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vendredi 9 octobre 2020

Jersey, j'aime

 Il fait bon vivre, dans cette petite île anglo-normande.

          Ce n'est pas le gigantisme  tapageur de  W.Sreet ou de la City, avec leurs méga-banques ayant pignon sur rue.    Là-bas, les capitaux peuvent fructifier à l'aise dans le micro-climat favorable de l'île. La tempête monétaire de 2008 a laissé inébranlables les établissements discrets où transitent des fonds presque sans fond, à l'identité mal définie, aux contours le plus souvent flous, pour ne pas dire opaques. Ce n'est pas non plus l'exotisme des îles Caïmans. Cela se rapprocherait plutôt du paisible Luxembourg et de sa clientèle d'un genre particulier. ou de Malte, où il fait bon vivre..                                                                     Il faut bien prononcer le mot, la fraude est devenu la spécialité de l'île, comme la banane au Costa-Rica. On la cultive avec amour... mais il y a quelques soucis dans l'air dans ce monde discret__"...Les archives « Jersey Offshore », contiennent plus de 350 000 pages de mémos, contrats, courriels et documents bancaires. Ils révèlent que l’activité de la trust company consistait à faciliter l’évasion fiscale et le blanchiment à grande échelle, y compris en fabriquant de faux documents... Un couple veut lancer l’alerte au sujet de Jersey, afin que l’île change sa réglementation et fasse la transparence sur les trusts. « Ça a des conséquences dans le monde entier, parce que Jersey, c’est l’endroit où tous les criminels vont pour cacher leur argent. Jersey ne fait rien et se pince le nez. Cela doit s’arrêter ! », indique Tanya Dick-Stock à l’EIC...Les documents montrent aussi à quel point les criminels en col blanc peuvent exercer en toute impunité à Jersey, où le pouvoir politique est entre les mains de financiers qui ont tout intérêt à ce que rien ne change (lire notre enquête ici).  Les autorités de l’île ont fermé les yeux sur les activités de La Hougue pendant des années, puis ont refusé d’ouvrir une enquête après que Tanya Dick-Stock leur a fourni l’intégralité des documents. Il faut dire que les juges qui ont débouté la fille de John Dick ont travaillé par le passé pour La Hougue.  La firme était gérée au quotidien par un directeur général britannique, Richard Wigley. Le credo de la maison : la confidentialité absolue. « Confidentiel – ne pas conserver », peut-on lire sur de nombreux documents internes. « S’il vous plaît, passez ça à la broyeuse », écrit Wigley sur un mémo...."

            Bon, un peu de mauvaise conscience quand même ou de peur que l'on révèle d'étranges pratiques dans des lieux où l'argent n'a pas d'odeur. Des transactions très discrètes et très juteuses, à l'abri des regards et de tout contrôle. Un rêve pour les évadés fiscaux, à deux pas de chez nous. Mais pas seulement... La grande évasion continue, malgré quelques timides mesures d'incitation à rentrer au bercail. Difficile de résister aux appels paradisiaques, surtout quand des Etats ferment les yeux.            _____Non, les paradis, c'est pas fini.   Il est très drôle M.Moscovici.   Pour lui, « Que ça vous plaise ou pas, il n’y a pas de paradis fiscal dans l’UE, mais sans aucun doute des pays qui encouragent à l’excès l’optimisation fiscale. Caricature et réflexe pavlovien anti-européen ne suffisent pas à faire une vérité. » Une distinction fort subtile, mais qui, selon l’ancien ministre de l’économie et des finances devrait le dédouaner de toute accusation. Pour lui : mélanger « paradis fiscaux »et « pays qui encouragent à l’excès l’optimisation fiscale » serait une « caricature »contraire à la vérité.    Il a dû être inspiré par son patron luxembourgeois, toujours de bon conseil.  L'optimisation,  c'est vrai, c'est plus cool que l'évasion et cela se fait dans le règles plus ou moins claires des pays qui en stimulent la pratique., nous dit-on.                    __Selon les études récentes et appréciées de Zucman et de bien d'autres, il y a d'importantes richesses cachées tout près de chez nous et l'Europe n'est pas blanche comme neige. Tant d'argent échappe à l'impôt, c'est à dire à la redistribution, entre autre.     La fête continue, sous des formes diverses. Pas seulement aux Bahamas. Au moins quatre pays en Europe peuvent être caractérisés de paradis fiscaux...Il n'y a pas que les paradis exotiques.  La Hongrie n'est pas à l'écart, pas plus que la Belgique et bien d'autres....______

                       ____Sur quoi Pierre Moscovici s’appuie-t-il pour défendre cette subtile distinction ? Il faut revenir à son entretien sur RTL où il explique qu’un paradis fiscal est une juridiction « qui ne respecte pas les règles de bonne gouvernance internationale ». De ce strict point de vue, effectivement, le commissaire a raison : les pays de l’UE respectent tous ces règles. Mais cela pose alors immédiatement une autre question : qui décide de ces règles et sur quels critères ? En réalité, Pierre Moscovici considère que n’est un « paradis fiscal » que celui qui figure sur les listes de paradis fiscaux. Mais ces listes sont le fruit de compromis politiques qui nuisent très fortement à leur crédibilité. Ainsi, selon la définition de l’OCDE, il n’y a tout simplement plus de vrais paradis fiscaux « non coopératifs » dans le monde entier...
...Pierre Moscovici rejoindrait ainsi largement l’éditorialiste des Échos Dominique Seux qui, la semaine passée sur France Inter, où il tient chronique quotidienne, affirmait que critiquer les paradis fiscaux était une « forme de complotisme », car en réalité « il n’y a pas de trésor caché ». ...
Gabriel Zucman, économiste à l’université de Berkeley, a estimé dans son ouvrage La Richesse cachée des nations (éditions du Seuil), publié en 2017, que 7 900 milliards de dollars étaient placés dans les paradis fiscaux pour échapper aux fiscs nationaux. Dès lors, il semble nécessaire d’élargir la définition du paradis fiscal si l’on veut prendre en compte la « vérité », comme prétend le faire Pierre Moscovici....
      La réalité est plus simple que celle que présente Pierre Moscovici. Lorsque des capitaux quittent la France pour Jersey, ce n’est certainement pas pour que son propriétaire puisse profiter tranquillement des pubs de Saint-Hélier ou de la vue sur la Manche. C’est un flux visant à un seul but : échapper à l’impôt. Et peu importe que Jersey ne soit sur aucune liste. On n’y amène pas ses fonds pour jouir des perspectives économiques radieuses du bailliage anglo-normand, mais pour échapper au taux d’impôt national. « La première motivation qui pousse à transférer des fonds dans un paradis fiscal est d’échapper à l’impôt », rappelle heureusement Anne-Laure Delatte dans un article de L’Économie mondiale 2018 (éditions La Découverte). Que cela plaise ou non à Pierre Moscovici......


             Pierre Moscovici aurait pu, par exemple, se souvenir des récentes affaires de blanchiment massif d'argent russe au Danemark, Suède, Allemagne et Estonie. Il aurait pu aussi se souvenir des Malta Files, publiées par Mediapart en 2017, et qui faisait la longue liste des pratiques douteuses de l’île méditerranéenne où, rappelons-le tout de même à notre commissaire, une journaliste, Daphne Caruana Galizia, a été assassinée pour avoir enquêté sur les réseaux de blanchiment dans ce pays. Mais pas de quoi voir là un quelconque « paradis fiscal » pour Pierre Moscovici.      Plus généralement, l’association Oxfam a retraité les critères de la liste noire de l’UE sur les pays membres et est parvenue à la conclusion que cinq d’entre eux (Luxembourg, Malte, Chypre, Irlande et Pays-Bas) n’en respectaient pas au moins un, ce qui les plaçait immédiatement sur la liste noire. On sait que Pierre Moscovici tentera de disqualifier le travail d’Oxfam (qu’il utilise pourtant par ailleurs sur son blog concernant les inégalités, une des conséquences de l’existence des paradis fiscaux, mais ce n’est qu’une des multiples contradictions de ce personnage), mais l’association a constitué une banque de données solide pour justifier ce résultat. De surcroît, un rapport du Parlement européen de mars 2019  a identifié sept paradis fiscaux dans l’UE (les cinq déjà cités, plus la Belgique et la Hongrie). Ce rapport a été adopté le 26 mars 2019 et se veut très sévère pour ces États membres. En clair : l’argutie juridique du commissaire ne repose sur rien d’autre que ses propres choix politiques. C’est un discours vide et refermé sur lui-même, loin des réalités. Que cela lui plaise ou non.....
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