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mardi 3 juillet 2018

D'une mondialisation à l'autre

Démondialisation en question
                                                 Après la vaste extension des échanges internationaux, par phases successives, entrecoupées de périodes parfois plus isolationnistes, nous serions entrés, nous dit-on, dans une époque de démondialisation, suite aux excès d'une mondialisation exubérante qui suit l'après-guerre et surtout la fin de la guerre froide.
     Une certaine démondialisation serait en cours, après l'expansion des échanges tous azimuts, des produits, des cerveaux comme celle des capitaux, sous l'égide de l'OMC, du FMI et d'autres instances internationales.
  Il semble que nous soyons à un tournant
      La mondialisation heureuse dont parlait Alain Minc serait révolue, du moins sous ses formes les plus optimistes, les plus libérales, où le marché le moins régulé possible serait la loi et les prophètes et un facteur nécessaire de rapprochement des peuples, en créant des interdépendances bénéfiques, ce que Montesquieu évoquait déjà à son époque comme le doux commerce, facteur d'interdépendance, donc de paix.
      Mais vu son ampleur et les déséquilibres qu'elle crée, la globalisation, telle qu'elle s'est développée depuis ces trente dernières années, est devenue une source d' âpres débats, de contradictions,  et aussi une source d'inquiétudes, Les effets attendus officiellement ne sont pas toujours au rendez-vous ou créent des tensions qui incitent à freiner sa logique. Le pouvoir politique perd la main et les souverainetés sont mises à mal, au profit des multinationales qui imposent leurs intérêts, directement ou indirectement.
    Le phénomène n'est pas nouveau et a toute une histoire. Mais les formes nouvelles depuis les années 80, qui ont vu le retour en force d'un libéralisme sans frein, ont changé les données d'une tendance ancienne. L'histoire de la mondialisation  a connu un tournant sans précédent.
                La mondialisation semble avoir atteint ses limites. Les délocalisations rapides et brutales installent des conditions de mutations socio-économiques qui sont sources de tensions et de déplacement des inégalités en même temps que de leur creusement.
   Des économistes "orthodoxes" comme Allais, et plus proches de nous, comme Stiglitz ou même Lenglet ont mis le doigt sur un système qui connaît des dérives visibles ou méconnues. L'idée d'un libéralisme raisonnable, d'une mondialisation contrôlée,  refait son chemin, après les avertissements de Mendès-France au Traité de Rome.
      Certains évoquent même la notion de balkanisation pour décrire  certains effets dissolvants des abandons de souveraineté.
...Le GMT prévoit de soumettre les législations en vigueur des deux côtés de l’Atlantique aux règles du libre-échange, qui correspondent le plus souvent aux préférences des grandes entreprises. Les Etats consentiraient, à travers l’accord, à un abandon considérable de souveraineté : les contrevenants aux préceptes libre-échangistes s’exposent en effet à des sanctions financières pouvant atteindre des dizaines de millions de dollar.    Selon le mandat de l’Union européenne, l’accord doit « fournir le plus haut niveau possible de protection juridique et de garantie pour les investisseurs européens aux Etats-Unis » (et réciproquement). En clair : permettre aux entreprises privées d’attaquer les législations et les réglementations, quand elles considèrent que celles-ci représentent des obstacles à la concurrence, à l’accès aux marchés publics ou à l’investissement.   L’article 4 du mandat précise : « Les obligations de l’accord engageront tous les niveaux de gouvernement. » Autant dire qu’il s’appliquerait non seulement aux Etats, mais également à toutes les collectivités publiques : régions, départements, communes, etc. Une réglementation municipale pourrait être attaquée non plus devant un tribunal administratif français, mais devant un groupe d’arbitrage privé international. Il suffirait pour cela qu’elle soit perçue par un investisseur comme une limitation à son « droit d’investir ce qu’il veut, où il veut, quand il veut, comme il veut et d’en retirer le bénéfice qu’il veut. »  Le traité ne pouvant être amendé qu’avec le consentement unanime des signataires, il s’imposerait indépendamment des alternances politiques.
              Que serait une mondialisation partielle, régulée et raisonnée?
       Le processus de démondialisation, dont on pouvait voir les premiers signes dans le courant des années 2000, s’est radicalement accéléré. Il est probablement devenu irréversible, du moins pour la période historique dans laquelle nous sommes entrés.
       Mais, qu’appelle-t-on « démondialisation » ? Certains confondent ce terme avec une interruption volontaire des flux d’échanges qui courent tout à travers la planète. Ils confondent ainsi un protectionnisme, qui peut être amplement justifié dans la théorie économique et la pratique de l’autarcie. Mais, surtout, ils oublient que les échanges, échanges de bien mais aussi échanges culturels voire échanges financiers, sont bien plus ancien que le phénomène nommé « mondialisation » ou « globalisation ». Car la « mondialisation » pour ne garder que ce seul mot, ne se réduit pas à l’existence de ces flux. Ce qui avait fait émerger le phénomène de la mondialisation était un double mouvement. Il y avait à la fois la combinaison, et l’intrication, des flux de marchandises et des flux financiers ET le développement d’une forme de gouvernement (ou de gouvernance) où l’économique semblait l’emporter sur le politique et les entreprises sur les Etats. Or, sur ce point, nous ne pouvons que constater une reprise en mains par les Etats des flux, un retour victorieux du politique.
     Alors, disons-le, la démondialisation ce sera le grand retour du politique sur le « technique », et le « technique » est ici incarné dans l’économique et le financier. Non que les raisonnements économiques et financiers perdront toute importance. Ils continueront de devoir être pris en compte. Mais, il deviendront désormais second par rapport au politique, qui recouvrera ses droits. L’économique et le financier redeviendront des instruments au service du politique. Et, avec ce retour en force du politique, nous pourrons avoir celui de la démocratie, d’un ordre qui tire sa légitimité non du marché mais du peuple, qui est mis au service des intérêts du peuple, et qui se matérialise dans le pouvoir du peuple. La phrase de Lincoln[1], « Du peuple, pour le peuple, par le peuple » va retrouver tout son sens. La démondialisation, doit donc être comprise comme le retour de la souveraineté, celle des Nations bien sûr que l’on avait analysée dans un ouvrage de 2008[2], mais une souveraineté qui prend la forme en démocratie de la souveraineté du peuple.
               Le protectionnisme et ses différents avatars récents ne peuvent être la solution. Par ses rodomontades, Trump se tire une balle dans le pied.
      En pleine escalade dans la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, après l'annonce de nouveaux droits de douane sur les importations chinoises par le président Trump la semaine dernière, les tensions protectionnistes sont au cœur des préoccupations des chefs d'État et des banques centrales. Le protectionnisme constitue même l'un des « deux grands risques mondiaux », avec l'instabilité financière, identifiés par le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau dans sa "lettre introductive au rapport annuel" de l'institution adressée au président de la République.
    « Le protectionnisme ne fait que des perdants », a déclaré François Villeroy de Galhau ce mercredi 20 juin lors d'une présentation à la presse. « L'augmentation des prix des importations pénalise davantage les ménages défavorisés qui consomment en proportion plus de produits importés. L'incertitude qu'induit [le protectionnisme] pèse sur l'investissement des entreprises et sur les marchés financiers », a-t-il souligné.
                      La voie vers une mondialisation modérée reste à réinventer, à renégocier. 
Pour une mondialisation modérée
         En 2003, le très libéral hebdomadaire britannique The Economist écrivait: « Désastres financiers périodiques, crises de la dette, fuites de capitaux, crises de change, faillite de banques, krachs boursiers… c’est assez pour forcer un bon libéral à s’arrêter pour réfléchir ». Le coup de semonce était donné la même année par l’économiste en chef du tout aussi libéral FMI, Kenneth Rogoff, affirmant qu’il n’y avait aucun élément pour « soutenir l’argument théorique selon lequel la mondialisation financière en soi permet d’obtenir des taux de croissance plus élevés. » Le célèbre économiste et Prix Nobel 2008 Paul Krugman en rajoutait une couche en 2007 en se montrant désormais circonspect quant au faible impact jusque-là affirmé de la montée des émergents sur la répartition des revenus des pays riches.
      Dans ce numéro, Alter-éco fait un compte-rendu du dernier livre de Dani Rodrik (The Globalization Paradox. Democracy and the Futur of the World Economy), économiste turc connu pour ses analyses originales de la mondialisation, ni libérales, purement dénonciatrices, comme certains altermondialistes. Dans ce livre, Rodrik pose un dilemme triangulaire (donc un trilemne), à l’image du célèbre triangle d’incompatibilité de Mundell...
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