Ne pas se fier aux apparences
La fin d'une époque certainement. Du côté de la Maison Blanche, c'est le règne de la vitupération, des condamnations, des outrances, des rodomontades, des injonctions, mais aussi des incohérences, qui laissent sidéré. Un pouvoir fort, hors des règles internationales, semble s'installer avec brutalité, faisant redouter le pire...Règne de la force? Et si c'était le faiblesse, le peur du déclassement, d'un grand recul, qui commandaient de telles mesures irrationnelles? Un colosse aux pieds d'argile, telle serait devenue la puissance qui fut longtemps le symbole de la réussite mondiale, considérée comme référence. Le modèle mondial, avec sa puissance matérielle, son dollar-roi et sa puissance militaire, ne serait-il pas à un tournant décisif, une période de déclin déjà entamée depuis des années? On sait que les empires sont "mortels", comme disait Valéry... La confiance n'est plus là et l'optimisme conquérant se transforme en rage, en panique et en extravagances. Un culbute prévisible? Une défiance dévastatrice. Les USA vivent au dessus de leurs moyens. C'est aussi le diagnostic froid que font plusieurs économistes, notamment T.Piketty, soulignant une perte de contrôle et qui déclare:
"...Les Etats-Unis ne sont plus un pays fiable. Pour certains, le constat n’a rien de nouveau. La guerre d’Irak lancée en 2003 – avec plus de 100 000 morts, une déstabilisation régionale durable et le retour de l’influence russe – avait déjà montré au monde les méfaits de l’hubris militaire états-unien. Mais la crise actuelle est nouvelle, car elle met en cause le cœur même de la puissance économique, financière et politique du pays, qui apparaît comme déboussolé, gouverné par un chef instable et erratique, sans aucune force de rappel démocratique. Pour penser la suite, il faut prendre la mesure du tournant en cours. Si les trumpistes mènent une politique aussi brutale et désespérée, c’est parce qu’ils ne savent pas comment réagir face à l’affaiblissement économique du pays. Exprimé en parité de pouvoir d’achat, c’est-à-dire en volume réel de biens, de services et d’équipements produits chaque année, le PIB de la Chine a dépassé celui des Etats-Unis en 2016. Il est actuellement plus de 30 % plus élevé et atteindra le double du PIB états-unien d’ici à 2035. La réalité est les Etats-Unis sont en train de perdre le contrôle du monde. Plus grave : l’accumulation des déficits commerciaux a conduit la dette extérieure publique et privée du pays à une ampleur inédite (70 % du PIB en 2025). La remontée des taux d’intérêt pourrait conduire les Etats-Unis à devoir verser au reste du monde des flux d’intérêts considérables, ce à quoi ils avaient jusqu’ici échappé grâce à leur mainmise sur le système financier mondial. C’est ainsi qu’il faut lire la proposition détonante des économistes trumpistes, visant à taxer les intérêts versés aux détenteurs étrangers de titres états-uniens. Plus direct encore, Trump veut renflouer son pays en s’appropriant les minerais ukrainiens, en prime du Groenland et de Panama. D’un point de vue historique, il faut noter que l’énorme déficit commercial états-unien (environ 3 % à 4 % du PIB en moyenne chaque année, de 1995 à 2025) a un seul précédent pour une économie de cette taille : c’est approximativement le déficit commercial moyen des principales puissances coloniales européennes (Royaume-Uni, France, Allemagne, Pays-Bas), entre 1880 et 1914. La différence est que ces pays détenaient d’énormes actifs extérieurs, qui leur rapportaient tellement d’intérêts et de dividendes que cela suffisait amplement à financer leur déficit commercial, tout en continuant d’accumuler des créances..." ___________________
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