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lundi 20 octobre 2025

Guerre des mots

 Les mots de la guerre et la guerre des mots

      Tout pouvoir dont le rapport de force est la logique de  son exercice a besoin d'avoir une capacité d'action sur le langage pour pouvoir être efficace. Car le pouvoir fort est aussi une affaire de contrainte mentale. S'imposer aux esprits par le biais des mots est aussi nécessaire que de le faire sur les corps.            C'est ainsi que l'on voit le pouvoir trumpien modifier le vocabulaire parfois le plus courant ou changer le sens des mots. Ainsi le ministère de la défense, le Pentagone, est devenu celui de la guerre; un changement sémantique  qui n'est pas anodin...et qui ne peut qu'inquiéter.    Cela nous fait penser à Orwell et la critique de pouvoirs, absolus ou non, à rebaptiser les mots pour se donner pour autre qu'il n'est. Changer le langage pour masquer, normaliser ou adoucir la réalité.  Telle est  la règle sous le fascisme.                                                                                                         On pense aussi à Victor Klemperer et à son combat pour faire apparaître la violence opérée par les nazis sur le langage pour imposer leurs vues:

       " Pour ne pas subir la violence nazie qui le frappe, Victor Klemperer entre en résistance intellectuelle quotidiennement dans son Journal, qu'il tient depuis 1919 et où il pratique une insurrection de l'intelligence. C'est en littéraire qu'il décrit et commente le phénomène nazi.  Pour lui, la violence n'est pas un fait brut, elle parle, elle est soutenue par un langage dont on peut appréhender la rationalité. Autrement dit, les bourreaux ont leurs raisons (subjectives) qu'il est indispensable de saisir pour ne pas être submergé par leur violence, voire pour s'en libérer. Klemperer met donc en évidence l'existence d'une véritable « langue du troisième Reich » (Lingua Tertii Imperii ou LTI) dont il dévoile nombre de mots fondamentaux (« sang », « race », mais aussi « machine », « mobilisation », « volonté », etc.). Il en examine les ressorts de construction sémantique : par exemple, l'usage du préfixe privatif et négatif « ent- », celui de la purge, de son antagoniste « auf- », celui de la « reconstruction », voire d'une grammaire (marquée par l'extrême simplicité morphosyntaxique ou l'usage des superlatifs).

Cette langue métastase dans toute la société allemande : ceux qui veulent participer au pouvoir nazi l'adoptent, même aux échelons les plus modestes, ainsi que les « neutres » et les victimes mêmes, qui entrent dans son halo d'influence. Il est donc nécessaire d'avoir un rapport actif et critique à cette langue, pour éviter d'être subjugué et dominé, en un mot, parlé par elle, et d'être nazifié à son insu.    Klemperer a fait école : l'étude critique de la LTI a été déclinée en critique de la LCN (langue du capitalisme néolibéral, chez l'écrivaine Sandra Lucbert), de la LQI (l'informatisation de la langue, pointée par le psychanalyste Yann Diener), de la LQR (les éléments de langage sous la Ve République, chez Éric Hazan), etc. Sur un autre plan, George Orwell, dans 1984, et d'autres ont mis au jour la « novlangue » du régime soviétique. Dans chaque cas, il s'agit de révéler un vocabulaire et une grammaire de la domination, promus par un pouvoir politique ou par une entreprise, voire un système économique tout entier. La langue néolibérale fait ainsi de nous des atomes et des ressources, appréhendés sur le mode de l'informatique, de la mécanique ou de la gestion.     Dans le cas du IIIe Reich, la fécondité de la démarche de Klemperer ne s'est pas démentie. A sa suite, nombre d'études ont été publiées sur la langue nazie. Plus généralement, ce que fait Klemperer (lire, écouter, annoter, déceler schèmes et logiques) a inspiré des travaux d'histoire culturelle, internaliste et compréhensive du nazisme, qui visent à saisir le phénomène à travers ses propres notions, normes, angoisses et aspirations......"                 _____________________________


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