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samedi 22 février 2020

Chut! on privatise...

A bas bruit.
           Les voyages, dit-on, forment la jeunesse, mais ils contribuent aussi à la richesse. Ils ne sont pas que loisirs, ils sont aussi des outils d'échanges et de développement. Depuis longtemps. Qu'il soient urbains ou inter-cités.
  Nous sortons à peine d'un âpre débat sur le statut de la SNCF, pas toujours très clair, où de nombreux aspects sont restés masqués. L'ambiguïté plane toujours. Déjà des présidents de région s'agitent pour introduire du privé  dans les chemins de fer locaux.

    Des erreurs d'aiguillage ont été  commises, pas seulement au Royaume-Uni.
Les réticences ont été nombreuses vis à vis de certaines mesures, même si des aménagements étaient sans doute nécessaires. La question de la dette n'a pas été sérieusement examinée.
     Surtout, les coûts futurs la privatisation envisagée n'ont pas été sérieusement envisagés. (*)
     Un processus et une gestion où le profit tient la première place, où les actionnaires réclament leur dû.
                 ___(*)  ...Cette politique est fortement encouragée par l’Union européenne particulièrement sur le marché de l’énergie (électricité et gaz). Elle est souvent un préalable à la privatisation qui représente un transfert d’une partie, voire de la totalité du capital d’une entreprise du secteur public au secteur privé (Française des jeux, en novembre 2019).
En Europe, la privatisation du rail s’est traduite par une augmentation des prix et une perte de la moitié des effectifs, et ce même dans les pays à forte productivité. En outre, la transition du secteur public au privé induit une précarisation de statut des cheminots. Nous sommes donc bien loin d’une amélioration de service ou d’une baisse des coûts.
     En Grande-Bretagne, on a observé le développement du travail à temps partiel et donc des réductions importantes du salaire moyen. En Espagne, les négociations salariales ne sont plus régionales mais effectuées entreprise par entreprise et sont indicées sur le chiffre d’affaires. En Irlande, on a constaté une augmentation des heures supplémentaires non rémunérées.
     Chez nos voisins anglais, malgré des augmentations de fréquentation, les prix du billet sont six fois supérieurs à la moyenne européenne pour un service de moindre qualité et ont bondi de 25 % (hors inflation) depuis 1995. Un usager britannique dépense en moyenne 14 % de son salaire mensuel dans les transports.
    Les trains anglais demeurent les plus chers en Europe et cela malgré des subventions importantes de l’État anglais. Dans un sondage officiel, 60 % des Britanniques sont favorables à une renationalisation des transports d’autant plus que cette opération permettrait une économie de plus d’1,5 milliard de Livres qui permettrait de réduire les tarifs de 18 %. En outre, la qualité du service s’est détériorée engendrant des retards considérables, des trains bondés et des accidents qui ont marqué la conscience collective (accident de Hatfield en 2000 avec un bilan de 4 morts et 70 blessés).
    Le constat est plus spectaculaire en Allemagne. L’ouverture du rail à la concurrence remonte à 1994 et a engendré un coût social important avec des effectifs qui sont passés de 350000 à 220000. La privatisation du rail reste cependant légère avec seulement 10 % des 33000 km, passés sous gestion privée.
      De 2005 à 2016, les tarifs moyens ont explosé de 40 % pour les trains régionaux (environ 2,2 fois plus vite que l’inflation sur la période) et de 31 % pour les trains longue distance (environ 1,7 fois plus vite que l’inflation). La qualité du service s’est également détériorée avec notamment un train sur quatre en retard et des accidents de plus en plus nombreux.
    Plus loin, le modèle japonais est très marqué par son efficacité et l’absence de retard mais avec un revers de la médaille : la cherté du service. Ainsi, il faut débourser plus de 200 euros pour un trajet de deux heures. C’est l’équivalent d’un aller-retour Paris-Lyon.
    Lors d’une privatisation, l’acquéreur privé intègre dans ses charges le coût du capital qui représente la rémunération qu’il doit verser aux actionnaires et aux agents qui l’ont financé. Ce coût supplémentaire est répercuté sur le prix de vente final et fait croître ainsi le prix payé par le client.
    Fatalement, la privatisation conduit à une augmentation du prix pour les usagers. Seule une situation extrêmement concurrentielle pourrait amener une entreprise privée à réduire fortement ses coûts, ce qui la dissuaderait au final à investir dans l’activité.
    En définitive, on comprend bien que la concurrence pure et parfaite développée par la théorie néoclassique, modèle économique qui vise une situation d’équilibre déterminant les quantités et les prix des biens, ne peut s’appliquer ici. En réalité, « elle est plus rare encore qu’un train italien arrivant à l’heure ». En effet, le marché des services publics s’efforce d’augmenter le bien-être collectif tout en évitant les pertes. Son objectif n’est pas le profit maximum mais la satisfaction maximale de la société, quitte à engendrer un déficit ne répondant pas aux principes de la concurrence. En tout état de cause, « la libéralisation ne conduit pas à une baisse des prix, bien au contraire souvent »...
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