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vendredi 17 janvier 2020

République exemplaire?

 Oui, mais...peut mieux faire.
                                      C'est une formule et un voeu que l'on retrouve dans de nombreux propos, en premier lieu dans la bouche de responsables politiques, souvent la main sur le coeur.
    Beau programme, car la démocratie est toujours imparfaite, comme le reconnaissait Rousseau, mais elle peut sans cesse s'améliorer, comme l'annonçait Robespierre. Elle ne peut avoir de sens et de chance de s'améliorer, de fonctionner selon ses idéaux proclamés, que si la "vertu" (au sens de Montesquieu) et le service désintéressé sont les piliers des institutions et si les élus ont pour seul horizon le souci du bien commun. Voilà qui est bien. Voilà qui est républicain.
  Mais il y a l'idéal et le réel. Dans les faits, les "affaires" qui s'enchaînent, médiatiquement exploitées ou pas, montrent qu'on est encore loin du compte, que des dérives monarchiques reviennent périodiquement, qu'une certaine ploutocratie fait ou refait surface, que la constitution, même révisable, n'est plus le phare qu'elle devrait être, que la corruption est trop présente et que certains élus, et non des moindres, se servent au lieu de servir, dans un système qui les favorise, alimentant rancoeur, défiance et parfois rejet de la représentation nationale. Ce qui peut arriver de pire et faire le lit des extrêmismes de toutes sortes, des populismes les plus discutables, la démagogie et le double jeu, autant que l'arrivisme, devenant les moteurs de l'action publique.
   Les diverses affaires récentes en témoignent, malgré les prétentions au renouveau.
La sarkozie a eu  ses péripéties douteuses et ses "affaires", la hollandie a eu son Cahuzac, la macronie, qui se voulait hors de tous soupçons, commence fort avec les Benalla , Delevoye.. et un abîme entre les paroles et les actes. Le règne des copains et les coquins, dénoncé par De Gaule, semble sans cesse revenir, malgré les dénis, les démentis et parfois les aveux.
  La macronie, qui se voulait être une résurrection ou une disruption est déjà émaillée d'affaires plus que douteuses
Si l'économie et la politique sont de plus en plus imbriquées, les alliances entre les deux mondes sont de plus en plus courantes et les intérêts tendent à fusionner, les affaires et les intérêts publics se confondant trop souvent. Le lobbyisme interne et externe devient pratique courante.
    La démocratie est toujours en péril, les contre-pouvoirs ne jouant plus le rôle qui leur revient, l'indifférence générale favorisant le développement des excès.
  On pourrait se demander plus souvent qui gouverne vraiment, derrière les oripraux du pouvoir.

      _______"J'ai toujours pensé que la démocratie dite représentative n'est pas une vraie démocratie. Ses représentants ne représentent que très peu les gens qui les élisent. D'abord, ils se représentent eux-mêmes ou représentent des intérêts particuliers, les lobbies, etc. Et, même si cela n'était pas le cas, dire : quelqu'un va me représenter pendant cinq ans de façon irrévocable, cela revient à dire que je me dévêts de ma souveraineté en tant que peuple.       Rousseau le disait déjà : les Anglais croient qu'ils sont libres parce qu'ils élisent des représentants tous les cinq ans mais ils ne sont libres qu'un jour tous les cinq ans : le jour de l'élection. Et même cela n'est pas vrai : l'élection est pipée, non qu'on bourre les urnes, elle est pipée parce que les options sont définies d'avance. Personne n'a demandé au peuple sur quoi il veut voter. On lui dit : "votez pour ou contre Mastricht ", par exemple. Mais qui a fait Mastricht ? ce n'est pas nous. Il y a la merveilleuse phrase d'Aristote répondant à la question "qui est citoyen ? Est citoyen quelqu'un qui est capable de gouverner et d'être gouverné". Y a-t-il quarante millions de citoyens en France en ce moment ? Pourquoi ne seraient-ils pas capables de gouverner ? Parce que toute la vie politique vise précisément à leur désapprendre à gouverner. Elle vise à les convaincre qu'il y a des experts auxquels il faut confier les affaires. Il y a donc une contre éducation politique. Alors les que gens devraient s'habituer a exercer toutes sortes de responsabilités et à prendre des initiatives, ils s'habituent à suivre des options que d'autres leur représentent ou à voter pour elles. Et comme les gens sont loin d'être idiots, le résultat, c'est qu'ils croient de moins en moins et qu'ils deviennent cyniques dans une sorte d'apathie politique." (Cornélius Castoriadis 1996)-__À l'épreuve du politique: Claude Lefort
                  __  Déjà le vieux Tocqueville, pas franchement républicain, avait pointé quelques dérives inhérentes à un système qui se veut démocratique, si les citoyens ne jouent pas le rôle qui leur revient:
                                                                 « ...Il y a un passage très périlleux dans la vie des peuples démocratiques. Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe chez un de ces peuples plus rapidement que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés et comme hors d’eux-mêmes, à la vue de ces biens nouveaux qu’ils sont prêts à saisir. Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous. Il n’est pas besoin d’arracher à de tels citoyens les droits qu’ils possèdent ; ils les laissent volontiers échapper eux-mêmes(…)
« Si, à ce moment critique, un ambitieux habile vient à s’emparer du pouvoir, il trouve que la voie à toutes les usurpations est ouverte. Qu’il veille quelque temps à ce que tous les intérêts matériels prospèrent, on le tiendra aisément quitte du reste. Qu’il garantisse surtout le bon ordre. Les hommes qui ont la passion des jouissances matérielles découvrent d’ordinaire comment les agitations de la liberté troublent le bien-être, avant que d’apercevoir comment la liberté sert à se le procurer ; et, au moindre bruit des passions politiques qui pénètrent au milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s’éveillent et s’inquiètent ; pendant longtemps la peur de l’anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre.
« Je conviendrai sans peine que la paix publique est un grand bien ; mais je ne veux pas oublier cependant que c’est à travers le bon ordre que tous les peuples sont arrivés à la tyrannie. Il ne s’ensuit pas assurément que les peuples doivent mépriser la paix publique ; mais il ne faut pas qu’elle leur suffise. Une nation qui ne demande à son gouvernement que le maintien de l’ordre est déjà esclave au fond du cœur ; elle est esclave de son bien-être, et l’homme qui doit l’enchaîner peut paraître. (…)
« Il n’est pas rare de voir alors sur la vaste scène du monde, ainsi que sur nos théâtres, une multitude représentée par quelques hommes. Ceux-ci parlent seuls au nom d’une foule absente ou inattentive ; seuls ils agissent au milieu de l’immobilité universelle ; ils disposent, suivant leur caprice, de toutes choses, ils changent les lois et tyrannisent à leur gré les mœurs ; et l’on s’étonne en voyant le petit nombre de faibles et d’indignes mains dans lesquelles peut tomber un grand peuple…
« Le naturel du pouvoir absolu, dans les siècles démocratiques, n’est ni cruel ni sauvage, mais il est minutieux et tracassier. » [Alexis de Tocqueville _Extrait de De la Démocratie en Amérique, Livre II, 1840]

    La route est encore longue qui nous mène vers une forme de démocratie qui respecte l'essentiel des idéaux qu'elle proclame...Sans sursaut citoyen, comment espérer un meilleur ajustement des actes aux principes?
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Pour un nouveau pacte social.
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