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lundi 19 octobre 2015

Dormir, dit-il...

  Temps perdu?

                          ...Etre, ou ne pas être, c'est là la question. Y a-t-il plus de
noblesse d'âme à subir la fronde et les flèches de la fortune
outrageante, ou bien à s'armer contre une mer de douleurs et à l'arrêter
par une révolte ?. Mourir... dormir, rien de plus ;... et dire que par ce
sommeil nous mettons fin aux maux du coeur et aux mille tortures
naturelles qui sont le legs de la chair : c'est là un dénouement qu'on doit
souhaiter avec ferveur. Mourir... dormir, dormir ! peut-être rêver ! Oui, là
est l'embarras. Car quels rêves peut-il nous venir dans ce sommeil de la
mort, quand nous sommes débarrassés de l'étreinte de cette vie ?. Voilà
qui doit nous arrêter...

                                          Le sommeil: cette petite mort, cet effacement temporaire mais  peuplé de vie fantasmatique: souhaité et parfois redouté, mais si impérieusement vital.
Le petit enfant se construit dans et par le sommeil
Priver l'homme de sommeil est une forme de torture et mène vite à la mort.
     Que de temps perdu! sommes-nous parfois tentés de dire
Vain regret!
  Et pourtant, les rythmes industriels ont colonisé le repos nocturne et la recherche s'active pour rendre l'homme pour un temps indépendant du sommeil, pour gagner notamment en vigilance dans l'activité militaire, jugée plus efficace si elle ne s'interrompt pas.
   Ne plus dormir: un rêve fou qui traverse nos sociétés et nos consciences, dans la maîtrise de pouvoir prométhéen.
  Dormir moins pour travailler et consommer plus?
Un  cauchemar  mortel plutôt...
      Et notre droit aux songes?
Dans notre monde de plus en plus hyperconnecté, aux sollicitations de plus en plus nombreuses et pressantes, qui bousculent nos consciences et anesthésient notre sens critique, ce monde de trading haute fréquence où la nuit, temps mort, finit pas devoir s'effacer, il est urgent de résister.
...Pour le capitalisme d’aujourd’hui, le sommeil est conçu, « à l’instar de beaucoup d’autres choses, comme une fonction variable qu’il s’agit de gérer, et qui ne se définit plus que de façon instrumentale et physiologique ». Aussi s’efforce-t-on de le « domestiquer », de l’harnacher, de telle sorte que la part qu’on lui consacre soit de plus en plus réduite. Crary rappelle ainsi, au tout début de son essai, les recherches menées par l’armée américaine pour faire en sorte qu’un soldat puisse rester, privé de sommeil, pendant plusieurs jours consécutifs.
Le capitalisme parviendra-t-il un jour à coloniser entièrement le sommeil, à le transformer en une marchandise semblable à toutes les autres ? Sans se cacher la réalité, Crary se montre à cet égard plutôt optimiste. Pour l’instant. Pour lui, cela paraît peu probable, comme il le précise dans une entrevue au sujet de son livre : « Toutes nos aspirations vitales - la faim, la soif, le désir sexuel et, plus récemment, notre besoin d'amis - sont désormais matérialisées et font l'objet d'un commerce lucratif. À l'inverse, le repos est peut-être le seul besoin humain qui ne peut être vendu ou branché à la grosse machine de la rentabilité. Absolument rien de valeur ne peut en être extrait. » (Le Point)

    Cette ultime forteresse de la liberté qu'est le sommeil, saurons-nous la défendre, sans nous laisser gagner par la dévoration du rendement sans fin et la dictature des désirs et des images  imposés, sans nous laisser glisser somnanbuliquement vers l'anesthésie de la servitude volontaire.
   Résister, jusque dans la sieste réparatrice...
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