus neutre et permettant de tenir un discours mensonger. C’est à cette période qu’on a commencé à parler d’ "organismes génétiquement modifiés".
___À partir de là, tout se suit, puisque le discours retrouve une certaine (fausse) cohérence. Parce que l’humanité a toujours « modifié » la nature. Depuis dix mille ans et la révolution néolithique, depuis qu’on a inventé l’agriculture, la domestication des plantes et des animaux, on a toujours modifié génétiquement le vivant. Mais on oublie de dire qu’il a fallu attendre 1973 pour que la première « trans »-genèse ait lieu, et que cela représente une différence essentielle, spectaculaire, une véritable révolution.
Cette révolution pourrait faire peur à beaucoup de gens ; il faut donc la taire, imposer sur elle une espèce de black-out, afin que les populations ne se rendent compte de rien. D’où un discours mensonger, du genre : « Avec les Organismes génétiquement modifiés, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, ce n’est que la continuation de ce qu’on a toujours fait. En plus on le fait avec des méthodes beaucoup plus scientifiques, beaucoup plus fiables, on sait exactement ce qu’on fait... ». Ça fonctionne même avec certains de mes collègues. Particulièrement abrutis, ceux-ci pratiquent une désinformation totale, avec des discours du type : « La nature manipule plusieurs dizaines de milliers de gènes chaque fois qu’elle fait un croisement, alors que nous nous n’en manipulons que quatre ou cinq, une dizaine à tout casser. Nous sommes donc beaucoup plus précis, nous faisons les choses de façon beaucoup plus intelligente que cette nature odieuse. » C’est un discours de pure propagande, avec une apparence logique au départ mais qui ne correspond absolument pas à la réalité des faits.

En réalité, donc, les gens qui réalisent ces manipulations génétiques ne savent tout simplement pas ce qu’ils font. Et le terme d’"organisme génétiquement modifié" ne veut rien dire, il n’est destiné qu’à endormir la vigilance du public....

_______Les êtres vivants se reproduisent et se multiplient gratuitement. Or, la gratuité est une horreur absolue, un véritable affront vis-à-vis de la logique économique. C’est la dernière chose que les industriels et les semenciers tolèrent. Il s’agit donc de lutter contre cette injustice de la nature. Comment ? Alors que dans le monde vivant, il n’est pas possible de produire sans en même temps reproduire, eux veulent séparer la production de la reproduction. C’est un projet mortifère, de fou furieux qui est en train d’être mis en place. Un projet de mort.
La plus belle preuve du caractère mortifère de ce projet consiste en l’invention d’une technique, qui est le plus grand triomphe de la biologie appliquée à l’agriculture depuis deux siècles. Il s’agit de Terminator, une technique de transgenèse permettant de fabriquer des semences qui, une fois devenues plantes, sont programmées pour tuer leur descendance. De fait, l’agriculteur récolte un grain stérile. Pour certains, c’est un rêve vieux de deux siècles qui se réalise. Ils ne le diront évidemment pas : un semencier ne va pas se présenter devant sa clientèle (les agriculteurs) en expliquant que la reproduction des êtres vivants est un grand malheur et qu’il faudrait stériliser les plantes ou les animaux pour faire augmenter leurs profits. Il ne va pas dire ça, il ne peut pas annoncer son projet mortifère. Il va donc plutôt raconter des bobards. Il y a dès lors une lutte contre « les enclosures du monde vivant ». Avec une volonté de nous exproprier, de nous ôter cette faculté merveilleuse de la vie, à savoir la capacité de se reproduire et se multiplier. Avec en arrière-fond le projet d’en faire un bien privé, qui est un projet aussi ancien que la sélection commerciale....

Ce qui est intéressant avec les pesticides soi-disant OGM, c’est qu’il s’agit en fait de changer le statut des pesticides. Presque toutes les plantes transgéniques vendues dans le monde sont a-pesticides : soit elles en absorbent un sans en crever (c’est le cas des plantes dites Round Up ready, mais ça peut aussi l’être avec d’autres herbicides), soit elles produisent elles-mêmes un insecticide.

Dans ce deuxième cas, chaque cellule de la plante produit un insecticide, donc il passe évidemment dans la chaine alimentaire. Les fabricants prétendent que « la toxine insecticide n’a aucun effet », mais ils n’en savent rien, ils n’ont même pas été regarder ce qui se passait dans le tube digestif des ruminants. Encore moins dans notre tube digestif à nous… Il faut savoir que nous avons à peu près dix fois plus de bactéries que de cellules dans notre corps. Celles-ci sont symbiotiques avec nous, même si on les connaît très mal ; et ces gens des sciences de la mort qui vous disent qu’il n’y a aucun effet… C’est de la folie.
Revenons au premier type de plante, celles qui sont tolérantes à un herbicide. Comment ça fonctionne ? L’herbicide agit normalement en rentrant à l’intérieur de la plante, entre autres grâce à des adjuvants favorisant la pénétration de ce dernier. Les plantes rendues tolérantes à un herbicide neutralisent l’action de l’herbicide, mais elles ne le détruisent pas. C’est le cas de la plupart des plantes Round Up ready : il y a une neutralisation de l’herbicide, mais l’herbicide n’est pas détruit, ni même décomposé. Là-aussi, il rentre donc dans la chaine alimentaire.

Dans ces deux cas, vous voyez bien que le projet est complètement fou, puisqu’il s’agit de changer le statut des pesticides. Au lieu d’être des produits dangereux qu’il faut éliminer - autant que faire se peut – de la chaine alimentaire, on veut en faire des constituants de cette dernière. Nous rendre au final tolérants, nous aussi, aux pesticides. Voilà un enjeu qui est absolument colossal, pour les fabricants de pesticides. S’ils peuvent faire des pesticides des constituants de la chaine alimentaire, ils domineront toute la chaine alimentaire...
À partir du moment où vous mettez le doigt dans l’engrenage pesticide, vous ne pouvez pas éviter de suivre, puisqu’un pesticide sera un jour dépassé par les résistances qu’il aura suscitées, il en faudra un autre, et puis après un troisième. C’est ainsi qu’on est passés des organochlorés aux organosphosphorés, aux pyréthrinoïdes, aux nicotinoïdes…
C’est en effet une forme de surenchère complètement folle, avec - par exemple - les nicotinoïdes, qui sont maintenant utilisés à des doses de un ou deux grammes par hectare : ils sont d’une telle puissance qu’ils ne s’utilisent que par très petites doses et deviennent quasiment indétectables. Résultat ? Le tonnage d’utilisation des pesticides diminue, évidemment… Ces nouveaux produits vont pourtant empoisonner la planète encore plus sûrement que les anciens. C’est une fuite en avant permanente, qui crée et élargit son propre marché de façon constante. C’est la situation du drogué : on peut dire qu’on est dans une agriculture de drogué. Aux drogues dures.

Avec quelques firmes pour uniques dealers ?
-Exactement ! Elles prétendent que l’humanité a toujours fait des transformations génétiques, depuis le début de la domestication des plantes et des animaux. Mais elles oublient de préciser qu’à cette époque, presque toute l’humanité était concernée, et que c’était une humanité de paysans, d’agriculteurs et d’éleveurs. Tandis que l’humanité voulant poursuivre la transformation entamée il y a 10 000 ans se réduit à une douzaine de firmes produisant des pesticides. Et c’est tout. C’est quand même une curieuse humanité… Celle-ci parvient pourtant à imposer ses suggestions, lesquelles sont reprises par la Commission européenne, et retranscrites quasi automatiquement dans le droit français. On est en train de confier la planète et son avenir biologique aux industriels des sciences de la mort, tout simplement. On marche vraiment sur la tête, c’est à se demander si les hommes politiques ont deux sous de jugeote....
______La chose la plus importante est de sortir de l’agriculture industrielle. De revenir à une certaine diversité. Et d’acter que le sol n’est pas, comme une bonne partie de la recherche agronomique le considère, un support linéaire, mais qu’il est simplement l’organisme vivant par excellence de la planète. C’est la petite pellicule de vie qui filtre tout, une espèce de peau par laquelle tout transite, par laquelle s’accomplissent les grands cycles de l’azote, de l’eau, des nutriments… Sur les 6 400 kilomètres de rayon de la terre, il y a 30 centimètres qui contiennent 80 % de la biomasse, c’est-à-dire de la masse vivante de la planète. Et cette toute petite pellicule de vie, on est en train de la détruire à toute vitesse. Avec l’agriculture industrielle, c’est tout simplement la désertification de la planète qu’on est en train d’organiser.

____________C’est tellement évident qu’une firme comme Evian paye même des agriculteurs dans le bassin d’infiltration de ses eaux de source pour qu’ils travaillent de façon biologique et/ou organique. De même sur les zones de captage, dans un certain nombre de villes en France, des municipalités payent les agriculteurs pour qu’ils travaillent proprement. Quand on en arrive à payer les gens pour qu’ils ne travaillent pas comme des cochons, c’est vraiment qu’il y a quelque chose qui cloche…"

-"Il faut réinventer le contraire du monde dans lequel nous sommes "(2)

"La plupart des scientifiques ont la conviction absolue de contribuer au bien-être de l’humanité ; mais ils ont aussi une capacité absolument ahurissante à se leurrer sur ce que le système attend d’eux, sur ce qu’ils font en réalité et sur ce à quoi ils servent..._______Ça, c’est le rêve. Cette idée que nous allons faire mieux que la nature, qui a quand même à peu près 4 milliards d’années d’expérience, d’essais et d’erreurs… Elle a pourtant à peu près tout essayé, conservant seulement ce qui fonctionne… Mais il faut quand même que nous jouions aux apprentis-sorciers… C’est d’autant plus dramatique que si on raisonne sur un plan strictement technique, il faut souligner qu’on sait faire autrement. On n’a pas besoin de tout ça. Je définis l’agronomie, ou l’agro-écologie, comme la science et l’art de faire faire gratuitement par la nature ce qu’on fait aujourd’hui à coups de moyens industriels ruineux. Ruineux économiquement, pour l’environnement, pour la santé publique, pour les agriculteurs, pour les paysages…_______Avec des techniques agronomiques fondées sur la gratuité, avec la possibilité pour les paysans d’avoir accès à un minimum de terre - comme en Inde -, qui équivaudrait à environ un demi-hectare, on peut parfaitement s’en sortir. On peut très bien vivre sur un demi-hectare, voire moins. Des travaux ont été menés, basés sur le meilleur des techniques de jardinage européennes, asiatiques et africaines : ils ont prouvé que dans un milieu tempéré, avec deux ou trois mois d’arrêt de végétation, on peut vivre avec 450 mètres carrés par personne, de manière un peu frugale, avec un recyclage systématique et avec de l’eau. 450 mètres carrés, c’est très peu… Il n’est pas question, bien évidemment, de faire ça, mais cela montre bien qu’on a de la réserve pour nourrir la planète. Mais ce n’est pas du tout en cherchant vers la monoculture industrielle qu’on va résoudre le problème…_______La situation aura bientôt tellement empiré qu’on n’aura pas d’autre choix que de se poser cette question : « Dans quel monde voulons-nous vivre ? » Il va falloir en inventer un autre. Ça ne se fera pas facilement. Mais c’est possible. C’est une évidence. Et le basculement finira par s’opérer. On peut, on doit passer à autre chose..."

-Economie politique des OGM et leurs enjeux
-Le brevet tue
-Les OGM augmentent nettement la consommation de pesticides

-Vers une agriculture raisonnée
-Lettre ouverte aux agriculteurs progressistes qui s’ apprêtent à semer du maïs transgénique
- Jean-Pierre Berlan, INRA : OGM ou la perversion du vocabulaire
-OGM et Génétique Agricole. Jean-Pierre Berlan.
-Non au pillage génético-industriel

-Le Roundup devrait être interdit__-L'Argentine, son soja OGM et ses problèmes sanitaires...-__L'abeille et la bête... humaine___-L'agriculteur, l’herbicide et Monsanto___-L'eau du robinet : pas très claire pour les malades du cancer...___-Inde : Suicide collectif de 1 500 paysans - Les OGM en question...
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-OGM: Barroso s'obstine
-Colère paysanne
- Semences vitales

-Pesticides:bombe à retardement
-L'Argentine, le soja et Monsanto
-Déréglement agroalimentaire?
-Nourrir la planète ou gonfler les profits ?

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