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mercredi 17 juillet 2024

Dérives du néolibéralisme

                                 L'aventure du néolibéralisme, surtout depuis une bonne quarantaine d'années en Europe, après les USA, n'est pas un long fleuve tranquille. Il comporte en son essence un biais antidémocratique et potentiellement un  affaiblissement, voire une disparition des structures collectives. Nous en sommes à un moment historique, à un tournant, alors que l'UE est devenue un terrain d'élection de cette idéologie, se présentant comme la seule voie possible dans la gestion économique et ses retombées politiques.


                              Point de vue:         "...Le bloc macronien se revendique du centre. Il ne représente rien d’autre que le régime démocratique libéral revisité par le néolibéralisme. Il fabrique des normes qui conçoivent l’humain comme autoentrepreneur, comme microentreprise autogérée. Son principe cardinal est celui de la concurrence. Mais, à la différence du libéralisme traditionnel, l’économie concurrentielle est garantie par les États. Cela conduit au libéralisme autoritaire.  Selon ce concept inventé par le juriste allemand Carl Schmitt en 1932, juste avant son ralliement au nazisme, pour faire face aux contradictions entre capitalisme et démocratie, entre libéralisme économique et démocratie, il fallait à la fois un État fort avec les citoyens et en même temps, un État faible avec les marchés. À l’époque, ce libéralisme autoritaire a été l’antichambre du nazisme.                                 On peut aujourd’hui constater le même phénomène dans les démocraties libérales revisitées par le néolibéralisme. On voit un deuxième bloc faire monter des revendications et contestations sociales qui se cristallisent sur les mouvements illibéraux. Face à la faillite sociale des gouvernements néolibéraux, on a une hostilité populaire qui est drainée par de nouvelles formes de fascisme, que j’appelle technofascisme tant l’importance des technologies est énorme. On le voit avec la manière dont Jordan Bardella, président du RN, occupe les réseaux.    On a une sorte d’attrape-nigaud des revendications populaires, puisqu’elles se tournent vers un parti qui, au nom du nationalisme, combat la concurrence internationale mais pas la concurrence intranationale. On a un détournement de la colère populaire au profit de mouvements autoritaires. Macron incarne la faillite sociale du néolibéralisme. Plus personne ne croit à la théorie du ruissellement, qu’il va y avoir une réduction des inégalités par la mise en concurrence des individus, des sociétés et des nations. Plus personne ne croit que le néolibéralisme et la globalisation sont des antidotes à la guerre.            « Pragmatique. » C’est le nouveau mantra du président du RN, Jordan Bardella. Devant les patrons du Medef, le 20 juin, il voulait « rassurer les milieux économiques ». Dans le « Financial Times », la bible des milieux financiers, il est cité in extenso : « La politique économique consiste en une poignée de convictions fondamentales et beaucoup de pragmatisme pour garantir la confiance et la stabilité du monde des affaires. » Toutes les mesures sociales du programme du RN ont été jetées aux oubliettes : réforme des retraites, baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, création d’un impôt sur la fortune financière censé remplacer l’ISF.                                                                                                                         Comme Giorgia Meloni, Jordan Bardella modèle son discours, convertit son programme à l’aube d’une conquête de Matignon qu’il sent poindre. Il tient désormais en deux mots : ultralibéral et autoritaire. Car sur ce dernier point, les mesures que le RN entend mettre en place dès son arrivée au pouvoir n’ont pas varié d’un iota depuis sa création sous le nom de Front national en 1972. Son obsession est toujours de créer deux catégories de citoyens : les Français et les autres.   Plus encore, il distingue deux catégories de Français, les binationaux et les autres. Emploi, logement, santé, éducation… c’est l’ensemble de la vie en société qui est visée par une inégalité en droit qui porte un nom : apartheid. « Nous sommes prêts à gouverner », martèle celui qui fraie toujours avec les milieux identitaires et néonazis. La France ne l’est pas, elle. Et elle ne doit jamais être prête à accepter le premier gouvernement d’extrême droite depuis Vichy....                                                                           On peut aujourd’hui constater le même phénomène dans les démocraties libérales revisitées par le néolibéralisme. On voit un deuxième bloc faire monter des revendications et contestations sociales qui se cristallisent sur les mouvements illibéraux. Face à la faillite sociale des gouvernements néolibéraux, on a une hostilité populaire qui est drainée par de nouvelles formes de fascisme, que j’appelle technofascisme tant l’importance des technologies est énorme. On le voit avec la manière dont Jordan Bardella, président du RN, occupe les réseaux.   On a une sorte d’attrape-nigaud des revendications populaires, puisqu’elles se tournent vers un parti qui, au nom du nationalisme, combat la concurrence internationale mais pas la concurrence intranationale. On a un détournement de la colère populaire au profit de mouvements autoritaires. Macron incarne la faillite sociale du néolibéralisme. Plus personne ne croit à la théorie du ruissellement, qu’il va y avoir une réduction des inégalités par la mise en concurrence des individus, des sociétés et des nations. Plus personne ne croit que le néolibéralisme et la globalisation sont des antidotes à la guerre.                                                               Le Nouveau Front populaire s’est constitué face à la faillite sociale du néolibéralisme et au risque politique qu’est l’émergence d’un mouvement d’extrême droite aux racines poujadistes et pétainistes. Le néolibéralisme naît du naturalisme économique – auquel je consacre un chapitre dans mon dernier livre, « la Fabrique de nos servitudes » 1. Ce naturalisme économique défend que le meilleur ne puisse sortir que de la sélection naturelle, de la mise en concurrence.   Pour Herbert Spencer, cela vaut au niveau de la cellule biologique, de l’individu biologique, de la communauté, de la société, de la nation, des espèces. Cette mise en concurrence produirait le meilleur. C’est faux. Paul Valéry disait fort justement que la concurrence ne produit pas le meilleur. Elle produit meilleur marché, ce qui ne veut pas dire qu’elle produit la meilleure qualité.       C’est exactement ce qui se passe au niveau de nos vies. Face à ce naturalisme économique, il y a depuis la fin du XIXe siècle un mouvement humaniste, les solidaristes, une gauche très large inspirée par la laïcité, par le radical-socialisme, par Léon Bourgeois et qui considère que l’individu contracte une dette envers la société. Nous héritons de nos ancêtres, de l’histoire de notre société, de notre nation. Ce qui fonde le lien dans une société n’est pour ce mouvement non la concurrence, mais la dette et le contrat.                                                                                                                     Il y a une opposition entre ces deux conceptions depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Une civilisation où la sélection naturelle produit le meilleur – et donc, il ne faut pas protéger les plus faibles, les malades, les vieux – et une autre civilisation qui considère que c’est la solidarité qui fonde la société. Il s’agit alors non pas d’exclure, de discriminer, de rejeter les plus faibles, mais d’en prendre soin. Car, au travers des plus faibles, c’est chacun d’entre nous que nous sauvons de la vulnérabilité de l’espèce, que nous partageons avec eux.                           ___________J’ajouterais que cette civilisation solidariste de gauche permet de restituer aux travailleurs la possibilité d’un espace démocratique sur les lieux mêmes de leur travail et dans l’exercice même de leur métier. Nous avons été prolétarisés et écrasés par la mise sous tutelle technico-financière dans le champ de notre profession, qu’on soit chirurgien, professeur à l’université, magistrat, ouvrier, employé ou enseignant. La démocratie ne doit pas s’arrêter aux portes de l’usine, des laboratoires de recherche, des lycées. Au contraire, c’est là où elle commence.                                                          __ Qu’est-ce qui fait qu’un électeur en grande difficulté s’en prenne à quelqu’un plus en difficulté que lui ?                                          C’est la logique du bouc émissaire. Il est classique de décharger votre souffrance, votre frustration sur plus faible que vous. Dans ma génération, on prenait cette métaphore : l’ouvrier, exploité, humilié par le contremaître et le patron, rentre chez lui, bat sa femme. Celle-ci bat les enfants. Ceux-ci battent le chien. Si l’on n’arrive pas à transformer la souffrance et l’humiliation ressentie en revendication sociale et en pensée politique, on tombe dans la passion triste du ressentiment et de la haine. C’est une dérivation de l’humiliation et de la souffrance que de s’en prendre à ce qui est à portée de main et qui apparaît comme plus précaire que soi.                                                                                                                  ___’extrême droite rejette l’étiquette d’extrême droite. Qu’est-ce que cela dit d’elle ?                                                                   Que c’est vraiment une extrême droite. Le philosophe Alain disait : « Quand quelqu’un dit qu’il ne fait pas de politique, on sait qu’il est de droite. Quand l’extrême droite dit qu’elle ne l’est pas, c’est qu’elle l’est et qu’elle ne peut ignorer son héritage culturel et historique. » _________

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