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jeudi 22 mai 2025

Orwell et nous

Plus actuel que jamais

                  Raoul Peck n'est pas le seul et le premier a être fasciné par l'oeuvre et la pensée de Georges Orwell, que l'on peut considérer comme ayant une portée universelle. Avec Adlous Huxley, son contemporain, il développe une pensée particulièrement critique à l'égard de nos sociétés de plus en plus centralisées, parfois totalitaires, où le langage officiel se pervertit, à  seul fin de dominer les esprits, en prétendant dire le vrai pour imposer son pouvoir. Le rapprochement avec la montée du trumpisme, où il nous fait entrer dans l'ère de la post-vérité est aujourd'hui éclairante. Il n'est pas étonnant que la vente  de 1984 monte en flèche aux USA. La vérité se définit au gré des humeurs, des projets, des fantasmes de décideurs hors du contrôle de critères démocratiques, de débats éclairés et contradictoires, de limites institutionnelles acceptables. La common decency est battue en brèche dans le règne de l'arbitraire et des rapports de force, quand fleurit la novlangue, quel que soit le régime, quel que soit les sytème et l'époque.  Les exigences orwelliennes sont intactes, aujourd'hui d'une actualité brûlante. De Moscou à Pékin, en passant par Washington et...Paris.                                                                                                               "...l’édification du totalitarisme s’érige particulièrement sur le langage, comme le met en avant Orwell avec la novlangue, en tant qu’il est le premier vecteur idéologique des humains. La question est de savoir dans quelle mesure la novlangue peut être mise en parallèle avec le travail fait sur la langue contemporaine. Nous avons vu que la novlangue s’emploie à supprimer des termes afin d’annihiler la pensée. À l’inverse, notre langage contemporain foisonne d’un lexique toujours plus riche et complexe de mots ou d’expressions nouvelles. Ce phénomène a notablement été étudié par François-Bernard Huyghe, qui a proposé, en 1991, de baptiser ce nouveau langage « langue de coton »1 pour illustrer la caractéristique d’un argumentaire nouveau qui entrave la réfutation et qui est constitué de nombreux euphémismes périphrastiques, procédé qui consiste à cacher une réalité en la noyant sous des concepts adoucis jugés moralement plus louables et dont la connotation positive empêche la critique. Le terme « licenciement » se voit par exemple remplacé par  » réallocation de la main d’œuvre « , et la langue de coton se charge ainsi d’euphémismes périphrastiques en périphrases euphémistiques : le malentendant devient le porteur d’un handicap de surdité ; la personne âgée, une personne en situation de dépendance physique dû au vieillissement, etc. Or, un tel procédé qui consiste à utiliser de jolis termes détournés permet non seulement de cacher la dure réalité, mais, pire encore, abolit la possibilité de critiques. En effet, comme l’analyse très justement Corinne Gobin2, qui peut se dire contre la croissance de l’emploi ? Ou bien encore contre la formation tout au long de sa vie ; contre la promotion du bonus budgétaire ou encore contre la lutte contre les déficits publics sans paraître aussitôt « suspect de s’attaquer à l’essence même de l’ordre social » ? Aboutissant à la conclusion que la « pensée unique » d’Ignacio Ramonet caractérise bel et bien notre société actuelle, Corinne Gobin écrit : « Le fait [EST] que nous ne sommes plus dans un univers discursif de type contradictoire. Non seulement le même vocabulaire politique, et les mêmes expressions, se trouvent dans la bouche de quasi tous les membres de la classe politique mais encore ce vocabulaire « percole » au quotidien, via une intense diffusion médiatique, dans les discours socio-politiques les plus variés : de l’autorité universitaire jusqu’à l’assistant social, en passant par l’administrateur d’un hôpital ou l’animateur d’un centre culturel. Il y a ainsi homogénéisation forte du vocabulaire socio-politique général et infiltration intense de ce vocabulaire dans de plus en plus de sphères sociales au sens large. »3    Le langage de nos sociétés contemporaines n’est donc pas l’objet d’une déstructuration volontaire et réfléchie comme dans 1984, mais, au contraire, d’une impression de richesse accrue et d’une sorte de foisonnement novateur d’une terminologie conciliante, généreuse et tolérante. Or, dans cette profusion sirupeuse de bons sentiments et de gentilles attentions, les mots finissent par ne plus rien dire tant ils sont radicalement détachés de la réalité qu’ils entendent signifier. C’est ainsi que l’oligarchie capitaliste a créé le langage typique de la « doublepensée » : un langage spécifique qui permet de désigner des faits réels en les nommant joliment à l’inverse de ce qu’ils sont réellement afin de les nier. La générosité lexicale n’est donc pas incompatible avec la censure intellectuelle et le décervelage dogmatique, imposé par le langage unique, est la condition essentielle pour permettre la pensée unique qui n’est rien d’autre qu’un totalitarisme intellectuel...."

    Lire et relire ne nuisent pas...                                     __________________________



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