_____________Je m'suis fait tout seul et j'ai réussi, parce que je le vaux bien...
Moi, monsieur, j' suis parti de rien...
______________________________De rien? Vraiment?...
Personne ne se fait tout seul. L'anthropologie et la psychanalyse montrent que tout individu ne serait rien sans un milieu qui le porte, une culture qui le fait être humain...
Nous sommes donc toujours en lien avec un héritage social, un modèle familial, même si nous les ignorons ou les refusons, fortement conditionnés par des facteurs dont nous ne pouvons nous extraire qu'en partie ou en imagination. Nous sommes dépendants d'un monde humain particulier, qui nous a fait ce que nous sommes..
Mais chacun a toujours la possibilité de faire des écarts, de sortir des normes, de se distinguer, de mettre en oeuvre des capacités particulières, qui peuvent l'élever au dessus du lot et l'amener, dans certaines conditions, à une certaine réussite sociale et financière. Parfois en tant qu'héritier, parfois sans appuis particuliers.
On ne peut méconnaître la part de volonté entrepreneuriale, d'ambition exceptionnelle qui peut entraîner des individus à se dépasser et s'engager dans des aventures industrielles et financières qui font leur prospérité et leur renommée, comme Bill Gates, talentueux concepteur mais enfant de son époque technologique; on doit lui reconnaître cependant beaucoup d'opportunisme et de pratiques monopolistiques.Le désir de dépassement, de réussite sociale, qui est plutôt positif, a de profondes racines historiques, culturelles et familiales, comme Balzac l'avait bien vu..
_______Ce qui fait problème c'est la prétention à être son propre créateur, le libre sculpteur de soi-même, ne devant rien à personne
Il faut reconnaître que l'expression self-made-man est abusive et fonctionne le plus souvent de manière condescendante, culpabilisante et exclusive: les losers et les pauvres mériteraient leur sort, idée qui nous vient du darwinisme social propre au rêve américain (1)

______Les critères de la réussite et de son coût, par exemple celle des grands capitaines d'industrie et de la finance, peuvent légitimement être contestés.
Vouloir réussir, ça peut-être raté...
Et réussir quoi? « Toute vie qui n'a pour but que de ramasser de l'argent est une piètre vie. » (disait A Carnegie, le milliardaire mécène, qui pourrait inspirer quelques winners d'aujourd'hui...)
Il y a matière à réfléchir quand on s'interroge par exemple sur le cas Tapie, figure tant valorisée dans les années 80, ou sur les conditions de la fortune de F.Pinault, l'ambition de JMMessier, le parcours de B.Arnault... à l'heure de la logique de caste et de l'aggravation des inégalités
A leur époque, Carnegie a su profiter du développement fulgurant du rail, W Buffet, Soros, du contexte spéculatif contemporain, Ford n'a pas brillé pas l'excès de scrupules, pas plus que Rockefeller...PC Roberts parlaient de nouveaux barons pillards, monopolisant les fortunes, comme le maître du crédit, J.Pierpont Morgan, fils d’un banquier, ayant hérité de son géniteur l’horreur de la concurrence « qui, dit-il, crée la banqueroute et lamine les profits » ! Pendant la Guerre de Sécession, cet adolescent prometteur achète à un arsenal, 3,5 dollars pièce, des fusils qu’il revend à un général nordiste 22 dollars chaque !"
_________Le mérite, valorisé jusqu'à l'excès, est souvent une valeur faussée, oubliant l'importance des occasions heureuses et du tissu des relations dans le succès social.

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- L’illusoire méritocratie américaine
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