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jeudi 17 mars 2011

Pauvre Mexique!

Evolution inquiétante


Le Mexique sombre (un peu plus) dans la violence

Le bilan est effrayant. Un des pays où l'on meurt le plus de mort violente.
Même si le touriste ne voit rien, de Monterrey à Merida.
Certains diront que la violence est inhérente à l'histoire du Mexique, depuis ses origines aztèques. Une hypothèse discutable, car combien de pays sont nés dans la violence et se sont apaisés avec le temps, les rencontres, les échanges, les brassages culturels?
Le fascinant et merveilleux Mexique est devenu une sorte de narcoétat , avec des ramificatio
ns et des complicités à tous les niveaux, même si c'est la zône frontalière avec les USA qui est la plus touchée (ce n'est pas un hasard), avec le Chiapas.
Le puissant voisin du nord n'est pas étranger à cette gangrène qui gagne, notamment depuis les accords Bush-Calderon. Les enlèvements contre rançon affectent de nombreuses villes du pays. Restera-t-il dans ce pays magnifique beaucoup de havres de paix dans quelques années?
Les métastases gagnent le corps social tout entier. La corruption atteint la plus haute administration, la police, l'armée, le sommet de l'Etat.
La violence semble être devenue "hors de contrôle".
La terreur silencieuse est si répandue qu'elle est devenue une manière de vivre en certains lieux.
Certains osent témoigner, comme certains écrivains ou certains journalistes
___Comme dit l'historien Alèssi Dell'Umbria,

"....Si le Mexique existe encore en 2110, il se souviendra que 2010 aura été l’une des années les plus sanglantes de toute son histoire. La « guerre au narcotrafic » aura fait à ce jour 34 000 morts, et près de la moitié ont été tués en 2010. Une grande partie de ces morts sont considérés comme dommages collatéraux.
_Faut-il dresser l’épouvantable comptabilité ? Le 22 octobre 2010, le journal
Reforma recensait 9 598 exécutions dans le pays depuis le 1er janvier. Mais l’addition augmente d’heure en heure ; ce même jour, 14 jeunes étaient tués dans une fête d’anniversaire à Ciudad Juarez, Chihuahua. Le 24, 13 jeunes en désintoxication étaient tués dans un centre de cure à Tijuana, Basse Californie. Le 28, des pistoleros attaquaient trois bus transportant le personnel d’une maquiladora de Ciudad Juarez, tuant cinq o
uvriers et en blessant quatorze. Le 30, 15 jeunes, dont onze en cure de désintoxication, étaient tués dans un carwash à Tepic, Nayarit. En janvier 2011 le porte-parole du cabinet de sécurité nationale a admis 13 593 exécutions pour toute cette année 2010. Ce qui ferait donc, en rapprochant ce chiffre de celui de la Reforma, 3 995 pour les seules dix dernières semaines de l’année…
_Ceux qui ne font que passer en direction des USA n’échappent pas davantage au danger. Ce sont les
Zetas qui, avec la complicité notoire de la pol
ice, contrôlent le racket des immigrants et exécutent les récalcitrants. Durant le même mois d’octobre 2010, une fosse était découverte à San Fernando, Tamaulipas, à une centaine de kilomètres de la frontière. Les cadavres de 72 immigrants d’Amérique centrale y avaient été entassés. On peut seulement supputer que cette fosse constituait un message…
_C’est que plus la frontière se rapproche, plus le danger se précise. La frontière n’est plus seulement une ligne de démarcation entre le
primer mundo et les autres, faite de murs et de barbelés. La frontière est devenue un rapport social, qui implique la violence – quiconque exploite la frontière en trafiquant doit contrôler les voies de passage, éliminer les concurrents et intimider les mauvais payeurs. La drogue, comme l’immigrant clandestin, sont deux marchandises qui démultiplient leur valeur du simple fait de passer la frontière. À un certain point, cependant, la balance commerciale entre les deux côtés tend à se stabiliser : si la drogue latino traverse la frontière dans un sens, les armes de fabrication yankee la traversent en sens inverse....

Le grand frère yankee, plutôt que d’assumer la « guerre au narcotrafic » à l’intérieur de ses propres frontières, préfère l’exporter au-delà. Histoire de neutraliser un pays qui constitue depuis 1994 une poudrière. Cela fait donc quatre ans que le Mexique tout entier, et plus spécialement le Nord, vit dans un état d’exception non déclaré. L’article 29 de la Constitution permettrait au pouvoir législatif de déclarer un tel état ; les généraux mexicains, gênés de n’avoir aucun cadre légal précis pour soutenir leur action, y seraient favorables. En réalité, la déclaration ne serait plus qu’une formalité juridique, dont le gouvernement peut aussi bien se dispenser. Le général Guillermo Galván, Secrétaire à la Défense nationale, a déclaré en janvier 2011 que la présence militaire dans les rues du pays va devoir durer encore dix ans. Le général regrette qu’il en soit ainsi, et suggère qu’une coopération plus étroite avec les USA pourrait raccourcir ce délais… Il se dit prêt à accepter toute proposition en ce sens. Ce petit chantage semble préparer le terrain à une présence militaire US sur le territoire mexicain, selon les dispositions appliquées en Colombie où, depuis 2009, une dizaine de bases américaines ont été installées en accord avec le gouvernement, au nom de la « lutte contre le narcotrafic et le terrorisme », ce dernier étant assimilé aux mouvements de guérilla. Amalgame sur lequel Hillary Clinton insiste lourdement en évoquant le spectre d’une narcoinsurgencia lors de ses déplacements dans la capitale mexicaine. Ajoutons que des milliers de soldats et d’officiers mexicains reçoivent périodiquement un entrainement militaire en Colombie....
Aujourd’hui, les narcos ne sont plus seulement des trafiquants de substances illicites. L’accumulation primitive qu’ils ont réalisée en si peu de temps leur permet de contrôler des secteurs entiers de la vie sociale, d’investir où ils veulent et de taxer qui ils veulent. Les narcos sont à présent un pouvoir qui a infiltré une société méthodiquement désarmée.
La force capable de les contrer ne viendra pas d’en haut, de l’État, mais d’en-bas, de communautés organisées et armées prêtes à défendre leur territoire. Le monopole de la violence qui caractérise l’État n’a au Mexique plus rien de légitime...
." (Alèssi DELL’UMBRIA, _Oaxaca janvier 2011.)

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