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mercredi 5 avril 2023

Vive le Cac40?

 Tout pour les actionnaires 

                      Il fut un temps où l'on parlait de "juste rétribution"...

                                   Surprofits en question. Jusque dans les années de l'après-de Gaule, pour qui le développement économique ne devait pas se faire "dans la corbeille". Profits, dividendes et salaires (à l'origine de la valeur) devaient parvenir à un juste équilibre, dans une forme de capitalisme régulé. Mais nous sommes passés, depuis les années Reagan, dans un système hyper-financier qui mène la danse à l'échelle mondiale, où les méga-fortunes enflent comme jamais, au dépend d'une masse salariale qui stagne ou régresse, dans un libéralisme dérégulé à courte vue, qui aurait fait bondir Roosevelt. Les travailleurs pauvres n'ont jamais été si nombreux.  Un système  où la rente tient plus de place que l'investissement d'avenir. La France est championne du monde des dividendes reversées aux actionnaires.   


                                                                                              __________"...Pour le CAC 40, 2022 n’a pas été une année de crise mais de superprofits. 73,4 milliards d’euros de dividendes vont être versés, selon nos calculs provisoires. Et dix groupes ont prévu de dépenser 11,8 milliards pour racheter leurs actions. Une pratique qui n’avait jamais choqué Emmanuel Macron jusque-là et qu’il n’entend corriger qu’à la marge. __       ______Il 
arrive parfois – très rarement – qu’Emmanuel Macron ne soit pas d’accord avec certaines pratiques du capitalisme financier. Ce fut le cas lors de son entretien télévisé du 22 mars. Ses critiques ne concernaient pas les superprofits, les positions de rente ou oligopolistiques qui permettent aux grands groupes d’augmenter sans retenue les prix en pleine crise énergétique et géopolitique et viennent alimenter la spirale inflationniste dans le monde occidental, comme les banques centrales sont finalement obligées de l’admettre.   Il abordait encore moins le partage de la valeur entre le capital et le travail, pas plus la chute des investissements dans l’innovation et la production, le retard dans la transition écologique ou les fermetures continues des usines et la destruction ininterrompue du capital industriel, en dépit des promesses faites. Non, sa seule réserve se concentrait sur les rachats d’actions, la pointe de l’iceberg du capitalisme financier. Jusqu’alors, le chef de l’État, tout comme son gouvernement, n’avait rien trouvé à redire à cette pratique, dénoncée par beaucoup et depuis longtemps comme un gaspillage, une dilapidation de capital sans fondement ni justification. Le symbole même de l’inanité de la financiarisation. Mais soudain, Emmanuel Macron s’est réveillé. Empruntant des accents populistes, il s’en est pris au comportement de certains grands groupes : « Il y a quand même un peu un cynisme à l’œuvre, quand on a de grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu’elles en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions », s’est-il indigné.                                                       Emmanuel Macron a promis de remédier à cette situation : il s’est engagé à mettre à l’étude une « contribution sociale exceptionnelle » pour les sociétés qui ont recours à cette pratique. C’est la seule concession avancée en réponse au mouvement de contestation sociale et à la crise politique qui secoue la France depuis trois mois.             Cet engagement permet de mesurer la préoccupation du pouvoir dans ces moments de forte inflation, d’appauvrissement des ménages, de déséquilibres grandissants entre le capital et le travail : si jamais cette « contribution exceptionnelle » voit le jour, ce sera une correction à la marge. Dix groupes du CAC 40 seulement seraient concernés, selon notre recension effectuée à partir des annonces des résultats de ces groupes.   D’une année sur l’autre, rien ne change. Ni le conflit en Ukraine, ni la crise énergétique, ni les dérèglements géopolitiques et climatiques ne semblent ébranler les habitudes. Les mêmes noms reviennent comme une litanie. On y retrouve BNPParibas, TotalEnergies, Stellantis (né de la fusion entre Fiat et PSA), Axa, Carrefour, Legrand, Saint-Gobain, Société générale, Publicis, Hermès. D’autres pourraient les rejoindre en cours d’année, s’ils décident de lancer ou de relancer des plans de rachats d’actions, notamment au moment de leur assemblée générale.                                                                                                              À eux seuls, ces dix groupes sont déjà disposés à dépenser 11,8 milliards d’euros cette année pour racheter et détruire leurs actions, afin de soutenir leurs cours. La somme n’est pas loin de celle du déficit redouté du régime de retraite en 2030. Et elle n’est sans doute qu’un point d’étape. TotalEnergies, qui s’est aligné sur les méthodes anglo-saxonnes, annonce désormais sa politique de distribution à ses actionnaires chaque trimestre : le géant pétrolier prévoit de dépenser 2 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros) au cours du seul premier trimestre. D’autres plans de rachats d’actions risquent donc de suivre : en 2022, TotalEnergies a dépense 7,8 milliards d’euros pour retirer ses titres et les détruire, ce qui en avait fait le champion toutes catégories du rachat d’actions.                  À ce stade, c’est BNPParibas qui tient la corde : elle prévoit de reverser plus de 5 milliards d’euros à ses actionnaires, afin de partager avec eux les plus-values de la vente de sa banque américaine Natwest. Les banques et les assurances arrivent en tête de tous les autres secteurs avec 6,9 milliards d’euros de rachats d’actions inscrits. Une pratique quasiment obligatoire, à les entendre, afin de soutenir la comparaison avec leurs concurrentes américaines.              Au moment où le monde financier connaît des tensions aiguës, il est assez curieux que les autorités de régulation acceptent de voir ces établissements détruire leurs fonds propres, fondements même de leur solidité et de la régulation. D’autant qu’ils avaient déjà dépensé des milliards l’an dernier sans que cela comble l’écart avec les financières américaines. Le groupe Axa avait déjà reversé 2,9 milliards d’euros à ses actionnaires en 2022. L’année 2022, il est vrai, avait été un festival : les groupes avaient dépensé 23,7 milliards d’euros pour racheter leurs actions. ArcelorMittal avait reversé 2,8 milliards d’euros à ses actionnaires. Depuis 2020, le groupe sidérurgique a réduit son capital de 30 %, pour le grand bénéfice de la famille Mittal, premier actionnaire. LVMH avait racheté ses actions pour 1,6 milliard, là aussi pour le bonheur de la famille Arnault, et Vinci 1,1 milliard. Cette année, plusieurs, après avoir lancé des programmes de rachats pluriannuels, ont décidé de faire une pause. Momentanément.                                                  Car pour beaucoup, il n’est pas question de renoncer à ces pratiques. Saint-Gobain s’est engagé à dépenser 2 milliards d’euros dans le rachat de ses titres sur trois ans. Emmanuel Macron, d’ailleurs, ne le leur demande pas. Il réclame juste un geste, afin que « les travailleurs puissent en profiter », sans donner plus de précision. Cela a toutes les chances de prendre la forme d’une nouvelle prime pour les salarié·es de ces groupes, pas pour apporter une inflexion majeure dans la conduite des affaires.   ___Pour l’instant, ce sont surtout les dirigeants qui en profitent. Les rachats d’actions dopent au moins momentanément les cours de leur groupe, ce qui leur permet de lever leurs stock-options et leurs actions de performances avec de solides plus-values à la clé. Les six membres du comité exécutif de TotalEnergies ont ainsi décidé de lever les actions qui leur avaient été promises dans le cadre du plan de 2020 et de se partager 5,5 millions d’euros, comme l’a révélé la Lettre A. Pour Patrick Pouyanné, qui a déjà vu sa rémunération augmenter de 23,3 % (après une hausse de plus de 50 % en 2022) pour être portée à 7,3 millions d’euros, cette levée de titres représente un gain supplémentaire de 3,75 millions d’euros.                                                                  Mais le champion incontesté reste Bernard Charlès. Le dirigeant de Dassault Systems figure en première place des dirigeants les mieux payés depuis plusieurs années. La famille Dassault, qui possède 40 % du groupe de technologies spécialisées dans la 3D, s’est engagée à lui consentir une part du capital « comparable aux fondateurs d’entreprises travaillant dans le même secteur et plus généralement de ces pairs dans les sociétés de technologies dans le monde ». Grâce à ce mécanisme de gratification, il détenait déjà fin 2022 24, 5 millions d’actions, un pactole qui représente plus d’un milliard compte tenu de la valorisation boursière du groupe. Au titre de l’exercice 2022, sa rémunération totale (salaire fixe, variable, attribution d’actions) atteint 33 millions d’euros.                                                                                                                                 Sans atteindre ces sommets, les autres dirigeants ne sont pas en reste. Tous sont en train de se faire accorder de substantielles augmentations, au nom de « l’alignement des intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires »Car il faut savoir saluer une « année historique », « une année record », selon les déclarations des uns et des autres.  Lors de la présentation de leurs résultats, un certain embarras était perceptible dans les groupes du CAC 40. En pleine contestation des retraites, alors que les ménages voient se réduire leur pouvoir d’achat sous le coup d’une inflation galopante, que l’environnement mondial est en plein bouleversement et que la crise pointe son nez, comment afficher des résultats sans précédent, sans pour autant alimenter les revendications salariales et les procès dans l’opinion publique ? Certains groupes ont trouvé la parade : ils n’ont pas publié leur bénéfice global.                                                                                           Tous en revanche ont veillé à s’adresser à leurs actionnaires, les seuls destinataires qui leur importent. Dans leur communiqué, ils affichent bravement leur bénéfice par action et encore plus l’augmentation des dividendes par action. Les hausses sont parfois spectaculaires : + 25 % pour L’Oréal, +23 % pour Saint-Gobain, + 20 % pour LVMH, + 15 % pour Legrand. À l’exception d’Unibail Rodamco et de Worldline, tous les groupes mettent un point d’honneur à verser des dividendes, même quand les résultats ne sont pas au rendez-vous, comme Vivendi, même quand il leur faut puiser dans leurs fonds propres pour les honorer, comme Veolia ou Engie (lire notre article) .....                                                                                La redistribution s’arrête là. Alors que la question des rémunérations salariales devient chaque jour plus insistante, les groupes affirment tous leur volonté de tenir les coûts, afin sans doute de ne pas alimenter la spirale prix-salaire, si chère aux économistes orthodoxes mais dont on ne trouve aucune trace dans la situation actuelle. Même le « dividende »nouveau gadget du ministre des finances, Bruno Le Maire, pour contrer les demandes, ne fait pas recette. Il n’y a qu’Hermès, fort de 3,3 milliards d’euros de résultat (+37,7 %) , qui annonce avoir versé une prime de 14 000 euros à l’ensemble de ses salarié·es dans le monde.                                                                                                                                 De son côté, Renault, très fortement touché par sa sortie du marché russe, qui lui a coûté 2,3 milliards et en pleine réorganisation après son divorce d’avec Nissan, tente malgré tout de faire un geste envers ses personnels. Le constructeur automobile a lancé un plan actionnarial qui vise à permettre à ses salarié·es de détenir à terme 10 % du capital. Dans ce cadre, six actions gratuites sont offertes à chacune des 95 000 personnes qui travaillent dans le groupe et un programme de souscription à prix préférentiel a été lancé.                                                                           Ce sont les seules initiatives revendiquées par les directions du CAC 40. LVMH, qui a enregistré un bénéfice historique (14 milliards de bénéfice, + 17 %), tient à souligner qu’il a versé 400 millions de participation et d’intéressement – obligatoires – à ses 15 000 salarié·es en France. Les autres n’en parlent même pas : le personnel a purement et simplement disparu de leur écran radar.                 La spirale prix-profits, déjà largement à l’œuvre au premier semestre, s’est encore renforcée à la fin de l’année. Saint-Gobain souligne ainsi que l’écart prix-coûts lui a été profitable. Sur l’ensemble de l’année, il a pu augmenter de 14,6 % ses prix de vente dont 13,8 % au deuxième semestre. Cela lui a permis de compenser largement une baisse de 2,3 % en volume de ses ventes. Le groupe a pu ainsi tripler son cash flow dans l’année.                                                           C’est une autre caractéristique de leur situation actuelle : ces groupes croulent sous l’argent, affichent des trésoreries gigantesques. Vinci, qui prospère grâce à sa rente autoroutière- cette branche assure la moitié de son résultat opérationnel –, annonce avoir un cash flow libre de 5,4 milliards et disposer de 19,7 milliards de liquidités. Sans atteindre de tels niveaux, de nombreux groupes affichent des trésoreries frôlant ou dépassant les 10 milliards d’euros.                                        Mais pour faire quoi ? Ils sont rares les groupes qui, à l’instar d’Air Liquide, Michelin ou Thales, parlent de leurs investissements industriels, de leur projet de développement, qui sont prêts à y engager des milliards pour parier sur l’avenir. La vraie création de valeur ajoutée semble devenue un objet assez annexe chez beaucoup.                                                                                             Le CAC 40 paraît ainsi avoir atteint le stade ultime du capitalisme financiarisé : ces groupes ne se préoccupent plus que de l’optimisation de leur capital, de leurs titres et de leurs actionnaires. Ce bilan assumé, encouragé même par les pouvoirs publics, se résume simplement : d’un côté, un déficit commercial de 164 milliards d’euros, le plus élevé jamais atteint en France mais qui ne semble préoccuper personne ; de l’autre, un nombre de milliardaires qui s’est démultiplié en une décennie et qui surpasse de loin tous les autres pays européens. Les gestionnaires de fortune et les spécialistes des family offices se disent qu’il est temps de prospecter sérieusement la France : plus de trois cents grandes fortunes ont été trop longtemps délaissées. Un marché laissé en jachère.  [ Merci à Martine Orange]      _____________________

IlIl arrive parfois – très rarement – qu’Emmanuel Macron ne soit pas d’accord avec certaines pratiques du capitalisme financier. Ce fut le cas lors de son entretien télévisé du 22 mars. Ses critiques ne concernaient pas les superprofits, les positions de rente ou oligopolistiques qui permettent aux grands groupes d’augmenter sans retenue les prix en pleine crise énergétique et géopolitique et viennent alimenter la spirale inflationniste dans le monde occidental, comme les banques centrales sont finalement obligées de l’admettre.   Il abordait encore moins le partage de la valeur entre le capital et le travail, pas plus la chute des investissements dans l’innovation et la production, le retard dans la transition écologique ou les fermetures continues des usines et la destruction ininterrompue du capital industriel, en dépit des promesses faites. Non, sa seule réserve se concentrait sur les rachats d’actions, la pointe de l’iceberg du capitalisme financier.   Jusqu’alors, le chef de l’État, tout comme son gouvernement, n’avait rien trouvé à redire à cette pratique, dénoncée par beaucoup et depuis longtemps comme un gaspillage, une dilapidation de capital sans fondement ni justification. Le symbole même de l’inanité de la financiarisation. Mais soudain, Emmanuel Macron s’est réveillé. Empruntant des accents populistes, il s’en est pris au comportement de certains grands groupes : « Il y a quand même un peu un cynisme à l’œuvre, quand on a de grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu’elles en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions », s’est-il indig

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