La vie n'est pas un long fleuve tranquille
Mais on peut gérer...
____________________CARNET DE BORD D'UN PASSEUR FATIGUE MAIS EVEILLE...QUI NE VEUT PAS MOURIR (TROP) IDIOT. _____________________________________________________ " Un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile." [Thucydide]--------------------- " Le goût de la vérité n'empêche pas de prendre parti " [A.Camus] Pâques 2025: Un million de visites...Merci à vous fidèles lecteurs ou consultants d'un jour!
D'un mythe à l'autre
Le fils du roi David, le roi Salomon, est un personage biblique central, une référence importante dont la Bible parle abondamment, que les fidèles juifs considèrent comme une figure majeure, tant religieuse que politique, ayant accompli une unité territoriale remarquable et ayant acquis une puissance régionale qu'on ne retrouvera plus après lui. Son existence historique semble ne pas faire de doute , mais nombre de ses actions semblent enrobées de légende, la tradition biblique n'étant pas un livre d'histoire. Les mythes font intégralement partie des traditions d'un peuple, quel qu'il soit. Il n'en reste pas moins que la figure de Salomon est hautement valorisée dans les différents milieux croyants juifs attachés aux textes et à leur littéralité. L'ancien roi prestigieux à leurs yeux représente leur propre aspiration à une terre à reconquérir, à regagner. Surtout dans la frange radicale que représente l'extrême droite actuelle, pilier de la Knesset, sans laquelle Netanyahou ne pourrait gouverner, aspirant à une nouvelle carte pour Israël, aux dépends des Palestiniens et d'autres pays voisins considérés comme illégitimes. C'est le retour du projet territorial du Grand Israël, renouant avec la puissance supposée du royaume de Salomon. Il s'agit pour les suprémacistes, religieux ou simplement expansionnistes, souvent en fait peu croyants, d'établir de nouvelles frontières, à la faveur le l'agression venant de Gaza. Smotrich, notamment ,en rêve. L'idée fait son chemin, malgré les résistances internes et externes, les réactions politiques, qui voient dans ce projet un mythe dangereux. La Palestine devrait être rayée de la carte, sans que l'on envisage même de relocalisation pour un peuple déjà très affaibli et menacé depuis longtemps, notamment par une colonisation lente mais inexorable. Le projet prend forme en Cisjordanie. Un pacte de violence qui menace toute la société. La pensée de Bibi, digne enfant de son père, s'enracine sans la pensée et les projets de Jabotinsky au siècle dernier, le père du nationalisme de ce qui deviendra plus tard l'Etat d'Israël, conséquence de la Déclaration Balfour et des persécutions nazies.
Un mythe, oui, mais potentiellement destructeur. Le mythe de la terre a déjà été dénoncé par un historien israëlien.
Grève générale à Tel Aviv __________________ Mégafeux
__ Echec
__ Obstacles
__ Colère
Obstruction >>__ Chaos international
__ Chemin de crête
__ Obstacles israëliens
__ Fatigue militante
__ Catastrophe invisible
__ Critiques isaëliennes
__ Projet contesté
__ Racines du mal
__ Brouillard diplomatique ______________________
De la montagne à la souris
Une belle poignée de main quand même...et un si beau tapis, pour les chers voisins...
_____________________________________C'est une figure bien connue aux USA, presque inconnue chez nous. Ses oeuvres sont les livres de chevet dr Trump et de ses alliés, bien dans l'air du temps Outre-Atlantique, surtout depuis le tournant néolibéral de Reagan (et de Thatcher).. Ce qui ne veut pas lire qu'il a bien compris cette auteure adulée, très contestée et clivante, plus complexe que ce que l'on en dit généralement, aux prises de positions généralement proches des courants libertariens, prônant l'effacement maximal de l'Etat aux profits des intérêts particuliers. Elle a gardé l souvenir des années Roosevelt qui a renforcé le contrôle des capitaux et des fortunes ayant contribué à la grande crise des années 30. En gros , ce sont deux conceptions qui s'affrontent, aujourd'hui encore: celle en faveur d'institutions nécessaires pour garantir les libertés individuelles en limitant l'expansion excessives des intérêts particuliers vecteurs d'inégalités et facteurs de crises ou celle d'un Etat minimal favorisant le développement économique des plus fortunés. L'égoïsme, pour Rand est érigée au rang d'absolu, dans un sens très particulier, dans le contexte libertarien en vogue, que revendique aujourd'hui les super-décideurs richissimes de la Silicon Valley, qui ont rallié les objectifs minimalistes trumpiens de contrôle de l'expansion de la méga-richesse. Dans l'esprit de Mandeville ou de Guizot, dans la valorisation du marché, qui aurait toutes les vertus. Cette auteure connaît encore aux USA une influence extraordinaire dans certains milieux des affaires et de la politique, surtout de tendance libertarienne , à tel point qu'elle fut le livre de chevet de R.Reagan (à l'instar de la bible) et que Trump s'en réclame souvent, même sil ne respecte pas toujours l'esprit de sa pensée. Une oeuvre qui est l'aboutissement d'une histoire personnelle singulière. Papesse de l'ultralibéralisme du reaganisme et du thacherisme notamment, dont Trump et les libertariens restent des admirateurs inconditionnels, dans leurs critiques du rôle de l'Etat et de la justice sociale, de la redistribution. Une apologie de la réussite personnelle ou du self made man. Une gourou pas comme les autres, qui a surfé sur la vague néolibérale des économistes de l'école de Chicago, notamment d'un de ses influents promoteurs Friedman, après la période où l'influence de Rooseelt et du Welfare State était dominante.
Une philosophie politique "impossible" [notes]
Il est des systèmes de pensée politique que l'on peut qualifier de plus ou moins utopiques (même si l'utopie d'aujourd'hui peut être la réalité de demain, comme le suggérait Victor Hugo...), qui prônent, surtout depuis le XIX° siècle, et précisent les conditions d'une société où la solidarité et le partage deviendraient des valeurs dominantes, à l'heure où l'individu livré à lui-même, était soumis à l'arbitraire de ses employeurs, sans règles ni droits contre l'association pour la défense de ses intérêts légitimes. Owen, Proudhon, Bakounine, Marx, Jaurès, chacun à sa manière...Les luttes ouvrières sont marquées par des idées émancipatrices qui montraient le chemin.
Mais il est une écrivaine au destin singulier, au parcours compliqué, se réclamant d'un Nietzsche mal compris, qui prône une éthique de l'égoïsme, du chacun pour soi, qui est devenue l'héroïne des libertariens aux USA, que l'on pourrait qualifier d' odieuse et moderne, comme le fait un commentateur.
Elle a inspiré plus ou moins fortement la "pensée" économique de Reagan et de toux ceux qui ont suivi la voie de l'ultralibéralisme, en poupe depuis les années 70. Elle continue à avoir une influence sur une certaine droite américaine, notamment sur Mitt Romney. Elle allait jusqu'à juger comme immoraux les programme soçiaux.
La réussite et l'enrichissement individuels comme idéal, l'égoïsme comme horizon: c'est devenu le leitmotiv du monde des affaires, contre l'exigence de solidarité sociale demandée par Roosevelt.
L'idéal est l' individu sans liens...:, comme si ce pouvait être un but assignable, une réalité vivante.
Un retour à l'"individualisme possessif", terreau et conséquence de la "révolution conservatrice" chère à Margaret Thatcher, fidèle lectrice de Hayek,Friedman, De von Mises...
Un retour à l'"individualisme possessif", pointé déjà par Hobbes.Même beaucoup de ceux qui défendent encore la pensée de Ayn Rand voient assez vite les impasses où elle conduit.
Et, pour le moins, la philosophie ultralibérale d’Ayn Rand passe mal de la théorie à la pratique
A l'heure où les valeurs de solidarité sont en baisse, de dérégulations en prétendues "modernisations", on peut encore lire Rand, comme vaccin pour s'immuniser un peu plus contre un certain individualisme, valeur en hausse dans le monde du business et de la société imprégnée par les valeurs mercantiles, où l'Etat minimal apparaît comme un frein ( "l'Etat est le problème", disait Reagan) mais destructeur du tissu social et source de violences. __________________
Plus que cela...
Après l' enthousiasme naïf des débuts, voici venir le temps du recul, de la prudence, de l'interrogation. Si l'IA et toutes ses applications en cours et à venir semblent bien un formidable moteur de développement matériel et intellectuel, technologique, médical, etc..les applications de ces outils, qui n'en sont qu' à leurs premiers vagissements, semblent bien poser problème à ceux qui signalent et anticipent les limites, les risques et les dérives possibles de certains usages, dans certaines conditions. L'ambiguïté est au coeur. Surtout peut-être dans le domaine éducatif, où certains y voient le remède à tous le maux qui affectent l'école.
Comme tant d’autres solutions miracles pour l’éducation avant lui, Khan arrive devant la porte de l’école avec un chariot rempli d’élixirs numériques. C’est le charlatanisme classique du domaine des technologies : un discours tape-à-l’œil, des promesses grandiloquentes de révolutionner l’éducation et des concepts comportementalistes éculés présentés comme des innovations. Le béhaviorisme, une théorie qui réduit l’apprentissage à des changements de comportement observables en réponse à des stimuli externes, traite les élèves moins comme des penseurs que comme des répondeurs programmables. La vision de Khan, qui consiste à remplacer les enseignants humains par des chatbots d’IA, n’est pas démocratisante, elle est déshumanisante.
« Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de davantage d’IA, mais de davantage d’enseignants, de personnel d’encadrement et d’une véritable formation, surtout après que la crise COVID a laissé tant d’éducateurs désarmés. »
Bien loin d’être passionnantes ou innovantes, ces « solutions » automatisées s’inscrivent dans une longue tradition de technologies d’enseignement comportementalistes. Comme le montre l’historienne Audrey Watters dans Teaching Machines, les efforts de personnalisation de l’apprentissage par l’automatisation ont commencé dans les années 1920 et ont pris de l’ampleur avec les machines à enseigner de B.F. Skinner dans les années 1950. Mais ces outils ont souvent échoué, car ils reposaient sur l’hypothèse erronée selon laquelle l’apprentissage n’est qu’une réponse programmée plutôt qu’un lien humain. En dépit de ces échecs, les élites du monde la Tech d’aujourd’hui doublent la mise. Mais soyons clairs : ce n’est pas le type d’éducation qu’ils souhaitent pour leurs propres enfants. Les riches ont des classes à effectifs réduits, des professeurs de musique, de riches bibliothèques, des programmes de littérature et de débats et des mentors humains. Nos enfants se voient proposer des robots d’intelligence artificielle dans des classes surchargées. Il s’agit d’un schéma bien connu : l’apprentissage standardisé et scénarisé pour le plus grand nombre ; la créativité et l’attention pour le plus petit nombre. Les élites prétendent que l’IA va « uniformiser les règles du jeu », mais elles se déchargent sur le public des coûts environnementaux qu’elle engendre. La formation de grands modèles d’IA consomme d’énormes quantités d’énergie et d’eau et alimente la crise climatique. Les mêmes milliardaires qui encouragent l’IA construisent des complexes privés pour protéger leurs enfants des dommages causés par leurs industries – au lieu de réglementer la tech ou de réduire les émissions, ils protègent les leurs à la fois de la pédagogie et des retombées de leur cupidité. __________Em Winokur, documentaliste scolaire dans l’Oregon, a rejoint la cohorte « Innovateurs de l’IA » du Multnomah Education Service District afin de faire entendre une voix critique dans un débat dominé par le battage médiatique et l’influence de l’industrie. Elle a pu constater les contradictions de première main : « Les entreprises Tech de l’éducation n’investissent pas dans les progrès de nos étudiants ou dans la construction d’un monde plus solidaire, a-t-elle déclaré à Truthout. Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de davantage d’IA – c’est de davantage d’enseignants, de personnel d’encadrement et d’une véritable formation, surtout après la crise COVID qui a laissé tant d’éducateurs désarmés. » Bien entendu, les gestionnaires de fonds spéculatifs, les PDG et les politiciens qu’ils financent tourneront cette vision en dérision. Ils la qualifieront de peu pratique, de trop coûteuse, d’irréaliste. Ils soutiendront que l’économie ne peut pas financer l’augmentation du nombre d’éducateurs, de psychologues scolaires, de classes plus petites ou de bibliothèques scolaires dotées d’effectifs complets. Et puis, dans la foulée, ils proposeront l’IA comme solution : moins chère, plus rapide, plus facile. Leur vision est celle d’une imitation creuse et mécanisée de l’éducation. Nombre d’éducateurs et d’étudiants n’acceptent pas passivement cet avenir dominé par l’IA. Des groupes dirigés par des jeunes, comme Encode Justice, sont à l’avant-garde de la lutte pour la régulation de l’IA. L’Algorithmic Justice League conteste la généralisation de la surveillance biométrique dans les écoles et met en garde contre les systèmes de reconnaissance faciale qui menacent la sécurité des élèves et le climat scolaire. Les efforts d’organisation tels que Black Lives Matter at School et le mouvement Teach Truth font s’inscrivent dans un mouvement grandissant qui refuse de laisser les milliardaires dicter les conditions de l’apprentissage. Introduire l’IA dans les écoles n’est pas un progrès – c’est le signe de problèmes sous-jacents beaucoup plus profonds dans l’enseignement américain, qui montrent à quel point nous nous sommes éloignés de la finalité de l’éducation. Pendant des décennies, les décideurs politiques et les profiteurs ont troqué l’attention humaine contre des évaluations à enjeux élevés, des programmes scolaires préétablis et la surveillance. L’IA n’est pas la maladie, c’est le symptôme d’un modèle scolaire colonialiste qui est destructeur et déshumanisant, plutôt que libérateur. Cela veut dire que réguler l’IA ne suffit pas, il faut démonter la logique qui l’a introduite dans les écoles. J’ai eu un jour un élève – je l’appellerai Marcus – qui était en dernière année de lycée et qui avait déjà été accepté dans une bonne université. Mais à la fin de l’année, ses notes ont fortement chuté et tout à coup, il risquait de ne pas obtenir son diplôme. Au fil du temps, Marcus et moi avions tissé des liens de confiance, notamment grâce à des cours sur l’histoire des Noirs et la résistance au racisme. En tant qu’élève noir à qui l’on avait longtemps caché cette histoire, il a fini par comprendre que je n’étais pas là pour lui donner des notes, le classer ou le punir, mais pour lutter contre l’injustice. Ce lien l’a aidé à s’ouvrir et à me confier qu’il était sans domicile. Une fois que j’ai compris ce qu’il vivait, je l’ai mis en contact avec des services d’aide sociale et j’ai convaincu ses autres enseignants de faire preuve de souplesse et de bienveillance. Il a finalement réussi ses examens, obtenu son diplôme et est entré à l’université. Ce genre de sollicitude ne vient pas d’un code. Il est le fruit d’une relation humaine, ancrée dans la confiance, la justice et l’amour. *Jesse Hagopian est éducateur à Seattle, directeur de la campagne Teaching for Black Lives du Zinn Education Project, rédacteur pour Re]thinking Schools et auteur du livre Teach Truth : [The Struggle for Antiracist Education (Enseigner la vérité : la lutte pour une éducation antiraciste). On peut le suivre sur IAmAnEducator.com, Instagram, Bluesky ou Substack.] Source : Jesse Hagopian, Truthout, 06-07-2025 ____ Souligné par moi.] ________________________
Celui du capitalisme sauvage, de la loi de la jungle
Pétrole et gaz sans frein.
Comme toute les matières premières
Cela "Cela fait désormais partie des usages de la présidence états-unienne. Chaque jour ou presque, Donald Trump donne un show dans son bureau de la Maison-Blanche digne des Affranchis de Scorsese. La violence et l’humiliation le disputent à la flagornerie devant un auditoire qui lui est acquis. La semaine dernière, les patrons des géants du numérique n’ont pas échappé à la règle. Le 6 août, Tim Cook, le PDG d’Apple, est arrivé un cadeau à la main dans le bureau Ovale : une plaque en verre commémorative, fabriquée par Corning (un groupe verrier partenaire du groupe), montée sur un socle en or – forcément en or, pour complaire au goût du président (Donald Trump a fait redorer tout son bureau à la feuille d’or à son arrivée). La plaque est censée symboliser le lancement d’une nouvelle usine, faisant partie des 600 milliards de dollars d’investissements que le groupe a promis d’engager aux États-Unis en quatre ans. Résultat ? Les produits du géant numérique, dont une grande partie est désormais fabriquée en Inde, seront dispensés de droits de douane à leur entrée sur le territoire. Le même jour, Donald Trump incendiait le PDG d’Intel, Lip-Bu Tan, et demandait sa démission immédiate, l’accusant d’entretenir des relations étroites avec des dirigeants du Parti communiste chinois et de menacer la sécurité intérieure. Dans la foulée, après entrevue avec son dirigeant, il autorisait le PDG de Nvidia, Jensen Huang, à vendre ses semi-conducteurs, considérés parmi les plus performants au monde, à la Chine. À une condition : que la firme reverse aux États-Unis 15 % des revenus tirés de ses exportations en Chine. Jamais le pouvoir états-unien n’avait pratiqué un tel interventionnisme, mis en œuvre de tels chantages auprès de groupes privés états-uniens. « Le capitalisme en Amérique commence à ressembler à la Chine », s’est alarmé le Wall Street Journal après les annonces sur Nvidia. Le quotidien économique voit dans toutes ces interventions l’émergence d’un capitalisme d’État. Une analyse que beaucoup d’observateurs contestent. Après des premiers mois de décisions intempestives, de menaces, de tête-à-queue spectaculaires, d’arbitrages inexplicables et irrationnels, ceux-ci estiment qu’il n’y a aucune logique à chercher dans la politique de Trump. Elle s’inscrit dans l’imprévisibilité du « fait du prince » : tout peut changer d’un moment à l’autre, selon le jour, selon l’endroit, selon l’interlocuteur. Au-delà du chaos mondial provoqué par Donald Trump, il y a cependant des constantes et des obsessions dans sa politique. Elles se retrouvent dans chaque négociation menée par l’administration états-unienne. Rompant avec le capitalisme financiarisé des dernières décennies, Trump renoue avec un capitalisme d’extraction et d’extorsion. Pétrole, gaz, matières premières, mais aussi données numériques, tout ce qui peut lui permettre de tirer profit, d’exercer un pouvoir monopolistique, l’intéresse. « L’exploitation du pétrole, l’exploitation des ressources minières et le transport maritime de marchandises, tous des secteurs extrêmement rentables à travers l’histoire, ont longtemps été un moteur clé de l’économie mondiale », rappelle Laleh Khalili dans son livre Extractive Capitalism (éditions Verso, 2025, non traduit). Avant de tout de suite nuancer son propos : ce capitalisme-là se nourrit de la corruption, de l’exploitation sans limites des ressources naturelles et humaines. Il institue une violence exacerbée contre tous ceux qui lui font obstacle. Cette politique d’accaparement au profit de quelques-uns engendre des inégalités insupportables. C’est à ce capitalisme-là que Donald Trump se réfère. Pour lui, toutes les richesses de la planète doivent être mises à la disposition des États-Unis et de sa volonté. Alors que les géants du numérique rêvent d’aller sur Mars, le président états-unien, lui, continue d’ambitionner des expansions terrestres. Des dérèglements climatiques menaçant l’humanité entière, il ne retient qu’une seule chose : la disparition des pôles, la fonte des glaciers et la fin du permafrost sont autant de territoires, jusque-là inexplorés, qu’il convient de conquérir. Ce sont les nouvelles frontières de son mandat. Dès son arrivée à la Maison-Blanche, il a désigné le Groenland comme une proie à avaler de gré ou de force pour pouvoir mettre la main sur ses ressources minières. Même si ce n’est pas l’enjeu premier de sa rencontre avec Vladimir Poutine le 15 août, choisir l’Alaska comme terrain de rencontre n’est pas sans signification. Donald Trump se projette déjà dans l’après : quand les glaciers de l’Arctique auront quasiment disparu. Au-delà des richesses inexplorées du sous-sol, la route maritime du pôle Nord deviendra utilisable tout au long de l’année, devenant la voie la plus rapide pour passer d’un côté à l’autre de la planète. Et les États-Unis et la Russie en seront les gardiens. Mais pour l’instant, c’est d’abord le pétrole et le gaz qui l’intéressent. Dès son premier mandat, Donald Trump s’est montré fasciné par le monde pétrolier et les centaines de milliards de dollars qu’il charrie. Faisant une cour assidue à l’Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et même à la Russie, il agissait alors comme si son pays, premier producteur mondial de pétrole, était membre du cartel de l’Opep, discutant avec les uns et les autres prix et production. Depuis le début de son second mandat, le pétrole est devenu chez lui une obsession. Il veut des explorations, des forages partout, prendre le contrôle de toutes les réserves possibles dans le monde, sur terre ou dans les mers. Mais sa préoccupation est d’abord aux États-Unis. Alors que de nombreux gisements sont en cours d’épuisement, que les groupes ne veulent plus relancer de nouveaux projets faute de rentabilité assurée, il met tout en œuvre pour les inciter à redévelopper l’exploration et la production pétrolière et gazière états-unienne. Une de ses premières décisions a été de couper tous les moyens aux énergies renouvelables et à toutes les technologies propres, parce qu’elles font peser un risque existentiel au secteur pétrolier états-unien. Mais pour convaincre le secteur pétrolier d’investir à nouveau, il pense avoir trouvé la carte maîtresse qui va les convaincre : ce sont les autres pays, ceux qu’ils considèrent comme les vassaux des États-Unis, qui vont prendre les risques.
Dans l’accord commercial avec le Japon, il a ainsi imposé que les Japonais investissent 550 milliards de dollars aux États-Unis pour avoir accès au marché états-unien avec des droits de douane de 15 %. Et il a déjà désigné le premier projet d’investissement obligatoire : les capitaux japonais devront financer le gazoduc reliant l’Alaska aux États-Unis. Un projet vieux de trente ans qui n’a jamais réussi à voir le jour faute de capitaux et débouchés suffisants. En contrepartie de 15 % de droits de douane sans réciprocité, les Européens eux se sont vu extorquer l’obligation d’acheter pour 750 milliards de dollars de pétrole et de gaz états-uniens en trois ans. Même si l’Europe entend respecter à la lettre ces exigences, la production pétrolière et gazière états-unienne disponible – en dehors de la consommation intérieure – et les infrastructures nécessaires pour la transporter vers l’Europe ne sont pas suffisantes pour remplir de telles conditions, sauf à appliquer des prix exorbitants en dehors de tout prix de marché. Mais qu’importe ! Donald Trump tient là un moyen de chantage qu’il pourra utiliser quand bon lui semble contre les Européens. Depuis son retour à la Maison-Blanche, le président états-unien a une autre obsession : les matières premières. Irrité par le quasi-monopole que s’est constitué le gouvernement chinois sur toutes les matières premières stratégiques et critiques dans le monde, qui lui donne un moyen de pression et de chantage inégalé, impressionné selon son entourage par la stratégie chinoise des routes de la soie, Donald Trump a décidé de marcher sur les traces de Pékin. Il développe désormais une diplomatie minière qui vise à faire main basse sur toutes les ressources disponibles dans le monde, en utilisant tous les moyens à sa disposition. Cuivre, nickel, terres rares, tungstène... tout l’intéresse, en particulier les métaux nécessaires aux nouvelles technologies liées au numérique et à l’électrification des usages. Et le président états-unien a décidé d’utiliser tout le pouvoir militaire et diplomatique états-unien pour se les approprier. Sa soudaine préoccupation pour arbitrer des conflits régionaux qui jusqu’alors ne le préoccupaient guère en témoigne : à chaque fois, en contrepartie de son arbitrage, il arrache des droits miniers pour les États-Unis. Le cas le plus flagrant est celui de l’Ukraine. Pour maintenir son soutien militaire à Kyiv, Donald Trump a extorqué au gouvernement ukrainien un accord sur la quasi-totalité des ressources minières et énergétiques du pays. Gaz, pétrole, terres rares et métaux critiques sont désormais à la main des groupes états-uniens pour leur exploitation.
Fort de ce précédent, Donald Trump a repris le même schéma dans d’autres dossiers. Il s’est ainsi beaucoup impliqué dans la résolution de paix entre le Rwanda et le Congo, aux ressources minières gigantesques que plusieurs pays, dont la Chine mais aussi de nombreuses mafias, se disputent. Pesant de tout son poids pour obtenir un cessez-le-feu et la garantie des frontières existantes, il a obtenu en compensation que les États-Unis aient un droit d’accès privilégié aux ressources minières de l’est du pays. Le même scénario s’est reproduit lors du conflit entre l’Inde et le Pakistan fin juin. Dans les discussions de cessez-le-feu, Trump a obtenu l’ouverture privilégiée de concessions minières à des groupes états-uniens. Depuis, il estime que le Pakistan est un allié parfait, à l’inverse de l’Inde qui continue à acheter du pétrole russe. L’accord signé entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie sur le Haut-Karabakh s’inscrit dans le droit fil des accords précédents. Dans le cadre de sa médiation dans le conflit, Donald Trump a réussi à instituer une zone de transit permettant à Bakou d’atteindre ses territoires plus à l’ouest. Nommée « Trump Route for International Peace and Prosperity » (TRIPP), elle va permettre aux intérêts états-uniens de disposer d’un droit privilégié pour accéder aux ressources pétrolières et minières de cette région d’Asie centrale, jusque-là chasse gardée de la Russie. Mais il n’y a pas que les ressources naturelles qui intéressent Donald Trump. Avec le développement des technologies du numérique et l’essor de l’intelligence artificielle, les géants du secteur ont convaincu l’administration états-unienne que les données, toutes les données, étaient des ressources indispensables pour perpétuer leur domination sur les nouvelles technologies. Il y a déjà plusieurs années que ces géants ont commencé à s’approprier toutes les données personnelles à leur disposition, afin d’améliorer les performances de leur ciblage publicitaire, leur première source de revenus, voire de manipuler les opinions comme dans le cas du scandale de Cambridge Analytica. ___Mais avec le développement de l’intelligence artificielle, leurs appétits sont décuplés. Production intellectuelle, production artistique, savoirs scientifiques et techniques, savoir-faire, en quelques années, ils ont siphonné tout ce qui était à leur disposition. Dans l’indifférence totale de nombre de gouvernements – à commencer par le gouvernement français – qui n’ont pas mesuré l’importance de ces matières premières à l’ère numérique. Au mépris également de toute propriété intellectuelle, eux qui sont si à cheval sur leurs droits de propriété de marque. Engagée dans une bataille mondiale de conquête numérique, la Chine a décidé de répliquer et de frapper là où les géants du numérique sont vulnérables : ces droits de propriété justement qui confortent leur pouvoir. À l’inverse de ChatGPT, Meta ou Google, la société DeepSeek et ses concurrents Alibaba, Qwen et autres, étroitement surveillés par le gouvernement chinois, ont tous décidé de laisser leurs modèles d’intelligence artificielle gratuits afin de faciliter la diffusion de leurs langages dans le monde entier. Donald Trump n’a pas encore réagi à ce nouvel assaut chinois. Mais il ne devrait pas tarder. Dès le début de son nouveau mandat, il est déjà parti en guerre contre toutes les lois, toutes les protections instituées notamment en Europe qui font obstacle à l’exploitation sans réserve des données et de la production intellectuelle par les géants états-uniens. Un premier exemple a été donné avec le Canada, qui du jour au lendemain s’est vu imposer 35 % de droits de douane, en raison de la taxation des géants du numérique. Car, dans ce capitalisme d’extraction et d’extorsion, dans ce colonialisme à peine revisité, il n’y a pas de place pour les vassaux. Les langages, la création intellectuelle sous toutes ses formes, sont des matières premières indispensables au numérique qui ne sauraient échapper à la domination états-unienne. " [Merci à Martine Orange- souligné par moi] _______________________________