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samedi 27 juillet 2024

De la "trève démocratique"

 On temporise

             Pour faire oublier...

                  Le "non-changement" c'est maintenant, comme disait qui vous savez...

                Point de vue:   " Tout changer pour ne rien ne change...Rarement la citation éculée du roman Le Guépard, de Tomasi di Lampedusa, s’est aussi bien appliquée à la vie politique française. Par la politique menée depuis sept ans et la dissolution de l’Assemblée nationale décidée en toute verticalité, le président de la République a fait prendre à la France le risque de voir l’extrême droite, en pleine dynamique électorale, accéder au pouvoir pour la première fois depuis le régime de Vichy. En ne tirant aucune des conclusions qui s’imposaient après l’échec de son camp aux élections européennes et législatives, il a en outre précipité le pays dans un chaos politique et institutionnel sans précédentMais maintenant, il veut savourer tranquillement les Jeux olympiques (JO) et a les yeux qui pétillent quand on lui parle de Céline Dion. Sur le plateau de France 2 et Radio France installé dans les airs face à la tour Eiffel, il a annoncé mardi qu’il n’y aurait pas de nouveau gouvernement avant « mi-août » et qu’il n’envisageait aucune inflexion dans la politique qu’il a menée, proposant au contraire de la « renforcer » en s’alliant à la droite « républicaine », elle-même affaiblie. 


                                                                                                                                                           __ 
En attendant la fin de la compétition sportive, tout continue donc comme avant. Dans une incongruité démocratique, Gabriel Attal est toujours premier ministre, tout en étant le président du groupe macroniste, ou ce qu’il en reste, à l’Assemblée nationale. Le gouvernement se maintient : alors démissionnaire, il a pris des décrets rendant impossible la vie des exilé·es et, bien que chargé de conduire les « affaires courantes », il est aux manettes d’un État chargé d’organiser un événement mondial à haut risque. De son côté, l’ex-présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a été réélue présidente de l’Assemblée nationale grâce aux voix de ministres-député·es imperméables à la nécessaire séparation des pouvoirs.       
Alors que les électeurs et électrices se sont déplacé·es en masse pour voter les 30 juin et 7 juillet, y compris certains abstentionnistes dégouté·es par la politique, pour faire barrage au danger fasciste et désavouer la politique gouvernementale, le message envoyé par ce statu quo est catastrophique tant il est la démonstration que le vote peut être insuffisant pour faire bouger les lignes.   Dans un éclair de lucidité, et pour la première fois depuis le second tour des législatives, Emmanuel Macron, lors de son intervention télévisée, a publiquement reconnu avoir « perdu ». Mais c’était pour mieux s’enfoncer dans un déni de réalité surréaliste, et surtout inquiétant pour l’État de droit.  Cherchant à anesthésier le pays en instrumentalisant les JO, cet homme vit dans un monde parallèle, le monde orwellien de 1984, celui du renversement des valeurs où la guerre, c’est la paix, la liberté l’esclavage, l’ignorance la force. Le résultat des élections ne compte plus, même quand celles-ci sont le fait du prince. Dans n’importe quelle démocratie parlementaire, le chef de l’État aurait déjà invité la coalition des gauches et des écologistes, rassemblés ici dans le Nouveau Front populaire (NFP) arrivé en tête au second tour des législatives, à former un gouvernement et une majorité viables, quitte à se tourner vers d’autres en cas d’échec.   Mais, cette responsabilité qui lui incombe depuis dix-sept jours, il se refuse à l’exercer, comme il l’a répété face caméra, en renvoyant aux partis la charge de se mettre d’accord. Visant à gagner du temps, ce stratagème entre pourtant en contradiction avec l’esprit de la Constitution selon lequel le gouvernement désigné par le président se présente aux député·es, qui choisissent ensuite, ou non, de lui accorder leur confiance.  « Qu’il tente de sauver ses troupes sinistrées en jouant de la lassitude de l’opinion devant les marchandages de partis invités à se partager les places, et qu’il espère ainsi récupérer l’apparence d’un pouvoir qui lui échappe, sa manœuvre dérisoire ne saurait dissimuler l’évidence : ce président manque aux devoirs de sa charge, comme le dit l’article 68 [de la Constitution – ndlr] », tonne dans un billet de blog le constitutionnaliste Pierre Avril, qui déplore « une situation aussi confuse qu’inédite ».                       Après s’être constitué sans attendre lors de la dissolution de l’Assemblée nationale, le NFP a tardé – jusqu’à désespérer son électorat – à se mettre d’accord sur une personnalité susceptible de former un gouvernement. C’est désormais chose faite : l’alliance portée par La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), Les Écologistes et le Parti communiste français (PCF), a proposé pour Matignon le nom de Lucie Castets, issue de la société civile et cofondatrice du collectif Nos services publics (lire notre article). Mais Emmanuel Macron a balayé la proposition d’un souverain mépris, indigne du moment. « Ce n’est pas le sujet », a-t-il affirmé, au motif que cette coalition n’aurait « pas de majorité quelle qu’elle soit » pour gouverner.  L’argument du NFP incapable de faire des compromis tombe. Alors, pour écarter une configuration qui ne lui convient pas, puisqu’elle signifierait une cohabitation en rupture avec sa politique, il enjoint aux partis du « front républicain » aux législatives de s’entendre.    Sauf que rien ne va dans cet appel : non seulement il intègre les députés du groupe Droite républicaine (ex-Les Républicains, LR), qui, en plus d’être peu nombreux et donc incapables de lui apporter une majorité absolue, ont refusé de se désister face au Rassemblement national (RN), mais il exclut aussi implicitement une grande partie des élu·es du NFP, pourtant principale force contributrice à l’échec de l’extrême droite.            En promettant que « si les forces qui peuvent dégager une majorité à l’Assemblée » se mettent d’accord pour gouverner, « il n’y aura pas de dissolution » dans un an, Macron tenterait d’attirer, outre les ex-LR, quelques PS éloignés du NFP, mais après l’annonce d’une candidature commune à gauche, la trahison semble cher payée pour participer à une coalition des perdants.                                                                                                          D’autant que la feuille de route qu’il laisse entrevoir, malgré l’absence de légitimité pour ce faire, ne semble pas en mesure de convaincre quiconque à gauche au-delà de son ex-majorité, y compris parmi les réfractaires du NFP. Ce qu’il retient de la défaite de son camp aux élections européennes et législatives ? que « l’urgence n’est pas de défaire ce qu’on vient de faire […]. La priorité n’est pas de revenir en arrière ». En citant l’augmentation du temps de travail, la compétitivité, la sécurité et la justice des mineurs, il montre qu’il n’a aucune intention de changer de politique, si ce n’est pour la rapprocher du très réac « pacte législatif » de Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, dont il a estimé qu’il allait « dans le bon sens ». Sans l’aval du RN, un tel gouvernement n’aura aucune chance de perdurer.                                                              L’hypothèse Castets aurait, elle, le mérite de respecter le résultat des élections, en portant avec elle la mobilisation de la société civile, qui a joué un rôle majeur dans le barrage à l’extrême droite. La haute fonctionnaire, dont le profil à mi-chemin entre expérience d’État et mouvement social, convient à toutes les composantes des gauches et des écologistes, propose de « redonner le pouvoir » au Parlement en construisant « des accords sujet après sujet ». « L’idée est de convaincre texte après texte », a-t-elle insisté sur France Inter mercredi 24 juillet.              Y compris en survivant à une motion de censure du RN, de LR et de la Macronie, la voie au Parlement est étroite. Mais, pour sortir de l’ornière, elle n’en reste pas moins l’unique solution, aussi temporaire soit-elle.       Compte tenu de l’impasse institutionnelle patente dans laquelle le pays est plongé, et pour éviter un éternel recommencement, une de ses priorités, en plus des mesures sociales et antiracistes qu’elle promeut, devrait être de tirer un trait sur le présidentialisme consubstantiel à la Ve République qu’Emmanuel Macron a poussé à son paroxysme et qui, si rien n’est fait, conduira le pays dans les bras du RN.   Car la dissolution n’a en rien dissipé la menace de l’extrême droite. Bien au contraire, le parti de Jordan Bardella a fortement augmenté le nombre de ses député·es à l’Assemblée. L’absence de culture politique des alliances à géométrie variable n’est pas seule en cause. Il faut s’attaquer aux failles d’une Ve République à bout de souffle, dont l’essentiel repose sur le fait majoritaire.   Même si à gauche encore, certains s’imaginent dans les habits de l’homme présidentiel-providentiel, guettant la démission du chef de l’État dans l’espoir de prendre sa place, il est urgent de transcender la crise de régime actuelle en défendant un nouveau système politique. Un système qui, à la hauteur des aspirations démocratiques d’une société et de nouvelles générations, place les citoyen·nes au cœur du processus de décision et respecte les contre-pouvoirs.         Comme certains constitutionnalistes et responsables politiques le proposent, cela pourrait passer par la convocation, prévue à l’article 11 de la Constitution, d’un référendum constitutionnel permettant aux électeurs et électrices de s’exprimer sur le cadre institutionnel qu’ils souhaitent ériger ensemble.  Dans un souci de vitalité démocratique, l’introduction du mode de scrutin proportionnel paraît incontournable, de même qu’un rééquilibrage des pouvoirs au bénéfice du premier ministre, lui-même émanant des forces ayant trouvé une majorité à l’Assemblée. En n’omettant pas de replacer les corps intermédiaires, étouffés par la présidence Macron, au cœur des discussions. Les partis, les élus locaux, les associations, les syndicats et la société civile dans son ensemble sont autant d’indispensables points d’arrimage au réel pour empêcher l’isolement et la déconnexion qui résultent de la verticale du pouvoir. 
Pour contrer durablement l’extrême droite, la transformation de nos institutions vers un plus grand respect de l’expression populaire est un préalable. Sans quoi, les barrages républicains n’y suffiront plus et le RN finira par prendre l’Assemblée puis l’Élysée, ou inversement."  [Carine Fouteau] _____________________________

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