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mercredi 26 octobre 2016

Poutine or not Poutine?




    Diaboliser Poutine?                                                             [Eléments d'interprétation]
                                             C'est le pire que l'on puisse faire.
         On ne négocie pas avec ses amis ou avec ses proches...Couper les liens avec la Russie ou la clouer au pilori serait contre-performant, lourd de risques.
     Il a raison Vladimir Fédorovski : Il ne faut surtout pas humilier la Russie.
    Quoi qu'on pense de lui et de ses choix politiques ou ce que l'on croit en connaître, à travers une information souvent partielle ou partisane, discutable.
        Poutine est ce qu'il est.
    Personnage controversé, certes, mais on ne peut se contenter de gloser jusqu'au roman sur ce que l'on sait de l'homme et de ses motivations, mais il importe de recadrer la politique russe du moment, qui ne se ramène pas à de la psychologie de bazar, à une imageries people, dans l'histoire récente et les rapports géostratégique du moment.
             L’anti-poutinisme de principe, qui en est encore aux fantasmes de la Guerre froide, est absurde.
      C'est Henry Kissinger, qui n'est pas un enfant de choeur, qui le dit, comme d'autres Américains un peu lucides: il a expliqué à de nombreuses reprises ces derniers mois que « l’anti-Poutinisme » hystérique des Etats-Unis et de la presse américaine, ne constituait nullement une politique mais était en réalité une réponse à l’absence de politique. Il n’y a rien de plus exact. Il le dit dans une interview qu’il a donnée à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel le 13 novembre. Le niveau de délire de la presse américaine a été bien analysé par Robert Parry, l’un des plus grands journalistes indépendants des Etats-Unis. Il est aujourd’hui tragique de voir que ce discours, qui est une véritable propagande de guerre, envahit les médias en France et en Grande-Bretagne.
        Celui que l'on nomme à tort le nouveau tsar est, dans une large mesure, la produit de l'ère post-gorbatchevienne-eltsinienne et de ses dérives, de son effondrement économique évitable du pays mis en pièces, en coupes réglées, largement encouragée par certaines forces états-uniennes, comme le reconnaît J.Stiglitz, alors à la direction de la banque mondiale, du retournement qui s'en suivit ainsi que la réaction nationale prévisible. Dans le cadre d'une démocratie encore à construire...ON ne peut reprocher à Vladimir P. de n'avoir pas procédé à un certain endiguement de la corruption et d'avoir sorti le pays du marasme des premiers temps.
(On n'oubliera pas que les acquis de la Révolution Française ont mis un siècle à se stabiliser tant bien que mal, avec les régressions autocratiques que l'on connaît..).
       Il n'est pas facile de comprendre vraiment le véritable jeu du Kremlin en Syrie, la vérité étant la première victime de la guerre, au coeur de ses intérêts géostratégiques.. Et que savons-nous, dans le brouillard ( ou brouillage) médiatique et des légitimations officielles, de tous les tenants et aboutissants de ce conflit? Une révolution fomentée en partie de l'extérieur. De toutes façons, dans ce terrible affrontement évitable à multiples bandes, personne n'est innocent, surtout pas les puissances occidentales, surtout pas ceux qui ont, par la destruction de l'Irak, mis délibérément  le désordre dans cette région, qui, au, nom d'un chaos créateur à la Dick Chesney, ont procédé aux démantèlements qui a fait fructifier tous les fondamentalismes, quand ils n'ont pas été instrumentalisés.
    Rien n'est aussi simple que ce qui est diffusé sur nos  antennes pressées et formatées.
        Les USA, via  l'Otan, continuent leur jeu d'encerclement, dans le sillage de la guerre froide, ce qui ne peut qu'irriter la Russie déjà amputée. (*)
      Face à l'hypocrisie et le double jeu occidental, Poutine suit sa logique propre où la mémoire joue son rôle.   " Quand il arrive au pouvoir, présenté par ses promoteurs les oligarques, Berezovsky, Abramovitch et consorts, comme un pantin manipulable, V. Poutine trouve un pays économiquement en ruines. La crise de 1998, provoquée par une insertion trop brutale dans le marché mondial, a été catastrophique pour la Russie. Il a donc hérité d’une situation très compliquée avec une corruption galopante qui perdure d’ailleurs aujourd’hui. Le premier succès de V. Poutine, celui sur lequel il capitalise toujours en réalité, a été de sortir le pays de la crise en reprenant en main les actifs gaziers et pétroliers des oligarques pour les placer sous tutelle de l’Etat, inaugurant une nouvelle période de prospérité. Les Russes lui sont toujours reconnaissants de cela ce qui explique en grande partie sa popularité. D’un autre côté il faut également comprendre que le contrat social russe se fonde sur une délégation de pouvoir absolu contre la prospérité et une certaine forme de grandeur du pays ; c’est en ce sens que V. Poutine peut être vu comme l’héritier tant des tsars que des dirigeants soviétiques. Il se place ainsi dans la droite ligne de ses grands prédécesseurs vus comme les bâtisseurs de la Russie et d’une certaine façon à contre-courant de B. Eltsine, même si c’est lui qui l’a amené au pouvoir."
   Un héritage et une situation complexes  où nous comptons si peu, ccomme le dit Védrine.
           Le sénateur McGovern met en garde son pays contre toute tentative de mésinterprétation et de diabolisation à l'encontre d'une Russie supposées encore agressive, comme au temps de Reagan, qui avait temps besoin de cet ennemi.
          La Russie est bien que plus proche de nous culturellement qu'on ne dit.  La réduction simplificatrice et la diabolisation de nos si proches voisins revient périodiquement en force. Comme il est dit:  il y a eu peu de discussions intelligentes à propos de ces risques dans les grands médias américains ou même, apparemment, dans les salles du pouvoir à Washington. On dirait un somnambule marchant vers un abîme."
  Le pire serait de se couper d'un peuple si proche, en attendant des jours meilleurs, des institutions plus conformes à nos traditions héritées de 89.
       Mais les hydrocarbures sont, encore une fois, l'enjeu masqué de l'affrontement. 
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       (*)  Comme le dit Stephen Cohen:
1)  La décision d’étendre l’OTAN jusqu’à la frontière même de la Russie:  ça n’a aucun sens de dire que Poutine a violé l’ordre de l’après-Guerre-Froide en Europe. La Russie a été exclue de l’ordre de l’après-Guerre-Froide en Europe du fait de l’expansion de l’OTAN. La Russie a été repoussée « quelque part au-delà » (au-delà d’une zone de sécurité). La Russie insistait: « Procédons à un arrangement de Sécurité Pan-Européenne comme Gorbatchev et Reagan le proposaient. » Les expansionnistes de l’OTAN dirent : « Ceci n’a rien de militaire, c’est une question de démocratie et de libre échange, ce sera bon pour la Russie, avalez le poison et souriez ! » Et quand les Russes n’avaient pas le choix, dans les années 1990, ils l’ont fait; mais lorsqu’ils sont redevenus plus forts et se sont retrouvés dans la possibilité de choisir, ils ont cessé de subir en silence.
  La Russie commença à se défendre, comme l’aurait fait tout dirigeant russe qui aurait été sobre et qui avait le soutien de son pays. Je ne dis pas ça pour rire. A la fin, Eltsine pouvait à peine marcher. Il a été poussé hors de la présidence, il n’a pas démissionné volontairement. Mais le fait est que n’importe qui aurait pu prédire cette situation dans les années 1990 – et certains d’entre nous l’ont fait, souvent et aussi fort qu’il nous était permis.
  2)  Le refus de la part des Etats-Unis de négocier au sujet des missiles de défense: les missiles de défense sont maintenant un projet de l’OTAN. Ceci veut dire que les installations de missiles de défense, sur terre ou sur mer (celles sur mer étant les plus dangereuses) font maintenant partie de l’expansion de l’OTAN et de son encerclement de la Russie. La défense anti-missiles fait partie de ce système de défense. Les Russes sont absolument certains que ce sont leurs capacités de représailles nucléaires qui sont visées. Nous disons : « Oh, non, cela concerne l’Iran, cela ne vous concerne pas. » Mais allez donc vous entretenir avec Ted Postel à l’MIT [Massachussetts Institute of Technology]. Il explique que les missiles de défense des dernières générations sont des armes offensives qui peuvent frapper les installations russes. Entre-temps, nous accusons la Russie de développer à nouveau des missiles de croisière; et ils ont recommencé à le faire parce que nous sommes retournés à une course aux armements « œil-pour-œil, dent-pour-dent, » pour la première fois depuis nombre d’années.
  3)  Le fait de nous mêler des affaires intérieures de la Russie au nom de la promotion de la démocratie:  en plus de financer les programmes d’ « opposition politique » du National Endowment for Democracy partout en Russie et en Ukraine––êtes-vous conscients du fait que lorsque Medvedev était Président de Russie et que Mme Clinton et Michael McFaul procédèrent à leur merveilleuse « réinitialisation, » (c’était un jeu diplomatique truqué, si vous en regardez les conditions), le Vice-Président  Biden se rendit à l’Université d’Etat de Moscou et déclara que Poutine ne devait pas retourner à la Présidence. Il le lui répéta ensuite à la figure. Imaginez Poutine venant ici dans les semaines à venir et disant à Rubio ou à Clinton d’abandonner la course pour la Présidence!
  Reste-t-il encore des lignes rouges quand il est question de notre attitude envers la Russie ? Avons-nous le droit de dire et de faire tout ce que nous voulons ? Ceci s’étend à tous les domaines, et certainement à la politique. La Maison Blanche ne peut simplement pas se taire, harcelée comme elle l’est par les lobbies anti-russes accrédités et les médias dominants. Nous croyons tous en la démocratie, mais que cela nous plaise ou non, nous ne pourrons pas imposer la démocratie à la Russie; et si nous pouvions le faire, nous ne serions peut-être pas contents des résultats produits.
  Alors posez-vous la question, y-a-t-il une position sur la Russie qui devrait être prudemment repensée, dans l’après-Paris? Et la Russie aurait-elle à tout le moins quelques intérêts légitimes dans le monde ? Et si oui, lesquels ? Qu’en est-il de leurs frontières? Ont-ils des intérêts légitimes en Syrie?
  4)  Mon dernier point est un espoir prescriptif (avant Paris, je ne pensais pas qu’il y avait d’espoir du tout). Maintenant il y existe encore une chance de réaliser le partenariat perdu avec la Russie...
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