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samedi 7 décembre 2019

PISA revient

    Un rituel utile?
                          Régulièrement, on a droit à notre rapport rituel, qui tombe comme feuilles en automne, inévitablement commenté, accepté comme du bon pain , sans  recul suffisant, donnant chaque fois lieu à de fermes résolutions et de doctes engagements de la rue de Grenelle: 
  On va changer les choses et faute de casser le thermomètre, on fera mieux l'année prochaine en s'attaquant aux points sensibles, qui ne sont pas des révélations. Parfois simplement des constats de bon sens. Le système scolaire ne peut être détaché du terreau qui le fonde et des moyens que l'on y met.
   Mais , au fait, que mesure-t-on à l'OCDE?
         Tous les trois ans revient le même scénario et parfois le même psychodrame.
       Les discussions et les polémiques s'enflamment autour des données chiffrées d'une organisation de l'OCDE, censée livrer une image comparée et objective du niveau scolaire de notre jeunesse à un moment donné.
     A chaque  Program for International Student Assessment , c'est l'effervescence assurée tous les trois ans, de Paris à Pékin et PISA passe...
     Moment privilégié pour vanter ou  déplorer ses investissements en matière scolaire, gage des succès de la société et de l'économie de demain, au sein d'une compétitivité mondialisée exacerbée. Les esprits bien formés d'aujourd'hui feront la richesse de demain. C'est le postulat de base, le non-dit jamais analysé.
    On ne s'interroge pas sur ce qu'est une vraie formation humaine, en ne retenant que quelques critères, supposés déterminants, à partir d'une batterie de tests où l'ordinateur prend une place de choix.. Têtes bien pleines ou têtes bien faites? La question ne sera pas posée. Les protocoles uniformisés l'interdisent. Un élève bourré de connaissances aura-t-il pour autant une meilleure faculté d'adaptation et d'intelligence intuitive, d'inventivité?
        A l'heure de la mondialisation, l'OCDE classe mondialement
  La concurrence économique est sous-jacente à cette opération, ainsi que le prestige des Etats, par le bais de ces classements discutés et, du moins partiellement, discutables.   
     Même si certaines analyses et commentaires sont parfois pertinents. Mais jusqu'où et à quel fin? Si en France, la formation des enseignants a été sacrifiée sur l'autel de Bercy, contrairement à la Finlande, qui choisit les meilleurs, on n'entend pas un mot venant de la rue de Grenelle pour inverser la tendance. Si nos facultés sont dans la pénurie, où sont les projets pour en faire des pôles d'excellence pour le plus grand nombre?.Un "placement" sûr pour notre avenir.
     Comme les classement de presse à l'emporte-pièce sur le niveau des établissements solaires ou la qualité des hôpitaux, ces marronniers...il faut prendre avec des pincettes ces données chiffrées, qui s'inversent parfois curieusement dans un temps très court.
   On peut s'interroger non seulement sur l'intérêt mais aussi sur la pertinence de tels tests.. On note des connaissances, des compétences,  pas une culture reçue en évolution, dans sa diversité, ses formes et ses composantes..
    Parfois on enfonce des portes ouvertes, quand on signale par exemple les déterminants sociaux de la "réussite" scolaire. Parfois on est dans l'approximation la plus totale ou l'affirmation gratuite.
            Une évaluation de la qualité et les performances des institutions ou des administrations, même si elle s'impose parfois, n'est jamais sans principes, sans présupposés, sans arrière-pensées parfois. Surtout quand elle se situe dans l'esprit du New public management... comme à l'hôpital aujourd'hui.
Et les critères peuvent être discutés, de même les résultats et leurs conditions d'obtention, les choix qui les déterminent.
      On a parfois des résultats sans surprise, ou sans nuances ni questionnement sur les causes.             .D'après la dernière enquête Pisa, notre  système éducatif serait le plus inégalitaire des pays de l'OCDE. « En France, quand on appartient à un milieu défavorisé, on a une chance sur cinq d'avoir de bons résultats, alors que c'est une sur deux à Shanghai où il y a une véritable équité sociale « , commentait Eric Charbonnier, expert à l'OCDE en présentant les résultats classement Pisa 2012 où la France a reculé de deux places.
     

  Peut-être, même si c'est un peu court, mais tient-on compte du système bicéphale du l'enseignement secondaire allemand, qui sélectionne très tôt, par exemple? Quel public scolaire est visé, quelles classes d'âge? Tous les pays intègrent-ils tous les élèves sans discriminations?
         De plus en plus, comme le remarque C. Valmour, on entend piloter le ministère de l'EN à l'aune des évaluations internationales, or, la lecture de milliers de pages de rapports officiels, notes et ouvrages, produits par des dizaines d’experts internationaux montrent que ces évaluations sont très réductrices. Si elles demeurent une source d’information intéressante, elles ne prouvent aucunement qu’un système est meilleur qu’un autre en raison des multiples biais (culturels, statistiques, méthodologiques) qui ont été découverts, et jamais relatés dans la presse, avide uniquement de palmarès. On ne peut comparer que ce qui est comparable, or il n’y a rien de tel pour PISA. Pire, les circonstances indéfinies dans lesquelles PISA est né laissent penser qu’il existerait au sein de l’OCDE un réseau qui vise à détruire l’Etat-Nation, les spécificités culturelles et les systèmes éducatifs de chaque pays pour imposer un modèle éducatif et culturel unique, doublé d’un projet commercial...
      PISA donne une impression de transparence, de pluralité et d’universalité. Or, du début à la fin du processus élaboration-correction-analyse d’items, il y a le consortium PISA et son maître d’œuvre. Qui sont-ils ?... 
     Créée en 1930, l’ACER (le maître d’œuvre) est une association australienne qui vend des évaluations, ainsi que des produits et services en matière d’éducation. NIER est un institut japonais qui s’occupe de politique éducative. ETS (Educational Testing Service) est une association américaine qui vend des produits et des services dans le domaine de l’enseignement. Deux de ses produits sont bien connus des français : le TOEFL et le TOEIC. CITO, créée par le gouvernement néerlandais en 1968, est devenue une société privée en 1999. Enfin, Westat Incorporated est une entreprise américaine (employee ownership) omniprésente dans les évaluations : PIRLS, TIMMS, NAEP, etc. 
     Notons que toutes ces organisations sont d’inspiration anglo-saxonne. De même, les experts scientifiques de PISA sont anglo-saxons à l’écrasante majorité. Nathalie Mons représentera pour la première fois la France lors de PISA 2009. Ce qu’il faut retenir à ce stade, c’est qu’une culture se définit aussi par son système éducatif. ...
          PISA prétend comparer et évaluer des compétences et s’abrite derrière l’élimination des biais culturels, c’est-à-dire, pour schématiser, tout ce qui peut avantager les élèves d’un pays. Or, quand on élimine ce qui fait la spécificité des pays, on ne les compare plus que sur la base du plus petit dénominateur commun. Et c’est ce dénominateur que l’on offre comme modèle de vie et de réussite dans le monde moderne, en occultant tout le reste.

        Comme le souligne C. Duboulozau niveau mondial, Singapour rafle l’ensemble des prix: les élèves sont les meilleurs, et de loin, en sciences, en maths, ainsi qu’en compréhension de l’écrit. «Il y a quelques années, les responsables de l’éducation étaient tous envoyés en Finlande pour étudier le système éducatif performant de ce pays. Ensuite, Shanghai est devenue la référence, maintenant c’est Singapour», ironise Stefan Wolter, directeur du Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation. Dans le classement, la Finlande a fortement chuté en sciences et en maths, de même que la Corée du Sud en lecture....

                Pour Julien Grenet, chercheur à l’Ecole d’économie de Paris, «ces palmarès ont peu de fondements statistiques. Le score moyen de chaque pays est entouré par une incertitude, qui tient au fait que l’enquête porte sur des petits échantillons d’élèves et présente des marges d’erreur. Si bien que des pays dont les rangs sont proches dans le classement peuvent avoir des résultats qui ne sont pas statistiquement différents.»

   En outre, dit cet expert, «il faut comparer ce qui est comparable. PISA ne prend en compte que les jeunes de 15 ans scolarisés». Alors, si l’on peut comparer entre eux les pays de l’OCDE «qui ont des taux de scolarisation à 15 ans proches de 100%, on ne peut pas en faire autant avec des pays où ce taux est bien plus bas».
     Un instrument de mesure qu'il ne faut donc surtout pas absolutiser  fétichiser, et faire bon usage du classement PISA  est la première consigne de méthode et de prudence . Il faut le répéter Les limites intrinsèques à de telles comparaisons sont rarement signalées et comparaison n'est pas raison.
        Si la Corée du Sud caracole en tête cette année, c'est sans doute qu'elle  forme des élèves qui travaillent avec acharnement. Mais comment et  à quel prix? Pour former quels types d'adultes?   De bons serviteurs de Samsung?
      Et si à l'OCDE on s'interrogeait sur une question largement occultée: qu'est-ce qu'une tête bien faite? qu'est-ce qu'un esprit cultivé?...
                                                 ________________________________

samedi 11 septembre 2021

PISA revient...

Un rituel utile?

                        Comparer ce qui est comparable                    _____Régulièrement, on a droit à notre rapport rituel, qui tombe comme feuilles en automne, inévitablement commenté, accepté comme du bon pain , sans  recul suffisant, donnant chaque fois lieu à de fermes résolutions et de doctes engagements de la rue de Grenelle:  On va changer les choses et faute de casser le thermomètre, on fera mieux l'année prochaine en s'attaquant aux points sensibles, qui ne sont pas des révélations. Parfois simplement des constats de bon sens. Le système scolaire ne peut être détaché du terreau qui le fonde et des moyens que l'on y met.  Mais , au fait, que mesure-t-on à l'OCDE?

         Tous les trois ans revient le même scénario et parfois le même psychodrame.
       Les discussions et les polémiques s'enflamment autour des données chiffrées d'une organisation de l'OCDE, censée livrer une image comparée et objective du niveau scolaire de notre jeunesse à un moment donné.
     A chaque  Program for International Student Assessment , c'est l'effervescence assurée tous les trois ans, de Paris à Pékin et PISA passe...
     Moment privilégié pour vanter ou  déplorer ses investissements en matière scolaire, gage des succès de la société et de l'économie de demain, au sein d'une compétitivité mondialisée exacerbée. Les esprits bien formés d'aujourd'hui feront la richesse de demain. C'est le postulat de base, le non-dit jamais analysé.
    On ne s'interroge pas sur ce qu'est une vraie formation humaine, en ne retenant que quelques critères, supposés déterminants, à partir d'une batterie de tests où l'ordinateur prend une place de choix.. Têtes bien pleines ou têtes bien faites? La question ne sera pas posée. Les protocoles uniformisés l'interdisent. Un élève bourré de connaissances aura-t-il pour autant une meilleure faculté d'adaptation et d'intelligence intuitive, d'inventivité?
        A l'heure de la mondialisation, l'OCDE classe mondialement
  La concurrence économique est sous-jacente à cette opération, ainsi que le prestige des Etats, par le bais de ces classements discutés et, du moins partiellement, discutables.   
     Même si certaines analyses et commentaires sont parfois pertinents. Mais jusqu'où et à quel fin? Si en France, la formation des enseignants a été sacrifiée sur l'autel de Bercy, contrairement à la Finlande, qui choisit les meilleurs, on n'entend pas un mot venant de la rue de Grenelle pour inverser la tendance. Si nos facultés sont dans la pénurie, où sont les projets pour en faire des pôles d'excellence pour le plus grand nombre?. Un "placement" sûr pour notre avenir.
     Comme les classement de presse à l'emporte-pièce sur le niveau des établissements solaires ou la qualité des hôpitaux, ces marronniers...il faut prendre avec des pincettes ces données chiffrées, qui s'inversent parfois curieusement dans un temps très court.
   On peut s'interroger non seulement sur l'intérêt mais aussi sur la pertinence de tels tests.. On note des connaissances, des compétences,  pas une culture reçue en évolution, dans sa diversité, ses formes et ses composantes..
    Parfois on enfonce des portes ouvertes, quand on signale par exemple les déterminants sociaux de la "réussite" scolaire. Parfois on est dans l'approximation la plus totale ou l'affirmation gratuite.
            Une évaluation de la qualité et les performances des institutions ou des administrations, même si elle s'impose parfois, n'est jamais sans principes, sans présupposés, sans arrière-pensées parfois. Surtout quand elle se situe dans l'esprit du New public management... comme à l'hôpital aujourd'hui.
Et les critères peuvent être discutés, de même les résultats et leurs conditions d'obtention, les choix qui les déterminent.
      On a parfois des résultats sans surprise, ou sans nuances ni questionnement sur les causes.             .D'après la dernière enquête Pisa, notre  système éducatif serait le plus inégalitaire des pays de l'OCDE. « En France, quand on appartient à un milieu défavorisé, on a une chance sur cinq d'avoir de bons résultats, alors que c'est une sur deux à Shanghai où il y a une véritable équité sociale « , commentait Eric Charbonnier, expert à l'OCDE en présentant les résultats classement Pisa 2012 où la France a reculé de deux places.
     

  Peut-être, même si c'est un peu court, mais tient-on compte du système bicéphale du l'enseignement secondaire allemand, qui sélectionne très tôt, par exemple? Quel public scolaire est visé, quelles classes d'âge? Tous les pays intègrent-ils tous les élèves sans discriminations?
         De plus en plus, comme le remarque C. Valmour, on entend piloter le ministère de l'EN à l'aune des évaluations internationales, or, la lecture de milliers de pages de rapports officiels, notes et ouvrages, produits par des dizaines d’experts internationaux montrent que ces évaluations sont très réductrices. Si elles demeurent une source d’information intéressante, elles ne prouvent aucunement qu’un système est meilleur qu’un autre en raison des multiples biais (culturels, statistiques, méthodologiques) qui ont été découverts, et jamais relatés dans la presse, avide uniquement de palmarès. On ne peut comparer que ce qui est comparable, or il n’y a rien de tel pour PISA. Pire, les circonstances indéfinies dans lesquelles PISA est né laissent penser qu’il existerait au sein de l’OCDE un réseau qui vise à détruire l’Etat-Nation, les spécificités culturelles et les systèmes éducatifs de chaque pays pour imposer un modèle éducatif et culturel unique, doublé d’un projet commercial...
      PISA donne une impression de transparence, de pluralité et d’universalité. Or, du début à la fin du processus élaboration-correction-analyse d’items, il y a le consortium PISA et son maître d’œuvre. Qui sont-ils ?... 
     Créée en 1930, l’ACER (le maître d’œuvre) est une association australienne qui vend des évaluations, ainsi que des produits et services en matière d’éducation. NIER est un institut japonais qui s’occupe de politique éducative. ETS (Educational Testing Service) est une association américaine qui vend des produits et des services dans le domaine de l’enseignement. Deux de ses produits sont bien connus des français : le TOEFL et le TOEIC. CITO, créée par le gouvernement néerlandais en 1968, est devenue une société privée en 1999. Enfin, Westat Incorporated est une entreprise américaine (employee ownership) omniprésente dans les évaluations : PIRLS, TIMMS, NAEP, etc. 
     Notons que toutes ces organisations sont d’inspiration anglo-saxonne. De même, les experts scientifiques de PISA sont anglo-saxons à l’écrasante majorité. Nathalie Mons représentera pour la première fois la France lors de PISA 2009. Ce qu’il faut retenir à ce stade, c’est qu’une culture se définit aussi par son système éducatif. ...
          PISA prétend comparer et évaluer des compétences et s’abrite derrière l’élimination des biais culturels, c’est-à-dire, pour schématiser, tout ce qui peut avantager les élèves d’un pays. Or, quand on élimine ce qui fait la spécificité des pays, on ne les compare plus que sur la base du plus petit dénominateur commun. Et c’est ce dénominateur que l’on offre comme modèle de vie et de réussite dans le monde moderne, en occultant tout le reste.

        Comme le souligne C. Duboulozau niveau mondial, Singapour rafle l’ensemble des prix: les élèves sont les meilleurs, et de loin, en sciences, en maths, ainsi qu’en compréhension de l’écrit. «Il y a quelques années, les responsables de l’éducation étaient tous envoyés en Finlande pour étudier le système éducatif performant de ce pays. Ensuite, Shanghai est devenue la référence, maintenant c’est Singapour», ironise Stefan Wolter, directeur du Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation. Dans le classement, la Finlande a fortement chuté en sciences et en maths, de même que la Corée du Sud en lecture....

                Pour Julien Grenet, chercheur à l’Ecole d’économie de Paris, «ces palmarès ont peu de fondements statistiques. Le score moyen de chaque pays est entouré par une incertitude, qui tient au fait que l’enquête porte sur des petits échantillons d’élèves et présente des marges d’erreur. Si bien que des pays dont les rangs sont proches dans le classement peuvent avoir des résultats qui ne sont pas statistiquement différents.»

   En outre, dit cet expert, «il faut comparer ce qui est comparable. PISA ne prend en compte que les jeunes de 15 ans scolarisés». Alors, si l’on peut comparer entre eux les pays de l’OCDE «qui ont des taux de scolarisation à 15 ans proches de 100%, on ne peut pas en faire autant avec des pays où ce taux est bien plus bas».
     Un instrument de mesure qu'il ne faut donc surtout pas absolutiser  fétichiser, et faire bon usage du classement PISA  est la première consigne de méthode et de prudence . Il faut le répéter Les limites intrinsèques à de telles comparaisons sont rarement signalées et comparaison n'est pas raison.
        Si la Corée du Sud caracole en tête cette année, c'est sans doute qu'elle  forme des élèves qui travaillent avec acharnement. Mais comment et  à quel prix? Pour former quels types d'adultes?   De bons serviteurs de Samsung?
      Et si à l'OCDE on s'interrogeait sur une question largement occultée: qu'est-ce qu'une tête bien faite? qu'est-ce qu'un esprit cultivé?...

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mardi 2 décembre 2008

Education, évaluation, domination


Quoi,pourquoi, comment évaluer ?
Les organismes d'évaluation en matière de politique éducative sont-ils au-dessus de tout soupçon ?

"Ce qui est en jeu, ce n’est rien d’autre que la disparition de la démocratie, le transfert du pouvoir des citoyens à celui des multinationales et des organisations transnationales dont les représentants ne sont pas élus. C’est la disparition des cultures locales qui ont mis plusieurs centaines d’années à se forger, au profit d’une culture synthétique. La lecture de ce document ici (en anglais) est édifiante... Les hommes politiques en charge de la politique éducative se trompent ; ils sont en train de créer une bulle éducative, comme il y a eu une bulle financière. Certains sont animés de bonnes intentions ; d’autres non. " (Tristan Valmour)

De l’évaluation à la domination (I) | AgoraVox

"X.Darcos entend (en effet) piloter son ministère à l’aune des évaluations internationales, or, la lecture de milliers de pages de rapports officiels, notes et ouvrages, produits par des dizaines d’experts internationaux montrent que ces évaluations sont très réductrices. Si elles demeurent une source d’information intéressante, elles ne prouvent aucunement qu’un système est meilleur qu’un autre en raison des multiples biais (culturels, statistiques, méthodologiques) qui ont été découverts, et jamais relatés dans la presse, avide uniquement de palmarès. On ne peut comparer que ce qui est comparable, or il n’y a rien de tel pour PISA. Pire, les circonstances indéfinies dans lesquelles PISA est né laissent penser qu’il existerait au sein de l’OCDE un réseau qui vise à détruire l’Etat-Nation, les spécificités culturelles et les systèmes éducatifs de chaque pays pour imposer un modèle éducatif et culturel unique, doublé d’un projet commercial....
PISA prétend que le marché de l’évaluation internationale a été attribué selon un appel d’offre transparent, pourtant la réalité est autrement plus confuse comme on peut le lire dans l’excellent rapport Vrignaud/ Bottani, rédigé en 2005 à la demande du Haut Conseil de l’évaluation de l’école aujourd’hui dissout au profit du HCE. Rappelons également que si le Haut Conseil de l’évaluation de l’école était composé de plusieurs dizaines de personnes issues d’horizons différents, le HCE est composé de 9 personnes, dont Michel Pèbereau, un ancien président de BNP Paribas, membre du conseil exécutif du MEDEF, du comité consultatif de la Fed, et de divers autres comités. Précisons que sur le site du HCE, il est indiqué que monsieur Pèbereau a piloté la privatisation de la BNP Paribas. A qui ce message superfétatoire est-il destiné ?...
PISA ne mesure pas les connaissances, mais les compétences. Les élèves ne sont donc pas évalués sur le programme scolaire, sur ce qu’ils ont acquis à l’école, mais sur les compétences nécessaires pour vivre et réussir dans le monde moderne. Naturellement il y a un lien entre compétences et connaissances, et il est vrai que l’on retrouve dans PISA une partie du programme. Mais une petite partie seulement.
PISA est un test psychométrique. La psychométrie est de la psychologie différentielle, c’est-à-dire qu’elle s’attache à chercher les différences. La psychométrie fournit moins une évaluation qu’une mesure. Il y a plusieurs formes d’évaluation.PISA prétend comparer et évaluer des compétences et s’abrite derrière l’élimination des biais culturels, c’est-à-dire, pour schématiser, tout ce qui peut avantager les élèves d’un pays. Or, quand on élimine ce qui fait la spécificité des pays, on ne les compare plus que sur la base du plus petit dénominateur commun. Et c’est ce dénominateur que l’on offre comme modèle de vie et de réussite dans le monde moderne, en occultant tout le reste. Sous-entendu : monde uniforme...
Une évaluation internationale financée par les contribuables et confiée à des organismes exclusivement d’inspiration anglo-saxonne (avec leur culture statistique et idéologique) dans des conditions mystérieuses mériterait qu’un ministre de l’Education Nationale s’interroge et interroge. Parce que baser sa politique – dont je reconnais par ailleurs qu’elle comporte de nombreux points positifs – dans ces conditions n’est pas digne de cette responsabilité. ...
on verra que la fin de l’Etat-Nation a été programmée par des forces internationales, que les biais statistiques, méthodologiques et culturels invalident l’exploitation politique qui a été faite de PISA. On verra également que par le biais de l’éducation, on impose aux citoyens sans leur consentement un modèle unique de société, que ce modèle passe par le discrédit porté aux systèmes éducatifs qui n’ont pas eu l’heur d’un bon classement et que ce classement a peut-être été fait pour cela. On verra également que c’est un nouveau paradigme qui se dessine. De même, on verra enfin que le modèle finnois si admiré en raison de son classement PISA est critiqué par les plus hautes autorités de l’enseignement supérieur en Finlande. On verra enfin comment la France s’apprête à perdre, et comment l’évaluation internationale est un enjeu commercial à l’échelle planétaire, parce que derrière le marché de l’évaluation, il y a le marché de l’éducation.

Evaluer, c’est dominer !

-De l’évaluation à la domination (II) - La faillite du système éducatif | AgoraVox
-L’école, des clichés à la réalité (II) - Les chiffres-clés de l’éducation (III)

-http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=51616(IV)

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- EN : logique comptable ?
-
La privatisation du système éducatif américain

vendredi 9 décembre 2016

Pis-ça continue...

Un thermomètre en question
                                   Tous les trois ans revient le même scénario et parfois le même psychodrame.
       Les discussions et les polémiques autour des données chiffrées d'une organisation de l'OCDE, censée livrer une image comparée et objective du niveau scolaire de notre jeunesse à un moment donné.
     A chaque  Program for International Student Assessment , c'est l'effervescence assurée tous les trois ans, de Paris à Pékin et puis ça passe...
     Moment privilégié pour vanter ou  déplorer ses investissements en matière scolaire, gage des succès de la société et de l'économie de demain, au sein d'une compétitivité mondialisée exacerbée. Les esprits bien formés d'aujourd'hui feront la richesse de demain. C'est le postulat de base, le non-dit jamais analysé.
    On ne s'interroge pas sur ce qu'est une vraie formation humaine, en ne retenant que quelques critères, supposés déterminants, à partir d'une batterie de tests où l'ordinateur prend une place de choix.. Têtes bien pleines ou têtes bien faites? La question ne sera pas posée. Les protocoles uniformisés l'interdisent. Un élève bourré de connaissances aura-t-il pour autant une meilleure faculté d'adaptation et d'intelligence intuitive, d'inventivité?
        A l'heure de la mondialisation, l'OCDE classe mondialement
  La concurrence économique est sous-jacente à cette opération, ainsi que le prestige des Etats, par le bais de ces classements discutés et, du moins partiellement, discutables.   
     Même si certaines analyses et commentaires sont parfois pertinents. Mais jusqu'où et à quel fin? Si en France, la formation des enseignants a été sacrifiée sur l'autel de Bercy, contrairement à la Finlande, qui choisit les meilleurs, on n'entend pas un mot venant de la rue de Grenelle pour inverser la tendance. Si nos facultés sont dans la pénurie, sont les projets pour en faire des pôles d'excellence pour le plus grand nombre?.Un "placement" sûr pour notre avenir.
     Comme les classement de presse à l'emporte-pièce sur le niveau des établissements solaires ou la qualité des hôpitaux, ces marronniers...il faut prendre avec des pincettes ces données chiffrées, qui s'inversent parfois curieusement dans un temps très court.
   On peut s'interroger non seulement sur l'intérêt mais aussi sur la pertinence de tels tests.. On note des connaissances, des compétences,  pas une culture reçue en évolution, dans sa diversité, ses formes et ses composantes..
    Parfois on enfonce des portes ouvertes, quand on signale par exemple les déterminants sociaux de la "réussite" scolaire. Parfois on est dans l'approximation la plus totale ou l'affirmation gratuite.
            Une évaluation de la qualité et les performances des institutions ou des administrations, même si elle s'impose parfois, n'est jamais sans principes, sans présupposés, sans arrière-pensées parfois. Surtout quand elle se situe dans l'esprit du New public management... comme à l'hôpital aujourd'hui.
Et les critères peuvent être discutés, de même les résultats et leurs conditions d'obtention, les choix qui les déterminent.
      On a parfois des résultats sans surprise, ou sans nuances ni questionnement sur les causes.             .D'après la dernière enquête Pisa, notre  système éducatif serait le plus inégalitaire des pays de l'OCDE. « En France, quand on appartient à un milieu défavorisé, on a une chance sur cinq d'avoir de bons résultats, alors que c'est une sur deux à Shanghai où il y a une véritable équité sociale « , commentait Eric Charbonnier, expert à l'OCDE en présentant les résultats classement Pisa 2012 où la France a reculé de deux places.
        Peut-être, même si c'est un peu court, mais tient-on compte du système bicéphale du l'enseignement secondaire allemand, qui sélectionne très tôt, par exemple? Quel public scolaire est visé, quelles classes d'âge? Tous les pays intègrent-ils tous les élèves sans discriminations?
         De plus en plus, comme le remarque C. Valmour, on entend piloter le ministère de l'EN à l'aune des évaluations internationales, or, la lecture de milliers de pages de rapports officiels, notes et ouvrages, produits par des dizaines d’experts internationaux montrent que ces évaluations sont très réductrices. Si elles demeurent une source d’information intéressante, elles ne prouvent aucunement qu’un système est meilleur qu’un autre en raison des multiples biais (culturels, statistiques, méthodologiques) qui ont été découverts, et jamais relatés dans la presse, avide uniquement de palmarès. On ne peut comparer que ce qui est comparable, or il n’y a rien de tel pour PISA. Pire, les circonstances indéfinies dans lesquelles PISA est né laissent penser qu’il existerait au sein de l’OCDE un réseau qui vise à détruire l’Etat-Nation, les spécificités culturelles et les systèmes éducatifs de chaque pays pour imposer un modèle éducatif et culturel unique, doublé d’un projet commercial...
      PISA donne une impression de transparence, de pluralité et d’universalité. Or, du début à la fin du processus élaboration-correction-analyse d’items, il y a le consortium PISA et son maître d’œuvre. Qui sont-ils ?... 
     Créée en 1930, l’ACER (le maître d’œuvre) est une association australienne qui vend des évaluations, ainsi que des produits et services en matière d’éducation. NIER est un institut japonais qui s’occupe de politique éducative. ETS (Educational Testing Service) est une association américaine qui vend des produits et des services dans le domaine de l’enseignement. Deux de ses produits sont bien connus des français : le TOEFL et le TOEIC. CITO, créée par le gouvernement néerlandais en 1968, est devenue une société privée en 1999. Enfin, Westat Incorporated est une entreprise américaine (employee ownership) omniprésente dans les évaluations : PIRLS, TIMMS, NAEP, etc. 
     Notons que toutes ces organisations sont d’inspiration anglo-saxonne. De même, les experts scientifiques de PISA sont anglo-saxons à l’écrasante majorité. Nathalie Mons représentera pour la première fois la France lors de PISA 2009. Ce qu’il faut retenir à ce stade, c’est qu’une culture se définit aussi par son système éducatif. ...
          PISA prétend comparer et évaluer des compétences et s’abrite derrière l’élimination des biais culturels, c’est-à-dire, pour schématiser, tout ce qui peut avantager les élèves d’un pays. Or, quand on élimine ce qui fait la spécificité des pays, on ne les compare plus que sur la base du plus petit dénominateur commun. Et c’est ce dénominateur que l’on offre comme modèle de vie et de réussite dans le monde moderne, en occultant tout le reste.
        Comme le souligne C. Dubouloz, au niveau mondial, Singapour rafle l’ensemble des prix: les élèves sont les meilleurs, et de loin, en sciences, en maths, ainsi qu’en compréhension de l’écrit. «Il y a quelques années, les responsables de l’éducation étaient tous envoyés en Finlande pour étudier le système éducatif performant de ce pays. Ensuite, Shanghai est devenue la référence, maintenant c’est Singapour», ironise Stefan Wolter, directeur du Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation. Dans le classement, la Finlande a fortement chuté en sciences et en maths, de même que la Corée du Sud en lecture....
                   On peut s'étonner de telles baisses, improbables en si peu de temps
     Pour Julien Grenet, chercheur à l’Ecole d’économie de Paris, «ces palmarès ont peu de fondements statistiques. Le score moyen de chaque pays est entouré par une incertitude, qui tient au fait que l’enquête porte sur des petits échantillons d’élèves et présente des marges d’erreur. Si bien que des pays dont les rangs sont proches dans le classement peuvent avoir des résultats qui ne sont pas statistiquement différents.»
   En outre, dit cet expert, «il faut comparer ce qui est comparable. PISA ne prend en compte que les jeunes de 15 ans scolarisés». Alors, si l’on peut comparer entre eux les pays de l’OCDE «qui ont des taux de scolarisation à 15 ans proches de 100%, on ne peut pas en faire autant avec des pays où ce taux est bien plus bas».
     Un instrument de mesure qu'il ne faut donc surtout pas absolutiser  fétichiser, et faire bon usage du classement PISA  est la première consigne de méthode et de prudence . Il faut le répéter.
    Les limites intrinsèques à de telles comparaisons sont rarement signalées et comparaison n'est pas raison.
        Si la Corée du Sud caracole en tête cette année, c'est sans doute qu'elle  forme des élèves qui travaillent avec acharnement. Mais comment et  à quel prix? Pour former quels types d'adultes?   De bons serviteurs de Samsung? 
      Et si à l'OCDE on s'interrogeait sur une question largement occultée: qu'est-ce qu'une tête bien faite? qu'est-ce qu'un esprit cultivé?...
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vendredi 6 décembre 2013

Pisa va, moins ça va...

 Le PISA nouveau est arrivé
                                                  Les données de ce rapport nous concernant serait le reflet d'un abandon.
         C'est ce que suggère de manière polémique le pamphlet-charge d'un enseignant découragé de segpa, où se concentrent les plus handicapés de l'enseignement.
   On n'avait pas besoin d'un rapport de ce type pour savoir que les inégalités  scolaires sont flagrantes et que certaines populations cumulent tous les handicaps, pour des raisons longues à expliquer....
  Dans les Héritiers, Pierre Bourdieu avait déjà bien analysé les mécanismes sociologiques de l'héritage culturel. Aujourd'hui, peu de choses ont changé. Elles se sont mêmes aggravées. Il y a moins qu'autrefois d'enfants de classes modestes dans les cursus scolaires les plus prestigieux. Camille Peugny analyse aujourd'hui la ségrégation scolaire, la transmission précoce des  inégalités culturelles  et leur reproduction sociale.
 "A mesure que l’on s’élève dans les études, la proportion d’élèves des couches sociales les moins favorisées diminue. Alors que les enfants d’ouvriers, d’inactifs et d’employés représentent la majorité des élèves de sixième (56 % pour les deux catégories cumulées), ils ne constituent qu’une faible part (16 %) des élèves de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). A l’inverse, les enfants, dont les parents sont cadres ou exercent une profession libérale, ne représentent que 16 % des élèves de sixième, tandis qu’ils constituent plus de la moitié (55 %) des élèves de classes préparatoires.Si les inégalités sont présentes dès l’école maternelle, elles s’accentuent au fur et à mesure que le niveau d’études augmente, du fait d’une moins bonne réussite des enfants issus de milieux défavorisés ou, tout simplement, de choix d’orientation influencés par le milieu social. Mais le "handicap" du milieu social n’est pas insurmontable : même s’ils sont peu nombreux, et même s’ils doivent redoubler d’efforts, des enfants d’ouvriers et d’employés sont présents dans les filières de prestige...."(Observatoire des inégalités)
       Mais nous retombons une nouvelle fois avec ce rapport dans la sacralisation des chiffres, le fétichisme des classements, la manie de l'évaluation, dont les conditions de production sont à peine discutées.
  "...Les organismes internationaux, et plus particulièrement l’OCDE, se sont intéressés aux acquis des élèves plutôt qu’à la façon dont l’égalité des chances était respectée. Progressivement, les indicateurs de performance, les tableaux de comparaison entre établissements, entre régions ou entre Etats, les tests standardisés deviendront en effet une sorte de boîte à outils pour évaluer la qualité des systèmes éducatifs. Ce qui revient à importer les méthodes de gestion des entreprises et à réduire la fonction de l’école à une production de compétences soumise aux critères de rationalité et d’efficacité. Le Royaume-Uni en constitue un exemple caricatural."
    Le Pisa,  thermomère approximatif, débouche sur un classement controversé, enflamme les esprits, déclinistes ou non.
       On se calme et on relativise!...
 Certains jugent cette enquête sérieuse, sans doute, mais bancale
          " Le programme PISA ne prétend pas fournir une évaluation de la qualité globale des systèmes éducatifs à travers le monde car il se limite à un aspect particulier : leur capacité à former à des élèves de 15 ans capables d’utiliser leurs connaissances de manière relativement autonome pour résoudre efficacement les problèmes qu’ils sont susceptibles de rencontrer dans leur vie d’adulte.
Malgré la grande rigueur méthodologique de cette enquête, l’importance de la marge d’erreur qui affecte les scores nationaux ainsi que la faiblesse des écarts de performances qui séparent les pays les plus développés rendent relativement vaine l’ambition de classer de manière univoque les pays participants sur une échelle de compétence commune..".
           Un défi pour s'attaquer enfin aux problèmes de fond, pour changer enfin le système?
Car l'école va mal
                            La France, dit-on souvent ( et on a raison de le dire ) est l’un des seuls pays où l’égalité est explicitement une mission pour l’Ecole. Sans doute. Mais la France est aussi l’un des pays où les résultats des élèves à leur sortie de l’école obligatoire sont les plus dépendants de leurs origines socioculturelles, et les plus inégalitaires... 
      Ce n'est pas une fatalité mais le résultat de données culturelles, de certains choix ou d'abandons passés et d'orientations discutables.
Comme dit un internaute:
      C’est aussi bien une question sociétale liée à l’enfant roi qu’une question économique et politique liée au libéralisme. Tout est lié ici. Avec la suppression de fait du redoublement depuis Jospin en 92 et à cette occasion la mise de l’élève « au centre du système éducatif » en en faisant un consommateur roi vis-à-vis duquel les enseignants seuls ont des devoirs, avec la réduction des moyens d’enseignement (classes de plus en plus souvent surchargées) et du nombre d’heures de cours au profit d’activités confuses ou trop précoces comme les TPE au lycée ou l’anglais en primaire, le socle commun etc. les pouvoirs néo-libéraux se sont succédés pour aboutir à un résultat efficace et donc concerté qui est la dévalorisation générale de l’enseignement public. Prenons seulement le redoublement : c’était une rustine qui marchait mal, mais le supprimer sans solution de substitution ne pouvait évidemment donner de bons résultats. On aurait voulu mettre à genoux notre système éducatif public, on ne s’y serait pas pris autrement.
Quel peut être l’intérêt de l’Etat français de détruire son propre système éducatif public ? Le même que celui qui a conduit à privatiser les autoroutes, l’électricité, le téléphone : favoriser la concurrence libre et non faussée entre acteurs privés pour arriver au meilleur des mondes libéral. En gros pour « stimuler les forces vives de la nation » d’un certain point de vue ou alors pour favoriser la classe sociale dominante qui par sa main mise sur les médias, les sondages et l’économie a mis les hommes d’Etat que nous avons à leur place de valets du capital. Et pour tuer son chien, afin d’en vendre la carcasse, rien de mieux que de dire qu’il a la rage, et même de la lui avoir inoculée.
Les attaques contre l’enseignement public et ses moyens, aussi bien que la remise en cause systématique de tout ce qui pouvait représenter l’autorité des enseignants du public pour faire de l’enfant un petit roitelet intouchable et ainsi empêcher tout enseignement efficace, tout cela participe de la volonté libérale de pousser tout ceux qui le peuvent, en gros les classes moyenne et supérieure, à payer directement pour une instruction de qualité pour leurs enfants, car il y a là des milliards à récupérer pour le secteur privé. Il n’y aura plus alors qu’une école publique complètement de seconde zone pour une population corvéable à merci dont on n’a pas intérêt à ce qu’elle soit instruite. Ce projet est déjà vieux, il s’appelle l’Accord Général sur le Commerce des Services et on applique depuis des lustres la technique bien connue de la grenouille dans l’eau bouillante pour le concrétiser petit à petit : augmenter la température qui la fera cuire petit à petit sans qu’elle ne s’aperçoive de rien et reste ainsi d’elle-même dans le bouillon libéral.
En ce sens, les libertaires qui continuent de nous vendre l’école par le jeu, l’école dont tout ennui devrait être banni, l’école lieu de vie ouvert sur la vie sans entrave, sont les alliés objectifs des libéraux qui eux n’ont de cesse de privatiser tout ce qui pouvait donner un tant soit peu d’effectivité à l’idéal républicain d’une liberté de vivre décemment égale pour tous. " (H D)
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mercredi 4 décembre 2013

Les fruits amers de l'évaluation

 Evaluer: jusqu'à la tyrannie?..
                                                          Evaluer: quoi de plus banal, de plus courant et de plus innocent en apparence?
   Nous passons beaucoup de temps à le faire, instinctivement ou rationnellement.
Evaluation esthétique, morale, intellectuelle. Evaluation individuelle ou institutionnelle, élémentaire ou savante. Avec tous les risques de subjectivité, de partialité, d'incompétence, dans la vie courante. Rien que de très classique et de très normal.
    Mais cette activité, comme activité sociale généralisée, n'est pas si neutre que cela. Elle est même très ambivalente.
Elle implique généralement des rapports de pouvoirs, au-delà des questions de compétence.
                      Ce n'est pas l'évaluation en tant que telle qui pose problème (aptitude d'un individu à un poste donné, par exemple), mais le contexte économique et social, les objectifs assignés, les méthodes préconisées, les critères choisis, et surtout le contexte d'hyperévaluation généralisée vers  laquelle nous avons glissé surtout depuis les années 80, sous la pression des nouveaux modèles de management libéraux anglo-saxons, qui ont gagné progressivement tous les domaines, depuis les entreprises jusqu'aux services hospitaliers, la psychiatrie, l'éducation (*), la police (faire du chiffre), la justice...
     Le lean management des politiques publiques est devenu l'alpha et l'oméga de la gestion des hommes, dans un contexte où la réduction des coûts à tous prix devient l'injonction suprême. C'est l'ère du  New public management, le triomphe du  Benchmarking  (1), avec ses effets pervers.
     Qui finit parfois paradoxalement par dépossèder les professionnels de leurs savoirs.
         Globalement, le NPM n’est que l’application des techniques managériales du privé au secteur public.." Il s’agit dans tous les cas d’inciter par tous les moyens matériels et symboliques à ce que les professionnels du soin, de l’éducation, de la recherche, du travail social, de la justice, de la police, de l’information, de la culture, ne puissent pas penser leurs actes autrement que sur le modèle de la marchandise, du produit financier et des services tarifés. Cette injonction à devoir concevoir les actes professionnels sur le seul modèle de la pensée néolibérale, de ses catégories symboliques et matérielles, participe à une véritable civilisation des mœurs au sein de laquelle l’humain se réduit à un «capital», un stock de ressources qui à l’instar de la nature doit être exploitée à l’infini..."
         Cette normalisation des pratiques propres aux sociétés de contrôle et de défiance d’allure démocratique, tend à transformer les professionnels en outils d’un pouvoir politique qui traite l’humain en instrument, en «segment technique» comme disait Jaurès. Cette nouvelle civilisation des mœurs n’est pas propre à la France...
    Evaluation jusqu'à la démesure, voire à l'absurdité, qui, disent certains analystes, peut tourner à la tyrannie,  à la dénaturation des tâches, à l'obsession des seules procédures, à une hyperrationalisation absurde, au management parfois brutal, à la déshumanisation des tâches, au stress permanent, à la désocialisation, à la démotivation, à la perte de temps, de sens et d'efficacité (eh oui!).
         " Bien collée à notre époque mondialisée, miel pour experts et managers en mal d'efficacité, l'évaluation s'est immiscée partout, dans toutes les branches du travail, tous les secteurs de la production, tous les rouages de l'administration. Tantôt qualitative, tantôt quantitative, elle s'y écrit en chiffres et en lettres. Ni les individus ni les Etats n'échappent à son emprise. Son empire a essaimé, donnant naissance aux royaumes des audits, des AAA, des listes, classements et autres palmarès.
En cette période hivernale où la Cour des comptes vient de remettre son rapport au gouvernement et où chacun s'apprête à ruminer son entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, l'évaluation nous est plus que jamais familière. « L'évaluation passe en général pour une opération allant de soi, notait, il y a dix ans déjà, le clinicien du travail Christophe Dejours  . Elle est tenue par tout être raisonnable pour légitime et souhaitable. Se dérober à la procédure d'évaluation est une attitude suspecte, qui dissimulerait un pacte inavouable avec l'obscurantisme ou l'intention coupable de protéger un secret sur la médiocrité, éventuellement sur la fraude, des travailleurs impliqués. » Chantre du « vrai » travail, avide de noter ses ministres et de débusquer les assistés, Nicolas Sarkozy a donné à l'évaluation un sacré coup de fouet : « Toute activité sans évaluation pose un problème, a-t-il déclaré le 22 janvier 2009 à l'Elysée. Je vois dans l'évaluation la récompense de la performance. S'il n'y a pas d'évaluation, il n'y a pas de performance. »
   . Comme dit Roland Gori“L'évaluation, cette bureaucratie de l'expertise, jouit d'un relatif consensus, à droite comme à gauche.”
          Bien menée, l'évaluation peut être positive et éviter abus de pouvoir, incompétence et inefficacité,  mais  "sa mise en pratique n'est pas sans poser problème. De nombreuses enquêtes de terrain montrent à quel point ce correcteur de défauts s'avère souvent contre-productif. Cet antidote à la crise a aussi un goût de poison. En voulant lutter contre l'injustice, la glande et la fraude, l'évaluation peut subrepticement créer des stratégies de contournement, de la triche, de la falsification de chiffres. Les chercheurs auront ainsi tendance à privilégier le nombre de publications plutôt que leur qualité ; les policiers à multiplier les contrôles au lieu de résoudre des affaires plus complexes. Sous couvert d'évaluation, c'est souvent la standardisation qui règne. Pour être bénéfique, l'évaluation doit respecter et refléter au moins deux données de taille : la singularité des individus et la complexité du réel.
   Le fait d'individualiser les performances doit aussi préserver les bienfaits du travail collectif. Quant au recours à la notation, il ne peut se faire au détriment d'une évaluation plus qualitative, plus humaine, capable d'apprécier la créativité de chacun. « L'évaluation démocratique, émancipatrice, devra ainsi mélanger la nécessité de l'excellence et le besoin de coopération, synthétise Roland Gori. Etre excellent dans une société des égaux, voilà, au fond, la vraie promesse de l'évaluation... Mais, parce qu'elles sont entièrement centrées sur les tableaux de bord et les règles de procédure, les nouvelles formes d'évaluation néolibérale nous aveuglent sur l'état de la route. A l'heure du pilotage automatique par le chiffre, les professionnels n'écoutent plus les conseils des copilotes. Ils perdent la direction et le sens de leurs actions. »
    Certain y voient un instrument de domination qui ne dit pas son nom ou de folie évaluatrice,
  l'individu étant  sans cesse sollicité à s'évaluer lui-même en permanence, à intérioriser à son insu des normes qui parfois le culpabilisent,le rendent malade et l'installe dans le dégoût du travail, la défiance et la concurrence sans solidarité..
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(*).En matière d'éducation...
."...Les organismes internationaux, et plus particulièrement l’OCDE, se sont intéressés aux acquis des élèves plutôt qu’à la façon dont l’égalité des chances était respectée. Progressivement, les indicateurs de performance, les tableaux de comparaison entre établissements, entre régions ou entre Etats, les tests standardisés deviendront en effet une sorte de boîte à outils pour évaluer la qualité des systèmes éducatifs. Ce qui revient à importer les méthodes de gestion des entreprises et à réduire la fonction de l’école à une production de compétences soumise aux critères de rationalité et d’efficacité. Le Royaume-Uni en constitue un exemple caricatural." 
  Le classement PISA , accueilli aujourd'hui sans discussion comme une référence absolue, ne peut être exempt de critiques, doit être relativisé. 
  L'évaluation des élèves "à risque" dès 5 ans, fait légitimement polémique et les enfants ne doivent pas être testés comme des automates. La logique comptable ne peut être la norme.
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Relayé par Agoravox
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