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lundi 20 mars 2023

Chance ou péril régional?

Un risque méconnu

                        Un peu d'autonomie régionale, c'est bien. Trop, c'est une pente risquée. On se souvient de la réforme territoriale de 2014, faite au pas de charge et aboutissant à des résultats  étranges et baroques. Il fallait re-ter-ri-to-ria-li-ser! Et en vitesse, quitte à improviser sur un coin de table...Finis les départements, jugés obsolètes, et les entités comme Nord-Pas de Calais ou Alsace, jugée encore trop étriquées...Il fallait élargir encore, sous injonction de Bruxelles, dans le cadre d'une critique de l'Etat jugé trop centralisateur et sans doute moins perméable aux influences étrangères, aux intérêts privés, aux appétits des multinationales. Au nom de la concurrence érigée en norme, il fallait en finir avec l'Etat jacobin, quitte a créer des entités ingérables comme les Hauts de France ou le Gand Est, de Strasbourg à Reims, aujourd'hui remise en question...Ce fut largement une improvisation, un bricolage hâtif, qui n'aboutit même pas à ses fins et qui fut source de dépenses accrues. Toute cette précipitation aboutit à un imbroglio, dont il est aujourd'hui difficile de se dépêtrer.                                                                                                           La logique de fond est subrepticement politique: diluer le centralisme républicain de l'Etat, mettre les régions en concurrence, conformément aux règles du libéralisme. Mais la France n'est ni les USA, ni l'Allemagne..     


                                   ___ Point de vue: "...Nul besoin de chercher bien loin les agents du détricotage du pays. C’est devant nos yeux que politiques et hauts-fonctionnaires se relaient depuis une quarantaine d’années, depuis la loi Defferre de 1982, pour morceler le territoire. Incapables de réaliser que le déficit – ou la négation – démocratique provient avant toute chose de la « vassalisation » de la France. Ils s’entêtent alors à promouvoir la « démocratie de proximité », ne laissant en vérité aux citoyens que le luxe de débattre de broutilles insignifiantes. Voici où nous mènent la consécration du droit à l’expérimentation pour les collectivités territoriales en 2003, comme celle du droit à la différenciation territoriale en 2022.        
Loin de renouveler le feu démocratique, ces avènements de la singularité des localités préparent le terrain à une citoyenneté à géométrie variable ; les collectivités gagnant à toujours plus se démarquer pour rester attractives. C’est ainsi qu’un habitant de Poitiers, Lodève ou encore Pau peut bénéficier du dispositif « territoire zéro chômeur de longue durée » faisant de l’emploi un droit garanti, tandis que d’autres territoires en sont privés. Si ces spécificités restent temporaires, elles s’inscrivent dans un élan général de multiplication des collectivités à statut particulier, donnant une place croissante à des entités locales nouvelles et illisibles, à l’image de la Communauté européenne d’Alsace. Le Français du Béarn pourrait bientôt faire face à un appareil normatif distinct de celui de Picardie, et la France n’aura de diversité plus qu’un brouillage technocratique. Le fil rouge de ces réformes, lui, reste le même : la mise à mal de l’unité française.                              ___ Ces mêmes politiques ont fait de la région, sans même l’avoir demandé aux Français, un nouvel échelon « démocratique ». Un nouveau vote sans conséquences qui a vite lassé les électeurs. Il est pourtant apparu dans l’indifférence générale comme une aubaine pour les partisans du régionalisme. Ils ont alors pu rapidement et artificiellement gagner en audience, donnant une place croissante à la question de l’autonomie, promettant à leurs concitoyens ce que l’Etat central était incapable de leur procurer, sublimant savamment le sentiment d’impuissance nationale dans le renouveau d’une puissance régionale....                                                                                                             ___  Le cheval de Troie de la mondialisation qu’est l’Union européenne nourrit ce processus d’autant plus explicitement que renforcer les régions lui permet de contourner les Etats nationaux beaucoup moins dociles. C’est ainsi que la Corse, au même titre que les autres régions, s’est trouvée gestionnaire des aides du FEDER et bénéficiaire de 275 millions d’euros d’aides communautaires de 2014 à 2020. Il n’est alors pas surprenant d’entendre Edmond Simeoni, père du nationalisme corse moderne, louer la construction européenne car celle-ci ouvrirait « à la Corse des perspectives largement insoupçonnées voici seulement 20 ans ». C’est bien dans le rêve d’universel de la mondialisation désincarnée que prend racine le chauvinisme régionaliste et nulle part ailleurs.                                                                                                                                            ___Se superposent au cadre mondialisé ces gouvernements successifs ne cessant d’alimenter les prétentions régionalistes. Lorsqu’il n’est pas question de la création de la collectivité européenne d’Alsace, c’est le référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie qui est sur la table. Ainsi, dans la même veine, la faiblesse de Darmanin en Corse a réveillé les velléités autonomistes en Guyane qui cherche une nouvelle évolution statutaire, comme en Bretagne où le FLB menace de reprendre du service. Or, il ne faut pas se leurrer, il n’est pas ici question de simples réformes territoriales, mais bien de potentielles indépendances. Dominique de Villepin nous avait déjà averti : « Entre l’autonomie et la dérive vers une indépendance, on peut penser qu’il y a quelque chose, malheureusement, d’un peu automatique. » La spirale des mimétismes régionaux est implacable. Plus l’Etat central perd du terrain, fait acte de faiblesse, plus les ambitions sécessionnistes grandissent, et nos espoirs se diluent.       Ainsi, la légèreté avec laquelle nos dirigeants traitent l’enjeu régionaliste en dit long sur leur attachement à la France et à la République. S’il convient de cultiver cette diversité linguistique et régionale, il n’est nul besoin de leur offrir une expression politique. L’égalité entre les citoyens, émanation directe des Lumières, doit être préservée. Ne laissons pas des barons locaux polluer le débat public au profit de revendications quasi-féodales. Apprenons de nos voisins européens, ne nous laissons pas aveugler par un « exceptionnalisme français » aujourd’hui plus espéré qu’effectif. Comprenons bien que, à travers le cri régionaliste, se cache la frustration face à l’impuissance publique et au recul de l’Etat. C’est de notre démission collective que les régionalistes se repaissent. Montrons aux Français, dans toute leur pluralité, qu’il n’y a pas à désespérer, que nous avons autre chose à leur offrir que notre lâcheté...."   _________________

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