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mardi 15 octobre 2024

Souveraineté en question

 On brade.

                Le problème revient régulièrement. La vente du site de production du fameux doliprane peut sembler une affaire anecdotique, marginale, mais elle hautement symbolique, révélatrice de la faiblesse de notre souveraineté industrielle, surtout dans un domaine stratégique ou menace souvent la pénurie dans le domaine des médicaments importants, comme pour certains cancers et les antibiotiques. Alors que la France n'a plus qu'une position marginale dans le domaine de la production des médicaments. Depuis la période sarkozienne, les renoncements se succèdent. Malgré les aides massives de l'Etat.On se souvient d'affaires plus importantes, parfois stratégiques, comme Péchiney, Alstom, Général Electric, Alcatel, etc...Les appels à la réindustrialisation ne sont pas entendus. Qui arrêtera le déclin? Le développement des services ne nous sauveront pas et le suivisme en matière de financiarisation internationale généralisée donne toujours les mêmes résultats..                                                                                      "... Depuis que le groupe pharmaceutique a déclaré le 11 octobre être entré en négociations exclusives avec le fonds américain CD&R en vue de lui céder Opella, sa branche pharmaceutique grand public, le tollé est général...

       ...Dès dimanche, le ministre de l’industrie, Marc Ferracci, a tenté d’éteindre l’incendie, promettant d’arracher « des engagements solides et écrits » auprès du fonds américain. Le ministre de l’économie, Antoine Armand, s’est rendu ce lundi à l’usine de Lisieux (Calvados) – qui fabrique le Doliprane –, pour tenter de calmer les inquiétudes des 250 salarié·es en grève. Il a assuré que les emplois seraient maintenus en France. Mais les salarié·es l’ont appris de longue date : les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent....  Qu’importe le bord politique, tous soulignent la crainte de perte de souveraineté industrielle et sanitaire de la France. Un sujet sur lequel Emmanuel Macron avait pris des engagements précis au moment du covid. La France – comme tous les pays européens et les États-Unis – avait alors découvert son extrême dépendance et vulnérabilité en matière de santé : plus de 80 % des principes actifs utilisés dans les principaux médicaments étaient importés d’Inde et de Chine.  Alors que des pénuries menaçaient, notamment sur le paracétamol, le chef de l’État avait promis un plan de reconquête pour assurer la sécurité sanitaire en France. Un plan d’investissement public de 150 millions d’euros a été engagé à cet effet pour produire du paracétamol dans la région de Toulouse. « Que va devenir cet investissement si ces activités passent sous contrôle américain ? Il y a une vraie inquiétude sur les débouchés. La seule usine de Lisieux fabrique 450 millions de boîtes par an », rappelle le député PS de l’Eure Philippe Brun, cosignataire d’une tribune pour demander l’arrêt de cette cession.                         Mais à la faveur de la dissolution, de l’interminable période de gouvernement démissionnaire, c’est Alexis Kohler qui a repris la main. Le secrétaire général de l’Élysée, manifestement, n’entend pas céder une once du pouvoir qu’il a acquis depuis sept ans sur les dossiers financiers et industriels, en dépit des changements politiques. Il compte bien régler lui-même cette opération. Et il ne partage pas du tout la vision du ministère de l’industrie......Alors que Michel Barnier a été nommé à Matignon le 5 septembre, que le gouvernement est formé le 21 septembre, Alexis Kohler, comme l’a raconté par la suite La lettre, reçoit le 18 septembre le fonds français PAI. Celui-ci a monté une offre de reprise d’Opella avec l’aide des fonds souverains d’Abou Dhabi et de Singapour et la caisse de retraite de la Colombie-Britannique. Alexis Kohler a des doutes, semble-t-il, sur le sérieux de cette proposition. Il s’interroge sur la gouvernance. Un problème sur lequel le secrétaire général est des plus pointilleux, comme il l’a prouvé à maintes reprises.  L’offre de PAI vient surtout déranger les projets de Sanofi, soutenu par l’Élysée : elle pourrait porter ombrage à celle du fonds américain CD&R. Ce fonds est « très en cour à l’Élysée », pour reprendre l’expression des Échos. Selon nos informations, il a lui aussi été reçu par Alexis Kohler à l’Élysée.Depuis ces entrevues, le discours a changé. Alors que Bercy semblait défendre une reprise française, le nouveau ministre de l’industrie, Marc Ferracci – par ailleurs très proche d’Emmanuel Macron – a infléchi la ligne. L’important désormais est de « protéger la santé des Français », « de garantir la souveraineté sanitaire » et « de conserver les emplois ». Des conditions que le fonds américain est tout à fait capable d’honorer, selon lui. Le gouvernement est prêt à « mettre des garanties très strictes » pour faire respecter ces engagements..."                                                                                                                                      Point de vue: " L'affaire Sanofi commence à faire du bruit médiatique avec des réactions plutôt saines pour une fois chez certains députés demandant l'arrêt du rachat par des Américains de l'usine produisant le célèbre Doliprane. Cette affaire n'est en définitive que l'énième conséquence des dérégulations économiques mise en place par nos élites depuis une cinquantaine d'années. L'idée dernière étant que la libre circulation des capitaux et des marchandises ne pourrait que profiter à tous en créant plus de richesse, car la qualité des entreprises augmenterait que la libre concurrence favoriserait les meilleurs à l'échelle mondiale. Ça, c'est ce qui a été vendu aux Français et à une large partie de la population occidentale. On voit d'ailleurs encore sur les plateaux télé les démagogues de cette idéologie apparaître à l'image récemment d'Alain Madelin dont on se demande pourquoi il ne se cache pas au fin fond d'une forêt quand on voit les conséquences dramatiques pour le pays de l'idéologie du monde sans frontières. Au lieu de ça il se permet de donner des conseils pour faire des économies en bradant toujours plus les derniers avoirs de l'état.                                             Quoiqu'il en soit cette affaire, rappelle que le laissez-faire ne conduit pas mécaniquement au mieux-être général ni à un paradis magnifique dans une société peuplée d'homoéconomicus œuvrant par leur égoïsme à l'intérêt général sans le savoir. Dans le monde réel, il n'y a aucune raison pour que la somme des actions individuelles conduise à un quelconque intérêt général, le contraire serait en fait très étonnant. De plus nous ne vivons pas dans un monde homogène où toute la population mondiale serait soumise aux mêmes contraintes, aux mêmes règles ou aux mêmes fonctionnements sociologiques que les nôtres. Ce faisant si la France est effectivement un pays où l'état n'intervient plus dans l'économie sauf pour éponger les conséquences de son laissez-faire, bon nombre d'états sur la planète ne se gênent pas pour contourner les règles libérales et faire des interventions plus ou moins déguisées. C'est d'autant plus vrai que la globalisation est maintenant moribonde, y compris dans le pays qui l'a imposé à savoir les USA. Ces derniers n'ont pas caché leur protectionnisme depuis quelques années. Et ils n'ont jamais hésité à violer leurs propres principes en soutenant leurs entreprises par des subventions plus ou moins déguisées. Ne parlons pas des marchés publics qui sont réservés aux entreprises américaines contrairement à nous.                                                                                                                                                       Évidemment dans un monde de laissez-faire et de libre-échange c'est les pays qui continuent à faire du protectionnisme et de l'intervention étatique qui s'imposent. Les entreprises ayant un comportement égoïste par nature ne risquent pas de compenser une absence d'action collective de la part de l'état. La France et l'UE font un peu penser aux derniers des Mohicans du libéralisme triomphant des années 70-80. Le reste du monde a compris que cela ne fonctionnait pas, ou alors qu'il fallait tricher à l'image de la Chine qui n'a jamais obéi à ces dogmes, heureusement pour elle d'ailleurs. Mais l'Europe, elle est restée engoncée dans ce cadre qui organise aujourd'hui son propre déclin à vitesse accélérée. Alors que la Chine, les USA et d'autres grands pays n'hésitent plus à défendre leurs industries et leurs intérêts par diverses mesures plus ou moins ouvertement protectionnistes l'UE s'est rigidifiée dans le laissez-faire. En un sens, l'UE, loin de ressembler à l'URSS ou à l'Empire romain sur sa fin, ressemble plutôt à l'Empire ottoman de la fin du 19e siècle. Pour la petite histoire, l'Empire ottoman était la star des économistes libéraux de l'époque parce que l'Empire était largement libre-échangiste. Alors c'était plus par négligence des choses du commerce que par intérêt pour le libéralisme. Mais cette réalité faisait de l'Empire ottoman la grande puissance la plus libérale de l'époque. Vous savez sans doute ce qu'il est advenu de cet empire. Alors qu'il avait une immense base artisanale de production. Son commerce va rapidement être éradiqué par la concurrence occidentale. Si l'Empire avait pris plus soin de son commerce et taxait les importations, il est tout à fait possible que l'histoire ultérieure du Moyen-Orient fût très différente.,,,,,                                      Notre affaire du Doliprane nous rappelle donc que l'intérêt des entreprises ou des individus peut entrer en contradiction avec l'intérêt général et qu'il est parfois nécessaire pour la puissance publique de défendre cet intérêt général contre les intérêts particuliers. Il est tout de même stupéfiant qu'avec la crise que nous connaissons déjà en matière de pénurie de médicaments, il n'y ait pas eu de réaction publique pour relocaliser les activités de production. Car en dehors des grands discours, la pratique de nos hauts fonctionnaires reste encore celle du laissez-faire dont nous savons qu'il conduit dans les conditions actuelles du commerce international qu'à la destruction des derniers restes de notre souveraineté nationale. Pour les médicaments de première nécessité, dont ne fait pas vraiment partie le Doliprane qui reste une molécule de confort plus que de soin, il serait aujourd'hui urgent d'organiser une production publique puisque le système privé sous l'influence de la finance et des rendements élevés n'arrive pas à fournir le marché français. " ________________

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