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Carte scolaire:
suppression ou aménagement?Une déjà longue histoire..._______Un système depuis longtemps contourné"Un des objectifs d'une carte scolaire est de limiter les inégalités scolaires entre élèves. Cependant cette visée du système (ainsi que le principe même de la carte scolaire) ont nourri de très nombreuses controverses, en particulier sur leur efficacité. Ainsi, cela a été un enjeu de la campagne présidentielle de 2007 et Nicolas Sarkozy a promis sa suppression, suppression engagée depuis.__Les partisans de la carte scolaire, tels Agnès van Zanten, directrice de recherche au CNRS estime que c'est un gage d'égalité et que, « les pays qui ont totalement libéralisé la carte scolaire [...] sans aucune régulation sont des pays où, globalement, les inégalités scolaires sont les plus fortes. » Elle soutient ainsi que, aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Belgique, des systèmes ponctuels ont été mis en place pour limiter les effets inégalitaires de la suppression de la carte scolaire .." (Wiki)
Ghettoïsation programmée?-La carte scolaire sera supprimée, pour les collèges et les lycées, à l'horizon de la rentrée 2010. Un régime d'assouplissement a été mis en place pour inscrire progressivement cette suppression. Depuis la rentrée 2007, un plus grand nombre d'élèves peuvent s'inscrire dans un établissement hors de leur secteur, dans la limite des places disponibles. Parallèlement, il sera demandé aux établissements scolaires de veiller à une grande diversité sociale et géographique de leurs recrutements.
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-Suppression de la carte scolaire ou la réforme par l'idéologie - AgoraVox"
En faisant l’historique de la suppression de la carte scolaire (ou désectorisation) depuis sa mise en place sous de Gaulle en 1963, jusqu’à sa suppression totale en 2010, il apparaît qu’à chaque étape, c’est l’idéologie libérale de décideurs aveugles qui l’emporte sur la prise en compte d’une évaluation rationnelle des politiques mises en œuvre. Cette évaluation rationnelle fut pourtant réalisée avec sérieux, aussi bien au sein de l’institution scolaire (rapports officiels, notes…) que par des chercheurs indépendants.Constat pour le moins étonnant concernant des idéologues qui n’ont que les mots évaluation et efficacité à la bouche. Constat étonnant, encore, à considérer la remarquable constance de la réforme, en dépit de l’alternance politique qui caractérisa cette période.
_____________Remarque préalable : la chronologie de la période allant de 1959 à 2001 a été réalisée à partir du chapitre 11 du livre de Claude Lelièvre : Les politiques scolaires mises en examen (ESF, 2002).1959 : allongement de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans. Le collège unique commence à se dessiner, dont le but est de « capter » tous les élèves « doués », quelles que soient leurs origines sociales ou géographiques, pour les orienter vers des études longues (il y va de l’« intérêt général », national, dans la guerre technico-économique exacerbée par l’entrée dans le Marché commun).__ _________- 1963 : création des CES, qui regroupent des établissements des anciennes filières primaire et secondaire, (cours complémentaires, CEG, lycées…), et des établissements créés de toutes pièces (que l’on construira bientôt au rythme d’un par jour ouvrable). La circulaire du 7 mai 1963 (carte scolaire et sectorisation) permet d’établir les conditions d’une « nouvelle donne » entre ces trois types d’établissements.
-1984 : sous la pression idéologique des libéraux, le principe de la sectorisation est remis en question dans cinq zones géographiques de la France, à titre expérimental. « L’éducation de l’avenir est une éducation dirigée d’en bas, par la demande. Or, la demande suppose le choix, la liberté, la concurrence, la pluralité de choix » (Alain Madelin, Pour libérer l’école, 1984)
-Selon Fréderic Gaussen, journaliste de l’éducation, « les conclusions de cette expérience posent un dilemme redoutable. Supprimer la sectorisation correspondrait manifestement aux vœux des familles, surtout aux préoccupations des classes moyennes/supérieures. Mais ce serait aussi accentuer les clivages sociaux qui divisent l’école, et mettre un coup d’arrêt à la politique de démocratisation et d’égalité des chances lancés par les gouvernements gaullistes… ».
______Il faut noter que pour les penseurs libéraux, la suppression de la sectorisation et l’autonomie des établissements sont indissociables : « Ainsi, par « la liberté, l’autonomie, la concurrence » sera mise en œuvre « la seule logique moderne : celle du libéralisme. » (A. Madelin, Pour libérer l’école).
Lors de la campagne des législatives de 1986, le RPR propose, via sa secrétaire nationale à l’enseignement et à la recherche, Michèle Alliot-Marie, de parvenir à la « liberté totale » du choix de l’établissement par les familles en 1991.
- 1987 : René Monory, ministre de l’Education Nationale de Jacques Chirac étend les expériences d’assouplissement à 77 départements sur 95 par des zones de « libre choix » qui concernent 11% des collèges français, principalement en zone urbaine. De nombreux aménagements, conçus presque au cas par cas, limitent la portée libérale de la mesure (par exemple, certains collèges les mieux côtés sont exclus des zones de libre choix).
Suit l’extension progressive du dispositif « expérimental » qui touche la moitié des collèges et un quart des lycées en 1990. En 1991, le sociologue Robert Ballion explique que la désectorisation multiplie par sept les chances d’enfants de cadres et d’enseignants de se retrouver dans des classes de sixième à faible taux d’élèves en retard. De plus, elle favorise des pratiques qui participent à la mise en place de facto et symbolique d’un marché scolaire. On assisterait à un « changement radical d’attitude à l’égard de l’institution : celle-ci n’est plus conçue comme un service public (visant l’intérêt général), mais comme étant un service du public (devant répondre aux intérêts privés) ». (La bonne école, Hatier, 1991).
Ces constats feront dire au ministre de l’éducation François Bayrou en 1993, par un habile retournement : “L’extension de la liberté de choix, par les familles, de l’établissement scolaire de leurs enfants est juste. Cela doit permettre d’offrir à tout le monde les avantages jusqu’ici réservés aux plus favorisés, à ceux qui ont des relations ou les moyens de bâtir une stratégie de réussite pour leurs enfants“. Mais paradoxalement, on assistera par la suite à un relatif durcissement de la sectorisation : au lieu de pouvoir émettre trois vœux pour entrer en sixième, les familles se voient réserver une place dans l’établissement de leur secteur d’habitation, avec la possibilité d’en demander une autre dans le cadre d’une politique dite de « dérogation souple ».
-En 1998, une enquête de la Direction de la Programmation et du Développement (DPD) de l’Education Nationale met en évidence la constance du taux de ceux qui demandent et réussissent à être hors secteur (environ 10%) et la persistance des écarts sociaux à ce sujet. Au total, en comptant les fuites vers le privé, ce sont 30% des élèves qui ne se trouvent pas dans le collège où ils devraient être.
En 2001, Jack Lang, dans un éclair de lucidité, déclare : “J’ai bien l’intention de prendre des mesures car je n’accepte pas que la règle républicaine soit détournée. La mixité n’est pas seulement un principe républicain, mais, tout le montre, c’est la condition même de la réussite des enfants. Donc, non seulement je maintiendrai les règles, mais je vais peut-être les rendre plus sévères“. En prenant exemple sur ses illustres prédécesseurs, il estime qu’il est urgent d’attendre et commande un rapport.
-En mars 2002, Jean Hébrard présente son rapport intitulé « La mixité sociale à l’école et au collège » au ministre de l’Education Nationale Jack Lang (qui allait bientôt passer la main à Luc Ferry). Dans son chapitre 3 ("La sectorisation scolaire, instrument de lutte contre les ségrégations sociales") le constat est fait qu’ « au collège, tout joue contre la mixité sociale » en raison de facteurs qui se renforcent mutuellement : la diversité des établissements scolaires, les enjeux de l’orientation de la fin de 3ème, et enfin, la différence entre le droit de la réglementation de la sectorisation et son application dans les faits.
Parmi les six propositions avancées par le rapport pour remédier à cette situation on trouve les suivantes :
« Inscrire la gestion de la sectorisation et de la carte scolaire dans un dispositif contractuel et partenarial », dispositif qui pourrait être celui, déjà existant, du Contrat Educatif Local, rassemblant les différents partenaires concernés : Etat, collectivité territoriale, familles, enseignants, partenaires associatifs… ; « Réorganiser l’examen des demandes de dérogation de manière à ce que les règles en vigueur soient réellement explicites et que les décisions soient directement motivées par ces mêmes règles » ; « Mettre en débat l’application de règles de sectorisation dans l’enseignement privé sous contrat » et enfin : « …imaginer, au lieu de découper l’espace urbain en micro-zones chacune centrée sur un seul collège, d’affecter à un secteur large et conçu comme socialement diversifié un groupe d’établissements chargé d’en gérer l’hétérogénéité ».
- La loi du 17 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, édicte que la définition des secteurs de recrutement des collèges publics est désormais une décision du Conseil Général de chaque département.
En 2007, le candidat à l’élection présidentielle Nicolas Sarkozy déclarait lors de la convention éducation de l’UMP : “Je suis pour la suppression à terme de la carte scolaire. A terme, parce qu’elle n’est possible que dans le cadre d’une autonomie renforcée des établissements“.
-Le Figaro remarquait que Xavier Darcos, « L’ex-ministre du gouvernement Raffarin, qui s’est beaucoup rapproché de Nicolas Sarkozy, a sur ce point une approche plus prudente que le patron de l’UMP. Sévère, il critique cette carte scolaire « qui est aujourd’hui contournée par les plus malins ou les plus riches. C’est vrai, il faut trouver un nouveau dispositif, mais c’est un sujet très complexe. Il ne faudrait pas pour autant choisir la dérégulation totale ».
- Le 6 mai 2007 Nicolas Sarkozy est élu à la présidence de la République Française.
"Je proposerai d’ici la fin du mois de juin de conduire une expérimentation dès la rentrée 2007", explique Xavier Darcos dans un entretien au Parisien du 29 mai 2007. "Elle reposera sur des dispositions légales existantes. Nous n’aurons pas besoin de faire voter une loi pour la mettre en place". Ensuite, indique le ministre de l’Education, "sur la base des résultats obtenus, cette expérience sera généralisée à partir de la rentrée 2008". Mais, "il faudra bien trois rentrées scolaires pour que la carte scolaire actuelle ait disparu car nous devons, parallèlement, mettre en place les outils de régulation qui garantiront une vraie diversité sociale au sein des établissements scolaires". Lesquels ? Mystère.
Assurant ne pas vouloir "installer le grand marché libéral de l’école", Xavier Darcos affirme qu’il demandera "aux établissements scolaires de veiller à la diversité sociale et géographique de leur recrutement, car c’est sur eux que doit peser l’obligation de mixité sociale, pas sur les familles". Comment ? Mystère, là encore.
Aujourd’hui, sur le site du ministère (éducation.gouv.fr), on peut lire : « les demandes de dérogation sont satisfaites dans la seule limite de la capacité d’accueil des établissements. » Si les capacités d’accueil sont atteintes, l’inspecteur d’académie attribue, après avis de la commission d’affectation, les dérogations selon certains critères comme le handicap, les raisons de santé, les critères de bourse au mérite et de bourse social, etc…
___La question de l’évaluation de la politique de désectorisation semble toujours d’actualité, malgré un processus qui semble inéluctable depuis qu’il a été initié dès 1984. Voici quelques extraits tirés d’un récent article du site Libération.fr :
“Nous demandons la création d’un observatoire de la mixité sociale et scolaire, a annoncé Philippe Tournier, le secrétaire général du SNPDEN, syndicat majoritaire chez les chefs d’établissement du secondaire, lors de sa conférence de presse de rentrée. Le ministère assure que le bilan de la réforme est extrêmement positif mais il ne publie aucun chiffre alors qu’il dispose de toutes les statistiques. S’il ne le fait pas, nous mettrons en place notre propre système“.
“On aboutit à une polarisation, explique Philippe Tournier. Les meilleurs vont sur les établissements les plus débordés et beaucoup sont issus des milieux favorisés“. Et parallèlement, les élèves des établissements mal réputés cherchent à partir, “ce qui aggrave la situation“. “Si en plus, il y a une baisse d’élèves, ces collèges et lycées se vident encore plus vite, avec des équipes de plus en plus démoralisées, qui s’estiment fautives. Et on retrouve les élèves les plus en difficulté dans les établissements les moins demandés“. »
[http://www.liberation.fr/societe/0101589718-au-bon-souvenir-de-la-carte-scolaire]
-Un article du Monde du 5 novembre 2009 explique que « C’est au détour d’une enquête sur les dispositifs éducatifs dans les quartiers sensibles que les rapporteurs de la Cour (des comptes) ont découvert un phénomène de renforcement de la ghettoïsation des établissements difficiles, conséquence de l’assouplissement de la carte scolaire. Nombre d’observateurs s’en doutaient, mais personne ne pouvait en apporter la preuve, le ministère de l’éducation nationale refusant de communiquer sur le sujet. Désormais, une première indication chiffrée existe. Dans son rapport, la Cour des comptes estime que, sur un total de 254 collèges "ambition réussite", 186 ont perdu "jusqu’à 10%" de leurs élèves du fait de la réforme de la carte scolaire voulue par Xavier Darcos. [http://www-org.lemonde.fr/societe/article/2009/11/05/carte-scolaire-la-cour-des-comptes-pointe-un-risque-de-ghettoisation_1263096_3224.html] -Quelles conclusions peut-on tirer de cet historique ? Tout d’abord que l’idéologie libérale ne s’encombre pas des clivages politiques gauche/droite pour s’imposer chez nos décideurs. Elle ne s’encombre pas non plus des résultats des évaluations scrupuleusement effectuées par les services de l’éducation nationale ou par les chercheurs en sciences de l’éducation. Ces évaluations, nos dirigeants ne manquent jamais de les demander, exploitant souvent les ressources de compétence de l’Etat à des seules fins de communication (tradition à laquelle Luc Chatel a aujourd’hui la décence de déroger).__On constate aussi que les médias (et les médias de l’éducation) ne cessent jamais d’analyser avec la plus grande naïveté les politiques mises en œuvre, sans jamais donner au lecteur non spécialiste le recul nécessaire pour comprendre la ligne directrice qui se dessine sur le long terme.__Cependant, lorsqu’on prend le temps de faire le travail que nos journalistes ne font pas, on finit par avoir une vision assez nette de la violence par laquelle s’impose l’idéologie libérale : se décrétant la seule possible, elle n’a pas à être discutée au sein du débat démocratique, et quand elle l’est (au sein même des institutions françaises, qui sont les meilleures du monde en matière d’auto-évaluation, ou par l’intermédiaire de la recherche ou de la presse) le débat est tout simplement ignoré.__Comment, dans ces conditions, s’étonner encore du fait que l’idéologie libérale traverse si habilement les clivages politiques par le biais des partis dits de gouvernement ? Comment s’étonner encore des taux record d’abstention constatés lors des élections, en France comme dans un grand nombre de pays occidentaux ? Jusqu’à quand, ce mépris pour la démocratie ?"
- « Assouplissement » de la carte scolaire et discrimination
-«L'assouplissement de la carte scolaire accentue la ghettoïsation»-
Libéralisation de la carte scolaire : un remède pire que le mal-Classement des lycées: les meilleurs ne sont pas toujours ceux qu'on croit
-La carte scolaire 2006 du premier degré