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vendredi 27 février 2015

De Vesoul à Kaboul

 Il s'appelait Pierre Choulet.
                                              Il est parti soudainement de Haute-Saône en Syrie, rejoindre les rangs de Daesh. Il y a laissé sa vie.
Cela aurait pu être Maubeuge ou Nice ...
    Il était sans histoire apparente. Non issu de l'immigration, il ne vivait pas dans une banlieue à problèmes, avait un profil psychologique apparemment normal, n'avait pas de passé judiciaire, préparait des études supérieures. Plutôt gentil, rien, selon ses parents, effondrés, ne laissait supposer son engagement subit.  Un garçon ordinaire. Troublant.
  Jeunes français, belges ou danois, ces cas laissent perplexes.Les parcours sont variés, les motivations  pas toujours claires. Presque impossible de dresser une profil type. Les itinéraires sont complexes. Même si une majorité semble avoir été conditionnée par des fréquentations réelles ou virtuelles avec des milieux islamiques radicaux, fondamentalistes, dans la mouvance des Frères musulmans ou de courants salafistes wahaabistes.
       L'interprétation globale de la majorité de ces cas reste délicat, car les causes sont multifactorielles, les motivations souvent confuses, même si la détermination est la même. Une typologie globale est aventureuse.
    La fabrique de "monstres" recrute encore, même s'il ne faut pas exagérer. Sans doute, autour de 700 cas répertorié jusqu'à maintenant, selon certains spécialistes. Même si nous ne sommes peut-être qu'au début d'un processus, même si in fine le recrutement se tarira inévitablement.
    La barbarie sous couvert de religion ne leur apparaît pas pour ce qu'elle est, faussement auréolée d'héroïsme à portée d'avion, d'engagement radical et de secret destin suicidaire.
          Les chemins de la radicalisation, quels qu'ils soient (ou furent), sont divers et variés, même si des constantes sont repérables, que l'on retrouve aussi souvent dans l'engagement sectaire.
    Selon Pierre Conesa, "...Le salafisme djihadiste a deux dimensions spécifiques. Il n’est pas qu’une pratique religieuse, mais la construction d’une identité politico-religieuse totalitaire qui se concrétise dans sa prétention à représenter l’ensemble des musulmans de la planète (oumma). La stratégie de ghettoïsation qu’il souhaite imposer à la composante française musulmane s’exprime à travers des revendications clivantes sans cesse renouvelées (alimentaires, vestimentaires, comportementales, scolaires…). Il rejette toutes les autres pratiques de l’islam en s’accordant un droit d’excommunication (takfir). Les enfants refusent l’islam des parents, allant parfois jusqu’à la rupture. Ses principaux ennemis sont d’abord d’autres musulmans (chiites, soufis ou autres écoles sunnites). Le terrorisme salafiste tue aujourd’hui dix fois plus de musulmans que de non-musulmans.
Sa seconde caractéristique est son extrême sensibilité aux questions géopolitiques, exacerbée à la fois par son idéologie complotiste et par les résultats catastrophiques des multiples interventions occidentales dans le monde arabo-musulman. Le salafisme djihadiste est parvenu à faire de la défense de l’oumma la nouvelle idéologie tiers-mondiste mobilisatrice de jeunes à la recherche d’une cause. Il parle à la génération Internet à travers les moyens les plus modernes, avec en particulier des clips et pas du texte, des images de guerre ressemblant à des jeux vidéo, des images de massacres, le culte des héros… Il est engagé dans une guerre planétaire contre l’Occident, mais aussi contre les autres pratiques de l’islam. Cette vision totalitaire cherche à imposer ses règles, à rejeter les formes républicaines et à légitimer au moins intellectuellement l’usage de la violence, qu’elle présente comme vengeresse.
   Les responsables des organisations musulmanes de France, empêtrés dans leurs rivalités personnelles et organisationnelles, ont longtemps observé une attitude réservée, voire complice, vis-à-vis de ces pratiques radicales. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) n’a pas réagi à la radicalisation que traduisaient les affaires Merah et Nemmouche. Il a été involontairement aidé en cela par une politique publique discrète dont la dimension policière occupait l’espace médiatique..."
                        Par sa relative inorganisation, sa violence destructrice et ses oppositions internes radicales, le mouvement qui se constitue sur les ruines de l'Irak et d'une partie de la Syrie est condamné à s'autodétruire.
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