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lundi 16 février 2015

Nouvelle route de la soie


Le projet se concrétise: des milliards pour la nouvelle route de la soie 

                  D'hier à aujourd'hui

        Un défi énorme, un projet pharaonique, des perspectives mondiales nouvelles. Mais les fonds sont opérationnels.

                               Vers un nouvel axe Pékin-Moscou-Berlin

"...C’est l’un des grands axes stratégiques de Xi Jinping au plan économique. Alors que la Chine affronte une sensible dégradation conjoncturelle, conséquence de niveaux de production excessifs au cours des dernières années et de l’explosion de l’endettement, elle se tourne désormais vers l’extérieur pour soutenir sa dynamique. Le but: accélérer les échanges avec les pays du pourtour chinois, et plus particulièrement avec ceux identifiés comme appartenant à une «nouvelle route de la soie», sur le front occidental du pays. 
En recyclant une partie des gigantesques montants de réserves de change (4000 milliards de dollars) qu’elle a accumulés au cours des dernières décennies, la deuxième économie mondiale est en mesure de financer de grands programmes d’infrastructures qui présentent le double avantage d’offrir un débouché au «made in China» et des marchés aux sociétés chinoises associées à ces chantiers de construction. 
D’après le magazine Caixin, les autorités centrales viennent de nommer l’équipe dirigeante du fonds chargé de piloter ce programme, qui doit être doté de 40 milliards de dollars. 
L’équipe sera dirigée par Wang Yanzhi, un officiel qui fait lui-même partie de l’équipe en charge de la gestion des réserves de change. Environ 65% des financements du fonds viendront des réserves de change du pays, tandis que le fonds souverain chinois, China Investment Corp, apportera 15%. Deux autres institutions financières très politiques fourniront le reste: China Development Bank et Export-Import Bank of China. 
La première vient d’ailleurs de recevoir pour consigne, de la part de Pékin, de se concentrer à nouveau sur sa mission initiale, qui est d’être un outil politique pour concrétiser les choix économiques des autorités chinoises, et non de concurrencer les grandes banques commerciales. Devant le potentiel à la fois économique et diplomatique de son projet de «nouvelle route de la soie», et alors que la croissance ralentit très rapidement, Pékin met donc son infrastructure financière en ordre de bataille pour agir au plus vite sur ce nouveau front.
(Blog de Lupus
              Un vieux projet quoi pourrait rapidement se concrétiser

 ___ La Chine et la Russie peuvent-elle extirper Washington de l’Eurasie ? | 
                     "... Les intérêts géostratégiques de Berlin semblent s’éloigner lentement de ceux de Washington. Les industriels allemands, en particulier, semblent désirer vivement conclure des transactions commerciales illimitées avec la Russie et la Chine. C’est qu’elles pourraient ouvrir à leur pays la voie vers un pouvoir mondial dépassant les frontières de l’UE et, à long terme, mettre un terme à l’époque où l’Allemagne, malgré toute la courtoisie dont elle était capable, demeurait essentiellement un satellite américain.
La route sera longue et sinueuse. Le Bundestag, le parlement allemand, préconise encore un programme atlantiste fort et obéit aveuglément à Washington. Il y a encore des dizaines de milliers de soldats américains sur le sol allemand. Mais, pour la première fois, la chancelière allemande Angela Merkel s’est montrée hésitante à l’égard de l’imposition de sanctions plus sévères contre la Russie par rapport à la situation en Ukraine, parce que pas moins de 300 000 emplois allemands dépendent des relations avec la Russie. Les chefs d’entreprise et l’establishment financier ont déjà sonné l’alarme , parce qu’ils craignent que ces sanctions ne soient totalement contre-productives..."
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mardi 16 mai 2017

Xi Jinping s' engage

Avec le projet OBOR
                                La Chine voit loin. Trop  loin? 
                                                             Si tu veux t'enrichir, construis une route. 
     L'exportation est toujours aussi vitale pour le grand atelier du monde et  l'Empire a besoin de nouvelles voies d'exportation, plus diversifiées, dans un monde instable.
    Xi Jinping, en grand prêtre du libre échange, l'avait déjà annoncé en personne à Davos.
   En renouant d'une certaine manière avec un ancien passé.
        Les nouvelles "routes de la soie" deviennent son nouvel objectif. Un projet grandiose et onéreux. Mais il s'agit d'avenir:
          "C’est l’un des grands événements diplomatiques de l’agenda de Xi Jinping : pendant deux jours, la Chine accueille à Pékin le Forum international des routes de la soie. Une trentaine de chefs d'État et de gouvernement sont présents dans la capitale chinoise depuis dimanche, pour le lancement officiel du programme OBOR ("one belt, one road") : "one belt", pour la ceinture terrestre qui relie la Chine à l'Europe via l'Asie centrale et la Russie (Vladimir Poutine est d’ailleurs présent au forum). "One road", comme la route maritime qui rejoindra l’Afrique et l'Europe par la Mer de Chine et l'Océan indien.
  Le président chinois veut faire renaitre les grandes routes commerciales d’antan, une priorité économique pour la Chine dont la croissance ralentit."L'initiative de la route de la soie est ouverte à tous", explique Xi Jinping. "Elle permettra une croissance économique et un développement équitable. Ce que nous espérons, c'est créer un nouveau modèle de coopération gagnant-gagnant. Notre espoir est de créer une grande famille pour une coexistence harmonieuse."
   Les chefs de gouvernement grec, italien, espagnol et hongrois sont aussi présents à ce Forum, et c’est l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin qui représente la France à ce Forum international. Mais il manque beaucoup de dirigeants occidentaux. Avec les nouvelles routes de la soie, la Chine veut surtout gagner en influence dans le monde, explique Tom Miller, auteur de "Le rêve asiatique de la chine"."
           Mais les projet, porté par Xi Jinping, subit quelques réticences de  la part de pays exigeant plus de réciprocité dans les échanges.
      Les écueils et les périls ne manquent pas dans ce qui apparaît un pari autant risqué que démesuré:
         "Le projet est titanesque. Il englobe 68 pays représentant 4,4 milliards d’habitants et 40 % du PIB mondial, remarque CNN. Parmi les projets géants de cette nouvelle Route de la soie une ligne ferroviaire reliant Londres à l’est de la Chine et une route maritime connectant l’Asie du Sud-Est à l’Afrique du Nord. Mais le projet d’ensemble reste très flou et ses bénéfices pour les pays qu’il englobe des plus incertains. Les bénéfices sont plutôt pour Pékin. Economiques d’abord. Avec le pays en surcapacité, étendre la demande pour ses produits à l’étranger peut être un moyen de résoudre et donner des débouchés à ses surcapacités industrielles. Mais aussi à répondre à tout ralentissement économique en Europe ou aux Etats-Unis. Cependant il y a aussi des risques économiques. Le projet OBOR concerne des pays souvent instables politiquement et économiquement et corrompus – Asie centrale, Afrique, Asie du Sud-Est. Que se passera-t-il si un projet financé par le gouvernement chinois tombe... ? "
     Pourtant, la  Chine est bien décidée à mettre le paquet. C'est la mondialisation ou la mort. Le géant connaît ses limites. La course en avant engagée par Pékin semble exiger cette nouvelle étape. Mais pour combien de temps?
   En toile de fond, les vastes ressources énergétiques de l’Asie centrale, notamment le pétrole et le gaz, sont également visées. ainsi que le contrôle frontalier des armes et des drogues. 
                L'ex-Empire du Milieu trace sa route, avec une audace calculée mais risquée.

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mardi 10 septembre 2019

Routes de la soie (suite)

Du rêve à la désillusion?
                                           Hier, c'était l'euphorie.
           Aujourd'hui un peut moins.
   D'abord parce que Pékin est dans une mauvaise passe économique et revoit à la baisse certains de ses objectifs les plus ambitieux et ses partenaires se font plus méfiants ou plus résistants.
   Ce qui veut dire que le gigantesque chantier des nouvelles routes de la soie ne verra pas le jour, mais ce grand projet commercial pharaonique ne suscite pas seulement des méfiances écologiques.
    Certains craignent un péril financier, d'autres le risque d'emprise de Pékin sur des économies fragiles.
  Parfois la colère gronde à l'égard des ambitions chinoises.
  Celles-ci ne sont pas que géopolitiques, même si le nouvel Empire du milieu fait profil bas, se fait conciliant et largement contributeur.
    Mais on voit pas ce qui pourrait arrêter l'achèvement de l'une des phases décisives de la mondialisation sous égide chinoise.
      Un certain nombre d'ambiguïtés règnent cependant à ce stade, comme l'indique ce point de vue:
             ....Maintenant que la Chine s’est éveillée et que l’empire du Milieu vient à notre rencontre, sommes-nous prêts à l’accueillir ? Et dans l’affirmative, à quelles conditions : soumission ou réciprocité ? Le projet pharaonique chinois dit des « Routes de la soie » (« Belt and Road Initiative ou BRI) est aujourd’hui particulièrement bien documenté par une kyrielle d’experts reconnus. Il traduit clairement la volonté chinoise de transformer sa puissance économique en puissance militaire et diplomatique. Jour après jour, nous découvrons les dernières ramifications de la toile que tisse méthodiquement Pékin en Asie1, en Europe de 2000 à 208, Pékin a investi 55 milliards de dollars aux Royaume-Uni, deux fois plus qu’en Allemagne et en France)2, au Moyen-Orient et en Afrique. Projets d’infrastructures gigantesques que le monde découvre avec effarement. Seuls les Chinois semblent capables de relever pareils défis technologiques et financiers. Mais aussi stratégiques : diluer les règles du jeu européennes, instaurer un « nouveau type de relations internationales », engagement dans un « plan d’action postalliance » basé du de nouveaux « partenariats » avec de « nouveaux amis ». Toutes choses qui pourraient conduire à une « nouvelle polarisation du monde », « repolarisation floue ».
        Souvenons-nous, en lieu et place de céder à la tentation de la surprise stratégique, que « l’éternité est faite de trois dimensions, celle du passé, celle du présent, celle de l’avenir ». Et, c’est bien dans ce contexte spatio-temporel qu’il importe de replacer le projet déjà bien avancé des « Routes de la soie », un projet stratégique (« il faut avoir les yeux ouverts : la Chine est un concurrent, pas un partenaire », Michael Fallon, ancien ministre britannique de la Défense). « Les Chinois préfèrent devenir de plus en plus forts, si forts que leur adversaire renoncera à les affronter » souligne l’expert des questions stratégiques, Graham Allison ! Et, pourquoi pas de se livrer à un exercice ambitieux de prospective qui frise la politique fiction ? En faisant preuve d’imagination débridée – confessons-le -, l’on pourrait le comparer à une valse à trois temps, à une histoire d’amour (de désamour) à trois temps. Lançons-nous dans cet exercice incongru dans cette période de pensée cadenassée et aseptisée ! Nous passerons successivement du temps de l’admiration à celui de la soumission avant de parvenir à celui de la répulsion qui peut parfois conduire au divorce le plus sordide dans lequel tous les coups même les plus bas sont permis.
    Avec l’Empire du milieu, le rêve chinois de déverser ses bienfaits économiques sur tous les États se situant sur les fameuses « Routes de la Soie », devient au fil des ans, et comme par un coup de baguette magique, une réalité tangible. Il prend corps.
      Que n’a-t-on entendu au cours des dernières années de sympathique, de lyrique, de désintéressé3, sur ce projet de « Routes de la Soie » ! Il avait un goût d’Orient compliqué, d’orientalisme, de Route des Indes, d’épices de soieries dont on fait les plus beaux carrés de la célèbre Maison de la Rue du Faubourg Saint-Honoré, Hermès ! De quoi faire vibrer la corde sensible des amoureux de l’Empire du Milieu. Grâce à ses ressources financières colossales, ses succès technologiques, sa magnificence et sa munificence, la Chine allait aider les pays dans l’embarras (et ils sont nombreux) à disposer d’infrastructures dernier cri leur permettant d’être entièrement branché sur le circuit de la mondialisation heureuse. Et au passage de profiter de tous les bienfaits de la civilisation « Made in China ». Une version romancée et romantique du « new Deal », un plan Marshall pour nécessiteux, pour paniers percés. Il suffit de demander pour obtenir immédiatement une remise à niveau de ses ports en déshérence, de ses chemins de fer désuets, de ses aéroports peu rentables, de ses bases maritimes inadaptées aux défis du monde ouvert. Tout y passe. Rien n’est délaissé tant le Chinois est méticuleux et prêt à tout pour contribuer au bonheur des peuples délaissés, des damnés de la terre.
    Avec Pékin, c’est le Père Noël tous les jours. Rien n’est trop beau pour lui. Que de prouesses technologiques jalonnent cette aventure désintéressée, altruiste car venant de Chine et non d’affreux pays capitalistes et colonialistes tentés par le gain et la domination. Avec les Chinois, rien de tout cela. Pékin vient vers vous pour guérir tous vos maux. C’est bien connu, la médecine chinoise fait des miracles mais sans les effets secondaires de la pharmacopée allopathique. Tels sont les bienfaits reconnus universellement des médecines douces ! Et, comme cela était largement prévisible, nombreux sont les patients à confier leur santé au bon Docteur Xi Jinping4 et à tous ses collaborateurs. C’est une authentique histoire d’amour qui n’a rien à voir avec la morgue de l’Oncle Sam (ce voyou de Donald Trump5) qui vous met en coupe réglée pour prix de votre soumission stratégique. Les idiots utiles de l’OTAN sont bien payés pour le savoir. Ne voilà-t-il pas que ce grossier personnage ose réclamer son obole à ses alliés sous le vocable barbare de « partage du fardeau » ! Rien de tout cela avec la puissance bienfaitrice chinoise6 qui ne pense qu’au bien-être des peuples égarés. Rien de comparable entre le « hard power » (le bâton) de Washington et le « soft power » (la carotte de Pékin). Avec les Chinois, c’est comme entre Carla et Nicolas, c’est du sérieux. Pas une amourette sans lendemain ! Mais, l’amour est d’autant plus durable qu’il est concerté et consenti, non imposé et subi. Or, dans le sujet qui fait l’objet de toutes nos attentions, nous serions plutôt dans la seconde branche de l’alternative. Contrairement à ce que pensent certains Candide, nous ne sommes pas dans le monde des bisounours, mais dans celui des monstres froids qui défendent, d’abord et avant tout, leurs intérêts bien compris.
    C’est qu’à trop dépendre de son bienfaiteur, vieille règle que nous enseigne l’expérience, on aliène petit à petit son autonomie, son indépendance si chèrement conquise pour se retrouver dans les mains de son créancier avec une marge de discussion réduite. Telle est l’une des leçons de l’Histoire ! Le banquier n’a pas pour qualité le désintéressement.
     Après le temps béni de l’idéalisme vient immanquablement le temps honni du réalisme avec son cortège de mesquineries, d’humiliations de toutes sortes qui rend le projet des « Routes de la Soie » de moins en moins sympathique pour ses bénéficiaires médusés ! La désillusion fait rapidement place à l’illusion candide.
  « I want my money back » : un juste retour
     Avec la Chine comme avec ses créanciers (les banquiers qui voient rouge lorsque votre compte passe au rouge), l’histoire d’amour se transforme vite en vulgaire histoire de gros sous. C’est que Pékin entend tirer le meilleur parti de ses atouts pour prendre toute sa place dans le système multilatéral délaissé par l’Oncle Donald et son acolyte John Bolton7. C’est que Pékin entend, plus prosaïquement tirer les marrons du feu de ses investissements dans les pays qui ont la chance de se trouver sur le tracé des « Routes de la Soie ». Peut-être, suggèrent-ils, mezzo voce, une douce rengaine qui pourrait se résumer ainsi : ne faudrait-il pas commencer à rembourser les intérêts de la dette avant le capital pour demeurer de bons amis ! Si tel ne pouvait pas être le cas – les bénéficiaires de la manne chinoise sont par nature fauchés comme les blés -, il faudrait penser à d’autres solutions moins élégantes. Nous ne sommes pas au Club de Paris où l’on rééchelonne les dettes, de facto on annule – les dettes des mauvais payeurs pour leur donner une bouffée d’oxygène salutaire afin de leur éviter la noyade par asphyxie. À Pékin, un sou est un sou et la fourmi n’est pas philanthrope, n’est pas prêteuse à croire Jean de la Fontaine. Et, les Chinois connaissent mieux les grands classiques de l’Occident que nous possédons les grandes figures de l’Orient. En particulier, un écrivain français qui a pour nom, Etienne de la Boétie, auteur d’un excellent traité qui a pour titre Discours de la servitude volontaire (1548). Il y professe que les peuples sont responsables de leur mise sous tutelle. Ce terme rappelle étrangement celui des Territoires sous Tutelle de quelques grands à l’époque de la Société des Nations (SDN) à qui a succédé l’ONU. Et, Pékin de proposer de prendre possession directement de la marche des infrastructures, d’en recevoir la manne pour se rétribuer. Voire même le cas échéant de mettre son nez dans le fonctionnement de l’État en délicatesse avec lui. C’est qu’en politique la comptabilité remplace les bons sentiments.
       Que nous les voulions ou non, nous sommes aujourd’hui confrontés à une sorte d’ingérence de type colonial à la sauce chinoise. Une sorte de soumission librement consentie par l’un de deux membres du couple pour continuer, bon gré malgré, à être aimé de son bien aimé. Mais, il en va de la soumission comme des roses, elle ne dure qu’un temps. De la soumission à la répulsion – qui peut parfois prendre la forme de la révolution -, il n’y a souvent qu’un pas à franchir. Si ce n’est bien évidemment qu’une hypothèse d’école, à ce jour du moins, elle ne doit pas être pour autant écartée pour de simples raisons d’a priori par nos dirigeants peu clairvoyants et nos stratèges d’opérette. Gouverner, n’est-ce pas prévoir… et surtout l’imprévisible pour tenter de s’en prémunir autant que faire se peut de toutes éventualités ? Ce que nous avons trop tendance à perdre de vue alors même que la décennie écoulée fut riche d’expériences, le plus souvent mauvaises (Cf. les mal nommés « printemps rabes » et les fantasmes auxquels ils donnèrent lieu sur l’implantation pérenne de la démocratie dans les pays occidentaux). Surtout lorsque l’on sait que la Chine veut modifier l’ordre international à son avantage8 (elle investit massivement à l’ONU, profitant du vide laissé par Washington9) et que seuls les États-Unis leur tiennent tête, sanctions commerciales à la clé (Cf. le bras de fer actuel entre les deux concurrents dont les négociations bilatérales en cours n’ont pas eu raison)10. Certains évoquent l’idée d’une guerre froide technologique (Cf. le contentieux majeur au sujet du géant chinois des télécommunications qui a pour nom Huawei)11. Les instituts Confucius désormais sont perçus avec suspicion12. Les achats de vignoble et autres joyaux du patrimoine français suscitent désormais quelques réactions de rejet face à un corps étranger.
     Comme dans l’histoire de nombreux couples, après le temps de l’amour fou, aveugle, vient celui de la routine moins romantique, voire le temps des querelles mesquines, de la séparation, du divorce plus ou moins pacifique avec lourdes pénalités à l’appui. Ce qui vaut pour les relations humaines vaut également pour les relations entre États.
      L’histoire du XXe siècle nous apprend que le réveil des peuples est souvent annonciateur de changements, de bouleversements inattendus qui peuvent conduire à des phénomènes paroxystiques incontrôlés surtout lorsque les comptables prennent le pas sur les politiques. L’on connait trop bien les aléas de la réponse du faible au fort, en particulier en Afrique et au Proche et au Moyen-Orient.
         Et c’est là que nous abordons – sans le moindre complexe et la moindre retenue – le temps de la prospective, de la science-fiction la plus pure pour envisager l’avenir des « Routes de la Soie » dans sa version la moins rose et lyrique qui soit. Toute médaille a son revers. La Chine fait peur13. Il arrive que les peuples humiliés se cabrent. Il y a des choses qui se racontent mal, et l’humiliation en est une. Rappelons, et les Occidentaux sont particulièrement bien placés pour le savoir, que l’on arrive souvent en terre étrangère comme libérateur (Irak, Afghanistan, Mali…) et que l’on en repart pour puissance occupante plus vite qu’on l’avait envisagé, parfois sous la pression d’un terrorisme rampant mais non moins meurtrier. Comme le souligne Pierre de Villiers, « en vingt ans nous avons perdu toutes les paix ». C’est que le monde a bien évolué au cours de la dernière décennie. « Le terrorisme vise à créer des amalgames et à fédérer des sensibilités différentes, en s’appuyant sur des sympathies, un sentiment d’humiliation, de rejet » (Dominique de Villepin, Le Figaro, 20 janvier 2015)Avons-nous tiré toutes les conclusions de ces changements de paradigme ? La réponse se trouve à l’évidence dans la question.
      C’est qu’aujourd’hui, les « Routes de la Soie » soulèvent déjà quelques interrogations qui font figure de ce que la communauté du renseignement qualifie de « signaux faibles »14. Accusé d’entraîner l’Afrique dans « le piège de la dette », le ministre chinois des Affaires étrangères s’en défend (Forum de la coopération sino-africaine, 25 juin 2019), mettant en avant que Pékin soutient prioritairement des projets de développement durable sur ce continent. Ces propos reprennent mot pour mot ceux du président Xi Jinping15 lors du sommet Chine-Afrique en décembre 201816. Le chef de la diplomatie chinoise répondait indirectement aux critiques formulées récemment par le secrétaire d’État adjoint américain pour l’Afrique accusant Pékin de visées anticolonialistes et de mettre à genoux certains pays africains. Il se montrait disposé à faire un geste pour échapper aux critiques américaines. De là à ce que ces critiques soient reprises par certains gouvernements africains financièrement aux abois sous la pression du FMI, il n’y a qu’un pas. Qui sait, un sentiment antichinois pourrait progressivement se développer et prendre des formes diverses, y compris en Occident17 ! La câlinothérapie ne s’avère pas toujours suffisante pour calmer les inquiétudes grandissantes des investisseurs18.
       Dans ce domaine, l’imagination n’a pas de limites. Telle est la dure réalité de la guerre dite asymétrique, la réponse du faible au fort. On pourrait penser à quelques expulsions de nationaux chinois, d’enlèvements de ressortissants chinois avec libération conditionnée par le versement de coquettes rançons, d’assassinats ciblés (ce que les hommes de la force « Barkhane » connaissent parfaitement), de tueries à plus grande échelle, de nationalisations des biens chinois sans contrepartie… Dans ce domaine l’imagination n’a pas de limites. Le pire est toujours possible. L’Histoire des décennies passées est très instructive pour celui qui accepte d’en tirer les leçons même si comparaison n’est pas toujours raison. Il s’agit bien évidemment d’hypothèses extrêmes qui pourraient ne jamais survenir comme elles le pourraient aussi bien. La politique n’est-elle pas l’art de se préparer au pire et non d’attendre les bras croisés qu’il se produise ? Surtout lorsque le différend sino-américain n’a jamais été aussi profond, monopolisant une partie des débats du récent G20 d’Osaka (28-29 juin 2019)19 et que la situation à Hongkong commence à lasser Pékin qui estime que la parenthèse/plaisanterie démocratique n’a que trop durer (la Chine accuse les États-Unis de « saper la stabilité »)20. Gustave Flaubert nous donne un judicieux conseil : « Médite donc plus avant d’écrire et attache-toi au mot ». Or, de nos jours, sous la pression du temps, de l’immédiateté de la réaction, nous avons trop tendance à perdre le sens précis des mots. Car, comme nous le rappelle Albert Camus : « mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde » ! Accepterons-nous de bien les nommer, contrairement à l’habitude ?
      L’angélisme est une plaie en ces temps conflictuels. Le futurible, c’est la part du futur que l’homme possède le pouvoir de créer. Et c’est bien de cela dont il s’agit aujourd’hui pour une Chine qui apparait comme une magistrale stratège de l’ambiguïté. « Elle est passé maître dans l’art de … dérouter »21. Pour la Chine laborieuse, la difficulté de l’effort – celui de la mise en place de son projet de « Routes de la Soie » – est le signe qu’il en vaut la peine à la condition expresse qu’il soit payé de retour. La Chine affiche clairement ses ambitions22 et ambitions il y a23. Les Chinois négligent ni la dimension diachronique, ni la dimension synchronique dans leur approche de l’Histoire. Il faut le leur reconnaitre volontiers cette immense qualité. Pour ce qui les concerne, les pays d’accueil des projets d’infrastructure des « Routes de la Soie » ne devraient pas perdre de vue que les puissants n’accordent leurs faveurs et leur amitié protectrice qu’en échange de la servitude. Et quel prix sont-ils disposés à supporter en échange de cette servitude volontaire (« L’homme est une prison où l’esprit reste libre », Victor Hugo) ?
      « Regarde au loin ». Tel est le conseil que nous prodigue le philosophe Alain. Là est la question fondamentale que ne manquera pas de soulever dans les années à venir le projet ambitieux chinois. Souvenons-nous que les mots – abstraits par essence – restent toujours moins parlants que les impressions de terrain – concrètes par nature-, telle est la réalité de notre monde. « L’enfer, c’est là où il n’y a pas de pourquoi » (Primo Levi, 1947). Et c’est bien la question du pourquoi qui est au centre le problématique des « Routes de la Soie ». Où vont-elles conduire la Chine et les nombreux récipiendaires de ses mannes dans les années à venir ? Les antagonismes l’emporteront-ils sur les connivences ? Certains signaux ténus sont parfois plus éclairants que la lumière vive. Ce qui nous rappelle, « qu’au fond, l’essence de la diplomatie, c’est la compréhension de l’autre »24. Les Chinois ne devraient pas oublier que dans la vie internationale, le cauchemar peut souvent faire place au rêve et cela plus vite qu’on peut l’imaginer !  [Guillaume Berlat]
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jeudi 18 janvier 2018

Point d'histoire

Ces Khazars oubliés    [Jalons]
                        Une brève existence aux prolongements discutés.
     L' historien israëlien Schlomo Sand, comme d'autres, se déclarait il y a peu khasar, fier de l'être, remettant en question une mythologie nationale ayant été à l'origine de son pays.
    Le mythe fondateur de l'exil avait été l'élément idéologique fondateur du retour sur la terre d'origine.
    Le discours officiel sur le retour du peuple juif dans sa terre serait un discours construit a posteriori, comme il arrive souvent dans l'histoire, où le mythe s'élabore souvent facilement pour fonder une légitimité.
   Mais qu'en est-il de cette thèse qui n'est pas sans intérêt mais qui suscite de nombreux débats entre historiens et d'autres, plus passionnés, en terre d'Israël, surtout à l'heure où le sionisme politique est en cours d'extension en Cisjordanie notamment.
      Qui furent ces Khazars, ce  royaume englouti  qui aurait été à l'origine de la branche askkénase?
  Un peuple de nomades au secours de Byzance, qui disparut sans laisser de traces, un peuple qui a préservé le Caucase de la conquête arabe musulmane et soutenu la lutte de l’empire byzantin contre son puissant voisin perse. Aux VIIe-IXe siècles, il jouait donc un rôle déterminant sur la scène du monde.
Plus étonnant encore : ce peuple turcophone s’est en partie converti au judaïsme, cas unique en son genre.   S’ils réussissent à garder leur identité de peuple de la steppe, jusqu'à se convertir au judaïsme, ils conservent aussi un pouvoir essentiellement clanique, sans État. Au moindre signe de faiblesse, les clans et tribus qui leurs sont soumis sont tentés de se révolter. Après une période de troubles dans les années 830, le rapport de force se renverse dans la seconde moitié du IXe siècle et conduit à la chute de l'empire khazar.
    Thomas Tanase est aeez prudent dans son interprétation
          "Cela ne signifie pas pour autant que les Khazars n’aient laissé aucun héritage. Arthur Koestler a popularisé l’idée d’une « treizième tribu » d’Israël, postulant que les Khazars auraient été la véritable origine des populations ashkénazes, ces communautés juives d’Europe centrale et orientale.  Les historiens ont plus que nuancé cette idée, qui repose sur une exagération manifeste. Ils ont parfois nié en bloc toute forme de lien, surtout si l’on estime que la conversion des Khazars n’a jamais concerné qu’une élite restreinte. Mais ce point de vue est lui-même aujourd’hui de plus en plus souvent nuancé.  De fait, une part du peuple khazar s’est bien convertie au judaïsme. Il n’est donc pas impossible, même si cela fait toujours l’objet d’un débat, que des groupes d’origine khazare aient été intégrés dans les populations juives est-européennes ou russes. Mais il ne s’agirait alors que d’un élément parmi bien d’autres, sans doute limité, dans une formation qui s’inscrit sur le temps long.   Les Turcs seldjoukides, appelés à une grande destinée, à l’origine lointaine de la Turquie moderne, sont issus de ces Oghouz qui ont côtoyé les Khazars ; on s’est parfois demandé, là aussi à titre d’hypothèse, si le fait que le fondateur de la dynastie, Seldjouk, ait appelé ses fils Mikhaïl (Michel), Yunus (Jonas), Musa (Moïse) et Israël ne témoigne pas d’une influence khazare."
     Ceux qu'on a nommés la treizième tribu d'Israël ont adopté le judaïsme essentiellement par opportunisme et par intérêt.,  à l’intersection de 3 grandes voies commerciales. D’est en ouest, la route de la soie, qui relie la Chine à la Méditerranée, du nord au sud, la route de l’étain et de l’ambre, vers le sud la route de l’encens, en provenance de la corne de l’Afrique et du Yémen en passant par l’Egypte. La route de la soie est un trait d’union entre l’empire chrétien de Byzance et les puissances perses et ensuite musulmanes de l’est et du sud.
  Ces Juifs de la steppe auraient quitté une sorte de religion chamanique pour adopter le judaïsme, afin surtout de se différencier de ses puissants voisins,  Byzance d'un côté, perse de l'autre.
       Si on suit S.Sand, la notion d'un peuple juif homogène, revenant sur ses terres tels qu'ils les ont quiitées pose problème. Le problème se pose aussi pour la branche  séfarade, qui serait l'aboutissement de nombreuses conversions en Afrique du Nord, de certains peuples berbères notamment 
   Mais épouser à la lettre sa thèse pose problème pour certains historiens, qui sont en fait partagés sur le sujet. à des degrés divers. En Israël, le déconstructivisme de Shlomo Sand et de quelques autres est diversement accueilli. Parfois avec hostilité, surtout dans les milieux religieux fondamentalistes (on le comprend, étant donné le poids des dogmes ambiants et le littéralisme de la lecture biblique) ou avec intérêt, surtout dans les milieux universitaires. 
          Encore du travail pour la recherche à venir, l'archéologie, la génétique des populations...
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samedi 21 janvier 2023

Casse tête géopolitique

Surtout mis en évidence par l'actualité

           Un peu d'histoire ne nuit pas.   ___  La Russie et son environnement.

                      " L’année 2022 a remis en question de multiples paradigmes qui semblaient constitutifs du monde tel qu’il s’est construit après la fin de la guerre froide. L’espace post-soviétique, composé des quinze républiques issues de la dislocation de l’URSS en 1991, était depuis cette date largement dominé par la Russie. La donne change rapidement sous l’effet de la guerre en Ukraine.    Fortement déstabilisé par une série de conflits – affrontements sanglants au Kazakhstan en janvier, début de la guerre en Ukraine en février, nouvelles flambées de violence entre le Tadjikistan et le Kirghizistan en septembre et entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en novembre, l’ancien pré carré de la Russie est aujourd’hui un laboratoire géopolitique captivant.                                                                             De nouveaux rapports de force peuvent y naître… à condition que les puissances extérieures, notamment l’Union européenne, les États-Unis et la Chine, réagissent intelligemment à cette sortie de la « vassalité » établie par Moscou vis-à-vis de son « étranger proche ».  Depuis le début des années 1990, les trajectoires des républiques post-soviétiques oscillent entre des périodes de rapprochement et de mise à distance avec la Russie, visibles notamment dans des « révolutions de velours » survenues, avec des succès divers, en Géorgie en 2003, en Ukraine en 2004 puis en 2013-2014, en Biélorussie en 2005 ou au Kirghizistan également en 2005.         L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et, surtout, le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022 ont conduit la plupart de ces pays à une nouvelle quête d’émancipation. L’édifice géopolitique construit par Moscou dans son pré carré prend désormais l’apparence d’un château de cartes aux fondements fragiles, bien loin de la forteresse incarnée notamment par la complexe architecture institutionnelle érigée par le Kremlin sous les trois formes de l’Organisation du traité de sécurité collective, de la Communauté de États indépendants et de l’Union économique eurasiatique.                                                             Bien que très hétérogène, l’espace post-soviétique (à l’exception de la Biélorussie) donne de multiples signaux de prises de distance vis-à-vis de Moscou. Leurs modalités varient de signaux très symboliques (manquements aux rencontres officielles) jusqu’aux demandes d’adhésion à l’UE déposées par la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine, les deux dernières étant devenues officiellement pays candidats en juin 2022. L’Ukraine est naturellement aujourd’hui le pays ex-soviétique dont la coupure avec la Russie est la plus nette et, sans doute, définitive. L’ensemble du voisinage de la Russie est concerné. 


                                                                             En Asie centrale, le Kirghizistan a refusé en octobre dernier d’accueillir les manœuvres militaires annuelles de l’Organisation du traité de sécurité collective, sous l’égide de la Russie, et mène des
 négociations de partenariat avec Washington. Le Kazakhstan a annulé la parade militaire du 9 mai, un acte particulièrement symbolique au regard du poids historique que porte cette date dans l’espace post-soviétique. L’Ouzbékistan et le Kazakhstan ont envoyé une aide humanitaire en Ukraine dès le début de la guerre, et l’ont rendue publique. Au cours du dernier sommet de la Communauté des États indépendants à Astana, le président du Tadjikistan, Emomali Rahmon, a dénoncé l’attitude de la Russie vis-à-vis des pays d’Asie centrale, acte significatif pour un pays resté sous la mainmise russe depuis la dislocation de l’URSS.   La situation est similaire du côté des pays du Caucase du Sud. L’Arménie, qui avait soutenu la Russie au sein des Nations unies et du Conseil de l’Europe après l’annexion de la Crimée, a refusé de signer, en novembre dernier, la déclaration finale du sommet de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) en raison de son « inefficacité dans la gestion du conflit arméno-azerbaïdjanais ».                             L’Azerbaïdjan, premier pays à avoir promis et fourni une aide humanitaire à l’Ukraine, semble également avoir changé de ton vis-à-vis de la Russie en autorisant, par exemple, la télévision d’État à parler d’agression russe en Ukraine. Plus récemment, en décembre, le transfert d’équipements azerbaïdjanais à l’Ukraine dans le cadre de l’aide humanitaire a suscité une réaction immédiate de la part de la Russie.                                                                                                                                                         Les tentatives des républiques post-soviétiques de s’affranchir de l’emprise russe font naturellement l’objet de multiples commentaires dans les médias occidentaux et semblent tout particulièrement attirer l’attention des gouvernements des États de l’UE et des États-Unis. Cependant, bien que le Kremlin ne puisse y être indifférent, il ne semble pas s’en l’inquiéter outre mesure et, en tout cas, s’efforce de maintenir les apparences de relations habituelles avec les pays de son voisin.   La médiatisation du premier Forum économique eurasiatique tenu à Bichkek en mai 2022 (avec promesse d’ouverture de nouveaux dossiers de coopération) et d’une possible « union gazière » avec le Kazakhstan et l’Ouzbékistan annoncée fin novembre, plusieurs rencontres de Poutine avec ses homologues de l’« étranger proche » en cours d’année ainsi que le rôle de médiateur joué par la Russie dans le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ne sont que quelques exemples parmi d’autres de la stratégie de continuité adoptée par Moscou.  Le 26 décembre, lors de la réunion de fin d’année des chefs d’État et de gouvernement de la CEI, et de manière outrageusement symbolique, Poutine a redessiné les contours de sa zone d’influence en offrant à ses homologues des bagues sur lesquelles sont sculptés le symbole de l’organisation régionale ainsi que les mots « Bonne année 2023 » et « Russie ».   
                               Le Kremlin semble parier sur les limites, nombreuses, de l’émancipation de son pré carré. En effet, ces républiques subissent les conséquences de leur enclavement, puisqu’elles sont coincées, coté Asie centrale et Caucase du Sud (hors Géorgie) entre Russie, Chine, Iran, Afghanistan et Turquie ou transformées en zone tampon entre Russie et Union européenne pour ce qui est de la Biélorussie, de l’Ukraine et de la Moldavie. Privés pour la plupart de débouchés maritimes, ces États demeurent étroitement liés à la Russie : marchés économiques et notamment énergétiques (l’Arménie, par exemple, dépendant presque exclusivement de la Russie pour ses approvisionnements en céréales, en gaz ou en pétrole), voies de communication, dont réseaux routier et ferroviaire, investissements dans le secteurs bancaire et des assurances, accords relatifs à la présence des bases militaires (d’ailleurs prolongés en 2022 jusqu’en 2042 au Tadjikistan et 2044 en Arménie), sans compter la présence de minorités russophones très nombreuses et en pleine expansion depuis de début de l’offensive contre Ukraine. Le choc de la guerre n’entraîne visiblement pas une rupture de ces dépendances structurelles à court terme.                                                Dans cette situation, d’autres acteurs et tout particulièrement l’UE, les États-Unis et la Chine se retrouvent face à un véritable casse-tête géopolitique. Quelles stratégies établir afin d’aider les républiques post-soviétiques à rompre le cercle vicieux des dépendances héritées et/ou accumulées depuis l’effondrement de l’URSS tout en évitant le déclenchement de nouveaux conflits dans des pays déjà fragilisés par leurs contradictions internes (Kirghizistan, Kazakhstan, Biélorussie, etc.) ?                                       Les décisions prises par les Occidentaux courant 2022 témoignent d’une certaine prise de risque. L’UE a, on l’a dit, octroyé à l’Ukraine et à la Moldavie le statut de candidat à l’adhésion. Elle mène des négociations en ce sens avec la Géorgie, et a conclu un accord énergétique avec l’Azerbaïdjan, incluant notamment le projet d’un nouveau câble sous-marin contournant la Russie. Elle renforce également son rôle de médiateur dans le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en envoyant une « mission civile ». Elle a aussi lancé un « partenariat stratégique » avec le Kazakhstan sur l’hydrogène vert et les matières premières.                                                           Côté États-Unis, le constat est similaire : les Américains profitent de l’affaiblissement de la Russie afin d’étendre leur influence dans la région, sans pour autant en faire une priorité. Les responsables américains ont intensifié les contacts avec les élites d’Asie centrale, tant dans les domaines de la coopération militaire quéconomique. L’Initiative américaine de résilience économique lancée cet automne en est l’une des modalités.                                                                                                   Enfin, la Chine, bien que prudente vis-à-vis de la Russie sur le dossier ukrainien, cherche elle aussi à étendre son influence en profitant du nouveau contexte géopolitique. Les entreprises chinoises, déjà largement présentes dans le secteur minier, des transports et des hydrocarbures, intensifient leurs investissements, comme au Kazakhstan, où la Chine soutient une cinquantaine de projets qui doivent s’achever en 2023. Le projet phare de Xi Jinping, la « nouvelle route de la soie », continue son déploiement, notamment avec le démarrage prévu en 2023 de la ligne de train connectant la Chine à l’Ouzbékistan en passant par le Kirghizistan.                         Cependant, malgré ces évolutions qui semblent présager un pas vers une nouvelle « fin de l’histoire » dans les anciennes républiques soviétiques, la situation demeure ambivalente et la prudence s’impose. La politique jusqu’au-boutiste de Poutine, dont il a fait la démonstration en 2022, mais aussi les interdépendances encore très pesantes entre la Russie et ses pays frontaliers, d’une part, ainsi qu’entre la Russie, l’Europe (notamment dans le domaine de l’énergie) et la Chine (notamment dans leur stratégie d’opposition aux puissances occidentales), d’autre part, restent des freins majeurs à un véritable changement de paradigme à court terme.                   Reste aussi, surtout en Asie centrale, à convaincre les populations locales, dont l’attitude vis-à-vis des États-Unis et de la Chine est plutôt méfiante depuis les années 2000, que la présence de ces pays ne se traduirait pas à terme par une nouvelle forme de vassalité. Pour l’heure, les sondages d’opinion montrent que les sociétés deviennent de plus en plus réticentes à « accueillir » ces puissances extérieures. Selon, par exemple, le Baromètre de l’Asie centrale, les projets d’infrastructures sous l’égide de la Chine suscitent de nombreuses inquiétudes au sein de la population kirghize.       L’année 2023, et les suivantes, seront sans doute conditionnées par l’aptitude des Occidentaux et des Chinois (mais aussi des Turcs et des Iraniens, également actifs dans le Caucase et en Asie centrale) à consolider leur présence sans pour autant franchir une ligne rouge à l’égard de la Russie qui reste, pour l’heure, et malgré tout, la puissance dominante dans l’espace post-soviétique." [Merci à Katsiaryna Zhuk]

  ___ Géopolitique de la Russie        __________________