Une escalade brutale
Quelle alternative?
Demolition Man veut faire le ménage. Radicalement. En élargissant le champ de ses cibles. Les menaces se font plus précises, plus ciblées, plus radicales, plus insensées. Dans tous les domaines. Il n'y aura bientôt plus une voix d'opposition. pour contester l'arbitraire de ses mesures. La montée d'un national capitalisme autoritaire se précise de jours en jours, même contre les critiques les plus mesurées. Les Démocrates sont KO, incapables pour l'instant de réagir collectivement, comme paralysés par la peur. La captation des ressources peut continuer sans règles. Le spectre d'un fascisme numérique se précise. On assiste à une polarisation extrême et dangereuse, __ Quel avenir pour l'opposition aujourd'hui dispersée?...
"...L’assassinat de l’influenceur d’extrême droite Charlie Kirk sert de prétexte à une offensive présidentielle contre la gauche, « radicale » ou pas. Au moment même où le Parti démocrate est bousculé par son aile « socialiste », que reste-t-il des modérés ?... Le parti parti est divisé depuis la défaite de la candidate démocrate Kamala Harris, vice-présidente de Joe Biden, en novembre 2024, face à Donald Trump. Dans un premier temps, les démocrates, sonnés, ont semblé muets face à l’autoritarisme présidentiel. Puis, peu à peu, des voix se sont fait entendre. Notamment celles, à l’aile gauche du parti, des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA, Democratic Socialists of America), qui, constate Mathieu Bonzom, « utilisent de manière un peu opportuniste les primaires », comme à l’occasion de l’élection municipale de New York, mais sont « loin d’avoir accumulé assez de pouvoir pour exister indépendamment avec l’éventualité, un jour, de remplacer le Parti démocrate par un parti véritablement de gauche ».
L’autre tendance au sein du parti est incarnée par le gouverneur de Californie, Gavin Newsom. Elle a embrassé la théorie du « libéralisme de l’abondance », décriée par ses opposant·es comme une nouvelle manière d’inscrire les démocrates dans le projet néolibéral. Pour se faire entendre, Newsom reprend les méthodes de Donald Trump, notamment en ligne, pour le combattre sur son propre terrain. « Nous allons combattre le feu par le feu », disait-il – avant l’assassinat de Charlie Kirk. Mediapart : Au vu des attaques de Donald Trump et de son entourage contre la « gauche radicale » depuis l’assassinat de Charlie Kirk, le Parti démocrate lui-même est-il menacé ? ____Mathieu Bonzom : Je pense que c’est toute la société qui est prise dans une escalade de la violence politique. Et le terme de « violence politique » caractérise assez bien une bonne partie de ce qui se déchaîne aux États-Unis depuis le retour de Trump : violence de la police de l’immigration qui tend même à s’affranchir de l’État de droit et est parfois utilisée comme véritable police politique ; violence des déploiements de l’armée au nom du maintien de l’ordre (garde nationale...) ; violence des coupes dans ce qu’il reste de services publics, dans les budgets de la santé, violence du saccage d’un grand nombre d’agences publiques, de l’accumulation de pouvoir économique et politique entre les mains de grands capitalistes, notamment de la tech ; violence des entraves à de multiples libertés fondamentales. Face à cela, les démocrates espèrent une fois de plus jouer le rôle de moindre mal. Ils criaient au fascisme pendant la campagne en 2024, leurs actes aujourd’hui ne sont pas en accord avec leurs mots d’hier. Leur prétention à défendre les libertés est minée auprès de la population par leur déni des injustices sociales du capitalisme. Par ailleurs, ils n’avaient pas hésité à piétiner certaines libertés sous l’administration Biden, notamment pour casser la mobilisation d’étudiant·es et d’universitaires contre le génocide en Palestine. Je n’ai pas le sentiment que les démocrates en tant que tels soient le pire ennemi de Trump. Socialement, ce serait plutôt les immigré·es, les musulman·es, les minorités de race et de genre, les salarié·es et les pauvres... et politiquement ce serait plutôt la gauc
L’assassinat de Charlie Kirk sert de prétexte à une surenchère de violence verbale, qui entraîne les États-Unis vers une escalade. Les cibles sont multiples, l’enjeu va bien au-delà du Parti démocrate. Et cette année 2025 n’aura fait que confirmer que ce ne sont pas les structures et les figures du Parti démocrate qui prendront des initiatives de nature à stopper le déchaînement du trumpisme. La gauche se retrouve avec des responsabilités sans doute disproportionnées par rapport à ses forces actuelles. Cependant, des masses de gens pourraient refuser, et refusent déjà, de laisser Trump poursuivre dans sa voie, des occasions d’agir se présenteront forcément.
« Une base politique existe pour une contre-offensive », expliquiez-vous dans un article publié sur le site de la revue « Contretemps ». Qu’entendez-vous par là ?
Je voulais dire par là que si on prend simplement la taille et l’implantation géographique des manifestations « No Kings » du 14 juin, plusieurs millions de personnes dans des villes de toutes tailles et de toutes régions, cela reflète une volonté massive et répartie dans tout le pays – pas seulement dans quelques bastions progressistes – de faire face à Trump et de ne pas se laisser faire. La question plus difficile est de savoir quelle voie pourra emprunter cette contre-offensive, au-delà d’une journée comme celle-là.
C’est bien évidemment une réaction aux premiers mois du second mandat de Donald Trump, mais aussi, il ne faut pas l’oublier, le fruit de tendances de long terme. En effet, depuis dix ans, un espace politique s’est structuré du côté gauche du Parti démocrate, qui a tiré profit des primaires, de manière tactique, pour gagner en popularité et s’organiser en faveur des idées socialistes. On a donc assisté à un double mouvement avec, d’une part, les primaires servant d’espace de diffusion large pour les idées socialistes et, d’autre part, la construction d’une organisation, les Socialistes démocrates d’Amérique, qui n’a cessé de grandir au fil des campagnes électorales pour se maintenir ces dernières années entre 75 000 et 100 000 membres. La campagne de Mamdani est un aboutissement de ce processus, elle en porte les grandes tendances et les pousse encore un peu plus loin. Il a assumé des positions très offensives sur différentes questions : gel des loyers et construction de logements, accès à une alimentation abordable grâce à des commerces municipaux, bus gratuits, le tout financé en proposant de réformer la fiscalité sur les entreprises et les riches, en l’alignant sur celle du New Jersey voisin. La question de la Palestine aussi a joué un rôle important, du fait de l’opposition populaire à l’action des États-Unis, qui n’est pourtant remise en cause par aucun ténor politique : Mamdani a été interpellé pour ses prises de position mais au final elles l’ont renforcé, et non affaibli. Cela permet à un représentant des DSA d’imaginer être élu pour la première fois à un des postes les plus élevés auxquels les nouveaux socialistes ont pu prétendre jusqu’ici, celui de maire de New York. C’est une des particularités du système politique états-unien. De manière générale, les partis ne contrôlent pas eux-mêmes les règles des primaires. Il suffit d’être inscrit sur les listes électorales en tant qu’électeur d’un parti donné pour avoir le droit – et c’est en général le seul droit que ça donne en réalité – de voter aux primaires et de se présenter. C’est l’État qui décide de qui a le droit ou non de se présenter et non le parti. Mais, dans le même temps, vu la configuration politique historique du pays, le système est vraiment dominé par les deux grands partis, les républicains et les démocrates. Et donc il est quasiment impossible, sauf dans certaines régions très particulières, d’arriver à percer hors de l’un de ces deux partis. Bernie Sanders avait montré la voie, même s’il n’a pas été membre des DSA. Ensuite s’est imposée l’idée de systématiser cette pratique, parce que c’est en fait la seule manière de participer vraiment électoralement si on ne veut pas juste être un petit candidat marginal. Je ne pense pas du tout que cette division fasse la force du parti. Le Parti démocrate est en crise. Les deux camps que vous identifiez représentent des forces inégales et des dynamiques opposées. Celui qui reste le plus fort est celui qui, historiquement et encore aujourd’hui, contrôle le Parti démocrate : c’est un camp centriste proche des milliardaires, mais il est en perte de vitesse. Il n’arrive plus à fédérer comme avant les classes populaires. L’autre camp est celui de cette gauche dont je parlais précédemment et qui utilise de manière un peu opportuniste les primaires. Il est loin d’avoir accumulé assez de pouvoirs pour exister indépendamment avec l’éventualité un jour de remplacer le Parti démocrate par un parti véritablement de gauche. Mais il a clairement le vent en poupe. Pouvait-on imaginer il y a dix ans qu’en 2025 New York élirait un maire socialiste ? C’est pourtant à portée de main aujourd’hui. Je pense aussi effectivement que le risque existe. J’ai envie de répondre en me demandant quel est le but final des socialistes. Pensent-ils vraiment pouvoir finalement transformer le Parti démocrate de l’intérieur ou assistera-t-on un jour à une rupture ? Si des figures comme Bernie Sanders ou Alexandria Ocasio-Cortez semblent pencher pour la première solution, les DSA considèrent qu’à terme une rupture sera inévitable. Dans tous les cas, je pense que les démocrates ne sont pas en train de prendre le chemin de se réinventer complètement et de rompre véritablement avec leur politique passée. Prenons par exemple Gavin Newsom. Le gouverneur de Californie entretient des liens étroits à la fois avec la tech et l’industrie, notamment pétrolière et gazière. Il se pose en opposant de Trump, mais reprend certaines de ses méthodes… Mais on pourrait aussi revenir à New York et Andrew Cuomo, démocrate qui, comme je le rappelais dans mon texte pour Contretemps, incarne bien tout ce qui fait le discrédit moral et politique du parti. Celui-ci bénéficie aussi bien du soutien de grandes figures de son parti que de celui de Trump, qui semble aujourd’hui manœuvrer pour que Mamdani soit face à un seul candidat : Cuomo.
La question est difficile, à tel point que l’on voit émerger des candidatures indépendantes, comme celle de Dan Osborn dans le Nebraska, un leader syndical qui se présente en prenant la défense des salarié‧es et des petites entreprises (y compris agricoles) contre le sénateur républicain Pete Ricketts, un milliardaire. C’est une démarche parmi d’autres, mais qui pourrait contribuer, au cœur de l’électorat populaire républicain, à faire payer à Trump le prix de sa politique en faveur des riches. [Merci à Mediapart et à François Bougon __souligné par moi . _______________
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