Galaxie trumpienne
Tuump fâché : ses inspirateurs et ses copains
__ Le pape, ,tel qu'en lui-même
__ Vance, le bras droit ..les autres et les ralliés
Un moment orwellien est en route. Où s'arrêtera le Destroyer?
Un peu fou, le Boss? Pas si simple...Pas un mauvais type, comme son homologue
On peut craindre une contagion
Impérialisme économique et quadrature du cercle
_______ '... Même la Réserve fédérale n’ose pas se prononcer clairement. Confrontés au chaos économique depuis deux mois, les économistes, analystes, observateurs, incrédules, s’interrogent tous sur la suite de l’expérience trumpiste et cherchent à trouver une cohérence. « D’une certaine façon, nous sommes tous en train de batailler pour trouver une forme de rationalité face à la situation déréglée créée par l’administration Trump », note l’économiste Adam Tooze dans une note récente, résumant le sentiment général.
Refusant de se présenter comme une théorie économique, d’où son nom modeste – ce qui, au passage, permet de ménager l’avenir au cas où l’expérience tournerait mal –, la note de Stephen Miran fait toucher du doigt les réalités économiques parallèles dans lesquelles évolue le premier cercle du président américain.
C’est le postulat de la rhétorique de Donald Trump, et Stephen Miran ne manque pas de le reprendre : bien que première puissance du monde, les États-Unis sont victimes du reste de la planète. Loin de tirer le moindre avantage de leur statut, ils en supportent seuls tout le fardeau : le monde entier les pille, leur extorque leurs richesses, leurs moyens, leurs technologies, réclame des protections multiples sans offrir au pays la moindre contrepartie.
Pour Stephen Miran, cet état de fait est parfaitement évident en matière de relations commerciales et financières. Tout est lié, selon lui, au statut du dollar comme seule monnaie de réserve internationale et dont les États-Unis, toujours victimes, paient seuls le prix sans en tirer aucun avantage.
À l’appui de sa démonstration, il convoque Robert Triffin. Au début des années 1960, cet économiste belge avait énoncé ce qui est devenu le dilemme de Triffin : tout pays ayant une monnaie de réserve internationale est conduit à accumuler les déficits courants afin de répondre à la demande extérieure de monnaie de réserve, ce qui conduit à terme à faire douter de la valeur de la monnaie et à lui faire perdre son statut de monnaie de réserve. Cet enchaînement fatal avait mené à la fin du système de Bretton Woods et de la convertibilité du dollar en or en août 1971.
Un processus un peu analogue serait à l’œuvre aujourd’hui, selon Stephen Miran. La soif de dollars et d’actifs financiers américains dans le monde, essentiellement des bons du Trésor, serait telle que les États-Unis seraient condamnés à nourrir des déficits budgétaires et commerciaux de plus en plus gigantesques pour y répondre. Ce qui amènerait en retour une surévaluation du dollar, défavorable à la compétitivité de l’économie américaine. Là serait l’origine de la désindustrialisation américaine.
Ces réécritures de l’histoire laissent un peu perplexe. Comme le rappelle l’ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI) Raghuram Rajan, dans une tribune dans Le Monde, les déficits commerciaux et budgétaires des États-Unis sont une constante depuis les années 1960, le pays utilisant son « privilège exorbitant » pour se faire financer par le reste du monde.
« Si l’excès de demande pour les actifs financiers américains posait réellement problème, il suffirait d’ailleurs au Congrès d’enregistrer des déficits moins élevés et donc d’émettre moins de bons du Trésor », note-t-il. Avant de relever que si la demande d’actifs financiers américains était aussi importante que cela, les taux d’intérêt de la dette américaine devraient être beaucoup plus bas.
Mais la deuxième affirmation soutenue par Stephen Miran est encore plus surprenante : la désindustrialisation américaine serait uniquement liée à la surévaluation du dollar, les États-Unis étant les seuls à payer un prix aussi élevé. Aucun autre argument n’est avancé.
La désindustrialisation dans les pays occidentaux est pourtant un fait désormais largement documenté : la croyance aveugle aux bénéfices du libre-échange sans limites, la mise en concurrence frontale entre des pays n’ayant pas les mêmes normes sociales et environnementales, la financiarisation accrue du capitalisme à la recherche du moindre gain entraînant des délocalisations à outrance, et enfin la croyance en une supériorité occidentale, notamment au moment de l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, ont conduit à une désintégration des appareils productifs aux États-Unis et en Europe. La destruction industrielle y a été massive. Et en ce domaine, ce n’est pas aux États-Unis mais en France, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), que la disparition des emplois industriels a été le plus énorme. Difficile, en ce cas, d’invoquer la surévaluation du dollar.
Pour remédier aux déséquilibres commerciaux, financiers et monétaires, l’arme des droits douaniers est la plus appropriée, d’après Stephen Miran. « Les droits douaniers génèrent des revenus et s’ils sont compensés par des ajustements monétaires, ils présentent des effets secondaires inflationnistes et autres minimes », écrit-il. La preuve, selon lui : les droits douaniers imposés à la Chine en 2017-2018 ont eu une incidence sur les prix d’à peine 1 %. Il lui faut toutefois admettre que pour annuler les effets des droits de douane, le gouvernement chinois, qui a la haute main sur le change du renminbi (yuan), a dévalué sa monnaie de plus de 30 % dans la même période.
Au vu de cette expérience passée « réussie », Stephen Miran recommande de l’élargir à tous, alliés compris, alliés surtout. D’abord parce que « avoir accès au marché américain est un privilège qui doit se mériter et non un droit ». Ensuite, parce que « les pays qui veulent être sous le parapluie de la défense doivent aussi être sous le parapluie des changes loyaux ».
L’imposition de ces droits douaniers à tous n’a que des vertus, aux yeux de l’économiste. Il imagine deux scénarios : l’un où les marchés financiers, surtout des changes, sont efficients et permettent de compenser les mesures douanières ; l’autre où la « main invisible » des marchés des changes n’est pas aussi efficace qu’espéré, ce qui entraîne des effets de bord.
Dans le premier, les réajustements monétaires en faveur du dollar gomment la hausse des prix sur les produits importés, les pays qui subissent les droits douaniers voient leur pouvoir d’achat diminuer et leur monnaie baisser, et le gouvernement américain touche le produit des taxes pour financer ses déficits. Dans le second, la hausse des droits douaniers provoque de l’inflation. Mais les importations plus onéreuses soutiennent la production américaine et incitent à la relocalisation des productions. Bref, dans tous les cas, c’est un pari gagnant.
L’économiste recommande cependant d’avoir une approche graduelle, négociée en fonction des pays, révisable selon les engagements. Car il le reconnaît, cette politique douanière n’est pas sans risque : les pays étrangers peuvent décider de représailles. « Des tarifs douaniers pris en représailles peuvent conduire à des coûts additionnels aux États-Unis et alimenter un risque d’escalade […] qui amène à une rupture du commerce mondial. » Les bénéfices escomptés par l’administration Trump seraient alors annulés, note-t-i
Mais ces dispositifs douaniers ne suffisent pas à eux seuls pour rétablir l’équilibre, pour alléger « le fardeau américain » de devoir fournir une monnaie de réserve au reste du monde. Ils doivent être accompagnés d’une grande refonte du système financier international.
Se référant aux accords du Plaza (1985) et aux accords du Louvre (1987), où les pays du G7 avaient décidé d’intervenir de façon concertée pour stabiliser un marché des changes dysfonctionnel et faire baisser le dollar, notamment face au yen et au mark, Stephen Miran imagine un nouvel accord monétaire. Il lui a même trouvé un nom : l’accord de Mar-a-Lago, là où Donald Trump a sa résidence en Floride.
Celui-ci aurait pour objectif premier de faire porter au reste du monde une partie de la charge assumée par les États-Unis en raison du statut du dollar comme monnaie de réserve internationale. Il lie explicitement cette charge à celle de la défense.
Un nouveau partage s’impose, selon l’administration Trump. Cela passerait par une obligation des États qui se mettent sous le parapluie de la défense américaine de le financer en achetant des bons du Trésor américain, de convertir leurs réserves de banque centrale en dollars en dettes perpétuelles. Les pays qui se refuseraient à financer les déficits américains seraient frappés par des droits de douane exorbitants.
Dans ses réflexions, l’économiste imagine même que de telles règles s’appliquent aux détenteurs privés de titres américains. Mais il en repousse l’idée. Car il redoute que cette mesure soit vue comme une atteinte à la libre circulation, entraîne des désordres sur les marchés des changes, ait des conséquences plus négatives que positives.
« Une telle architecture marquerait un tournant sur les marchés mondiaux aussi important que Bretton Woods ou sa fin. Cela conduirait nos partenaires commerciaux à assumer une part plus importante du poids de la sécurité financière globale et les moyens financiers seraient, par le biais d’un dollar plus faible, réalloués vers la demande aux États-Unis, tandis que les risques sur les taux d’intérêt passeraient des contribuables américains aux contribuables étrangers. Cela permettrait également de tracer plus clairement les lignes du parapluie de la défense américaine, en dissipant les incertitudes sur qui est éligible et qui ne l’est pas », résume Stephen Miran.
Au moment où Donald Trump crée le chaos dans l’ordre international existant, sème le doute sur son engagement dans l’Otan, matraque ses alliés et partenaires, par quel miracle ces derniers accepteraient-ils de participer à une réorganisation – même si elle est nécessaire – du système financier international pour le seul profit des États-Unis ? Qui peut avoir confiance ?
La question se pose encore plus pour tous les autres pays. Car, comme le relève Stephen Miran lui-même, les principales réserves de change en dollars ne sont plus en Europe mais en Asie ou au Moyen-Orient. La Chine en détient officiellement plus de 3 000 milliards de dollars, le Japon 1 200 milliards de dollars, l’Arabie saoudite 450 milliards. Est-il envisageable que le gouvernement chinois accepte de participer à une refondation du système financier international pour consolider le pouvoir des États-Unis, dont le gouvernement avoue ouvertement dans le même temps qu’il veut affaiblir, voire déstabiliser le pouvoir économique chinois ?
Mais une dernière question se pose : pourquoi l’administration Trump tient-elle tant à conserver le dollar comme seule monnaie de réserve internationale, au point de menacer tous ceux qui veulent s’en passer, si c’est un tel « fardeau » ? Tout dans les réflexions de l’administration Trump tend à démontrer que consciente du « privilège exorbitant » dont elle dispose, elle entend utiliser au maximum le dollar comme une arme pour en extraire le plus de pouvoir possible.
L’entreprise est des plus risquées. Au moment où le monde se fragmente, où de plus en plus de pays remettent en question la domination de la monnaie américaine, où même les alliés perdent confiance dans la parole des États-Unis, les recherches d’alternatives au dollar – même si elles n’existent pas encore – pourraient se multiplier. Loin de consolider le dollar, qui a été l’un des piliers du pouvoir américain pendant quatre-vingts ans, Donald Trump est en train d’en saper la puissance. ] Merci à Martine Orange] __________________
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