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jeudi 22 juillet 2021

Au nom de la langue

 Défense et illustration.. [Bis repetita...]

                                 ...D'une langue mise à mal
                                            Ce n'est rien de le dire. Pauvre français! si riche...
  Sans vouloir dramatiser à outrance, sans passer pour un taliban de la langue, qui évolue sans cesse, il faut bien constater que le niveau de langue s'érode,  que l'expression devient de plus en plus approximative, que la grammaire n'est plus intériorisée (ce qui n'est pas sans conséquences au niveau logique), que le vocabulaire s'appauvrit et que la colonisation  par le globish est de plus en plus rapide. C'est plus qu'un emprunt occasionnel, c'est devenu une marotte ridicule. Même mon coiffeur s'y met.
    C'est l'effet de multiples causes, culturelles et économiques bien sûr, mais renforcé par l' abandon progressif d'un enseignement digne de ce nom, où le ludique a souvent supplanté les bases linguistiques fondamentales  et la nécessaire rigueur. Une langue mérite d'être travaillée, au-delà de son aspect utilitaire. Les vrais amoureux de la langue se font rares.
    Si encore il ne s'agissait que de l'orthographe,... C'est l'expression de la pensée qui est malmenée. On peut le voir jusque dans nous universités et nos écoles d'ingénieurs, où la pensée souvent pâtit d'un manque de rigueur. Par ex, la confusion entre le futur et le conditionnel n'est pas anodine. C'est par la langue que l'on pense.
    La pauvreté du langage constitue un enfermement, souvent peu ressenti comme tel.
    Malgré les déclarations d'intention et les réformes qui ne changent rien (combien d'heures de français reste-t-il aujourd'hui dans nos collèges?), y a -t-il encore place pour un sursaut?
    Celui qui maîtrise (mieux) sa langue peut maîtriser tout le reste.
        Si déjà les préconisations de la loi Toubon étaient respectées....
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                  Manifeste méritant d'être diffusé:
« A chaque fois qu’affleure, d’une manière ou d’une autre, la question de la langue, cela signifie qu’une série d’autres problèmes est en train de s’imposer : la formation et l’élargissement de la classe dirigeante, la nécessité d’établir des rapports plus intimes entre groupes dirigeants et la masse nationale-populaire, c’est-à-dire de réorganiser l’hégémonie culturelle ». Antonio Gramsci, Cahiers de prison.
« Il ne restait de ce pays que son langage. Un beau langage qui servait à tout. Vous savez, comme on a chez soi une chose précieuse qui est là depuis si longtemps qu’on en use à n’importe quoi, à empêcher la fenêtre de se fermer, et le petit la prend comme une règle pour dessiner, et c’est un presse-papier si commode ! Qui donc se souciait que ce fût un pays, ce pays, et il est indiscutable que c’est un grand progrès que de perdre ce sens de la jalousie, cette haine du voisin, cet orgueil de son toit, un grand progrès sur les ténèbres, un grand progrès sur le néant ». Louis Aragon, poète et résistant.
                Accompagnant la casse néolibérale et euro-atlantique du cadre national, des services publics et des conquis sociaux, une politique destructive de substitution systématique du « globish » à la langue française (pourtant « langue de la République » au titre de la Constitution…) affecte tous les aspects de la vie sociale en France. Entre mille exemples : Carrefour-Market lance une campagne intitulée Act for food ! ; Renault, Airbus et PSA basculent toute leur documentation technique à l’anglais ; des centaines de grandes entreprises, voire de « startup », obligent illégalement leurs salariés francophones à ne plus travailler qu’en anglais, pendant que la Poste lance « Ma French Bank », que la SNCF en voie de privatisation promeut ses Ouigo (lire we go), qu’EDF invite ses « clients » à « pulser », et que, plus grave encore, la contre-réforme Blanquer du lycée s’ajoute à la loi Fioraso et aux pratiques délétères de la direction de la Recherche pour faire de l’anglais, de la maternelle au Supérieur en passant par le CNRS, non pas une langue enseignée en France, mais une langue d’enseignement concurrençant et évinçant systématiquement le français (et se substituant de fait de toute autre langue étrangère !).
Il est clair qu’à terme, si ces pratiques continuent de se généraliser en France et en Europe (au détriment de l’allemand, de l’espagnol, de l’italien, du portugais, du russe, de l’arabe, du turc, du chinois, etc.), il n’y aura bientôt plus qu’une langue de prestige, celle de l’Oncle Sam et de Wall Street, ce qui portera un coup gravissime à la diversité culturelle qui fut toujours un aliment vital des échanges et de la culture. Le mauvais exemple est donné par Macron, qui ne perd jamais une occasion de jargonner en Globish devant les grands patrons et de promouvoir l’anglais comme langue internationale unique, non seulement à l’étranger mais en France même… Même si les intéressés n’en ont pour la plupart pas conscience parce qu’elle suit la mode, par mimétisme ou par « modernisme branché », cette invasion de la langue française par des mots ou des expressions d’origine anglosaxonne a contaminé jusqu’aux milieux populaires, voire militants : le tract n’est-il pas trop souvent devenu un flyer ? Il y a peu, des chercheurs en lutte défilaient derrière une banderole portant l’inscription Academic Pride…
Il faut dénoncer ces pratiques faussement anodines car elles sont le symptôme de l’allégeance sournoise à l’impérialisme occidental qui génère guerres et inégalités entre les hommes et entre les peuples. Du reste, des phénomènes identiques d’acculturation au détriment des langues nationales se déroulent en Europe orientale ou en Afrique, partout où l’impérialisme occidental est prégnant, économiquement et politiquement. Et nous sommes solidaires de tous ceux qui, en Roumanie, au Sénégal, etc. luttent pour la défense de leur langue et de leur culturel.
En France, derrière cette manœuvre antipopulaire de grande envergure et totalement soustraite au débat démocratique, on trouve le MEDEF : son ex-président, le baron Sellières, clamait ainsi en 2004 que l’anglais doit désormais « devenir la langue (sous-entendu : unique) de l’entreprise et des affaires » ; pratiquant de fait une « préférence nationale » inavouée, le CAC-40 n’embauche déjà plus guère que des « English Mother Tongue » (anglais langue maternelle) comme cadres supérieurs, pendant que l’OTAN a fait de l’anglais, y compris en France, la langue de travail unique des armées.
Quant à l’UE, elle ne craint pas, en plein Brexit et alors que l’anglais n’est plus la « langue officielle déposée » d’aucun Etat-membre, de promouvoir l’idée qu’il faut faire de l’anglais la langue officielle unique des institutions bruxelloises au détriment des autres langues nationales d’Europe. L’enjeu de cette politique de casse et de classe est énorme : il s’agit de renforcer le « marché unique » cher aux monopoles, de préparer la future « Union transatlantique » sous la houlette de Washington et de faciliter la mise en place des traités néolibéraux transcontinentaux (du type CETA, UE/Mercosur ou TAFTA).
En instituant la langue unique, les maîtres du grand capital rêvent de mettre en place un hypermarché continental et mondial de la force de travail qui, tout en humiliant les peuples non anglophones, en affaiblissant décisivement les nations existantes, en dévaluant les travailleurs actuels et futurs qui ne maîtriseraient « que » leur langue nationale (ou une langue étrangère autre que l’anglais), accentuerait brutalement la concurrence acharnée et le moins-disant social et salarial entre les prolétaires d’aujourd’hui et de demain : énormes avantages pour le grand patronat sur tous les terrains, social, politique, culturel…
(Il s'agit de) ...combattre vigoureusement la POLITIQUE DU TOUT-anglais : c’est-à-dire la politique oligarchique et antidémocratique tentant à imposer une langue unique continentale, voire mondiale.
Nous appelons donc à : · exiger des autorités, du patronat, des services publics et des collectivités publiques le respect et le renforcement de la législation visant à protéger le français ; · promouvoir un véritable apprentissage des langues étrangères dans leur pluralité dans le cadre de l’Education nationale (avec des maîtres qualifiés), y compris des principales langues de l’immigration de travail (ainsi que des langues régionales là où une demande significative existe) ; · ; non dans un esprit de « purisme » ou de fermeture aux autres cultures, mais pour favoriser un dialogue et une coopération égalitaires entre toutes les nations, toutes les langues et toutes les cultures nationales d’Europe et du monde. c’est-à-dire l’anglo-américain managérial…    _______________________

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