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mercredi 9 août 2023

Trop de bienveillance...

 ...Sape les conditions du savoir et de la réalisation de soi.

                   On en reparle, car elle est tellement évoquée. Qui  serait  contre la bienveillance, cette valeur justement louée et appréciée dans les relations humaines, trop souvent marquées par la rudesse, la concurrence et parfois la violence? La bienveillance, bien comprise, met de l'huile dans les rouages relationnels, rapproche les hommes, favorise les échanges et les personnes. C'est une des conditions essentielles de l'apprentissage, qui suppose attention, patience et foi dans l'évolution de l'autre. Surtout dans le domaine scolaire, où la confiance et l'attention sont des conditions essentielles de transformation pour le bien de l'élève.                                                                      Mais voilà, cette valeur, comme beaucoup d'autres, peut être pervertie, utilisée à des fins utilitaires, qui ne sont pas forcément nobles, comme une stratégie calculatrice ou un moyen de gérer des finalités discutables ou un aveu de faiblesse, en vue d'une gestion de la pénurie, parfois pour faire accepter l'inacceptable. 


                      Une enseignante amoureuse de son métier, souvent discrédité, en fait une analyse pertinente et équilibrée. Agnès Jougla présente une vision assez réaliste des conditions dans lesquelles se pratique aujourd'hui l'enseignement depuis un certain nombre d'années, au détriment d'un savoir qui devrait être normalement transmis. (*) Elle souligne la dégradation nette du niveau et des conditions d'apprentissage, mais surtout des politiques ministérielles qui se sont succédées pour contribuer aux effets parfois catastrophiques que l'on constate aujourd'hui. La "bienveillance" est devenue comme un impératif pour masquer les déficiences, les dégradations et les abandons institutionnels, au nom d'un égalitarisme discutable.  On peut l'entendre ici.                                               L'auteure souligne avec pertinence ce l'on pourrait appeler l'échec d'une utopie, qui finit par faire abstraction de règles, sans lesquelles il ne peut y avoir de liberté.    Elle ne souligne pas assez ce qu'est devenu le savoir en lui-même et néglige une partie masquée du problème.                                                                                                                                           (*) "...“On ne fait pas de vagues dans la grande maison de l'Éducation nationale. Il faut que tout le monde passe, que tout le monde ait 12, façon École des fans, que les parents soient contents, que le rectorat n’entende pas parler de nous. Il faut que les gamins aient leur examen en carton, leur orientation en pâte à modeler, ce qu’ils feront après, ce qu’ils auront gardé, ça ne nous concerne plus.”  Dans son dernier essai “De l’or dans la tête”, l’auteure et professeure de philosophie Audrey Jougla écrit “son amour pour les élèves et pour l’enseignement et sa révolte face à la dérive de tout un système éducatif”.  L’enseignante nantaise constate une baisse du niveau général des élèves, surtout depuis cinq ans, et en appelle à un retour des fondamentaux que sont le français et les mathématiques. Elle évoque les réformes successives, pensées à court terme, qui “ont entériné moins de rigueur, moins d’exigence”.                                                        “Nous sommes incités, nous professeurs, à toujours valoriser, même à l’excès, tous les élèves, et à ne pas forcément être juste et à révéler leur niveau réel", explique Audrey qui dénonce “une inflation de la notation renforcée par Parcoursup ”.   L’enseignante regrette que la hiérarchie, l’excellence, le sens de l’effort et la sélection soient devenus “des gros mots”. “On nous incite toujours à la bienveillance, mais dans la vie et dans le monde professionnel ce n’est pas comme ça." "On ne fait que retarder l’échéance de la confrontation à la réalité” affirme l’auteure. “L’école a démissionné de l’enseignement du français et de la culture générale".  Résultat : ce sont les familles qui prennent le relais, ce qui crée une rupture d’égalité entre les élèves et facilite la reproduction sociale des élites”. “Il faut remettre de l’exigence sur la maîtrise des fondamentaux” clame Audrey Jougla qui cite Jean Jaurès : “il ne faut pas craindre de leur parler avec sérieux, simplicité et grandeur”.      
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