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mardi 19 mai 2020

Deux mots sur la dette

Celle de l'hôpital
                            Des moyens sont promis pour guérir le malade. C'est juré. Il y a urgence.
         On va revoir cette fameuse dette que le système hospitalier traîne comme un boulet..
    Mais d'où vient cette dette? Comment s'est-elle constituée, dans une sorte de cercle vicieux ? Une dette largement fabriquée depuis des décennies
   Faut-il privatiser encore plus, comme le préconise la Caisses des Dépôts??
     


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Résultats We"....Les frais financiers liés aux charges d’emprunt du secteur hospitalier sont évalués à 850 millions d’euros aujourd’hui par la Fédération hospitalière de France. Pour parvenir à 800 millions d’euros d’allègement par an, il aurait fallu que le gouvernement accepte de reprendre quasiment l’intégralité des 30 milliards d’euros de dette contractés par les établissements hospitaliers. Il a choisi de n’en reprendre qu’un tiers, soit 10 milliards d’euros. Et encore sur trois ans : ce qui représente une reprise de 3,3 milliards d’euros de dette par an, soit 0,1 % de l’endettement public total. Au mieux, les frais financiers seront réduits à quelque 90 millions d’euros en 2020, selon les premières évaluations de la Fédération hospitalière de France. Une goutte d’eau dans un budget total de 84 milliards d’euros par an.Rien n’empêchait le gouvernement de faire un geste d’ampleur et de reprendre la totalité de la dette hospitalière. Même pas les fameux critères de Maastricht. À la différence de l’Allemagne, qui a régionalisé l’essentiel de ses dépenses hospitalières, la dette des hôpitaux publics est déjà comptabilisée dans les comptes publics établis dans le cadre des traités européens. Transférer la dette des bilans des hôpitaux à ceux de l’État n’aurait donc rien changé par rapport aux exigences de déficit et d’endettement imposées par les règles européennes. Cela aurait même pu contribuer à améliorer les comptes publics : l’État emprunte traditionnellement à des taux bien inférieurs à tous les autres, même les organismes publics. Et en ce moment, les taux sont négatifs pour les emprunts d’État. La prise en charge par l’État de la totalité de la dette des hôpitaux et des charges financières qui lui sont liées aurait été aussi un moyen de compenser au moins partiellement les 2,7 milliards d’euros qui vont disparaître des recettes de la Sécurité sociale en 2020, à la suite des allègements consentis par le gouvernement (défiscalisation et suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, les primes, l’intéressement…). La loi Veil oblige normalement le gouvernement à compenser tous les allègements qui pénalisent le budget de la Sécurité sociale. Mais, cette fois-ci, le gouvernement s’y est refusé."....Si le gouvernement n’a pas voulu reprendre l’intégralité de la dette hospitalière, c’est moins pour des questions de gestion que de principe. Cela aurait été contraire à sa politique, à ses croyances.

     "   ....Depuis plus d’une décennie maintenant, de nombreux économistes ont documenté le rôle de la dette dans la logique néolibérale. C’est l’outil idéal de contrainte pour forcer les États ou tout ce qui relève de la sphère publique – la sphère privée a le droit à de tout autres égards – pour les forcer à reculer, à plier face au tout économique, à la marchandisation du monde (lire ici ou ).
           La prescription qui est imposée par le gouvernement aux hôpitaux s’inscrit totalement dans cette vision. Il va jusqu’à s’inspirer des pratiques instaurées par la Troïka en Grèce, imposant l’austérité contre des financements : les établissements hospitaliers qui demanderont une reprise de dette devront s’engager, en retour, par contrat avec l’État, « dans une trajectoire de désendettement et/ou dans un plan de transformation », précise-t-il, dans un langage caricatural de ce néo-management devenu la norme de toute parole publique officielle.
            Faire un autre choix aurait été irresponsable, assure le gouvernement. Délestés de tout endettement, les hôpitaux auraient été poussés à s’endetter à nouveau sans limites, ceux-ci dépensant sans compter, à en croire le gouvernement. « La dette des hôpitaux a augmenté de 40 % en dix ans », insiste le dossier de presse du gouvernement, ancrant l’idée d’une gabegie infinie du secteur hospitalier. Un argument repris par Agnès Buzyn, ministre de la santé, devant l’Assemblée nationale, qui dénonce l’incurie gestionnaire des hôpitaux publics, illustrée par l’explosion de leur dette ces dernières années.
         L’ennui, là encore, est que tout ceci est faux. Deux rapports de la Cour des comptes, le premier en 2014le second en 2018 retracent avec précision la trajectoire de la dette hospitalière des dernières années. En 2003, la dette des hôpitaux s’établit à 9,8 milliards d’euros. Puis elle s’envole tout au long de la première décennie 2000 pour finir à 29,3 milliards d’euros en 2012. Depuis, comme le constate la Cour des comptes, les hôpitaux ont mené une politique constante de rigueur, en vue de stabiliser les dépenses et de reprendre le contrôle de l’endettement et des charges financières. Avec un certain résultat. En 2019, la dette hospitalière est au même niveau qu’en 2012 : 30 milliards d’euros.
          De fait, toute la note tend à faire se confondre investissement public et privé. Sur la gestion de la dette la rhétorique est la même. Une phrase lapidaire sur la restructuration de la dette restante des hôpitaux public et un paragraphe entier sur la dette des « établissements privés de santé à but non lucratif ». La proposition pour cette dernière est de créer des fonds de dette hybride qui prêteraient aux mêmes titres aux hôpitaux publics... et à ces établissements privés. Une logique qui permet de développer toujours plus les intérêts des groupes privés dans le secteur de la santé, transformant les soins nécessaires à nos vies une marchandise comme les autres.
          Cette dégradation financière du secteur public hospitalier n’est pas seulement liée à un manque de financement, à des erreurs dans des politiques publiques mal maîtrisées. Elle a été voulue, organisée à partir des années 2000. C’est François Fillon, ministre de la santé dans le gouvernement Raffarin – deux hommes qui, pourtant, n’ont cessé par la suite de dénoncer le malheur de la dette « laissée à nos enfants » – qui en a été le grand organisateur. À l’époque, il s’agit de lancer la modernisation des hôpitaux dans le cadre d’un plan nommé « Hôpital 2007 », visant à augmenter de 30 % l’investissement hospitalier.
        Mais le gouvernement a une idée bien arrêtée pour mener cette modernisation : celle-ci ne sera pas financée par l’État comme auparavant mais par l’appel aux banques et aux marchés, par la dette donc. C’est dans le cadre de cette modernisation que le gouvernement introduit un autre levier : la tarification à l’acte.
         Deux mesures clés qui participent au dynamitage du service public de la santé. L’hôpital n’est plus un bien commun, qui s’inscrit dans un réseau de soins organisés, mais une entreprise, qui a ses moyens et ses projets propres, en concurrence avec tous les autres. « Plus l’activité est soutenue, plus l’hôpital gagne de l’argent, exactement comme dans une entreprise »confirmera plus tard Jean de Kervasdoué, l’un des grands inspirateurs de la « modernisation » de la santé en France et notamment de la tarification à l’acte. Cet économiste libéral a sévi à la direction des hôpitaux et au ministère de la santé pendant plus de trois décennies.
            Pour parachever cette transformation, le gouvernement adopte des dispositions qui n’ont l’air de rien mais qui se révéleront dévastatrices pour la suite : d’une part, il supprime tous les contrôles des autorités de tutelle sur les emprunts hospitaliers, d’autre part, les dirigeants hospitaliers, auxquels le gouvernement accorde les pleins pouvoirs face aux médecins et aux responsables de santé, n’ont plus l’obligation de soumettre les plans de financement, les emprunts contractés à l’approbation de leur conseil d’administration. Tous les garde-fous sont levés. Le directeur d’hôpital est seul roi en son royaume, mais sans porter aucune responsabilité, sans qu’il ne lui soit demandé aucun compte.
         Ce recours fléché à l’endettement est accueilli par des applaudissements par le monde bancaire. À l’époque, les collectivités locales et tous les services publics sont des marchés à conquérir pour les banques : il est possible de leur prêter à des taux bien plus élevés que ceux consentis à l’État (en moyenne, les hôpitaux emprunteront durant cette période à des taux de 2 % à 6 % plus élevés que ceux de l’État) et, en même temps, ils sont considérés comme des emprunteurs sûrs, car l’État est toujours garant en dernier ressort.
         Dexia (ancien Crédit local de France), interlocuteur traditionnel des collectivités locales, détient naturellement une part prépondérante de ces marchés (40 %). Toute à sa folie d’expansion, la banque entend bien défendre sa place et même l’accroître, par tous les moyens (voir notre enquête sur Dexia). Mais le Crédit agricole, la Deutsche Bank, les Caisses d’épargne, le Crédit suisse et bien d’autres sont aussi sur les rangs. Tous lorgnent ces nouveaux clients, d’autant plus intéressants qu’ils sont inexpérimentés.
            C’est l’époque où la créativité bancaire est débordante. Taux variables, emprunts indexés sur le yen, le franc suisse, prêts structurés, avec des remboursements différés, au moins au début… : l’imagination bancaire est au pouvoir pour attirer les clients publics, les convaincre que rien ne fait obstacle à leurs projets d’agrandissement, de modernisation, d’expansion, en se garantissant des marges substantielles. Entre 2003 et 2008, la dette hospitalière est ainsi multipliée par deux : elle est alors à 18,9 milliards d’euros.
        Comme les maires, les directeurs d’hôpitaux signent à tour de bras des emprunts, parfois très toxiques, pour agrandir et moderniser leur hôpital. Sans aucun contrôle. En 2012, à la suite de la faillite de Dexia et du scandale des prêts toxiques, une première évaluation de ceux-ci dans le secteur hospitalier sera menée par la Cour des comptes. Selon ses estimations, un milliard d’euros de prêts souscrits par les hôpitaux sont classés comme très toxiques. Les autres prêts considérés à « risque très élevé » sont estimés à 2,5 milliards d’euros. Au total, 12 % du total de l’encours des dettes hospitalières est considéré comme faisant porter un risque élevé aux établissements hospitaliers, se traduisant dès cette époque par des surcoûts de plusieurs dizaines de millions chaque année.
            Les autorités de contrôle n’ont rien vu. Comme elles n’ont rien vu quand les directions s’engageaient tête baissée dans des partenariats public-privé (PPP) pour la construction, l’agrandissement ou la modernisation d’établissements hospitaliers. Une trentaine de contrats en PPP, représentant un endettement global de 1,5 milliard d’euros, remboursables sur des périodes de 18 à 30 ans, seront signés, sans la moindre opposition des autorités de tutelle, pendant cette période. Ce n’est qu’après le scandale de l’hôpital Sud-Francilien que les ministères de la santé et des finances se décideront à les exclure du secteur de la santé.
         La faillite de Dexia au début de la crise financière de 2008, la découverte des emprunts toxiques à la suite de cet effondrement, la crise plus générale de la dette en Europe auraient pu conduire le gouvernement de l’époque à tenter de reprendre les choses en main ou, en tout cas, à revisiter son plan « Hôpital 2012 », bâti sur le même modèle que le précédent. Roselyne Bachelot, ministre de la santé du gouvernement de François Fillon, son prédécesseur à ce poste, décida au contraire de poursuivre sur la même ligne : la modernisation des hôpitaux devait se continuer, sans l’aide des finances publiques, par le biais de l’endettement. Et l’endettement hospitalier continua de grimper de 10 milliards, pour arriver à 29,3 milliards. En dix ans, il avait été triplé.
        C’est la crise de la zone euro en 2011 qui donne finalement un coup d’arrêt à cette fuite en avant. L’heure est à l’austérité, à la rigueur. À son arrivée au pouvoir, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault reprend le dossier, mais sans vraiment changer l’équation financière des hôpitaux. Si le recours à l’emprunt a été quasiment banni, tout le reste demeure inchangé
  ....Ce recours fléché à l’endettement est accueilli par des applaudissements par le monde bancaire. À l’époque, les collectivités locales et tous les services publics sont des marchés à conquérir pour les banques : il est possible de leur prêter à des taux bien plus élevés que ceux consentis à l’État (en moyenne, les hôpitaux emprunteront durant cette période à des taux de 2 % à 6 % plus élevés que ceux de l’État) et, en même temps, ils sont considérés comme des emprunteurs sûrs, car l’État est toujours garant en dernier ressort.
                      « Ce document est le révélateur très net des orientations actuelles en matière de réformes de la santé : nécessité de faire plus de place au privé ; croyance forte dans l’innovation numérique comme solution au double enjeu de la qualité des soins et de la contrainte financière ; responsabilisation et individualisation face au risque. Les quatre points généraux du document ne sont qu’un coup de tampon aux stratégies édictées depuis plusieurs années. Loin de remettre en cause les orientations délétères des réformes conduites depuis plus de vingt ans, ils conduisent à accélérer la casse de l’hôpital public. Ce document n’est pas seulement la marque d’une volonté d’étendre l’emprise du privé au sein de l’hôpital public, il traduit la conception technophile, néolibérale et paternaliste qu’une grande partie des acteurs administratifs et des responsables politiques ont de la santé. » synthétise ainsi Pierre-André Juven, sociologue interrogé par Mediapart.
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