L'heure est au retour sur l'événement
Dans le flou favorisé par cette période étrange, parfois surréaliste, tragique aussi(on se souvient des premiers convois de morts dans les rues de Bergame) ou légère (les longues promenades autorisées..), n'émergent plus quelques souvenirs de cette période d'exception où les débats furent parfois riches, où les clivages et les tensions ne manquèrent pas, même dans la sphère intime, dont certains ont encore aujourd'hui des résonnances. Comme iciou là. Dans le climat d'incertitude crée par l'événement inouï, où nous naviguions à vue, qui n'a pas fini de laisser des traces....Chacun réagissait à sa manière, empiriquement, au jour le jour, d'autres prenaient des distances parfois positives par rapport à leur vécu, comme ici:
" Cinq ans déjà que sonnait le premier confinement. Tambour battant, nous étions déjà « en guerre », disait le président. Entretemps, de l’eau a coulé sous les ponts, et le monde d’après a surgi, encore plus rude que celui d’avant. À suivre l’actualité, on a presque l’impression que le présent a tout englouti : qu’il ne reste plus rien de ces histoires de masques, de gel hydroalcoolique et d’attestations de sortie. Tout se passe comme si cet événement inédit, qui a sidéré la planète entière, était déjà tombé en désuétude et avait été ringardisé par l’envie – la nécessité ? – de tourner la page et de passer à autre chose. Mais on ne se débarrasse pas si facilement de ces années bizarres. Il suffit de discuter avec quelqu’un, parfois juste cinq minutes, pour que le mot « Covid » surgisse dans la conversation. Pas forcément comme un sujet à part entière, mais comme un marqueur temporel, un point de repère qui permet de se repérer dans le temps. Si l’on creuse un peu, on se rend compte que le repère est souvent une charnière. Pour beaucoup, il y a eu un « avant » et un « après » les confinements, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel. Loin d’être cantonnée à la période 2020-21, la pandémie trouve des prolongements, des ramifications dans nos existences individuelles. « Il y a dans l’événement toujours une part qui dépasse, qui déborde sa propre effectuation », écrit Deleuze. Le Covid-19 nous a débordés en 2020. Il nous déborde encore aujourd’hui. Pour marquer cet étrange anniversaire, nous avons réalisé un recueil d’expériences au sein de notre journal. Nous avons suggéré à tous ceux qui le souhaitaient de nous proposer un petit texte autour de cette question : « Qu’est-ce que le Covid a changé dans ma vie ? Dans quelle mesure a-t-il été un point de bascule ? » La diversité des réponses nous a saisis, au sein d’un groupe où nous avons la chance d’avoir les échos de plusieurs générations différentes. Pour certains, la révolution a été matérielle. Le Covid a créé une précarité, qui a nécessité de prendre des réformes pour avoir une existence plus stable (déménager, trouver un emploi salarié). Le télétravail, qui a massivement émergé pendant cette période, a été vécu comme une libération, mais aussi comme une aliénation à laquelle il a fallu mettre un terme. D’autres ont découvert lors des confinements des facettes ignorées d’eux-mêmes, qui les ont poussés à faire évoluer leur sociabilité, leur vie quotidienne. Une petite révolution s’est également déroulée à bas bruit, sur un plan perceptif, esthétique : le silence, le printemps, les villes vides ont changé la manière de saisir sensoriellement le monde et de s’emparer du réel, ce qui a provoqué son lot d’angoisses profondes et d’émerveillements durables. On remarque dans ces témoignages un balancement, entre d’un côté la violence d’une fracture venue perturber les réalités matérielles et psychologiques, et de l’autre la découverte d’un autre soi-même, qui a parfois ouvert sur une transformation intérieure. Au cœur de cette mise à l’arrêt brutale, et de ses conséquences dramatiques, le silence, la solitude et le vide ont parfois pu ménager des coins de répit fertiles, propices à l’introspection et aux grandes décisions. ..."_______ __ Un dette surmontable?
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