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dimanche 5 décembre 2010

Du lard ou du cochon


Dur, dur d'être un cochon!

Ou un porc , comme on veut...



__Je me considère comme injustement traité et j'aimerais que les hommes qui me connaissent bien militent pour la défense de mon espèce, pour les "droits du cochon", souvent déconsidéré moralement et maltraité physiquement.
Je suis à la fois la fois ou tour à tour déprécié et apprécié, méprisé et valorisé. C'est selon. Allez comprendre!...Je subis le poids d'une déjà longue histoire alimentaire chargée d'une symbolique riche et contrastée .
Cette ambivalence est ancienne, sans doute depuis que les hommes m'ont adopté, que je me su
is moi-même attaché à eux. Car je suis très sociable, même s'il m'arrive parfois d'être grognon.
Je suis en fait très
familier et attachant. Proche de la famille, je me nourris souvent de leurs restes et vaque autour de la ferme, toujours curieux, les yeux vifs malicieusement cachés derrière mes oreilles souvent tombantes. Du moins c'était comme ça autrefois...
J'envie mon cousin corse ou vietnamien, qui a moins de contraintes spatiales, et parfois je rêve de la liberté totale de
mon ancêtre supputé, le sanglier.
Mais à force de côtoyer les humains, j'apprécie de ne pas avoir le souci de chercher ma nourriture. Il faut savoir choisir dans la vie! Evidemment , la contre-pa
rtie fâcheuse de cette sédentarité forcée mais confortable est de prendre de l'embonpoint, de "faire du lard", de vite dépasser le "poids idéal" et de réjouir le fermier qui me tâte souvent, rêvant déjà de boudin et de côtelettes grillées...C'est le but du jeu. Un cochon anorexique ne ferait pas de vieux os.
_Je suis plus propre qu'on ne le dit si on m'offre de bonnes conditions de vie et si l'on prend soin de moi. Ce sont les hommes qui nous rendent "cochons".
Je ne supporte pas le confinement et la trop grande promiscuité. J'ai ma fierté. Je proteste contre les conditions faites à mes frères esclaves des industriels de la bidoche, immobilisés sur un minimum de place, tenant à peine sur leurs pattes et subissant force piqûres et fast food insipide. Je préfère pommes de terre, petit lait et reliefs de repas à heure fixe, que me propose la fermière soir et matin, avec un mot gentil.
Les enfant
m'adorent, quand je suis petit. Sur mon compte, on a forgé pour eux historiettes, chants et contes moraux.
Il est vrai que je suis du genre plutôt gentil, pas agressif pour un sou, sauf si on me maltraite. Je n'ai pas un caractère de cochon, quoiqu' on dise. Je sais ce que je veux, c'est tout! Je suis un animal très familier et, si l'on l'on sait me prendre, je peux même faire le bonheur de la famille, en compagnie du chien et du chat. Certains aujourd'hui m'élèvent uniquement pour le plaisir de la compagnie. Le rêve!

Je suis bon à tout de bout en bout,du groin jusqu'à la queue.Les hommes savent le reconnaître justement, quand au grand jour du meurtre rituel festif, "la fête du cochon", ils me rendent un juste hommage en se mettant à festoyer, à boire et à chanter:

Tout est bon dans le cochon
Du groin jusqu'au jambon, c'est bon.
La rate
et les rognons,
La queue en tire-bouchon, c'est bon.

Désormais je veux chanter le cochon Le pâté, le saucisson.
Répétons sur cet air polisson:
"Qui c'est qu'est bon c'est le cochon. C'est bon....."

__Bon, je le suis même pour la médecine,dans les laboratoires où je sais rendre d'utiles services à mes cousins les hommes,malades (insuline, greffes de peau, organes...) .
Je suis si proche de lui, même si cela ne lui plaît pas toujours de le reconnaître...
__C'est peut-être d
u fait de cette proximité spatiales et physiologiques que les hommes ont des attitudes très ambivalentes à mon égard, faites d'intérêts et de dégoûts, voire de tabous ancestraux dans certaines cultures (comme ici aussi). ("...Parmi les ruminants et parmi les animaux à sabot fourchu et fendu, vous ne pourrez manger ceux-ci : le chameau, le lièvre et le daman, qui ruminent mais n'ont pas le sabot fourchu ; vous les tiendrez pour impurs. 8. Ni le porc, qui a bien le sabot fourchu et fendu mais qui ne rumine pas : vous le tiendrez pour impur. Vous ne mangerez pas de leur chair et ne toucherez pas à leurs cadavres". (Deutéronome, XIV, 7-8)
Je me demande bien pourquoi... Difficile à comprendre pour un cochon. Est-ce que je diabolise les hommes, moi? Les hommes me surprendront toujours par leurs croyances parfois bizarres. Ils se compliquent souvent bien la vie.
_Bon pour ma chair, je le suis aussi pour tous les préjugés
Les hommes m
'utilisent beaucoup pour exprimer ce qu'ils sont eux-mêmes...ils appellent cela projection. "Cochons" eux-mêmes à bien des égards, ils m'attribuent du coup leurs propres défauts et vices. Je suis même parfois un contre-modèle éducatif (" travailler comme un cochon"). Il leur faut bien un bouc émissaire, les pauvres! Les plus proches sont souvent les premiers visés. Il est arrivé que Le cochon soit toujours coupable. Belle manière de faire de l'anthropomorphisme à bon compte et de s'innocenter soi-même!...
("A Falaise, en 1386...on est allé jusqu'à vêtir un cochon_de mauvaise vie?_ d'habits humains pour l'exécuter, et inviter les paysans à voir le spectacle avec leurs porcs pour que ça leur serve de leçon ! La fréquence de ces procès d'animaux reste un mystère, mais une chose est sûre : neuf fois sur dix, cela concernait des cochons..").
Sont cons, les hommes!


_J'ai cru deviner qu'ils m'aiment et prennent soin de moi surtout pour les sausissons et tout le parti qu'ils tirent de moi, la vaste gamme des produits salés, fumés qu'ils sont habiles à fabriquer avec tant de talent et de diversité, de la Flandre à la Corse...Je leur rends de grands services...alimentaires. C'est la cochonaille qui les motive. Je les connais bien, les hommes...
Car je les les ai côtoyés depuis des siècles; j'ai déjà une longue histoire, mon origine est ancienne.
Je suis devenu une référence de premier plan en milieu rural, le roi des campagnes! La prospérité paysanne aurait-elle pu se développer sans moi? (
"...le cochon fut longtemps la viande favorite des habitants des campagnes, « n'y ayant point de paysan , rapporte Vauban dans ses Oisivetés, si pauvre qu'il soit, qui ne puisse élever un cochon de son crû par an »).
Je suis à l'origine de traditions encore vivaces dans nos campagnes. Hélas! les viandeurs bretons sont en train de les tuer et les supermarchés m'ont réduit à un produit banal et insipide..Adieu boudin frais du jour, saloir, fumage lent et amoureux. Je hais le progrès, qui a tué le vrai cochon à peu près partout, sauf dans de rares régions où vivent encore d'heureux cochons...Mais ailleurs...
On ne vend plus que du sous-cochon, de la cochonnerie.
Beurk! Cochon!

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Toute allusion à des souvenirs d'une enfance rurale n'est évidemment pas fortuite...
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Article paru dans Agoravox

1 commentaire:

Antoine a dit…

ouais manger du cochon passe encore mais au moins il faudrait les laisser courir dans des espace vert au lieu de les mettre dans ces cages :(