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mercredi 2 août 2023

Au train où ça va...

 Incertitudes

                 De gros investissements sont promis. Seront-ils tenus? Si on veut réduire le transport automobile sur toutes distances, il serait temps de remettre sur rail un moyen de locomotion longtemps délaissé, négligé, privatisé dans de larges secteurs, démantelé en plusieurs parties. Il serait temps de ne plus donner la priorité aux trains à grande vitesse qui ne désservent que les grandes cités aux dépens des villes plus petites et des campagnes délaissées, souvent desservies autrefois. Il serait temps de remettre d'actualité le transport sur rail des poids lourds, qui a été totalement délaissé. Surtout, l'urgence est de remédier aux dysfonctionnements, de redonner à ce moyen de transport la priorité et l'aura qu'il avait avant sa gestion plus ou moins libéralisée, régionalisée, sa politique en zigzag, ouverte à la concurrence "libre et non faussée", dont la réalisation n'est même pas assurée, sinon très marginalement.   


                                                                                                                                      La première ministre s'est engagée pour de forts investissements, qui créent le doute dans le monde parlementaire. L'opacité des tarifs pratiqués crée des mécontentements légitimes, qui amènent à se demander si ce service est encore public. ________Pour l'instant, un constat: "...    Une panne géante en gare de Montparnasse, bloquant des milliers de voyageurs, a attiré l'attention médiatique ces derniers jours. L'été dernier, le trafic avait été paralysé en raison d’une panne de signalisation. Le réseau vieillissant était pointé du doigt. Le symptôme d'un abandon du service public ferroviaire.

➡️ La France bénéficie du deuxième réseau ferré le plus dense d’Europe, mais elle investit beaucoup moins d'argent par habitant dans ses infrastructures que ses voisins européens. Deux fois moins qu’en Italie et trois fois moins qu’en Allemagne ou en Grande-Bretagne, comme le montre l'infographie de Statista. Les néolibéraux qui répètent que le rail serait une grosse dépense pour l'État sont des menteurs. En France, le train est sacrifié.
➡️ Pourtant, il est urgent de rénover et développer le réseau ferré. En moyenne, un trajet en train émet 11 fois moins de gaz à effet de serre que la voiture et jusqu'à 130 fois moins qu'en avion. Le train est beaucoup plus écologique, mais il coûte beaucoup plus cher pour les usagers. Pour une même distance, prendre l'avion est souvent trois fois moins coûteux ! Une aberration. Pour cause : L'État subventionne l'industrie de l'aviation ! Il ne taxe pas le kérosène et réduit la TVA : autrement dit, l'argent public sert à soutenir l'aviation alors que le réseau ferré est délaissé.
➡️ En bout de course, il devient hors de prix de se déplacer en train. Le réseau fait payer aux voyageurs des «péages ferroviaires», une redevance qui représente entre 35 et 40 % du prix des billets pour les TGV et 15 % de ceux d'un TER. Cette taxe est l'une des plus élevées d'Europe. 5 fois plus qu'en Italie ou en Suède !.."
➡️
Li
       Libre point de vue:  "...Depuis les années 1980, et le sommet du lancement du TGV, quel changement! Tous les aspects du service se sont dégradés affirment les auteurs de l’ouvrage. D’abord sur le respect des horaires. «Tenir la minute» est un leitmotiv oublié, celui d’un âge d’or où les cheminots constituaient une sorte d’aristocratie ouvrière. Aujourd’hui, le cœur n’y est plus. Sur les 15.000 trains quotidiens prévus, 480 sont annulés en moyenne. Selon l’Arafer, l’autorité de régulation du secteur, un employé arrive en retard au moins une fois par semaine s’il utilise la SNCF en Île-de-France. Le facteur humain est souvent en cause. ...L'auteur détaille aussi (c’est un peu moins connu) un management kafkaïen avec des responsabilités diluées et une bureaucratie extravagante. Quant au réseau, il est l’un des plus mal notés d’Europe, juste devant ceux de la Bulgarie et de la Roumanie. Passages à niveau, signalisations, rails datant d’avant la Seconde Guerre mondiale... Vétusté partout. Un rapport fait par des ingénieurs suisses pointait dès 2005 «les prémices d’une dégénérescence», mais rien de significatif n’a été fait jusqu’à l’accident tragique de Brétigny en 2013. Depuis, les promesses d’investissement pleuvent mais les problèmes continuent, avec des pannes parfois impressionnantes comme en juillet 2018 à Montparnasse. À croire que personne ne prend la mesure du problème. À commencer par l’emblématique Guillaume Pépy, à la tête de l’entreprise depuis 2008?
         Il est là tout au long du livre. Il règne sans partage sur la SNCF, et la représente sur les plateaux de télévisions. Serait-ce lui, le grand responsable du naufrage de l’entreprise? Non, semblent répondre les auteurs, qui rendent hommage à sa connaissance profonde d’une industrie complexe, et à son désintérêt pour l’enrichissement personnel. Lui et ses équipes ont même lancé l’entreprise dans une conquête internationale coûteuse en ressources, mais réussie. Pour ce qui concerne les trains français, il reste un commis d’État, puissant certes, et capable de tenir tête à ses ministres de tutelle, mais qui se soumet aux grands choix gouvernementaux, car l’homme tient plus que tout à rester en poste.
      D’ailleurs, là où l’énarque brille vraiment selon les deux journalistes, c’est certainement dans l’art de se rendre intouchable. Sa technique? «noyauter» tout cercle d’influence. Le maître de la communication cajole les journalistes avec des séminaires improbables (cours de cuisine, etc.), et distribue des cartes «T» (une carte VIP non disponible à la vente). À la fois homme d’affaires et haut fonctionnaire, ses réseaux lui ressemblent, du Siècle à tous les ministères où il fait avancer ses protégés. Tout cela assure un soutien sans faille dans les moments critiques, comme lors de la remise en jeu de sa place de président, en 2013. Le seul vrai grief que la Cour des comptes lui adresse est finalement sa propension à une «communication étouffante et dispendieuse»: 200 millions d’euros par an, et 700 salariés dédiés. Souvent, la SNCF s’abstient même de créer des appels d’offres sur ses achats de conseil en «com’», mais l’État actionnaire ferme les yeux, soulignent les auteurs.
    Et qu’a-t-il fait, ce propriétaire, sinon fermer les yeux depuis des décennies, sur la lente dérive de la SNCF? Là se trouve peut-être le vrai nœud du problème. Les gouvernements successifs ont tous approuvé sans réserve les décisions de Bruxelles sur la libéralisation du secteur ferroviaire ; ils ne les ont jamais traduites en une stratégie nationale. La réforme ferroviaire de 2018, qui fait reprendre par l’État une partie de la dette de l’entreprise et acte la fin du statut de cheminot, redonne un peu d’oxygène au groupe, et un peu d’espoir aux usagers. Mais sur l’ouverture à la concurrence, le gouvernement continue de faire croire aux Français que rien ne va changer, expliquent Marie-Christine Tabet et Christophe Dubois.
       Or tout va changer, et dans un futur proche. L’ouvrage renvoie à l’exemple du fret, déjà libéralisé: en quelques années, la SNCF a perdu 40% du marché, les effectifs concernés ont été divisés par deux, et l’activité continue à perdre de l’argent. L’ouverture au secteur privé pour le transport de personnes va en outre rendre impossible la mission d’aménagement du territoire qui incombait au ferroviaire. Les petites communes devront payer pour maintenir la ligne qui les dessert, tandis que les liaisons entre grandes smart-cities feront l’objet de guerres commerciales acharnées. La SNCF, avec ses surcoûts et son manque d’agilité, risque bien d’y laisser les plumes qui lui restent. Les auteurs concluent d’ailleurs le livre par un chapitre d’anticipation aussi triste que réaliste sur l’entreprise «publique» en 2037, cent ans après sa création... Il laisse le lecteur pris par une amertume très viscontienne, sur ce qu’a été le rail français et ce qu’il ne sera plus jamais...."

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