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mardi 13 février 2024

Une éducation (encore) nationale?

 Vers une territorialisation? 

                                      Comme en Suède?  Mais ce pays, admiré à l'Elysée, n'est vraiment pas un modèle et tente de faire machine arrière.  Une vision ultra-libérale,  qui vise à un affaiblissement des missions de l'Etat pour une mise en valeur des intérêts privés, une suprématie des mrchés.                                                                                                                                                                          Une éducation (qui ne serait plus)NATIONALE?  Assurant sur tout le territoire un enseignement d'égale valeur pour tous, en référence aux mêmes principes, avec des modulations éventuelles au niveau du contenu selon les régions. Une vieille marotte. qui revient au goût du jour dans le bouche de certains responsables politiques aujourd'hui, à l'Elysée comme chez Valérie Pécresse et d'autres, notamment, adeptes de la territorialisation de la diffusion des savoirs. On est loin des fondateurs de l'école laïque, qui ne voulait pas laisser l'enseignement et la formation du citoyen aux mains de lobbies locaux. Au nom  de la décentralisation, verrons-nous demain de petits barons locaux faire la pluie et le beau temps dans le domaine si essentiel er fondateur de la formation de nos enfants, qui doit se faire à l'abri des groupes de pression de toutes sortes et des influences locales les plus discutables? Et pourtant, cela revient sur le tapis, au nom de la New Public Management, venu tout droit de l'espace anglo-saxon.. 


                                   Il y a lieu de s'interroger:                                                                                                                                                                       "La nomination d’un constitutionaliste à la tête du cabinet de Nicole Belloubet, elle-même juriste et ancien membre du Conseil constitutionnel, interroge. Surtout quand la ministre a milité pour une décentralisation du système éducatif. Va-t-on vers une nouvelle loi fondamentale pour l’Ecole qui fixerait une nouvelle répartition des rôles au sein du système éducatif et entre l’Etat et les collectivités locales ? Un Acte III “girondin” qui assurerait la territorialisation demandée par de nombreux acteurs et confierait l’Ecole aux acteurs locaux ?...La territorialisation, élément clé du New Public Management, repose sur l’idée que la concurrence est bonne pour les systèmes éducatifs et que c’est au niveau local que peuvent être prises les meilleures décisions et les meilleures adaptations. C’est là aussi que se joue le contrôle sur les agents de l’Education nationale afin de reconnaitre et récompenser les plus méritants et de punir ceux qui ne le sont pas. Des idées que l’on trouve posées dès 2012 dans ce texte d’A Bouvier et B Toulemonde. Et qui réapparaissent en 2024 sous la plume d’A Boissinot. Dans un récent rapport de juillet 2023, la Cour des comptes invite à “désétatiser” l’éducation nationale. Elle veut “privilégier l’approche territoriale et l’autonomie dans la gestion des dépenses d’éducation”. Il s’agit de “sortir d’une gestion encore trop concentrée“. “Son modèle de gestion, très vertical et centralisé, et privilégiant certains parcours, ne lui permet pas de fédérer les énergies au service de la réussite des élèves“, écrit la Cour à propos de l’Education nationale....En septembre 2023, Valérie Pécresse, présidente Les Républicains de la plus grande région, l’Ile de France, demande “un choc de décentralisation“. Elle demande que les lycées professionnels passent aux régions. Mais aussi la création d’écoles primaires régionales sous contrat totalement autonomes, la redéfinition par la région des conseils d’administration des lycées afin d’en prendre le contrôle et le transfert total de l’orientation et de la médecine scolaire aux régions. Elle veut “une véritable révolution girondine des libertés locales” et “une véritable gouvernance partagée du système éducatif” incluant le recrutement de professeurs “issus de la société civile“, donc hors concours. Non seulement ce texte reprend des idées de la loi Brisson adoptée par le Sénat. Mais les élus macronistes du conseil régional se disent “pleinement favorables” au texte “dès lors que le cadre juridique sera suffisamment stabilisé“......                                                                                                                         En 2018, Anne Barrère et Bernard Delvaux, dans un intéressant numéro de la Revue internationale d’éducation, évoquent l’inexorable fragmentation des systèmes éducatifs nationaux. ” L’hypothèse sous tendant ce dossier est que des processus de fragmentation déstructurent les systèmes scolaires nationaux les plus solidement établis“, écrivent Anne Barrère et Bernard Delvaux. “La prééminence des systèmes scolaires dans les champs éducatifs tend à s’éroder lentement sous les coups de butoir d’initiatives multiples de familles, d’associations, de communautés, d’entreprises et de fondations privées”.                                                                                                                                                                         
Si ce mouvement, avec la privatisation de la gestion du système éducatif, semble inexorable, A Barrère et B Delvaux montrent aussi ses failles avec l’exemple des Charters Schools à La Nouvelle Orléans. Au début il s’agissait d’aider les écoles qui ne réussissaient pas bien à s’en sortir. Au final s’est constitué, grâce au chèque éducation, une hiérarchie d’écoles privées sur fonds publics qui se distinguent socialement et “racialement“. Plus de 7000 professeurs du public ont été licenciés et remplacés par de jeunes étudiants inexpérimentés recrutés par Teach for America, une organisation qui s’implante aussi en France avec le soutien du ministère de l’Education nationale. Alors que le principe du chèque éducation promettait aux familles de leur donner la possibilité de choisir leur école et d’échapper à l’école du quartier, c’est l’inverse qui s’est produit : les écoles privées sont en concurrence et choisissent leurs élèves du moins pour celles des strates supérieure et moyenne. Les plus pauvres sont dans des écoles encore plus ségréguées.                                                                                                                    L’exemple de la Suède vaut aussi d’être rappelé. C’est le pays qui est allé le plus loin vers la territorialisation de l’éducation, confiant aux autorités communales la gestion complète des établissements scolaires y compris dans le domaine pédagogique. Vingt ans après la réforme, le diagnostic dressé par l’OCDE sur l’école suédoise pointe le faible niveau de compétences des élèves suédois et la baisse régulière des performances en compréhension de l’écrit, en maths et en sciences dans les évaluations PISA depuis 10 ans en lien avec la dégradation des conditions de travail et de rémunération des enseignants. Au final, l’OCDE a invité la Suède à ré-étatiser son enseignement.   Pour les politiques, territorialiser, comme le demande le New Public Management, est une aubaine. ” Le New Public Management présente aussi un avantage spécifique pour les dirigeants politiques“, explique le sociologue Pierre Merle. “Son principe est de décentraliser au niveau des établissements scolaires des décisions aussi centrales que l’affectation des professeurs dans les établissements, la mise en application des programmes, les rythmes scolaires… Si cette politique est mise en œuvre, il n’existera plus de politiques éducatives inadaptées ou de ministres incompétents, seulement des chefs d’établissement incapables, des mauvais projets scolaires, des professeurs malhabiles, des parents peu stratégiques et des mauvais élèves. La décentralisation des décisions au niveau local engendre un processus de culpabilisation des individus et de naturalisation de l’échec scolaire… L’Etat se défausse de ses responsabilités cardinales : assurer le droit à l’éducation, favoriser l’égalité des chances, rechercher une répartition plus équitable des ressources éducatives, etc… Si une mission aussi centrale que l’égalité des chances n’est de la responsabilité directe d’aucun des acteurs majeurs de l’Education nationale, elle ne peut que devenir secondaire.."   ___________________________

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