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lundi 1 août 2022

Virage tunisien

 Contre-révolution  et incertitudes en cours.

                                                                  Depuis 2009, que de chemin parcouru! Tous les espoirs semblaient permis. La colère des rues, qui servit de modèle, eut raison d'un système corrompu. Malgré les incertitudes et les ombres, un nouvel espoir naissait, jusque dans les pays voisins. Très vite, la fin de l'exception tunisienne tourmenta les esprits les plus lucides. Des compromis à haut risques virent le jour. L'Egypte s'engouffra dans la brèche. On parla de printemps arabe. Aujourd'hui, le pays pionnier vit un moment périlleux, comme un retour de flammes, dans une démocratie fragilisée et une situation économique problématique. Un retour à un régime antiparlementaire se met en place, avec la bénédiction du FMI. Tout ça pour ça?... 


             "....La Tunisie se réveille (donc) avec la perspective d’une nouvelle Constitution, qui devrait entrer en vigueur, une fois passées la période de recours et la proclamation finale des résultats à la fin août. Elle entre aussi dans une nouvelle ère, un an après que le président de la République s’est octroyé tous les pouvoirs et a démantelé les institutions de l’État.  Le projet de Constitution prévoit un régime caractérisé par une hyper présidence où les contre-pouvoirs – un système législatif avec deux chambres et une Cour constitutionnelle – ont des marges de manœuvre très réduites. La crainte d’une dérive autoritaire se concrétise et les prochains mois seront décisifs pour l’avenir de la démocratie tunisienne, qui reste aussi très tributaire d’une situation économique et sociale précaire.     
Le réveil le plus dur est pour une grande partie de la classe politique et des élites qui avaient appelé au boycottage et dénoncé la dérive autoritaire de Kaïs Saïed depuis son coup de force du 25 juillet 2021, où il avait gelé le travail du Parlement et limogé le chef du gouvernement.    Plusieurs forces politiques dont le Front national du salut, une coalition de mouvances politiques, dont est membre le parti islamiste Ennahdha, ancienne formation majoritaire à l’assemblée, ont mis en avant le taux d’abstention pour appeler le président « à démissionner ». « Plus de 75 % des Tunisiens ont refusé cette pièce de théâtre et l’ont boycottée », a déclaré le militant politique Ahmed Nejib Chebbi, pour lequel la Constitution de 2014 reste le seul cadre constitutionnel auquel la Tunisie doit se référer.   Pourtant, les déclarations de l’opposition ne rencontrent aucun écho. Dans les rues de Tunis, pas de manifestation massive contre les résultats de ce plébiscite sans surprise, à l’image de la difficulté de mobiliser depuis le 25 juillet 2021......                                   Pour les observateurs du processus, les résultats étaient courus d’avance, la Constitution n’évoque pas de seuil minimal de participation requis pour la validation des résultats contrairement à d’autres référendums. « Mais cela reste un texte minoritaire soutenu par une minorité », explique le chercheur à l’ONG Legal Agenda, Mahdi Elleuch, qui a boycotté le scrutin et parle d’un processus « illégitime ».      Kaïs Saïed ne cesse de mettre en avant sa légitimité. Un leitmotiv qui lui a permis de justifier ses différentes entorses à la Constitution de 2014. « Est-ce que nous sommes encore dans un système démocratique avec ce nouveau projet ? Est-ce qu’une Constitution qui s’appuie sur une consultation nationale en ligne ayant réuni quelque 500 000 participants [entre janvier et mars 2021 – ndlr] et un dialogue national dont une partie des élites était exclue peut être considérée comme légitime ? », questionne cependant la juriste Salsabil Klibi.    Aujourd’hui, la marche vers un nouveau régime semble donc bien enclenchée, avec la mise en place d’une nouvelle République et dans l’immédiat, d’une nouvelle loi électorale, en prévision des législatives de décembre, annoncées par Kaïs Saïed dans son discours du 25 juillet.    Mais beaucoup s’inquiètent de l’après. « En l’absence d’un parquet et d’une justice indépendants qui peuvent protéger les droits fondamentaux, c’est la porte ouverte à tous les abus et un risque de retour vers le passé de violations graves des droits humains, prévient Saïd Benarbia, juriste et directeur régional de ICJ (La Commission internationale des juristes). La Constitution n’est pas seulement un texte juridique qui organise les prérogatives des pouvoirs publics, mais aussi des garanties de droits, qui dans ce texte, sont absentes. »   La nouvelle architecture du pouvoir promise par le président – avec des conseils communaux et régionaux, chargés de faire remonter les projets de développement pour les régions – va cependant subir en premier lieu la pression des conséquences de la guerre en Ukraine.       Pour l’historienne Kmar Bendana, le défi socio-économique constitue en effet la réelle épreuve du pouvoir de Kaïs Saïed, alors que la Tunisie est très dépendante du blé tendre en provenance d’Ukraine.    Le pays affiche une inflation à 8 % et négocie le quatrième prêt depuis 2011 avec le FMI, son principal bailleur de fonds. « Kaïs Saïed dépendra de la société, dans toutes ses formes, pas seulement l’armée, la police et l’administration qui lui sont déjà acquises, explique-t-elle. Et il devra répondre à cette demande de redevabilité par des normes, des règles, un suivi qui doivent avoir aussi un impact économique pour les Tunisiens. »  « Comme me l’a résumé un chauffeur de taxi, en Tunisie, l’opposition ne fait pas forcément bouger la rue. Par contre si vous augmentez le prix de la baguette de quelques millimes, là c’est le chaos. », relève un journaliste tunisien ayant requis l’anonymat. " [ Merci à Lilia [Blaise ]      _______________

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