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samedi 22 avril 2023

Energie électrique (encore...)

 Dossier "électrique"  (notes de lecture)  

              Un problème brûlant, qui n'a pas été anticipé, géré au jour le jour depuis une dizaine d'années sans vision de l'avenir. Même si la question ukrainienne a créé un électrochoc. Les règles du libéralisme à courte vue ont surtout fait la loi et ont abouti à une usine à gaz. Les règles du marché sont devenues pour l'essentiel l'alpha et l'oméga d'un système dans lequel vous étions devenus des champions. Résultat: c'est nous qui payons aujourd'hui le plus cher pour nos dépenses électriques en Europe. Comprenne qui pourra...   


                                                                                                                                   "... « Avant de parler de la réforme du marché européen de l’électricité, il nous fallait comprendre comment fonctionne le marché de détail en France, explique François Carlier, directeur général de CLCV. Le mode d’exploitation du parc nucléaire, la façon dont s’exerce la police de marchés sont des impensés de la régulation de l’énergie. Cela dure depuis vingt ans. Alors que cela peut avoir des impacts très lourds sur les prix pour les consommateurs. »     De fait, les constats mis en lumière par cette étude soulèvent de nombreuses questions sur le fonctionnement du marché de l’électricité et la façon dont EDF pilote son parc. Interrogé sur cette enquête, le groupe public nous a indiqué « ne pas faire de commentaire ». De son côté, la commission de régulation de l’énergie (CRE), censée surveiller le marché, et qui elle aussi a eu connaissance de cette étude, n’a pas donné suite à nos interrogations.                                                                                                                                         Le premier constat relevé par CLCV, qui va à l’encontre de bien des propos répétés par le gouvernement, porte sur « la dégradation structurelle de la production nucléaire ». Et cela bien avant que les corrosions sous contrainte détectées dans certains réacteurs fin décembre 2021, et qui ont entraîné un gel d’une partie de la production nucléaire tout au long de 2022, fassent prendre conscience de la fragilité de l’outil de production d’EDF.      
Avec plus de cinquante-six réacteurs, le parc nucléaire français est en mesure, s’il fonctionne au maximum de sa capacité, de fournir les trois quarts de la consommation d’électricité en France. Or entre 2012 et 2021, la production nucléaire, relève l’étude, n’a cessé de diminuer. Alors qu’elle représentait 73 % de la production électrique en 2012, elle ne s’élève plus qu’à 67 % au premier semestre 2021. En dix ans, la production nucléaire a chuté de 11 %, note-t-elle.         Ce déclin peut s’expliquer en partie par le vieillissement du parc français. Arrêts pour maintenance, rénovations, visites décennales se multiplient dans ces centrales qui, à l’origine, étaient censées être exploitées pendant quarante ans. Le prolongement de leur exploitation au-delà de cette période nécessite des opérations de contrôle et de surveillance accrue. La disponibilité des centrales nucléaires ne cesse de diminuer.                       Mais au-delà de ces nécessaires actions de contrôle et de sécurité, d’autres points posent question. D’abord, il y a ce décrochage brutal de la disponibilité du parc nucléaire français. Alors que de 2012 à 2015, le taux est relativement stable, autour de 75 %, il baisse brutalement à partir de 2015 et poursuit sa chute par la suite. En sept ans à peine, il a diminué de 19 % pour atteindre 63 %. Selon les données de RTE, il y avait quelque 22,3 GW de production indisponibles en 2020.  Comment expliquer que le parc nucléaire ait un si pauvre rendement par rapport à ceux installés à l’étranger ? Dans son étude, la CLCV relève que les centrales américaines, avec une ancienneté comparable, fonctionnent en moyenne 92 % du temps et que ce taux a plutôt augmenté au fil des ans. Plus proches de nous, les centrales belges, construites avec les mêmes technologies et à la même période que celles de France, affichent elles aussi un taux de disponibilité de 90 % à 94 %. Interrogée sur ces différences, EDF nous a renvoyé auprès de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN) sans nous apporter plus de réponses.       Ces questions mériteraient pourtant d’être creusées car elles ont un impact direct sur le fonctionnement du marché de l’électricité en France et ses prix. Car au fur et à mesure que la production nucléaire a diminué, la substitution ne s’est pas faite au profit de l’hydraulique ni des énergies renouvelables, même si ces dernières montent en puissance, mais à celui du gaz. Entre 2012 et 2022, la production d’électricité par les centrales à gaz a augmenté de plus de 31 %, note l’étude.   La présence des centrales à gaz est devenue permanente dans la production électrique française. « Sur l’ensemble de la période étudiée de 2012-2022, il n’y a pas eu une heure où la production totale de gaz était nulle », insiste l’étude. Avant de poursuivre : « Elles ont fonctionné 73 % du temps pour produire une quantité maximale de 3 000 MW. En parallèle, nous exportions une quantité de 6 123 MW  .....                                  ...  Substituer la production nucléaire par des centrales à gaz, c’est avoir l’assurance de pousser les prix à la hausse. Entre mars 2012 et mars 2022, les prix de l’électricité à court terme ont augmenté de 562 %. C’était avant la guerre en Ukraine, avant l’explosion des cours des énergies fossiles.   En 2018, l’association de consommateurs UFC Que choisir avait déjà posé la question de la gestion du fonctionnement du parc nucléaire. Cela lui avait valu un procès en diffamation de la part d’EDF. L’association CLCV ne peut cependant s’empêcher de reposer la question. « Pourquoi les centrales nucléaires ont vu leur production décroître pour laisser place à celles au gaz quand cette production coûte presque deux fois plus cher à produire et surdétermine le prix du marché de gros ?, s’interroge l’étude. Ce fait est avantageux pour les producteurs mais pesant pour les consommateurs français. »                                                                                                                                                                                                                                               EDF a-t-elle utilisé sa position dominante pour pousser les prix à la hausse et en tirer un bénéfice à court terme, avec l’assentiment de tous ses concurrents ? « À partir de la nomination de Pierre Gadonneix comme président en 2004, lorsque EDF a été transformée en société anonyme, il y a clairement eu un changement de doctrine », explique un ancien cadre d’EDF. Pour lui, le court-termisme financier l’a emporté, quitte à fragiliser à long terme le parc de production. Car la question est posée par de nombreux ingénieurs et techniciens sans qu’une réponse scientifique sûre ne puisse être apportée à ce stade : l’utilisation intermittente des réacteurs nucléaires, alors qu’ils ont été conçus pour fonctionner en permanence, ne participe-t-elle pas à la multiplication des incidents et au taux d’indisponibilité du parc inhabituellement élevé ?                                                               « EDF, poursuit cet ancien cadre, gère techniquement son parc en fonction de sa valeur d’usage, déterminée par le prix de l’uranium et du prochain rechargement. Les plannings d’arrêt, de rechargement sont prévus en fonction de ces calculs. De plus, le groupe a intérêt à avoir une composante gaz dans la production électrique pour maintenir, voire augmenter les prix. Mais il est très compliqué pour le régulateur de discuter les arbitrages d’EDF, si jamais il en a envie. »                                                                                                                                                               C’est un des derniers enseignements de cette étude. Alors que le marché de l’électricité est peut-être un des plus manipulables, la CRE (commission de régulation de l’énergie), se conformant aux habitudes de pratiquement toutes les autorités indépendantes liées à l’économie et à la finance en France, est quasiment inexistante. Depuis sa création, les seuls critères pour analyser le fonctionnement du marché électrique en France ont été l’augmentation de la redistribution de la production nucléaire historique aux fournisseurs alternatifs concurrents d’EDF et la surveillance du nombre de clients que perdait l’ancien monopole public. Mais à aucun moment, la CRE n’a donné l’impression de surveiller le marché et la formation des prix. « Il est tout de même fort surprenant que le régulateur ne semble pas avoir intégré à sa feuille de route la surveillance des variations structurelles et conjoncturelles de la production [électrique] », note l’étude.     « Il manque clairement une police de marché. Depuis sa création, la CRE n’a prononcé aucune sanction digne de ce nom », ajoute François Carlier. Tirant un bilan encore plus pessimiste de l’ouverture à la concurrence, de l’envolée des prix de l’énergie, et de la dégradation de l’état de l’électricien public, cet ancien cadre d’EDF se montre encore plus sévère : « Ce dont nous avons besoin, c’est d’un groupe EDF fort et d’un régulateur tout aussi fort. Pour l’instant nous n’avons ni l’un ni l’autre. »   [ Merci à Martine Orange]            __________________________________

                                                                                  

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