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lundi 9 août 2010

Frontières du moi

Enigme de l'identité




___ L'homme, unique et divers





_Les progrès de la recherche microbiologique nous confrontent de plus en plus à une complexité que naguère encore nous ne soupçonnions pas et à des questions paradoxales, qui élargissent notre notion du vivant et notamment la notion d'identité (biologique): nous sommes à la fois permanents dans le temps et sans cesse en transformation interne, de manière à la fois déterminée ET aléatoire, le vieillissement repérable extérieurement n'étant qu'un épiphénomène.
Cela étonnait déjà certains philosophes de l'Antiquité

"...Cette exploration de cette part de l'identité de l'individu qui traverse le temps interroge la philosophie autant que la biologie, car la définition même de l'individu ne va pas de soi. C'est même, observe Thomas Pradeu, «un des problèmes les plus débattus de la philosophie de la biologie contemporaine».L'individu, un problème? Voilà qui est pour le moins contre-intuitif. Ne savons-nous pas, comme le soutenait déjà Aristote qui prenait l'exemple du cheval, qu'un individu biologique est un organisme, cas particulier d'une espèce, que l'on peut délimiter par des frontières, et qui est unique? Les choses sont bien plus complexes.Un être humain, qui ne peut vivre sans les millions de milliards de bactéries qui peuplent son corps, est-il un individu? Ne faut-il pas plutôt considérer l'écosystème que son corps forme avec ces bactéries comme le véritable individu? Le vertige identitaire s'accroît encore lorsque l'on considère l'ensemble du vivant..."(JJ.Kupiec)
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Pistes...:

«J'ai une barque faite de planches et les planches s'usent une par une. Au bout d'un certain temps, toutes les planches ont été changées. Est-ce la même barque?»
interrogeait l'oracle de Delphes. Depuis deux millénaires, la question passionne les philosophes. Ce qui reste identique lorsque tout change, est-ce l'âme, la conscience, l'esprit? Quelle est la nature de l'ipséité, selon le néologisme forgé par le philosophe Paul Ricœur dans Soi comme un autre (Le Seuil, 1990) pour désigner cette identité de l'individu qui traverse le temps de sa vie. Ces vieilles questions taraudent à présent les biologistes. Alors que les molécules et les cellules qui composent notre corps ne cessent, comme les planches de la barque de Delphes, de se renouveler, qu'est-ce qui fait que nous restons nous-mêmes? ...
«On a longtemps pensé que la disparition de nos cellules –comme notre propre disparition, en tant qu'individu– ne pouvait résulter que d'accidents et de destructions, d'une incapacité fondamentale à résister à l'usure, au passage du temps et aux agressions permanentes de l'environnement. Mais nous savons aujourd'hui que la réalité est de nature plus complexe. Une vision radicalement nouvelle de la mort s'est révélée comme un mystère au cœur du vivant»
, explique le biologiste Jean-Claude Ameisen, professeur d'immunologie à l'université Paris 7....
__[La mort est vraiment au principe même du vivant]
________________________________________...Loin d'être pathologique, ce suicide cellulaire est partie intégrante du fonctionnement normal d'un organisme, dès les toutes premières étapes du développement. L'apoptose contribue ainsi àconférer sa forme au corps. A l'âge de trois mois, le fœtus a par exemple les doigts réunis entre eux. C'est la mort cellulaire qui, «sculptant le vivant, comme pour dégager un gant d'une moufle», selon l'expression d'Ameisen, va permettre l'individuation de chacun des doigts.Le phénomène est encore plus massif dans le système immunitaire et le cerveau. Quelque 99% des lymphocytes produits sont ainsi éliminés dans le thymus, au cours de la vie embryonnaire et il en va de même d'une bonne moitié des neurones. Chez l'adulte encore, la mort cellulaire participe au bon fonctionnement du corps. Le remodèlement, tout au long du cycle menstruel, de la paroi utérine, est ainsi permis par l'apoptose des cellules qui le constituent. Autre exemple: l'érythropoïétine, plus connue sous le nom d'EPO depuis de retentissants scandales de dopage dans le cyclisme, stimule la production de globules rouges en inhibant leur mort programmée. Le corps génère ainsi en permanence un excès de cellules, dont la plupart sont vouées à la disparition. «L'identité d'un individu ne peut se comprendre sans prendre en compte tout ce qui a disparu dans un corps en reconstruction permanente», souligne Ameisen...
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Les biologistes rechignent à abandonner une théorie qui a été hégémonique pendant des décennies et qui reprend, comme le souligne le philosophe des sciences Thomas Pradeu de l'université Paris 4, «des idées philosophiques remontant au XVIIIe siècle, comme le préformationnisme qui soutient que l'œuf contient déjà tout l'individu à venir»...
_Jean-Jacques Kupiec, [qui] défend depuis 25 ans une théorie alternative au programme génétique rencontre de plus en plus d'écho. Kupiec s'efforce de tirer les conséquences théoriques de la découverte que le hasard est au cœur du fonctionnement cellulaire. Pour lui, chaque cellule fluctue de manière aléatoire entre différents états d'expression de ses gènes en fonction des interactions qu'elle établit avec ses voisines. Seules celles qui sont le mieux adaptées à cet environnement cellulaire survivent. «Ma théorie, mélange de hasard et de sélection, est conceptuellement analogue à celle de Darwin, à la différence près qu'elle s'applique au milieu intérieur d'un organisme. L'échelle à laquelle s'opère la sélection n'est donc plus l'individu mais la cellule», explique le chercheur
...
Si l'on adopte la perspective du darwinisme cellulaire, il est en revanche logique que les fluctuations aléatoires de l'expression des gènes au sein d'une cellule conduisent à de nombreuses aberrations rendant la cellule non viable et entraînant sa mort. C'est aussi ce qui expliquerait que les trois quarts des embryons meurent dans les premiers jours suivant leur nidation dans la paroi utérine. Ces avortements spontanés et invisibles résulteraient de configurations impropres d'expression génétique nées du hasard et rendant les embryons non viables.
Mais si l'organisme se développe, puis fonctionne, de manière aléatoire, qu'est-ce qui rend compte de sa permanence? Une première réponse à cette question se trouve dans le cerveau. Ce n'est pas par hasard que les cellules nerveuses soient, des quelque 200 types cellulaires du corps humain, un des rares à ne plus se diviser. Contrairement à ce que l'on croyait il y a encore 15 ans, de nouveaux neurones peuvent bel et bien être formés chez l'adulte, même s'ils sont quantitativement peu nombreux. En revanche, les neurones formés lors de la vie embryonnaire ne peuvent plus, une fois intégrés dans les circuits cérébraux, se diviser. C'est donc dans le cerveau qu'il faut chercher l'explication de la permanence de la conscience de soi traversant les années. Mais force est de reconnaître qu'il existe à peu près autant de théories de la conscience que de chercheurs travaillant dans ce domaine. Le seul véritable acquis est l'idée que la mémoire fait appel au renforcement de certaines connexions au sein de réseaux neuronaux existant ou à la formation de nouvelles connexions. «De même que le système immunitaire ne cesse de changer au cours de la vie, en fonction du milieu dans lequel évolue l'individu, son système nerveux ne cesse de se remodeler. C'est ce changement permanent d'identité qui assure la mémoire des expériences passées. Si le corps peut se souvenir, c'est parce qu'il est devenu autre»...
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[Voir:Plaidoyer pour un darwinisme cellulaire]
____[L'origine des individus]
... La véritable échelle de temps pour penser ce phénomène est celle des centaines de millions d'années de l'évolution, qui voient sans fin apparaître nouveaux individus et nouvelles espèces en un même processus..."
___-_Identité biologique : gènes génomes et environnement__________

-Merci à Mediapart , à N.Chevassus et S.Dufeau

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Zen , j'ai aussi remarqué ces remarquables articles concernant les questions de frontières du moi de l'identité et immunologiques sur médiapart .
Mon propos n'est pas de le commenter mais de te transmettre mon amitié puisque je n'ai plus la possibilité de le faire sur Agx,ce qui n'est peut être pas plus mal ...( Mon souhait premier ayant été de rompre avec ce site )

J'aime bien aussi ton article sur D. Barenboihm...Un sage ,qui n'a pas rejoint le camp des jusqu'au boutistes ...La situation de ce coté est totalement préoccupante : D.B pense que les extrémistes du grand Israël ne représentent que 20 %...Je crains qu'il ne fasse erreur vu la propagande auquel est soumis ce pays ...En attendant les dernier évènements au Liban et Gaza n'indiquent pas de retournement de la situation , plutôt la course en avant...Ah oui , il y a un lien :il n'y a aucune différence tissulaire entre Palestiniens et Hébreux d'origine : on s'(en serait douté !

Mais chez nous ,dans notre pays , ce n'est pas mieux !

J'ai passé un peu de temps sur le site de J. Généreux ce matin : il en vaut le détour...

Il y a aussi ce curieux problème du dernier "sondage" IFOP , dont on trouve des analyses sur les sites Rézo.net ,et celui de "le Yéti" .

Bon, j'ai enregistré ton site , donc à l'occasion je reviendrai commenter...

chantecler

PS :rien ne t'oblige à laisser ce commentaire sur ce fil , puisqu'il est relativement hors sujet .

Etienne Celmar a dit…

Bonjour Chantecler
Merci de ta visite et des encouragements
Je rejoins tes préoccupations, comme tu as pu le lire
Tes commentaires m'intéressent
Banni de AV? Je n'ai pas suivi ni compris ton retrait, ayant déserté un bon moment. Pas grave! A part un article ou deux par jour, la qualité n'est plus au rendez-vous.Et puis...toujours les mêmes têtes!
Cordialement