Naissance et aléas de l'Europe
La question de l'UE, qui n'a jamais été un long fleuve tranquille, se pose aujourd'hui plus que jamais. Surtout en période de crise économique et de conflits à ses frontières. Même les plus fervents font étalage de leurs doutes et de leurs critiques. La question allemande revient. Qu'est devenu le projet de Monnet..et de Delors? Le peuple européen peine à voir le jour. Se remettra-t-elle sans changements profonds?
La construction européenne demande un révision de fond. La montée en puissance de la Chine, notamment, oblige à modifier les règles.
"..Dans le dernier livre de Wolfgang Streeck, qui paraîtra en anglais la semaine prochaine sous le titre Taking Back Control ?, le sociologue allemand décrit le processus d’intégration européenne depuis le Traité de Maastricht en 1992 comme la construction d’un empire libéral piloté par l’Allemagne. Lorsque Streeck parle d’« empire », il n’entend pas une puissance fondée sur l’instrument militaire. Il utilise plutôt ce terme pour désigner une polarisation entre un centre et des périphéries économiques, dont les institutions politiques cèdent leur souveraineté face au premier. Un centre fort – celui de l’ancienne zone du deutsche mark – et une périphérie – Méditerranée et Europe de l’Est – : il n’est pas difficile d’adhérer à la vision des choses défendue par Streeck. Dans le même temps, Streeck indique une condition préalable importante pour la construction d’un empire sur une base « libérale ». En bref, il faut qu’il y ait une élite dirigeante dans les pays périphériques qui soit prête à assumer les conditions fixées par le centre impérial. Cette élite compte donc sur une légitimité venant « d’en haut ». Mais elle doit aussi rendre cette relation acceptable pour son propre électorat national, en faisant passer le message que tout ce qui profite au centre impérial aura des répercussions positives pour les périphéries également. Un message qui a pris la forme du projet européen, présenté comme un moyen de dépasser les antagonismes nationaux. La thèse centrale du livre est que l’austérité a été la pierre angulaire de ce processus d’intégration impérial. Mais pas uniquement. La guerre en Ukraine a brusquement mis fin à ce processus de construction impériale. Avec la guerre, l’un des piliers de la conception hégémonique allemande – la possibilité d’un approvisionnement en matières premières à bas prix – a été miné. Bien sûr, la (non) réaction de la classe dirigeante allemande au sabotage du gazoduc Nord Stream a achevé d’ébranler sa crédibilité.
Ce coup d’estoc porté à l’hégémonie allemande est-il une bonne nouvelle ? Il est clair qu’il n’a pas conduit à une remise en cause du fonctionnement de l’Union européenne : une nouvelle vague d’austérité déferle sur l’Europe, n’épargnant même pas l’Allemagne elle-même. D’une austérité imposée par Berlin, le Vieux continent est passé sans transitions – à l’exception du bref intermède de la pandémie – à une austérité imposée par Wall Street. Si la première vague d’austérité imposée à l’Europe répondait aux ambitions impériales de l’Allemagne, cette nouvelle vague constitue l’un des fondements de la tentative américaine de maintenir son hégémonie mondiale...."__________
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