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mardi 19 février 2013

Europe-USA: servitude volontaire?

 2015: début du Grand Marché Transatlantique_______
____________________________________________________________________________________________(Billet du mercredi)
____________ En 1997, Zbigniew Brzezinski écrivait : « Pour l’Amérique, les enjeux géostratégiques sur le continent eurasien sont énormes. Plus précieuse encore que la relation avec l’archipel japonais, l’Alliance atlantique lui permet d’exercer une influence politique et d’avoir un poids militaire directement sur le continent. Au point où nous en sommes des relations américano-européennes, les nations européennes alliées dépendent des États-Unis pour leur sécurité. Si l’Europe s’élargissait, cela accroîtrait automatiquement l’influence directe des États-Unis. A l’inverse, si les liens transatlantiques se distendaient, c’en serait finit de la primauté de l’Amérique en Eurasie. »

___________________Le processus est engagé depuis une dizaine d' années.
Mais les medias en parlent peu et  le commun des mortels est dans l'ignorance totale.
Et pourtant, cette nouvelle donne, cette nouvelle configuration économique qu'annonce le GMT va changer en profondeur la nature même du projet européen, déjà devenu surtout, sous la pression des Anglo-saxons, une zône de libre-échange où dominent les principes néolibéraux, l'idéologie de l'OMC.
 ___L'union européenne est donc à la croisée des chemins.
Cette mutation engagée aboutira à  "neutraliser tout processus de décision au niveau des États nationaux, une structure dans laquelle les citoyens gardent quelques moyens de défense et cela au profit des mécanismes de marché, placés complètement hors de portée de toute pression politique. "
C'est le début d'une emprise plus forte des intérêts US sur le continent européen, à la faveur d'une crise qui fragilise l'eurozône, une aventure vers   une gouvernance globale sous l'égide des USA, leur leadership, qui ne serait évidemment pas à l'avantage des peuples européens, mais aboutirait à une vassalisation économique et politique, sous les habits d'un loyal et équitable partenariat.
  "...Un processus de quinze années de négociations entre la Commission européenne et le ministère américain du commerce est ainsi en train d’aboutir. Un rapport du 3 mars 2009, de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen sur l’état des relations transatlantiques, a confirmé le contenu de la Résolution prise par cette assemblée en mai 2008 : la légitimation par le Parlement du projet de création d’un grand marché transatlantique pour 2015. Le projet prévoit l’élimination des barrières au commerce, d’ordres douaniers, techniques ou réglementaires, ainsi que la libéralisation des marchés publics, de la propriété intellectuelle et des investissements. L’accord prévoit une harmonisation progressive des réglementations et surtout la reconnaissance mutuelle des règles en vigueur des deux côtés de l’Atlantique. Dans les faits, c’est le droit américain qui s’appliquera.
 Les enjeux de la création d’un grand marché transatlantique dépassent nettement ceux d’une libéralisation des échanges ou de la création d’un simple G2. Ce futur espace économique est un élément majeur d’une nouvelle construction politique sous hégémonie américaine...

Le processus qui conduit à l’installation d’un grand marché transatlantique est l’inverse de celui de la construction de l’Union européenne. Le marché commun européen est d’abord une structure économique basée sur la libéralisation des échanges de marchandises. Le grand marché transatlantique s’appuie sur la primauté du droit étasunien..."
Le processus a déjà commencé,"le projet dépasse la création d'un simple G-2, il s’agit de mettre en place une entité politique commune gérant les deux piliers euro-américains. C’est tout l’enjeu de l'installation d'une Assemblée transatlantique qui légitimera ce processus politique, effectué sans concertation des populations concernées. La Commission européenne a exprimée l'intention de créer une telle institution parlementaire transatlantique dans une communication de mai 2005, « Un partenariat UE/USA renforcé et un marché plus ouvert pour le 21è siècle » (Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen, « Un partenariat UE/Etats-Unis renforcé et un marché plus ouvert pour le 21è siècle, » COM(2005) 196 final, Bruxelles, 18 mai 2005.)
_____________Ce projet est généralement mal connu, ou sa portée est le plus souvent déniée ou minimisée.
C'est une sorte de nouvel ordre politique mondial.
 "Un rapport secret, conçu par des experts de six États membres, a établit un projet de création d’une aire de coopération transatlantique en matière de « liberté de sécurité et de justice", d’ici 2014 . Il s’agit de réorganiser les affaires intérieures et la Justice des États membres « en rapport avec les relations extérieures de l’Union européenne », c’est à dire essentiellement en fonction des relations avec les États-Unis.
____Beaucoup voient dans ce projet la possibilité d'une sortie de crise entrainée par le dynamisme des USA.....Ils vantent l'accord de libre-échange euro-américain en train de prendre forme, le formidable espoir que représente, selon lui, le Grand Marché Transatlantique, quelques heures à peine après que Barack Obama y a lui-même fait référence dans son discours sur l'état de l'Union : "Nous allons lancer des discussions sur un accord transatlantique global sur le commerce et l'investissement avec l'Union européenne parce qu'un commerce libre et équitable de part et d'autre de l'Atlantique soutiendra des millions d'emplois américains bien payés", a déclaré le président des Etats-Unis mardi soir devant le Congrès à Washington. Belle synchronisation.
La déclaration d'Obama nous aura d'ailleurs valu un petit événement médiatique : la première évocation du Grand Marché Transatlantique, ce mercredi 13 février 2013, dans le journal de 20 heures de David Pujadas sur France 2. Maryse Burgot, la correspondante de la chaîne à Washington, est emballée et nous présente l'union euro-américaine comme une nécessité : "Face à la montée des pays émergents, face à la Chine, face au Brésil, les Européens et les Américains n'auraient pas aujourd'hui d'autre choix que de se mettre ensemble, c'est tout le sens de ce qui a été annoncé aujourd'hui".
__On regrettera ici l'absence de contextualisation, qui ne permet pas au téléspectateur d'imaginer que les origines de ce projet remontent à 1990 (on a, au contraire, l'impression que l'idée vient tout juste de sortir de la tête de Barack Obama), et qu'il a suscité bien de la défiance, jadis, tant au PS qu'au RPR (ancêtre de l'UMP). On n'entendra pas ainsi parler des réticences exprimées en octobre 2009 par celui qui est devenu le numéro un du Parti socialiste (Harlem Désir), ni des fortes objections avancées par le leader de la gauche radicale (Jean-Luc Mélenchon), sans parler des analyses très critiques d'un Pierre Hillard, situé de l'autre côté de l'échiquier politique. Pas d'allusion non plus à ce qu'un fonctionnaire international (E. Aperaude) écrivait dans Marianne en avril 2009, qui parlait de "l'Europe de la servitude volontaire", pointant que le projet d’unification euro-atlantique n’était pas seulement économique, mais aussi politique et militaire, et allait clairement dans le sens d’un alignement des Etats européens sur les Etats-Unis.
Et puis, Maryse Burgot nous assure que ce projet ne risque pas de voir le jour de sitôt, qu'on a le temps de voir venir : "Alors bien sûr, il y aura des réticences, il faudra des années avant de trouver un accord...
" L'ennui, c'est que ces propos ne cadrent pas du tout avec le calendrier fixé par les deux hommes chargés du dossier, Karel de Gucht (le commissaire européen au Commerce) et Ron Kirk (le représentant au Commerce mandaté par Barack Obama), qui "espèrent que les négociations, ouvertes début 2013, seront bouclées en 18 mois. Donc que cette vaste zone de libre-échange devienne une réalité dès la mi-2014..."
Une idée déjà ancienne.
Le possible saut fédéraliste européen, ce miroir aux alouettes citoyen, serait une étape pour l'aboutissement du projet.
_____________***"... La France a accepté l’ouverture de la négociation et donc le principe même du Grand Marché Transatlantique ! C’est consternant ! Le candidat Hollande n’en avait jamais parlé dans sa campagne. Le premier ministre ne l’a jamais évoqué dans un de ses discours et notamment pas à l’occasion de celui qu’il a prononcé pour son investiture devant l’Assemblée. L’Assemblée Nationale elle-même n’en a jamais débattu. Cela ne dérange personne parmi les psalmistes de la démocratie et des droits de l’homme. C’est pourtant une bifurcation majeure du cours de l’histoire entre les deux rives de l’Atlantique. C’est l’annonce d’une révision de fond en comble de tout le système des normes commerciales, sociales et écologiques de nos pays. C’est la fin de l’espérance de pouvoir modifier le contenu libéral de la construction de l’Union européenne puisque le deuxième tour de verrou est donné avec les règles du Grand Marché Transatlantique. Tout cela est tellement consternant qu’on comprend mieux pourquoi la sonnerie des trompettes de victoire est si forte ! Elle constitue le stade suprême de l’enfumage ! Cherchez dans la presse la moindre référence au fait que cette négociation est ouverte sans que jamais le moindre mandat à ce sujet n’ai été débattu dans une assemblée française ! Voilà bien une démonstration de ce que dénonce Edwy Plenel : l’habitude de la servitude devient une culture active ! Le système médiatique, par paresse, par acceptation aveuglée de l’idéologie dominante, ne se contente pas de taire : il masque !.." (JL Mélenchon)
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- Traité transatlantique: la braderie continue 
- Europe-Etats-Unis : chronique d'un mariage arrangé

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