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mardi 23 septembre 2025

Certains l'appellent Bernard

Le roitelet et ses gueux

                  Si j'avais le talent de J. de La Fontaine, je composerais une fable autour de ce thème, dans le contexte d'aujourd'hui. Une fable actualisée, de ce type ou comme celle-ci, la plus célèbre. En n'oubliant pas que la question de l'impôt fut le principal déclencheur de la Révolution, qui établit un certain, relatif et provisoire équilibre. l'impôt dur le revenu, institué au début du 20° siècle,  théoriquement proportionnel, connut assez vite des  problèmes de répartition, fluctuant selon les périodes et les circonstances. La juste contribution  redistributive connut un renouveau lors des lois sociales de 1945. L'égalité devant l'impôt fut et reste un idéal, un horizon, avec ses hauts et ses bas et ses instruments de mesure aléatoires.                                Le développement du néolibéralisme,  dans le sillage de R.Reagan et M Thatcher, inaugura notamment un ère de désengagement fiscal pour les hauts revenus, jusqu'à notre époque , où les cadeaux fiscaux devinrent souvent la norme et les moyens d'échapper au moins partiellement au fisc se développèrent, avec la complicit passive de Bercy.. Les années Sarkozy et Macron furent une période faste pour les plus riches contributeurs, ce qui a contribué de manière significative à produire une partie du  déficit, qui pèse sur nos épaules aujourd'hui. L'appel aux plus fortunés, largement favorisés de ce point de vue, reçoit un écho parfois favorable, mais le plus souvent une résistance souvent très forte de la part de ceux dont la fortune est devenue ces dernières années exponentielle. Le plurimilliardaire B.Buffet avouait que sa femme de ménage donnait proportionnellement beaucoup plus qui lui au fisc.         Forbes connaît le problème.      Ce n'est pas une histoire belge...                                                                                                                                     Le cas de Bernard Arnault en France et ses propos incendiaires sur la taxe Zucman est un révélateur de  la résistance au fisc observée, saut exceptions, dans les milieux les plus favorisés. IL emble ne pas se souvenir du sort imposé aux plus riches par Roosevelt pour sortir son pays de la crise. C'était autre chose..


    Point de vue:  

S’il                       " S'il fallait une preuve que la société est malade, on pourrait avancer ce fait étonnant qui consiste à prendre Bernard Arnault au sérieux. Dans un entretien au Sunday Times, le magnat du luxe a tenté, une nouvelle fois, de faire passer ses obsessions pour des analyses économiques. La taxe Zucman, qui entend frapper à hauteur de 2 % les plus hauts patrimoines, serait ainsi « mortelle pour l’économie française », et l’économiste, un « militant d’extrême gauche ». Ses propos ont inondé les médias français et étrangers.  Mais à militant, militant et demi. Bernard Arnault ne s’exprime pas en tant que juge impartial : il est un des principaux concernés par la taxe Zucman. Aussi ne doit-on pas s’étonner qu’il en fasse une des sept plaies d’Égypte.    Cependant, le milliardaire ne se plaint pas qu’on le taxe, ce qui serait de bonne guerre mais n’aurait pas grand intérêt par ailleurs. Non, ce qu’il prétend, c’est qu’en s’attaquant à lui, on s’attaque à l’économie française tout entière.      « Il ne s’agit ni d’un débat technique ni économique, mais bien d’une volonté clairement formulée de mettre à terre l’économie française », proclame le vieil homme. Dans sa logique, l’économie française dépend de lui et de ses semblables, ceux qui ont prétendument « réussi », selon le critère du montant de leur patrimoine.                                                                                                                                                 À cette aune, et c’est l’objectif de ces propos, l’économie française qui, chaque année, produit 3 000 milliards d’euros par le travail de près de 30 millions de personnes, se réduit à la volonté de quelques-unes, dont il faut reconnaître la « supériorité ». Le patron de la Banque publique d’investissement (BPI), Nicolas Dufourcq, ne dit pas autre chose lorsqu’il prétend que l’on devrait « ériger des statues à Pinault et à Niel plutôt que de les taxer à 2 % ». Ces grands patrons feraient l’économie française, et les taxer serait la pénaliser.   Cette vision frise pourtant le ridicule. D’abord, parce qu’un patron peut favoriser son entreprise ou sa propre accumulation de richesse, mais il n’a pas de maîtrise de l’ensemble des évolutions macroéconomiques. Cette vision qui réalise une équivalence entre les grands patrons et l’économie nie l’existence d’une réalité qui échappe aux premiers. Un patron n’est pas actif dans la conjoncture, il agit dans un environnement qui le dépasse et sur lequel il n’a aucune prise, sauf sur des points de détail.                                                                                                                                 Bernard Arnault en sait quelque chose, puisque son groupe est, aujourd’hui, au cœur d’une crise profonde du monde du luxe qui met en cause son modèle économique, consistant à vendre des produits de masse hors de prix. Il peut bien faire ce qu’il veut, il ne peut pas, à lui seul, contrer l’évolution de la consommation chinoise, pénalisée par l’explosion de la bulle immobilière. Il n’a même aucune prise sur son « ami » Donald Trump, qui lui a imposé des droits de douane de 15 % sur les spiritueux, malgré sa volonté d’obtenir une taxe allégée.     Il faut donc être clair : les patrons sont des agents économiques comme les autres. Leur situation de domination sociale leur permet, parfois, de faire payer les autres acteurs, principalement l’État, les consommateurs et les producteurs, pour réaliser leur accumulation. Mais on ne mesure pas – et on ne mesurera jamais – la réussite d’un pays au nombre de milliardaires.        Il suffit d’une preuve pour s’en assurer : depuis un demi-siècle, la croissance mondiale a été divisée par deux et le nombre de milliardaires a explosé. En parallèle, le chaos politique, social et environnemental s’est imposé partout. La réussite de ces gens a donc été inversement proportionnelle à celle des économies. Ce qui doit immédiatement interroger sur leur caractère nuisible.                                                                                                                                                       Il en résulte deux conclusions. D’abord, l’économie ne peut absolument pas se résumer à l’intérêt des milliardaires. Ceux qui le défendent ont une position de classe : ils favorisent leurs intérêts par rapport à ceux de la société. Car on se demande bien à quel titre on devrait ériger des statues à ces hommes riches, alors même que l’accroissement de cette richesse s’accompagne d’une détérioration palpable des conditions de vie de la majorité de la population. De là, la seconde conclusion : les milliardaires ne peuvent pas être les mieux placés pour donner des conseils de politique économique.                ___S’agissant de Bernard Arnault, la leçon pourrait même être démultipliée. Que serait-il sans l’État ? Rien ou presque. Une grande partie du succès et de sa fortune est liée au soutien sans faille des pouvoirs publics.                     __________Tout a commencé avec la reprise de l’empire Boussac, vaste empire textile tombé en faillite. Candidat imprévu à la reprise, il réussit à l’arracher avec l’aide d’Antoine Berheim, puissant associé-gérant de la banque Lazard, qui a ses entrées dans tous les cercles du pouvoir. Avec, aussi, le soutien financier du Crédit lyonnais, alors banque nationalisée, qui lui apporte les crédits nécessaires au montage financier de la reprise, Bernard Arnault n’ayant que 90 millions de francs à investir, pris sur les fonds de la société immobilière familiale Ferinel, à l’insu de son père.                    Bernard Arnault s’engage à maintenir 12 000 emplois au moins sur les 15 000 du groupe Boussac, en contrepartie de plus de 1,5 milliard de francs d’aides publiques. Trois ans plus tard, la quasi-totalité des activités du groupe (Peaudouce, Conforama, etc.) ont été liquidées, Arnault ne conservant qu’une partie des participations immobilières jugées les plus intéressantes, aux côtés de Dior Couture et du Bon Marché.     Plus de 11 000 emplois directs sont supprimés dans ce laps de temps. Mais jamais l’État ne lui demandera des comptes, et encore moins le remboursement des aides perçues pour non-respect des engagements. Il faudra l’intervention de la Commission européenne pour forcer l’État français à demander le retour des aides publiques. Et encore ! Bernard Arnault reversera moins de la moitié des aides perçues.

Mais l’aide de l’État ne s’arrête pas. Pendant les débuts du groupe LVMH, le Crédit lyonnais lui consent des lignes de crédit sans limite et prend même une participation. Au moment de la faillite de la banque en 1992, Bernard Arnault (comme Bolloré ou Pinault de leur côté) en profite pour racheter cette participation à vil prix et effacer une partie de sa dette. Dans la panique qui entoure le dossier du Crédit lyonnais, qui a coûté plus de 20 milliards de francs à l’État, on n’y voit que du feu.                                                                                                                                                             Dès cette époque, les pouvoirs publics se mettent en quatre pour « aider ». L’administration fiscale ferme les yeux sur tout, des jeux d’argent en ligne (Betfair) basés dans des paradis fiscaux aux différents montages qui lui permettent d’éluder en grande partie l’impôt, grâce à sa holding et à ses filiales basées dans les paradis fiscaux.      En 2020, le gouvernement Macron va encore plus loin et met le Quai d’Orsay à la disposition des intérêts de LVMH : Jean-Yves le Drian, alors ministre des affaires étrangères, signe une lettre permettant au groupe de suspendre son OPA sur Tiffany. Il en renégocie par la suite les termes et économise plus de 750 millions de dollars.                                                                                                                                                       Aux côtés des pouvoirs publics, de nombreuses collectivités et organismes publics, à commencer par Paris et Versailles, se mettent en quatre pour satisfaire les demandes du groupe, qui réussit à obtenir des contrats et des privilèges dépassant toutes les règles du droit commun, de la concession du Jardin d’acclimatation aux Champs-Élysées, en passant par le jardin de Versailles, l’ancienne École polytechnique, voire le Louvre.   Construisant son succès sur une forme de prédation de l’État, Bernard Arnault aime à se présenter comme une forme de pointe avancée du capitalisme français. Mais c’est là encore une illusion, car si LVMH a prospéré grâce au double soutien de l’État français et du capitalisme d’État chinois, son dirigeant a connu une suite de déboires tragiques qui font douter de ses compétences économiques.

Bernard Arnault est l’exemple de ce qu’il ne fallait pas faire pendant la bulle internet. En 1999, il crée ainsi un fonds spécialisé, nommé Europ@web, et plusieurs sociétés, dont Liberty Surf et eLuxury. En moins de dix-huit mois, le fonds perd plus de 500 millions d’euros. Toutes les sociétés sont en difficulté. Mais la faillite la plus flagrante est celle de Zebank, une plateforme de services bancaires, créée avec la participation de Dexia, banque publique emportée dans la crise de 2008.                       Entre difficultés techniques, projets mal évalués et mauvaises mises en œuvre, la banque ne tient pas sept mois. Elle ferme à l’automne 2001. Elle sera revendue pour moins de 6 millions alors que 150 millions d’euros y auront été investis.   Bien plus attiré par les lumières qu’on ne le pense, Bernard Arnault s’entiche à la même période de Sébastien Bazin, alors dirigeant en France de Colony Capital, coqueluche du monde des affaires, et qui a décidé de prendre une très importante participation dans Carrefour. Bernard Arnault l’imite en 2007 et devient bientôt le premier actionnaire du groupe de distribution, qui est un des premiers bénéficiaires du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).                    __Malgré son talent et les aides publiques, Bernard Arnault n’arrive pas à transformer les pâtes en or, ni à dégager les profits qu’il espérait, preuve, d’ailleurs, de sa piètre connaissance de l’économie française. En 2021, il abandonne piteusement Carrefour en revendant toutes ses actions.

Même dans l’immobilier, son secteur d’origine, Bernard Arnault a connu des déboires. Son expérience de promoteur aux États-Unis a tourné au fiasco. Ferinel, l’entreprise familiale de promotion immobilière, spécialisée dans l’immobilier de loisirs, a disparu dès le milieu des années 1980, n’existant plus que comme holding familiale.

                         La transformation de la Samaritaine, lancée en grande pompe par Emmanuel Macron en 2021, n’est guère plus concluante. Pariant sur les touristes chinois, le groupe n’a pas vu les transformations à l’œuvre depuis le covid. Mal positionné, il ne répond ni aux attentes des Parisiens, ni à celles des touristes.                    Au reste, la preuve que Bernard Arnault, comme les autres milliardaires, se moque profondément de l’intérêt général, c’est son soutien à l’accord passé fin juillet entre l’Union européenne et les États-Unis. Le milliardaire avait clairement exprimé, dans les colonnes du Figaro, qu’il fallait accepter les conditions de Donald Trump, même au prix de mesures douloureuses.   Car ce qui l’intéresse ici, c’est de maintenir son accès au marché états-unien. Peu importe que cet accord sacrifie d’autres secteurs et organise une vassalisation de fait de l’Europe, s’il peut continuer à vendre ses sacs outre-Atlantique. Et pour couronner le tout, LVMH n’hésite pas à investir aux États-Unis, c’est-à-dire à délocaliser une partie de sa production de France, pays dont la marque épuise pourtant l’image dans sa communication.     Ce soutien à Donald Trump, une connaissance de longue date, n’est pas un détail. Il traduit une évolution de l’homme, et plus généralement, de sa classe, vers la nouvelle extrême droite, celle qui s’incarne dans le président états-unien et qui mêle un discours de liberté pour les capitaux avec une tendance autoritaire, xénophobe et réactionnaire.....                                                                                                                                        Ce qui se dessine à travers les déclarations de Bernard Arnault, c’est le nouveau régime dans lequel le capitalisme est sur le point d’enserrer la société.   Dans ce régime, le capital est intouchable, même symboliquement, et la question de la redistribution est limitée à celle entre les catégories de travailleurs, sur des critères ethniques et nationaux. Cette logique induit une destruction systématique des normes, sociales et environnementales, réduites à une bureaucratie inutile. En avril, Bernard Arnault avait d’ailleurs, lors de l’assemblée générale des actionnaires de LVMH, repris la rhétorique classique de l’extrême droite contre la bureaucratie et les normes de l’Union européenne qui « amplifient » les problèmes français.                                                                                  Le débat sur la taxe Zucman constitue, pour les capitalistes français, un moment important. Désormais, leur tolérance au moindre impôt, même le plus modéré comme celui-ci, qui est soutenu par le Parti socialiste et ne modifie aucun grand équilibre de pouvoir économique, est nulle.    Pour augmenter son taux de profit, le capital ne tolère plus aucune frustration, ni équité fiscale, ni norme environnementale, ni droit du travail. La seule contrainte qu’il accepte est celle de la puissance, c’est-à-dire du rapport de force. C’est pourquoi il est prêt à accepter les conditions nouvelles d’accès au marché états-unien. Mais cette concession doit se payer directement par la destruction de l’État social et des protections des travailleurs sur son marché intérieur aux fins de compensation.                  Caricature de la réalité, destruction du lien social et de l’environnement, intolérance à la frustration et glorification de la loi du plus fort : le nouveau visage du capitalisme se confond avec l’extrême droite. Et Bernard Arnault en est l’incarnation. Il n’est certainement pas un parangon de sagesse ou de savoir sur l’économie, il est seulement le porte-voix du capital prédateur radicalisé. Une radicalisation qui nous projette dans le désastre. "  [Merci à Médiapart et à Romaric Godin et Martine Orange]

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