Sur deux maux principaux
_______________________Les tendons d'Achille du système_______
1)____Le système capitaliste va de crise en crise. Ce n'est pas nouveau.__
C'est dans sa nature de créer sans le vouloir et toujours le savoir des conditions qui, à certains moments de son développement, mettent en péril sa logique et ses fondements même, le forçant à se renouveler ou à disparaître.
Les libéraux le reconnaissent eux-mêmes, mais pensent que c'est un processus naturel, quasi-darwinien, qui serait justement un aspect essentiel du progrès du système lui-même, son moteur historique...
Mais aujourd'hui, les dogmes libéraux sont en crise.
Même des banquiers ou des économistes classiques, depuis les débuts de la crise, s'interrogent, à la suite de Marx, sur les causes d'un phénomène qui s'étend et s'approfondit, comme Artus__(1), Aglietta...Gadrey, l'américain Michael PARENTI et même le très libéral The Economist, qui reconnaît que : " « le culte du court terme a produit des résultats pervers »,
poussant les managers à prendre de gros risques pour atteindre
les résultats annoncés (et ainsi toucher leurs stocks options). Il
souligne que le temps de possession d’une action est passé de 8 ans dans
les années 1960 à 4 mois aujourd’hui et rappelle que
Peter Drucker disait que « les résultats à long terme ne peuvent pas être atteints en additionnant les résultats à court terme » et souligne que les entreprises cotés
investissent 4% de leurs actifs contre 10% pour celles qui ne le sont pas."
Paul
Poleman, président d’Unilever, qui ne publie
plus l’ensemble des résultats financiers, chaque trimestre avait affirmé à Davos que
« les managers de hedge funds vendraient leur
grand-mère pour faire du profit ».
Un exemple, celui de l'entreprise DELL met met en évidence le rôle pervers que joue l'actuel actionnariat sur l'investissement et le rôle déstabilisateur de la financiarisation généralisée et mondialisée:
"... Ce qui constitue le néo-libéralisme, dernier avatar du capitalisme
mutant, c’est la mondialisation économique sans barrière et le primat de
l’actionnaire, qui a complètement perverti l’usage même des marchés
d’action. Ce dernier point se révèle particulièrement nocif pour les
salariés, on le voit en France avec Sanofi par exemple, où les
actionnaires imposent la suppression de postes de chercheurs pour
augmenter les dividendes. Mais à moyen terme, il condamne les
entreprises elles-même.
A l’origine et en théorie, quand une
entreprise entre en bourse, c’est pour se faire financer, lever des
fonds auprès d’actionnaires pour lui permettre d’investir, se
développer. Aujourd’hui, c’est l’entreprise qui finance l’actionnaire
qui, s’estimant propriétaire et sans limite, réclame des dividendes de
plus en plus importants. De même empêche-t-ils les investissements tant
que la rentabilité sur le capital investi (ROI dans le jargon) n’atteint
pas des sommets de plus en plus élevés. De fait, les grands groupes
sont assis sur des montagnes d’or, qui ne servent à rien, à part à
justifier les hausses régulières de dividendes.."
366 milliards d’euros sommeillent dans les
coffres des sociétés cotées. Un pactole qui sert surtout à contenter les
actionnaires plutôt que d’investir pour relancer l’économie et
l’emploi.
Le développement des fonds de pension est un des éléments de ces dérives.
_____2) Les inégalités engendrées par le système sont sources d’instabilité, selon l'économiste américain Nouriel Roubini, le seul qui ai vu venir la crise bien avant ses premières manifestations visibles
"L’augmentation de
l’endettement tant dans le secteur privé que dans le secteur public et
les bulles correspondantes des actifs et du crédit sont en partie la
conséquence des inégalités. Une faible croissance des revenus pour tout
le monde sauf pour les plus riches au cours des dernières décennies a
généré une tension entre moyens financiers et envies de consommation.
Les pays anglo-saxons ont réagi en démocratisant le crédit – par une
libéralisation financière – ce qui a accru la dette privée, les ménages
empruntant davantage pour consommer. En Europe, les ressources fiscales
ne permettant plus de financer suffisamment les services publics
(l’éducation, les soins gratuits, etc.), les autorités ont creusé le
déficit public et la dette. Dans les deux cas, la dette a fini par
atteindre un niveau insoutenable.
Dans les pays avancés, les
entreprises ont supprimé des emplois en raison d’une demande finale
insuffisante, ce qui conduit à un excès de capacité productive et pose
question quant à l’avenir. La suppression d’emplois diminue encore la
demande finale, car elle réduit les revenus du travail et accroît les
inégalités. Le coût du travail d’une entreprise constituant les revenus
de ses salariés et suscitant leur demande de consommation, une mesure
rationnelle au niveau d’une entreprise peut-être destructive au niveau
de la société prise dans son ensemble.
De ce fait l’économie de
marché ne génère pas une demande finale suffisante. Par exemple aux USA
la diminution du coût du travail a fortement réduit la part du revenu
des salariés dans le PIB. Le crédit devenant rare, avec la plus faible
propension marginale des entreprises, des détenteurs de capitaux et des
ménages aisés à dépenser, les conséquences de décennies de
redistribution inéquitable des revenus et des richesses sur la demande
agrégée (du travail vers le capital, des salaires vers les profits, des
pauvres vers les riches et des ménages vers les entreprises) sont
devenues plus marquées.
Ce problème n’a rien de neuf.
Karl Marx a exagéré les mérites du socialisme, mais il avait raison de
dire que la mondialisation, le capitalisme effréné et la redistribution
des revenus et des richesses issues du travail au profit du capital
pouvaient conduire le capitalisme à s’auto-détruire. Ainsi qu’il le
proclamait, le capitalisme sauvage peut entraîner des épisodes de
surcapacité, de sous-consommation et un retour cyclique de crises
financières destructrices alimentées par l’éclatement des bulles du
crédit et du prix des actifs.
Même avant la Grande
dépression, les classes “bourgeoises” éclairées européennes
reconnaissaient que pour éviter une révolution il était nécessaire de
protéger les droits des salariés, d’augmenter leurs revenus et
d’améliorer leurs conditions de travail, de redistribuer les richesses
et de financer les biens publics (l’éducation, la santé et système de
protection sociale). La pression en faveur d’un Etat-providence moderne a
augmenté après la Grande dépression, lorsque l’Etat a assumé la
responsabilité de la stabilisation macroéconomique. Il lui a fallu pour
cela entretenir une classe moyenne importante en renforçant les biens
publics par une fiscalité progressive et en donnant à tous une chance de
réussir..."