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mercredi 17 décembre 2014

Laïcité: toujours un combat

          Comme toutes les valeurs, toujours imparfaites et instables, la laïcité est loin d'être solidement établie et universelle,  même si on reste dans le cadre des sociétés occidentales comparables. Un valeur qui n'a pas une si longue histoire et qui tarde à s'imposer, même en Europe.
               Cela semble difficile à croire, mais être athée aux USA n'est pas facile à vivre et peut apporter bien des désagréments. Cela peut même compromettre une élection. Les athées là-bas essaient de faire prévaloir leur point de vue, mais avec beaucoup de difficultés, surtout dans certains Etats. 
      En Caroline du Nord, dont la Constitution oblige les gens à croire en Dieu s’ils veulent se présenter aux élections ou accéder à une haute charge administrative...Aux Etats-Unis, le pire n’est pas d’être un fanatique religieux. Non, le pire est de n’avoir aucune religion, ou plutôt, de ne croire en aucun Dieu.... La Pennsylvanie exige : «  Nul ne peut être empêché d’accéder à un poste public à cause de sa religion – aussi longtemps qu’il croit en Dieu, au paradis et à l’enfer."
        Pourtant d'illustres Américains se sont exprimés assez nettement sur ce sujet:
* G.Washington disait:  "Tous possèdent également la liberté de conscience et les protections de la citoyenneté. Le gouvernement des États-Unis n’apporte aucun soutien au sectarisme, ni aucune assistance à la persécution, et requiert seulement que tous ceux vivant sous sa protection se conduisent en bons citoyens […] Les croyances religieuses d’un homme ne le priveront pas de la protection des lois, ni du droit d’obtenir et d’exercer les plus hautes fonctions publiques existantes aux États-Unis."
* James Madison: «  Le gouvernement n’a pas l’ombre d’un droit de se mêler de religion. Sa plus petite interférence serait une usurpation flagrante. »
*  John Adams: « Le gouvernement des États-Unis n’est en aucune manière fondé sur la religion chrétienne ; il n’a aucune inimitié envers la loi, la religion ou la tranquillité des musulmans. »
* Thomas Paine:  « De toutes les tyrannies qui frappent l’humanité, la pire est la tyrannie en matière de religion."
               Par delà les déclarations officielles parfois ambiguës, dans les faits, le poids de la religion et la référence à la divinité sont omniprésentes et parfois pesantes, même au niveau officiel: lors de son investiture, le nouveau Président prête serment sur la Bible, beaucoup de réunions, même de haut niveau, commencent souvent par une prière, sur le billet d'un dollar, on lit: in God we trust, etc...
   Bref, le Siècle des Lumières et la Révolution ne sont pas passés par le Nouveau Monde et la séparation de l'Eglise et de l'Etat n'a jamais été clairement explicitée.
       Tout porte encore la marque de la religiosité des Pères fondateurs et de la multitude des courants religieux issus du protestantisme, plus ou moins militants. L'évangélisme, parfois de combat, est lié profondément au politique, aux partis les plus conservateurs, surtout dans le Sud. On l'a vu surtout sous l'ère de Bush II, avec le retour de l'idée de croisade.
     Dans le rêve américain, l'idée de destinée manifeste est toujours bien présente, même si elle a pris quelques coups..
    L' héritage religieux est tellement prégnant que, à l'issue de la Première Guerre mondiale, le président Wilson affirmait : « L'Amérique est la seule nation idéale dans le monde [...]. L'Amérique a eu l'infini privilège de respecter sa destinée et de sauver le monde [...]. Nous sommes venus pour racheter le monde en lui donnant liberté et justice."   Nabil Shaas, ancien ministre des affaires étrangères rapportait : "le Président Bush nous a dit à tous : "Je suis investi d’une mission par Dieu"
  La tolérance religieuse n'est donc pas ancrée dans la société  américaine, surtout dans certains Etats.
            Chez nous, la laïcité n'est pas exempte de malentendus.
Même sans évoquer les régulières offensives sectaires, chez nous ou à Bruxelles. On l'a vu naguère quand est apparue la notion étrange de laïcité positive.
   La laïcité n'est ni positive, ni négative. Elle est. Fondée sur quelques principes simples.
       Mais elle va mal comme le rappelle H. Pena-Ruiz, ancien membre de la Commission Stasi sur l’application du principe de laïcité dans la République:
      "La laïcité va mal. Naguère, la droite au pouvoir la malmenait par la bouche de Monsieur Sarkozy. Aujourd’hui certains élus de gauche ne la traitent pas mieux. Tout se passe comme si les vrais ennemis de la laïcité et ses faux amis semblaient d’accord pour l’encenser en principe et la violer en pratique...
    D’abord un vocabulaire polémique brouille les choses à loisir. Il est trop facile, par exemple, d’inventer une opposition artificielle entre la laïcité dite “ouverte” et la laïcité dite “de combat”. La première expression est usuelle chez les adversaires de la laïcité qui insinuent ainsi que la laïcité tout court serait fermée. Une calomnie travestie en signe d’ouverture. La seconde est fréquente chez ceux qui par électoralisme refusent de défendre la laïcité et en édulcorent le sens. Une trahison déguisée en réalisme. Un tel vocabulaire est d'ailleurs absurde. Parle-t-on de la « liberté ouverte » ou des « droits humains de combat » ? Bref, on adjective la laïcité soit parce qu’on en rejette les exigences soit parce qu’on manque de courage politique pour les faire valoir.
     Les  vrais ennemis de la laïcité rêvent de rétablir les privilèges publics des religions: c'est ce qu'ils appellent “laïcité ouverte”. Ils parlent de “liberté religieuse” plus que de liberté de conscience. Faudra-t-il parler aussi de “liberté athée”? Ses faux amis répugnent à la défendre par peur de perdre des voix et inventent l'expression polémique “laïcité de combat” pour qualifier une telle défense. C’est ce qui ouvre tout grand un chemin à une contrefaçon de laïcité par la droite extrême. Celle-ci feint de défendre la laïcité alors qu’elle la caricature en la tournant contre un groupe particulier de citoyennes et de citoyens. Ce qui est alors en jeu, c’est une conception  discriminatoire travestie en laïcité. Tout le contraire de celle-ci.
     Un premier exemple d’attaque contre la laïcité par la droite puis de refus de la défendre par la gauche au pouvoir. Comme on sait, la loi Carle votée sous la présidence de Monsieur Sarkozy met à la charge des communes la scolarisation d’enfants dans des écoles privées de communes voisines. Quand les laïques contestent cette loi et en demandent l’abrogation, les vrais ennemis et les faux amis de la laïcité, tout uniment, les accusent de vouloir rallumer la guerre scolaire ! Une accusation ridicule qui dissimule mal la volonté de faire entériner une violation de la laïcité. Aujourd’hui, que fait le gouvernement dit socialiste contre cet héritage de l’ère antérieure qui renforce les privilèges des écoles privées religieuses, affranchies de surcroît de l’obligation d’appliquer la réforme des rythmes scolaires ? Rien. C’est triste. Pire. Monsieur Peillon, précédent ministre de l’Education Nationale, a rédigé une charte de la laïcité. Mais il a étendu le financement public des activités périscolaires aux écoles privées, alors que la Loi Debré ne le prévoyait que pour les disciplines d'enseignement. Comprenne qui pourra...
... A Paris, tout en s’affirmant fidèle à la laïcité, la mairie continue à subventionner des crèches confessionnelles et des fêtes religieuses comme celle qui a été organisée l’été dernier pour le ramadan. Ainsi des contribuables athées ou agnostiques sont obligés de subventionner à hauteur de 70 000 euros une fête religieuse. A quand une grande fête de l’humanisme athée financée sur fonds publics, à Paris et ailleurs ? Invoquer la culture, en l'occurrence, est peu rigoureux et néfaste. Confondre la culture arabe et le culte musulman c'est offrir un cadeau inespéré aux extrêmistes religieux qui persécutent les arabes athées, accusés de “trahir leur culture..
   Dans le Limousin, on a financé sur fonds publics des processions religieuses catholiques, en présentant  ces dernières comme des « manifestations culturelles ». Heureusement, dans ce dernier cas, les tribunaux ont condamné ce subterfuge....
 Quant au récent voyage officiel à Rome du Premier Ministre de la République, aux frais de l’Etat, il enfreint aussi la laïcité. Lorsque François Fillon s'était rendu à Rome en 2011 pour y assister à la béatification de Jean Paul II, le Parti socialiste avait à juste titre protesté, au nom de la laïcité. Quand trois ans trois ans plus tard Manuel Valls s'y rend pour sa canonisation, le PS approuve. Comprenne qui pourra! On marche au pas sur les principes. On ne peut justifier la chose au nom des relations entre Etats. Manuel Valls n’a rien négocié à Rome. Il ne s’y trouvait pas pour évoquer des problèmes diplomatiques. Des cérémonies de canonisation n’ont de sens que religieux. Entendons-nous. Si Manuel Valls le voulait, il avait tout à fait le droit d’assister à un tel événement, mais à titre privé et sur ses deniers propres...
  Le pape est venu haranguer le parlement de Strasbourg. Pourquoi un tel privilège conçu par Martin Schulz ? A quand une invitation du même type à un représentant de la Franc-Maçonnerie ou de la Libre-Pensée ? En fait, il y a erreur de destination. Un parlement démocratique n'est pas un lieu de prêche, ni de propagande athée. Quant aux racines chrétiennes de l’Europe, elles relèvent d'une conception très partisane de l'histoire. Que fait-on des racines que sont l’humanisme antique, la médiation arabe qui en a sauvé l'héritage, le rationalisme des Lumières, la pensée sociale du dix-neuvième siècle, les droits humains conquis souvent contre l’Eglise ou malgré elle? Et qui les représente? Le souci de l’humain, au demeurant, est venu bien tardivement à l’Eglise institutionnelle, qui n’a pas répugné à user des deux glaives chers à Bernard de Clairvaux, canonisé par l'Eglise, ni à lancer l’Inquisition contre les hérétiques prétendus, les juifs ou les musulmans mal convertis, les athées ou les francs-maçons..."
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- Le régime canadien désire protéger les religions
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