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jeudi 6 janvier 2022

20 ans d'euro.

  Au bout de vingt ans, les bilans

     Est-ce possible? Pour une monnaie commune encore en construction?    Même si les débats sont moins vifs que pendant la crise de 2008 et l'épisode grec, il y a toujours des divergences de points de vue sur une question qui revient spécialement aujourd'hui, où les incertitudes économiques se font sentir à nouveau.  On peut voir ça comme ça, du point de vue de l'orthodoxie bruxelloise, c'est à dire surtout du point de vue de Berlin, estimé le grand bénéficiaire d'une monnaie forte, mais sans équivalent avec son rival, le dollar: "...Qui veut tirer les bénéfices d'une adhésion à la zone euro doit muscler son économie, sinon appartenir au club se révèle très coûteux sur le long terme, car l'arme de la dévaluation n'est plus une option pour améliorer artificiellement sa compétitivité. C'est ce qui ressort d'une étude publiée, lundi, par le Centre d'études de politique européenne (CEP) basé à Fribourg, selon laquelle seuls l'Allemagne et les Pays-Bas ont véritablement gagné au change. A l'inverse, la France et l'Italie sont les deux plus gros perdants...."            La capacité de résilience  de l'euro semble faire pencher la balance du côté de ce point de vue conventionnel: si l'euro briderait certaines économies, notamment celles du Sud, ce serait la conséquence d'un manque de compétitivité, voire de valeur morale, comme on vu Schäuble accuser le Grèce au pire moment du bras de fer entre Berlin et Athènes, faisant renaître des préjugés d'un autre âge.  En tous cas, les effets de la monnaie unique restent pour l'instant encore très "contrastés".                                                                                                                   Mais les choses sont moins simples, si on tient compte d'une analyse plus large, mettant en perspective d'autres avis. La crise grecque a été révélatrice de distorsions profondes. Dès le début, des critères incertains ont plombé la crédibilité de la monnaie commune... Un costume mal taillé où l'Allemagne tira assez vite le plus de bénéfice"..."...ce qui fait une bonne partie de la compétitivité-prix de l’Allemagne, c’est une stratégie très poussée de délocalisation. En faisant appel de façon massive aux importations de biens intermédiaires produits par des sous-traitants souvent localisés dans les nouveaux pays membres (Pologne, Hongrie, République Tchèque), les industriels allemands se sont assuré une certaine modération de leurs coûts de production. Enfin, l’Allemagne est spécialisée sur des gammes de prix relativement élevées, où la compétitivité hors coût domine Les écarts de prix à l’exportation ne jouent qu’un effet très marginal (Berthou et Emliger, 2011).  La question irritante des excédents commerciaux allemands a pesé lourd dans les vifs débats sur les distorsions de concurrence....                                                                                Le débat n'est pas clos même s'il prend un tour moins vif, dû notamment aux changements politiques allemands, annonciateurs peut-être d'autres rapports intereuropéens, plus solidaires. Il y a seulement quatre ans, les points de vue étaient encore plus vivement divergents.   L'euro est un fait, semblant parfaitement intégré. Au point que certains partis dits europhobes ne le remettent plus en question, ou de moins en moins.  Il apparaît maintenant difficile de revenir aux monnaies nationales, quel que soit le jugement porté sur son origine, son opportunité et son avenir.

        La monnaie est chose complexe, sur laquelle bien des économistes peuvent être en désaccord, toujours entre violence et confiance.
    Pour plusieurs économistes américains, comme Stiglitz, la monnaie unique imposée (et non une monnaie commune avec variations nationales possibles), fut une erreur majeure. Un coup de force pour accélérer l'union et mettre au pas l'Allemagne, dans un contexte très particulier. Mais un amplificateur de crises.
   Mais peut-on maintenant envisager de l'abandonner sans risques politiques majeurs,  en semblant ignorer de plus la réalité européenne spécifique? On en débattra encore longtemps, même si une certaine souplesse, certains ajustements et modes de fonctionnement pourront être introduits dans l'avenir. Il n'est tout de même pas normal que la BCE soit hors contrôle politique, mais parfois sous injonction allemande, gérée par des enfants de Goldman Sachs et que le cour de la monnaie unique favorise autant de fait l'économie exportatrice de nos voisins d'Outre-Rhin.
    Il n'en reste pas moins que cette monnaie mise en place à la hâte, dans des circonstances bien spécifiques, est une monnaie bâtarde, pas franchement adaptée à la diversité des économies concernées, surtout sans unité politique et sans réelle convergences, souvent à l'encontre des principes émis.
    Une monnaie sans nation. D'où sa faiblesse structurelle congénitale, génétiquement problématique, malgré l'euphorie des premiers temps.
  Déjà en 2009, le statut de l'euro faisait l'objet d'âpres discussions.
   L'euro-fort-qui-ne-se-discute-pas a été depuis au centre de nombreux débats, pas seulement économiques, car la monnaie unique était d'abord un pari politique. Elle a souvent été présentée comme un parapluie ou comme un boulet, favorisant surtout la puissance exportatrice allemande, aux dépends de ses partenaires.
L’euro ne fait plus rêver
   A l'approche des élections européennes, le débat tendit à se radicaliser.
Certains, comme J.C. Trichet, jugeait que seul un saut fédéral peut sauver un monnaie recouvrant des économies si contrastées. Trichet, avait « négocié au nom de Paris chaque virgule de tous [...] les aspects monétaires » du traité de Maastricht, en 1992, confie t-il à Le Point, en octobre 2013. Le poids de la garantie apportée par Trichet à l'euro est à la mesure du prestige dévolu à ses fonctions successives, en particulier à la tête de la BCE, de 2003 à 2011. Le haut fonctionnaire Jean-Pierre Jouyet résume leur place respective : « Trichet a été au système monétaire européen ce que Delors a été à la Commission et à la Communauté européenne ».
      En octobre 1990, François Mitterrand avait prévenu qu’une monnaie unique sans gouvernement européen ne survivrait pas longtemps. Or ce projet, s'il existe un jour, n'est pour l'instant qu'un projet des plus utopiques.
   La persistance d'un déséquilibre entre le nord et le sud de la zone euro, consécutive à la crise financière de 2008, puis la crise de l'euro, est la réalisation du scénario noir envisagé par l'establishment économique américain qui, de Friedman à Krugman, s'étaient penchés sur le rapport Delors.
   Quel était la raison de ce scénario noir ? C'était le vice de l'euro, c'est à dire l'absence de mécanisme pour mutualiser le risque macroéconomique entre les états. Autrement dit, un budget fédéral capable, comme aux États-Unis, de résorber les chocs asymétriques. Et, effectivement, les courbes de chômages des différents états des États-Unis, ont traversé la crise financière de 2008 en demeurant synchrones..."
       Plus d'un économiste, parfois de premier plan, considère l'euro comme une erreur et la possibilité de s'en débarrasser comme une nécessité et une possibilité qui ne mènerait à aucune tragédie si le processus est bien préparé, concerté, maîtrisé. Comme l'écrit un ancien europèiste, l'euro relevait de la pensée magique.    Emmanuel Todd considère que la peur paralysante des élites face à une démarche techniquement possible est le principal frein qui nous empêche de passer à une monnaie commune (et non plus unique), permettant aux économies de respirer, de se développer et de sortir d'un marasme paralysant qui accentue la crise dans la plus grande dé-solidarité.
              L'euro nous pénalise et entraîne l'Europe à sa perte, disaient certains.
Selon Arnaud Montebourg, « L’euro pénalise l’industrie au lieu de la soutenir dans la grave crise de compétitivité que nous traversons. Tous les grands industriels européens dans l’aéronautique, dans l’agroalimentaire, dans les transports, et toutes les institutions économiques du FMI au Conseil d’analyse économique, lui-même placé auprès du Premier ministre, en passant par l’OCDE, défendent des politiques nouvelles et «non conventionnelles» visant à enfin faire baisser le niveau de l’euro. Pourquoi devrions-nous continuer à nous mettre la tête dans le sable» Sur ce point encore, on ne peut que partager le constat. Aujourd’hui, le taux de change de l’Euro pénalise la totalité de l’industrie française (et italienne, troisième pays de la Zone Euro). Ce taux de change accélère les processus de désindustrialisation que nous connaissons. Par ailleurs ils plongent aussi les pays de la périphérie de la zone Euro dans la déflation..." 
     Une monnaie batarde, donc?
    Les faiblesse de l'euro fort n'ont pas fini d'être soulignées, comme ses failles.
 Toujours encore en question, dans le contexte de l'après crise, l'euro longtemps apparaîtra comme une bulle cognitive.
   L'Europe, ce qu'elle deviendra demain, sera-t-elle toujours soumise à l'épreuve de la monnaie unique?
          Nul n'est prophète pour le dire...La question n'est pas (que) monétaire, purement économique.
___[Retour aux origines-  L'euro ou l'écu?- Questions-]

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