Dans les starting block
La bataille de Paris est déjà engagée.
Paris n'est pas Vesoul et vaut bien une messe.
Paris outragé, mais Paris libéré....
C'est (déjà) parti!
Maire de la capitale: une consécration ou un tremplin.
Il faut bien succéder à la Reine-Maire.
Rachida, Griveaux, etc.... Certains, même imberbes, vont même jusqu'à déserter le Palais pour se mettre sur les rangs. On ne sait jamais...Mieux vaut être maître chez soi que valet au Palais.
Faire de la politique autrement, disaient-ils....
Pour suivre les pas de Etienne Marcel, qui entendait contrôler le pouvoir monarchique au sein de la plus grande agglomération occidentale de l'époque. Aujourd'hui, la Macronie a aussi ses ambitions sur la capitale.
Qui va mener les travaux du Grand Paris et laisser sa marque dans l'avenir?
Et ajouter son nom à la liste prestigieuse des Maires de la capitale, depuis JS Bailly?.
CARNET DE BORD D'UN PASSEUR FATIGUE MAIS EVEILLE...QUI NE VEUT PAS MOURIR (TROP) IDIOT. _____________________________________________________ " Un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile." [Thucydide]--------------------- " Le goût de la vérité n'empêche pas de prendre parti " [A.Camus]
Ça va jazzer
https://www.jazzradio.fr/
dimanche 31 mars 2019
samedi 30 mars 2019
British Spring
L'échec ou l'échouage?
En attendant Godot.
On attend, un peu à l'avance, une nouvelle fois, la fin May.
Tous ont renoncé à comprendre et dérivent dans la Mer du Nord sur un esquif qui a perdu sa boussole et son moteur.
Même les meilleurs journalistes, désemparés. Même Nigel Farage.
Encore quelques jours avant de sombrer?
On s'achemine vers un No Deal le 12 avril, dans la stupeur et la rage.
Teresa s'acharne à maintenir une barre devenue folle.
C'est le Royaume de UBU.
Le paradis libéral va-t-il devenir un enfer?
On n'y comprend plus rien. C'est normal, disent certains Britanniques, qui n'y voient pas plus clair eux non plus, dans le smog et le mess ambiants.
A qui va-t-on faire finalement porter le chapeau?
Celui de l'échouage annoncé, is not it?
Un mauvais sketch des Monty Python.
A moins que....
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En attendant Godot.
On attend, un peu à l'avance, une nouvelle fois, la fin May.
Tous ont renoncé à comprendre et dérivent dans la Mer du Nord sur un esquif qui a perdu sa boussole et son moteur.
Même les meilleurs journalistes, désemparés. Même Nigel Farage.
Encore quelques jours avant de sombrer?
On s'achemine vers un No Deal le 12 avril, dans la stupeur et la rage.
Teresa s'acharne à maintenir une barre devenue folle.
C'est le Royaume de UBU.
Le paradis libéral va-t-il devenir un enfer?
On n'y comprend plus rien. C'est normal, disent certains Britanniques, qui n'y voient pas plus clair eux non plus, dans le smog et le mess ambiants.
A qui va-t-on faire finalement porter le chapeau?
Celui de l'échouage annoncé, is not it?
Un mauvais sketch des Monty Python.
A moins que....
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vendredi 29 mars 2019
Printemps algérien
Heureusement, il y a l'humour.
Promesse de printemps.
Le meilleur terreau pour faire germer un nouvel espoir.
Trop de temps perdu, après les années noires...
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Promesse de printemps.
Le meilleur terreau pour faire germer un nouvel espoir.
Trop de temps perdu, après les années noires...
jeudi 28 mars 2019
Les paradis, c'est fini...
Une antienne qui revient depuis des années.
Il est très drôle M.Moscovici.
Pour lui, « Que ça vous plaise ou pas, il n’y a pas de paradis fiscal dans l’UE, mais sans aucun doute des pays qui encouragent à l’excès l’optimisation fiscale. Caricature et réflexe pavlovien anti-européen ne suffisent pas à faire une vérité. » Une distinction fort subtile, mais qui, selon l’ancien ministre de l’économie et des finances devrait le dédouaner de toute accusation. Pour lui : mélanger « paradis fiscaux »et « pays qui encouragent à l’excès l’optimisation fiscale » serait une « caricature »contraire à la vérité.
Il a dû être inspiré par son patron luxembourgeois, toujours de bon conseil.
L'optimisation, c'est vrai, c'est plus cool que l'évasion et cela se fait dans le règles plus ou moins claires des pays qui en stimulent la pratique., nous dit-on.
Selon les études récentes et appréciées de Zucman et de bien d'autres, il y a d'importantes richesses cachées tout près de chez nous et l'Europe n'est pas blanche comme neige. Tant d'argent échappe à l'impôt, c'est à dire à la redistribution, entre autre.
La fête continue, sous des formes diverses.
Pas seulement aux Bahamas. Au moins quatre pays en Europe peuvent être caractérisés de paradis fiscaux...Il n'y a pas que les paradis exotiques. La Hongrie n'est pas à l'écart, pas plus que la Belgique et bien d'autres....
______
Sur quoi Pierre Moscovici s’appuie-t-il pour défendre cette subtile distinction ? Il faut revenir à son entretien sur RTL où il explique qu’un paradis fiscal est une juridiction « qui ne respecte pas les règles de bonne gouvernance internationale ». De ce strict point de vue, effectivement, le commissaire a raison : les pays de l’UE respectent tous ces règles. Mais cela pose alors immédiatement une autre question : qui décide de ces règles et sur quels critères ? En réalité, Pierre Moscovici considère que n’est un « paradis fiscal » que celui qui figure sur les listes de paradis fiscaux. Mais ces listes sont le fruit de compromis politiques qui nuisent très fortement à leur crédibilité. Ainsi, selon la définition de l’OCDE, il n’y a tout simplement plus de vrais paradis fiscaux « non coopératifs » dans le monde entier...
...Pierre Moscovici rejoindrait ainsi largement l’éditorialiste des Échos Dominique Seux qui, la semaine passée sur France Inter, où il tient chronique quotidienne, affirmait que critiquer les paradis fiscaux était une « forme de complotisme », car en réalité « il n’y a pas de trésor caché ». ...
Gabriel Zucman, économiste à l’université de Berkeley, a estimé dans son ouvrage La Richesse cachée des nations (éditions du Seuil), publié en 2017, que 7 900 milliards de dollars étaient placés dans les paradis fiscaux pour échapper aux fiscs nationaux. Dès lors, il semble nécessaire d’élargir la définition du paradis fiscal si l’on veut prendre en compte la « vérité », comme prétend le faire Pierre Moscovici....
La réalité est plus simple que celle que présente Pierre Moscovici. Lorsque des capitaux quittent la France pour Jersey, ce n’est certainement pas pour que son propriétaire puisse profiter tranquillement des pubs de Saint-Hélier ou de la vue sur la Manche. C’est un flux visant à un seul but : échapper à l’impôt. Et peu importe que Jersey ne soit sur aucune liste. On n’y amène pas ses fonds pour jouir des perspectives économiques radieuses du bailliage anglo-normand, mais pour échapper au taux d’impôt national. « La première motivation qui pousse à transférer des fonds dans un paradis fiscal est d’échapper à l’impôt », rappelle heureusement Anne-Laure Delatte dans un article de L’Économie mondiale 2018 (éditions La Découverte). Que cela plaise ou non à Pierre Moscovici......
Il est très drôle M.Moscovici.
Pour lui, « Que ça vous plaise ou pas, il n’y a pas de paradis fiscal dans l’UE, mais sans aucun doute des pays qui encouragent à l’excès l’optimisation fiscale. Caricature et réflexe pavlovien anti-européen ne suffisent pas à faire une vérité. » Une distinction fort subtile, mais qui, selon l’ancien ministre de l’économie et des finances devrait le dédouaner de toute accusation. Pour lui : mélanger « paradis fiscaux »et « pays qui encouragent à l’excès l’optimisation fiscale » serait une « caricature »contraire à la vérité.
Il a dû être inspiré par son patron luxembourgeois, toujours de bon conseil.
L'optimisation, c'est vrai, c'est plus cool que l'évasion et cela se fait dans le règles plus ou moins claires des pays qui en stimulent la pratique., nous dit-on.
Selon les études récentes et appréciées de Zucman et de bien d'autres, il y a d'importantes richesses cachées tout près de chez nous et l'Europe n'est pas blanche comme neige. Tant d'argent échappe à l'impôt, c'est à dire à la redistribution, entre autre.
La fête continue, sous des formes diverses.
Pas seulement aux Bahamas. Au moins quatre pays en Europe peuvent être caractérisés de paradis fiscaux...Il n'y a pas que les paradis exotiques. La Hongrie n'est pas à l'écart, pas plus que la Belgique et bien d'autres....
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Sur quoi Pierre Moscovici s’appuie-t-il pour défendre cette subtile distinction ? Il faut revenir à son entretien sur RTL où il explique qu’un paradis fiscal est une juridiction « qui ne respecte pas les règles de bonne gouvernance internationale ». De ce strict point de vue, effectivement, le commissaire a raison : les pays de l’UE respectent tous ces règles. Mais cela pose alors immédiatement une autre question : qui décide de ces règles et sur quels critères ? En réalité, Pierre Moscovici considère que n’est un « paradis fiscal » que celui qui figure sur les listes de paradis fiscaux. Mais ces listes sont le fruit de compromis politiques qui nuisent très fortement à leur crédibilité. Ainsi, selon la définition de l’OCDE, il n’y a tout simplement plus de vrais paradis fiscaux « non coopératifs » dans le monde entier...
...Pierre Moscovici rejoindrait ainsi largement l’éditorialiste des Échos Dominique Seux qui, la semaine passée sur France Inter, où il tient chronique quotidienne, affirmait que critiquer les paradis fiscaux était une « forme de complotisme », car en réalité « il n’y a pas de trésor caché ». ...
Gabriel Zucman, économiste à l’université de Berkeley, a estimé dans son ouvrage La Richesse cachée des nations (éditions du Seuil), publié en 2017, que 7 900 milliards de dollars étaient placés dans les paradis fiscaux pour échapper aux fiscs nationaux. Dès lors, il semble nécessaire d’élargir la définition du paradis fiscal si l’on veut prendre en compte la « vérité », comme prétend le faire Pierre Moscovici....
La réalité est plus simple que celle que présente Pierre Moscovici. Lorsque des capitaux quittent la France pour Jersey, ce n’est certainement pas pour que son propriétaire puisse profiter tranquillement des pubs de Saint-Hélier ou de la vue sur la Manche. C’est un flux visant à un seul but : échapper à l’impôt. Et peu importe que Jersey ne soit sur aucune liste. On n’y amène pas ses fonds pour jouir des perspectives économiques radieuses du bailliage anglo-normand, mais pour échapper au taux d’impôt national. « La première motivation qui pousse à transférer des fonds dans un paradis fiscal est d’échapper à l’impôt », rappelle heureusement Anne-Laure Delatte dans un article de L’Économie mondiale 2018 (éditions La Découverte). Que cela plaise ou non à Pierre Moscovici......
Pierre Moscovici aurait pu, par exemple, se souvenir des récentes affaires de blanchiment massif d'argent russe au Danemark, Suède, Allemagne et Estonie. Il aurait pu aussi se souvenir des Malta Files, publiées par Mediapart en 2017, et qui faisait la longue liste des pratiques douteuses de l’île méditerranéenne où, rappelons-le tout de même à notre commissaire, une journaliste, Daphne Caruana Galizia, a été assassinée pour avoir enquêté sur les réseaux de blanchiment dans ce pays. Mais pas de quoi voir là un quelconque « paradis fiscal » pour Pierre Moscovici. Plus généralement, l’association Oxfam a retraité les critères de la liste noire de l’UE sur les pays membres et est parvenue à la conclusion que cinq d’entre eux (Luxembourg, Malte, Chypre, Irlande et Pays-Bas) n’en respectaient pas au moins un, ce qui les plaçait immédiatement sur la liste noire. On sait que Pierre Moscovici tentera de disqualifier le travail d’Oxfam (qu’il utilise pourtant par ailleurs sur son blog concernant les inégalités, une des conséquences de l’existence des paradis fiscaux, mais ce n’est qu’une des multiples contradictions de ce personnage), mais l’association a constitué une banque de données solide pour justifier ce résultat. De surcroît, un rapport du Parlement européen de mars 2019 a identifié sept paradis fiscaux dans l’UE (les cinq déjà cités, plus la Belgique et la Hongrie). Ce rapport a été adopté le 26 mars 2019 et se veut très sévère pour ces États membres. En clair : l’argutie juridique du commissaire ne repose sur rien d’autre que ses propres choix politiques. C’est un discours vide et refermé sur lui-même, loin des réalités. Que cela lui plaise ou non.....
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mercredi 27 mars 2019
L'argent et le politique
Ambiguïté du problème
[Notes sur un problème majeur en démocratie]
Pas d'exercice de la politique sans argent, mais l'argent fait souvent mauvais ménage avec la politique... telle qu'elle devrait être.
A plusieurs niveaux.
Il faut de l'argent pour faire fonctionner les rouages de l'Etat, comme pour assurer ses missions essentielles, mais il en faut aussi pour rétribuer (justement) les élus et pour assurer, sans discrimination, leur accession à la représentation nationale, qu'elle quelle soit.
Si l'Etat ne joue pas correctement son rôle, si l'argent joue un jeu trouble, de quelque manière que ce soit, la démocratie (ou du moins son espérance) sera vite en question et aboutira au mieux à un système vicié.
La démocratie a un coût, qui doit être assumé équitablement par tous, selon ses moyens.
"...La démocratie a un coût, assumé par les contribuables français depuis la fin des années 1980 et la législation sur le financement public des partis politiques et des campagnes électorales. Nées, déjà, des révélations journalistiques sur les pratiques illégales des partis, de gauche comme de droite, ces nouvelles dispositions permettent aux formations politiques de bénéficier de sommes publiques qui ne sont aucunement négligeables et qui sont complétées par des remboursements forfaitaires des frais de campagnes électorales (voir ici le site de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et voir là celui de la Commission pour la transparence financière de la vie politique)...."
Julia Cagé nous invite à prendre nos distances à l’égard d’une simple célébration de la « bonne santé d’une ‘démocratie à la française’ bien loin des dérives américaines » (p. 67). De fait, aux États-Unis les sommes investies dans les campagnes donnent le vertige : les entreprises peuvent financer massivement des causes via les Political Action Committees (PACs) et les politiques publiques avantagent massivement les plus fortunés. Tout cela a même conduit les politologues Gilens et Page à conclure que les États-Unis correspondaient de facto à une société oligarchique [1]. Les dérives états-uniennes sont donc bien réelles.
Mais dans tous les pays étudiés par Cagé, y compris la France et le Canada, la dynamique est similaire : les préférences des riches sont systématiquement satisfaites alors que celles des classes populaires sont mises de côté, sauf rare et heureuse harmonie entre les deux. C’est ce que Gilens et Page qualifient de « démocratie par coïncidence », dans laquelle les préférences des classes populaires ne sont prises en compte que si elles se trouvent, pour diverses raisons, coïncider avec celles des plus aisés. Il est vrai que la France se caractérise par une politique de plafonnement de dons (ainsi les dons de personnes privées aux partis ou regroupements sont plafonnés à 7500 euros) et par l’interdiction faite aux personnes morales (dont les entreprises) d’y avoir recours. Mais ce que montre Cagé, c’est que de telles mesures n’éliminent pas tout rapport problématique entre argent et politique. Surtout, elle montre les effets pervers des mesures fiscales structurant le financement de la vie politique française. L’auteure prend l’exemple d’un individu disposant d’un revenu annuel (imposable) de 100 000 euros et donnant 7500 euros. L’État va déduire 66% de cette somme de ses impôts, soit 4950 euros, pour un don qui coûtera en réalité 2550 euros. Pour un citoyen touchant 9700 euros par an (seuil minimum à partir duquel est célibataire est imposable), un don de 7500 euros lui revient réellement à 7500 euros. Bref, le système de financement est à l’avantage des plus fortunés qui voient leurs contributions subventionnées par la force publique.
Afin de rénover notre démocratie, Cagé fait trois propositions ambitieuses : 1) une limitation drastique du financement privé de la démocratie (limite fixée à 200 euros par année) ; 2) la mise en place de « bons pour l’égalité démocratique » (BDE) afin de renouveler le financement des partis et des mouvements politiques. Chaque citoyen, au moment de sa déclaration d’impôts, pourra choisir le parti ou mouvement qui bénéficiera de son « bon », soit un montant annuel de 7 euros d’argent public ; 3) l’établissement d’une Assemblée de la mixité sociale, dans laquelle un tiers des sièges seraient réservés à des « représentants sociaux », élus sur des listes représentatives de la réalité socioprofessionnelle de la population. De manière plus générale, Le prix de la démocratie documente les dysfonctionnements des démocraties en contexte de croissance des inégalités. Ainsi, le travail de Cagé se situe dans la continuité de celui de chercheurs comme les politistes Gilens et Page, les juristes Richard Halen et Larry Lessig ou encore de l’économiste Thomas Piketty, qui tous ont analysé à leur manière l’émergence de ce qu’il faut bien qualifier de tendances oligarchiques dans les démocraties libérales [2]. La richesse et l’étendue de ces travaux sont telles qu’on serait tenté de parler de la constitution d’un champ d’études à part entière (les « oligarchy studies » ?)
Si l’ouvrage représente un travail empirique d’envergure, il nous fournit aussi les clés d’un argument normatif visant à justifier une régulation plus agressive du financement de la démocratie. Cagé nous offre en effet des outils pour invalider un certain nombre d’arguments anti-régulation. Mentionnons-en deux. Un premier argument consiste à dire que dépenser de l’argent pour financer des partis politiques représente une forme de discours politique, une prise de parole tout à fait légitime qu’on ne saurait restreindre par des lois. Ainsi, limiter la capacité individuelle de financer la vie politique serait incompatible avec un engagement sérieux en faveur de la liberté d’expression. C’est l’argument du « money is speech », qui occupe une place de choix dans l’imaginaire politique américain, étant donné la place de l’argent en politique et l’engagement flirtant parfois avec le fétichisme en faveur de la liberté d’expression. L’argument, rapidement évoqué et disqualifié par Cagé comme « libertarien », est à la fois puissant et troublant. Il est puissant, car il mise sur certaines intuitions fortes et largement partagées sur la liberté d’expression. Il est troublant, car il semble conduire à une forme brutale d’exclusion politique de groupes désavantagés, ainsi qu’à une conception nécessairement appauvrie du débat politique. Notons que Cagé accepte les prémisses de cet argument tout en en refusant la conclusion. En effet, dans Le prix de la démocratie, l’argent est traité très sérieusement comme une forme de discours politique, dont il serait même l’une des formes les plus influentes. Cagé nous rappelle que notre vote a un prix, que les dépenses politiques se traduisent en votes, en satisfaction de préférences données ainsi qu’en politiques publiques concrètes, que le financement de la démocratie est un enjeu crucial, mais souvent négligé ; bref, que les liens entre argent et politiques sont inextricables. Mais elle refuse la conclusion « libertarienne ». Il existe des raisons légitimes de réglementer la façon dont les citoyens « parlent » avec leur argent.
Pour défendre une telle thèse, il faut d’abord se débarrasser de la soi-disant neutralité de contenu de l’argent. En effet, l’argument du money is speech gomme la charge politique des dons, comme si l’argent ne favorisait aucun contenu politique en particulier. Or, comme le montre Cagé, dans la plupart des pays étudiés, il y a non seulement inégalité flagrante entre les donateurs, mais aussi entre les bénéficiaires. Les partis de droite tendent à recevoir plus. Un système dérégulé favorise donc une parole de droite Une autre réponse, souvent négligée, mais soulignée par Cagé, est la suivante : si l’argent représente une forme de discours politique, c’est alors cela que nous devons redistribuer si nous prenons l’égalité politique au sérieux. De ce point de vue, une politique de redistribution économique est donc justifiée au nom de l’égalité politique. Un autre argument anti-régulation consiste à dire que les dons aux partis politiques ne représentent qu’une forme de consommation idéologique. Plus qu’un investissement en vue d’un retour, les dons ne sont qu’une manière parmi d’autres d’étaler sa richesse. C’est l’équivalent politique de la consommation ostentatoire. Bref, oui, l’argent est bel et bien une forme de discours politique, mais celui-ci est somme toute assez bénin. Il ne permet pas en tant que tel aux donateurs de s’assurer que leurs préférences soient nécessairement prises en compte. C’est l’argument avancé par Stephen Ansolabehere, John M. de Figueiredo et James M. Snyder Jr. dans leur influent article « Why so Much Little Money in U.S Politics ?” [3]. Ceux-ci soutiennent en effet que si l’argent conduisait de facto à la satisfaction des préférences politiques des riches, en particulier dans un environnement politique dérégulé comme celui des États-Unis, nous devrions alors admettre qu’il n’y a pas trop d’argent en politique, mais pas assez. Ils en concluent alors que l’argent dépensé en politique ne peut qu’obéir à une logique de consommation idéologique. Les plus riches donnent, dans une logique de compétition distinctive, pour le prestige, ou encore dans une logique de confirmation, pour sceller leur appartenance à l’élite. À bien y penser, cette ligne argumentative a un avantage : elle écarte dès le départ l’apparente neutralité de contenu de l’argent. En effet, si l’argent dépensé en politique est une forme de consommation ostentatoire, alors il n’est pas neutre, son contenu correspond à celui d’un discours bien spécifique : celui des riches. La neutralité de l’argent s’évapore donc et la réalité de l’inégalité économique rejaillit. Car, bien sûr, les classes populaires ne peuvent même pas imaginer de telles modalités ostentatoires de participation politique.
Mais ce que montre Cagé, c’est bien que l’argent en politique n’est pas que de la consommation idéologique. Au contraire, son introduction va de pair avec la capture du jeu électoral par le poids de l’argent et ce, même lorsque les sommes ne sont pas gargantuesques. Les dons aux partis ne sont pas neutres, notamment au-delà d’un certain montant, et favorisent concrètement certains intérêts. Car on peut légitimement supposer que les grands donateurs ont tendance à favoriser des partis qui mettront en place des politiques plus conservatrices, notamment d’un point de vue fiscal. Et ils maintiendront la stratégie fiscale qui leur permet d’exprimer leurs préférences politiques en cédant une partie de la facture à l’ensemble des contribuables. Enfin, cette capture se reflète dans les « politiques publiques qui sont chaque jour mises en œuvre et qui, à l’image de la flexibilisation à l’extrême du marché du travail ou des multiples cadeaux fiscaux faits aux plus riches, ne traduisent que les préférences des plus aisés, contre les préférences de plus modestes » (p. 329).
Ainsi, l’argent n’est pas à associer à une pratique discursive parmi tant d’autres, qui favoriserait pléthore de points de vue variés. En tant que discours, l’argent tend à favoriser concrètement ceux qui en ont. Il n’est donc (1) ni neutre (2) ni sans effet. Cagé nous suggère de délaisser la théorie de la « consommation idéologique » au profit d’une théorie du « retour sur investissement ». Elle propose alors de résultats similaires à ce que Gilens et d’autres ont obtenu : l’argent a un poids réel en démocratie, un poids beaucoup trop lourd. Quelle est la théorie normative de la démocratie qui nous aiderait à penser avec Cagé ? Trois types de considérations peuvent ici retenir notre attention. On pourrait d’abord évoquer le vocabulaire de la démocratie délibérative. Pour les démocrates délibératifs, les sources de la légitimité démocratique sont à tirer de la délibération publique, comprise une pratique « d’échanges de raisons » au sein d’espaces publics multiples et inclusifs. C’est en délibérant entre eux que les citoyens d’une communauté démocratique peuvent donner un sens et une légitimité à leur devenir commun. La démocratie délibérative a donc une importante dimension épistémique, c’est-à-dire qu’elle se caractérise par un souci constant pour la qualité de nos débats démocratiques, pour la capacité de ces derniers à nous rapprocher du « vrai » et à nous éloigner toujours plus du règne de l’ignorance. Cagé semble être favorable à une telle approche, notamment en raison de ses travaux précédents sur les médias et de son scepticisme à l’égard de la prise de parole populiste. En effet, notre « crise » démocratique est (en partie) une crise de la parole démocratique, et une prise de parole plus près des idéaux délibératifs constitue peut-être le remède idéal. Cagé veut manifestement des institutions démocratiques « intelligentes », et loue les travaux d’Hélène Landemore sur la capacité des institutions délibératives à produire de la « sagesse collective ». Or, d’un point de vue délibératif, nos préférences politiques ne doivent pas être vues comme « figées », elles doivent être constamment interrogées, évaluées, critiquées. Et surtout, elles ne doivent pas être simplement promues via un médium aussi pauvre que l’argent. Elles doivent subir le test d’un échange constant au sein d’un espace public vibrant. Il y a donc une féconde critique délibérative du financement de la vie démocratique qui se profile, et qui aurait pu être développée par Cagé. Mais la justification de propositions comme l’Assemblé mixte et les BED ne saurait être fondée que sur ces considérations délibératives (notamment épistémiques). S’agit-il alors de diagnostiquer une corruption de la démocratie ? C’est une option crédible étant donné l’invocation par Cagé des travaux de Lawrence Lessig et d’autres. Car, il faut bien l’admettre, le lien quasi automatique entre dons et satisfaction des préférences politiques ressemble à ce qu’on qualifie généralement de corruption de type quid pro quo, c’est-à-dire de type « argent-contre-faveurs ». Mais les théoriciens, comme Lessig, de la « corruption institutionnelle » attirent notre attention moins sur ce type de corruption « individuelle » que sur le détournement des institutions démocratiques par l’influence privée de l’argent. C’est la corruption au sens des Anciens, au sens d’une déliquescence des institutions qui n’arrivent plus à réaliser leur télos. Une telle conception semble sous-jacente au raisonnement de la Cour suprême des États-Unis dans l’arrêt Austin v. Michigan Chamber of Commerce (1990), qui maintenait une loi interdisant aux entreprises d’utiliser leurs ressources financières pour appuyer un candidat aux élections (arrêt renversé vingt ans plus tard par la décision Citizens United). Comme le faisait remarquer Ronald Dworkin, en nous mettant en garde contre les « dangers de la corruption », la Cour ne renvoyait pas aux formes classiques de corruption comme échange de faveurs, mais à une « autre forme de corruption », celle des institutions démocratiques. Cagé peut tout à fait attirer l’attention sur ces différentes formes de corruption. Mais il y a plus, car, encore une fois, une focalisation sur la corruption ne suffit pas à justifier ses propositions. Il est à noter que dans le contexte états-unien, le langage de la corruption est aisément mobilisé parce qu’il semble quasi impossible d’utiliser politiquement celui de l’égalité. Bref, la « corruption » suscite l’indignation et motive à l’action, l’égalité est « socialiste ». Mais cela est problématique, et, heureusement, peut-être en train de changer. Selon Hasen par exemple, cette « autre forme de corruption » dont parle la Cour dans Austin ne renvoie pas qu’aux effets corrosifs de l’argent sur le congrès et les élections, mais tout simplement à ses effets ravageurs sur l’égalité politique entre citoyens [4]. C’est donc le langage de l’égalité qui doit être mobilisé, et il est à espérer qu’une telle chose soit encore possible dans le paysage politique français. Comme le note Cagé d’entrée de jeu, la démocratie est promesse d’égalité (p. 37), mais celle-ci est mise à mal par le système de financement de la vie politique. Ici, on pourrait penser à Rawls qui mettait au cœur de sa théorie de la justice sociale les libertés politiques égales pour tous. Et pour lui, c’est la valeur de ces libertés politiques égales pour tous qui se trouve diminuée lorsque « ceux qui possèdent de plus grands moyens privés ont le droit d’utiliser leurs avantages pour contrôler le cours du débat public » [5]. Ainsi, il ne s’agit pas de déplorer le déficit de participation des classes populaires aux élections, aux débats publics ou à la vie des partis politiques, ce qui suggère que les libertés politiques égales sont « déjà là », mais mal utilisées. Non, ce qui est troublant est le fait que ces activités, lorsqu’elles sont menées par de larges pans de la population, se trouvent dévalorisées au sein de dynamiques politiques marquées par le sceau de l’inégalité économique, telles que celles qu’étudie J. Cagé...
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[Notes sur un problème majeur en démocratie]
Pas d'exercice de la politique sans argent, mais l'argent fait souvent mauvais ménage avec la politique... telle qu'elle devrait être.
A plusieurs niveaux.
Il faut de l'argent pour faire fonctionner les rouages de l'Etat, comme pour assurer ses missions essentielles, mais il en faut aussi pour rétribuer (justement) les élus et pour assurer, sans discrimination, leur accession à la représentation nationale, qu'elle quelle soit.
Si l'Etat ne joue pas correctement son rôle, si l'argent joue un jeu trouble, de quelque manière que ce soit, la démocratie (ou du moins son espérance) sera vite en question et aboutira au mieux à un système vicié.
La démocratie a un coût, qui doit être assumé équitablement par tous, selon ses moyens.
"...La démocratie a un coût, assumé par les contribuables français depuis la fin des années 1980 et la législation sur le financement public des partis politiques et des campagnes électorales. Nées, déjà, des révélations journalistiques sur les pratiques illégales des partis, de gauche comme de droite, ces nouvelles dispositions permettent aux formations politiques de bénéficier de sommes publiques qui ne sont aucunement négligeables et qui sont complétées par des remboursements forfaitaires des frais de campagnes électorales (voir ici le site de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et voir là celui de la Commission pour la transparence financière de la vie politique)...."
Julia Cagé nous invite à prendre nos distances à l’égard d’une simple célébration de la « bonne santé d’une ‘démocratie à la française’ bien loin des dérives américaines » (p. 67). De fait, aux États-Unis les sommes investies dans les campagnes donnent le vertige : les entreprises peuvent financer massivement des causes via les Political Action Committees (PACs) et les politiques publiques avantagent massivement les plus fortunés. Tout cela a même conduit les politologues Gilens et Page à conclure que les États-Unis correspondaient de facto à une société oligarchique [1]. Les dérives états-uniennes sont donc bien réelles.
Mais dans tous les pays étudiés par Cagé, y compris la France et le Canada, la dynamique est similaire : les préférences des riches sont systématiquement satisfaites alors que celles des classes populaires sont mises de côté, sauf rare et heureuse harmonie entre les deux. C’est ce que Gilens et Page qualifient de « démocratie par coïncidence », dans laquelle les préférences des classes populaires ne sont prises en compte que si elles se trouvent, pour diverses raisons, coïncider avec celles des plus aisés. Il est vrai que la France se caractérise par une politique de plafonnement de dons (ainsi les dons de personnes privées aux partis ou regroupements sont plafonnés à 7500 euros) et par l’interdiction faite aux personnes morales (dont les entreprises) d’y avoir recours. Mais ce que montre Cagé, c’est que de telles mesures n’éliminent pas tout rapport problématique entre argent et politique. Surtout, elle montre les effets pervers des mesures fiscales structurant le financement de la vie politique française. L’auteure prend l’exemple d’un individu disposant d’un revenu annuel (imposable) de 100 000 euros et donnant 7500 euros. L’État va déduire 66% de cette somme de ses impôts, soit 4950 euros, pour un don qui coûtera en réalité 2550 euros. Pour un citoyen touchant 9700 euros par an (seuil minimum à partir duquel est célibataire est imposable), un don de 7500 euros lui revient réellement à 7500 euros. Bref, le système de financement est à l’avantage des plus fortunés qui voient leurs contributions subventionnées par la force publique.
Afin de rénover notre démocratie, Cagé fait trois propositions ambitieuses : 1) une limitation drastique du financement privé de la démocratie (limite fixée à 200 euros par année) ; 2) la mise en place de « bons pour l’égalité démocratique » (BDE) afin de renouveler le financement des partis et des mouvements politiques. Chaque citoyen, au moment de sa déclaration d’impôts, pourra choisir le parti ou mouvement qui bénéficiera de son « bon », soit un montant annuel de 7 euros d’argent public ; 3) l’établissement d’une Assemblée de la mixité sociale, dans laquelle un tiers des sièges seraient réservés à des « représentants sociaux », élus sur des listes représentatives de la réalité socioprofessionnelle de la population. De manière plus générale, Le prix de la démocratie documente les dysfonctionnements des démocraties en contexte de croissance des inégalités. Ainsi, le travail de Cagé se situe dans la continuité de celui de chercheurs comme les politistes Gilens et Page, les juristes Richard Halen et Larry Lessig ou encore de l’économiste Thomas Piketty, qui tous ont analysé à leur manière l’émergence de ce qu’il faut bien qualifier de tendances oligarchiques dans les démocraties libérales [2]. La richesse et l’étendue de ces travaux sont telles qu’on serait tenté de parler de la constitution d’un champ d’études à part entière (les « oligarchy studies » ?)
Si l’ouvrage représente un travail empirique d’envergure, il nous fournit aussi les clés d’un argument normatif visant à justifier une régulation plus agressive du financement de la démocratie. Cagé nous offre en effet des outils pour invalider un certain nombre d’arguments anti-régulation. Mentionnons-en deux. Un premier argument consiste à dire que dépenser de l’argent pour financer des partis politiques représente une forme de discours politique, une prise de parole tout à fait légitime qu’on ne saurait restreindre par des lois. Ainsi, limiter la capacité individuelle de financer la vie politique serait incompatible avec un engagement sérieux en faveur de la liberté d’expression. C’est l’argument du « money is speech », qui occupe une place de choix dans l’imaginaire politique américain, étant donné la place de l’argent en politique et l’engagement flirtant parfois avec le fétichisme en faveur de la liberté d’expression. L’argument, rapidement évoqué et disqualifié par Cagé comme « libertarien », est à la fois puissant et troublant. Il est puissant, car il mise sur certaines intuitions fortes et largement partagées sur la liberté d’expression. Il est troublant, car il semble conduire à une forme brutale d’exclusion politique de groupes désavantagés, ainsi qu’à une conception nécessairement appauvrie du débat politique. Notons que Cagé accepte les prémisses de cet argument tout en en refusant la conclusion. En effet, dans Le prix de la démocratie, l’argent est traité très sérieusement comme une forme de discours politique, dont il serait même l’une des formes les plus influentes. Cagé nous rappelle que notre vote a un prix, que les dépenses politiques se traduisent en votes, en satisfaction de préférences données ainsi qu’en politiques publiques concrètes, que le financement de la démocratie est un enjeu crucial, mais souvent négligé ; bref, que les liens entre argent et politiques sont inextricables. Mais elle refuse la conclusion « libertarienne ». Il existe des raisons légitimes de réglementer la façon dont les citoyens « parlent » avec leur argent.
Pour défendre une telle thèse, il faut d’abord se débarrasser de la soi-disant neutralité de contenu de l’argent. En effet, l’argument du money is speech gomme la charge politique des dons, comme si l’argent ne favorisait aucun contenu politique en particulier. Or, comme le montre Cagé, dans la plupart des pays étudiés, il y a non seulement inégalité flagrante entre les donateurs, mais aussi entre les bénéficiaires. Les partis de droite tendent à recevoir plus. Un système dérégulé favorise donc une parole de droite Une autre réponse, souvent négligée, mais soulignée par Cagé, est la suivante : si l’argent représente une forme de discours politique, c’est alors cela que nous devons redistribuer si nous prenons l’égalité politique au sérieux. De ce point de vue, une politique de redistribution économique est donc justifiée au nom de l’égalité politique. Un autre argument anti-régulation consiste à dire que les dons aux partis politiques ne représentent qu’une forme de consommation idéologique. Plus qu’un investissement en vue d’un retour, les dons ne sont qu’une manière parmi d’autres d’étaler sa richesse. C’est l’équivalent politique de la consommation ostentatoire. Bref, oui, l’argent est bel et bien une forme de discours politique, mais celui-ci est somme toute assez bénin. Il ne permet pas en tant que tel aux donateurs de s’assurer que leurs préférences soient nécessairement prises en compte. C’est l’argument avancé par Stephen Ansolabehere, John M. de Figueiredo et James M. Snyder Jr. dans leur influent article « Why so Much Little Money in U.S Politics ?” [3]. Ceux-ci soutiennent en effet que si l’argent conduisait de facto à la satisfaction des préférences politiques des riches, en particulier dans un environnement politique dérégulé comme celui des États-Unis, nous devrions alors admettre qu’il n’y a pas trop d’argent en politique, mais pas assez. Ils en concluent alors que l’argent dépensé en politique ne peut qu’obéir à une logique de consommation idéologique. Les plus riches donnent, dans une logique de compétition distinctive, pour le prestige, ou encore dans une logique de confirmation, pour sceller leur appartenance à l’élite. À bien y penser, cette ligne argumentative a un avantage : elle écarte dès le départ l’apparente neutralité de contenu de l’argent. En effet, si l’argent dépensé en politique est une forme de consommation ostentatoire, alors il n’est pas neutre, son contenu correspond à celui d’un discours bien spécifique : celui des riches. La neutralité de l’argent s’évapore donc et la réalité de l’inégalité économique rejaillit. Car, bien sûr, les classes populaires ne peuvent même pas imaginer de telles modalités ostentatoires de participation politique.
Mais ce que montre Cagé, c’est bien que l’argent en politique n’est pas que de la consommation idéologique. Au contraire, son introduction va de pair avec la capture du jeu électoral par le poids de l’argent et ce, même lorsque les sommes ne sont pas gargantuesques. Les dons aux partis ne sont pas neutres, notamment au-delà d’un certain montant, et favorisent concrètement certains intérêts. Car on peut légitimement supposer que les grands donateurs ont tendance à favoriser des partis qui mettront en place des politiques plus conservatrices, notamment d’un point de vue fiscal. Et ils maintiendront la stratégie fiscale qui leur permet d’exprimer leurs préférences politiques en cédant une partie de la facture à l’ensemble des contribuables. Enfin, cette capture se reflète dans les « politiques publiques qui sont chaque jour mises en œuvre et qui, à l’image de la flexibilisation à l’extrême du marché du travail ou des multiples cadeaux fiscaux faits aux plus riches, ne traduisent que les préférences des plus aisés, contre les préférences de plus modestes » (p. 329).
Ainsi, l’argent n’est pas à associer à une pratique discursive parmi tant d’autres, qui favoriserait pléthore de points de vue variés. En tant que discours, l’argent tend à favoriser concrètement ceux qui en ont. Il n’est donc (1) ni neutre (2) ni sans effet. Cagé nous suggère de délaisser la théorie de la « consommation idéologique » au profit d’une théorie du « retour sur investissement ». Elle propose alors de résultats similaires à ce que Gilens et d’autres ont obtenu : l’argent a un poids réel en démocratie, un poids beaucoup trop lourd. Quelle est la théorie normative de la démocratie qui nous aiderait à penser avec Cagé ? Trois types de considérations peuvent ici retenir notre attention. On pourrait d’abord évoquer le vocabulaire de la démocratie délibérative. Pour les démocrates délibératifs, les sources de la légitimité démocratique sont à tirer de la délibération publique, comprise une pratique « d’échanges de raisons » au sein d’espaces publics multiples et inclusifs. C’est en délibérant entre eux que les citoyens d’une communauté démocratique peuvent donner un sens et une légitimité à leur devenir commun. La démocratie délibérative a donc une importante dimension épistémique, c’est-à-dire qu’elle se caractérise par un souci constant pour la qualité de nos débats démocratiques, pour la capacité de ces derniers à nous rapprocher du « vrai » et à nous éloigner toujours plus du règne de l’ignorance. Cagé semble être favorable à une telle approche, notamment en raison de ses travaux précédents sur les médias et de son scepticisme à l’égard de la prise de parole populiste. En effet, notre « crise » démocratique est (en partie) une crise de la parole démocratique, et une prise de parole plus près des idéaux délibératifs constitue peut-être le remède idéal. Cagé veut manifestement des institutions démocratiques « intelligentes », et loue les travaux d’Hélène Landemore sur la capacité des institutions délibératives à produire de la « sagesse collective ». Or, d’un point de vue délibératif, nos préférences politiques ne doivent pas être vues comme « figées », elles doivent être constamment interrogées, évaluées, critiquées. Et surtout, elles ne doivent pas être simplement promues via un médium aussi pauvre que l’argent. Elles doivent subir le test d’un échange constant au sein d’un espace public vibrant. Il y a donc une féconde critique délibérative du financement de la vie démocratique qui se profile, et qui aurait pu être développée par Cagé. Mais la justification de propositions comme l’Assemblé mixte et les BED ne saurait être fondée que sur ces considérations délibératives (notamment épistémiques). S’agit-il alors de diagnostiquer une corruption de la démocratie ? C’est une option crédible étant donné l’invocation par Cagé des travaux de Lawrence Lessig et d’autres. Car, il faut bien l’admettre, le lien quasi automatique entre dons et satisfaction des préférences politiques ressemble à ce qu’on qualifie généralement de corruption de type quid pro quo, c’est-à-dire de type « argent-contre-faveurs ». Mais les théoriciens, comme Lessig, de la « corruption institutionnelle » attirent notre attention moins sur ce type de corruption « individuelle » que sur le détournement des institutions démocratiques par l’influence privée de l’argent. C’est la corruption au sens des Anciens, au sens d’une déliquescence des institutions qui n’arrivent plus à réaliser leur télos. Une telle conception semble sous-jacente au raisonnement de la Cour suprême des États-Unis dans l’arrêt Austin v. Michigan Chamber of Commerce (1990), qui maintenait une loi interdisant aux entreprises d’utiliser leurs ressources financières pour appuyer un candidat aux élections (arrêt renversé vingt ans plus tard par la décision Citizens United). Comme le faisait remarquer Ronald Dworkin, en nous mettant en garde contre les « dangers de la corruption », la Cour ne renvoyait pas aux formes classiques de corruption comme échange de faveurs, mais à une « autre forme de corruption », celle des institutions démocratiques. Cagé peut tout à fait attirer l’attention sur ces différentes formes de corruption. Mais il y a plus, car, encore une fois, une focalisation sur la corruption ne suffit pas à justifier ses propositions. Il est à noter que dans le contexte états-unien, le langage de la corruption est aisément mobilisé parce qu’il semble quasi impossible d’utiliser politiquement celui de l’égalité. Bref, la « corruption » suscite l’indignation et motive à l’action, l’égalité est « socialiste ». Mais cela est problématique, et, heureusement, peut-être en train de changer. Selon Hasen par exemple, cette « autre forme de corruption » dont parle la Cour dans Austin ne renvoie pas qu’aux effets corrosifs de l’argent sur le congrès et les élections, mais tout simplement à ses effets ravageurs sur l’égalité politique entre citoyens [4]. C’est donc le langage de l’égalité qui doit être mobilisé, et il est à espérer qu’une telle chose soit encore possible dans le paysage politique français. Comme le note Cagé d’entrée de jeu, la démocratie est promesse d’égalité (p. 37), mais celle-ci est mise à mal par le système de financement de la vie politique. Ici, on pourrait penser à Rawls qui mettait au cœur de sa théorie de la justice sociale les libertés politiques égales pour tous. Et pour lui, c’est la valeur de ces libertés politiques égales pour tous qui se trouve diminuée lorsque « ceux qui possèdent de plus grands moyens privés ont le droit d’utiliser leurs avantages pour contrôler le cours du débat public » [5]. Ainsi, il ne s’agit pas de déplorer le déficit de participation des classes populaires aux élections, aux débats publics ou à la vie des partis politiques, ce qui suggère que les libertés politiques égales sont « déjà là », mais mal utilisées. Non, ce qui est troublant est le fait que ces activités, lorsqu’elles sont menées par de larges pans de la population, se trouvent dévalorisées au sein de dynamiques politiques marquées par le sceau de l’inégalité économique, telles que celles qu’étudie J. Cagé...
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mardi 26 mars 2019
Il est minuit, Dr Ferrand
Et même beaucoup plus...
La moitié des très rares députés présents dorment sur leur siège ou somnolent doucement.
Lorsqu'on les réveille pour un nouveau vote.
IL s'agit d'un pack électoral où l'on a mélangé les choux et les carottes pour faire mieux passer la pilule.
On a profité de la fatigue et de l'endormissement des quelques députés présents pour arriver à des fins par ailleurs très contestées. En catimini.
Folie ou habileté?
Des conditions de vote très critiquées, aux yeux de certains.
Un non sens disent d'autres.
Une folie, dit quelqu'un de l'opposition. Pire, une forfaiture.
. Mais presque personne n'a réagi.
Un choix stupide, même pas contesté par ceux qui à une époque, comme Bayrou, remettaient en question la privatisation des autoroutes.
C'est les rentiers qui vont être contents.
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La moitié des très rares députés présents dorment sur leur siège ou somnolent doucement.
Lorsqu'on les réveille pour un nouveau vote.
IL s'agit d'un pack électoral où l'on a mélangé les choux et les carottes pour faire mieux passer la pilule.
On a profité de la fatigue et de l'endormissement des quelques députés présents pour arriver à des fins par ailleurs très contestées. En catimini.
Folie ou habileté?
Des conditions de vote très critiquées, aux yeux de certains.
Un non sens disent d'autres.
Une folie, dit quelqu'un de l'opposition. Pire, une forfaiture.
. Mais presque personne n'a réagi.
...Comment est-il possible que des lois (comme samedi à 6 heures du matin) soient votées avec 45 députés présents sur 577 ?! Pas de quorum donc ? Comment et pourquoi cela est-il légal ? C’est un non-sens qu’il n’y ait pas une obligation de présence soit sur la totalité, soit les trois quarts des élus (a aménagé en fonction des lois votées). Idem pour les horaires, des horaires décents (qui éviteraient d’utiliser cette technique pour dissuader les élus de province par exemple de venir) et des horaires et un ordre du jour précis (ce qui n’est pas le cas actuellement). Et enfin, quels sont les recours que nous citoyens nous avons pour nous insurger contre ce fonctionnement qui est une farce de démocratie ?! Je ne comprends pas que les journalistes d’investigation n’aient jamais dénoncé cela. On l’apprend par Mélenchon qui, seul, le dénonce depuis presque deux ans maintenant !....
Le projet de loi de «croissance et transformation des entreprises» a été adopté par 27 députés (sur 45 votants) en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale samedi aux alentours de six heures du matin, clôturant une séance de près de neuf heures et trois jours de débats. Le texte doit effectuer un dernier aller-retour avec le Sénat pour être définitivement validé par les députés. Pour rappel, plusieurs mesures du projet de loi sont particulièrement critiquées, notamment la cession du groupe Aéroports de Paris (ADP) pour une durée de soixante-dix ans et le transfert au privé de la majorité du capital de la Française des jeux Les conditions du scrutin ont ajouté à la polémique. Lors de son intervention précédant le vote, Jean-Luc Mélenchon a estimé que débattre dans ce contexte était «une folie» : «Il est six heures moins le quart du matin. La première chose à dire, à cette heure, est une protestation contre une telle situation. Ceux qui l’apprendront – car nous le ferons savoir – comprendront quelle folie il y a – même en nouvelle lecture – à débattre à cinq heures du matin des discriminations à l’embauche, à trois heures du tarif de l’électricité, et à cette heure-ci de tout ce que nous avons entendu. Tout cela est absurde. C’est une folie ! C’est certainement la forme la plus grave de dysfonctionnement de la vie du Parlement que cette situation dans laquelle nous nous plaçons à intervalle régulier.»
Le projet de loi de «croissance et transformation des entreprises» a été adopté par 27 députés (sur 45 votants) en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale samedi aux alentours de six heures du matin, clôturant une séance de près de neuf heures et trois jours de débats. Le texte doit effectuer un dernier aller-retour avec le Sénat pour être définitivement validé par les députés. Pour rappel, plusieurs mesures du projet de loi sont particulièrement critiquées, notamment la cession du groupe Aéroports de Paris (ADP) pour une durée de soixante-dix ans et le transfert au privé de la majorité du capital de la Française des jeux Les conditions du scrutin ont ajouté à la polémique. Lors de son intervention précédant le vote, Jean-Luc Mélenchon a estimé que débattre dans ce contexte était «une folie» : «Il est six heures moins le quart du matin. La première chose à dire, à cette heure, est une protestation contre une telle situation. Ceux qui l’apprendront – car nous le ferons savoir – comprendront quelle folie il y a – même en nouvelle lecture – à débattre à cinq heures du matin des discriminations à l’embauche, à trois heures du tarif de l’électricité, et à cette heure-ci de tout ce que nous avons entendu. Tout cela est absurde. C’est une folie ! C’est certainement la forme la plus grave de dysfonctionnement de la vie du Parlement que cette situation dans laquelle nous nous plaçons à intervalle régulier.»
C'est les rentiers qui vont être contents.
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