Ça va jazzer

https://www.jazzradio.fr/

jeudi 30 avril 2020

Le mois le plus long...

Après Le Jour le plus long...
                                On se souviendra du mois d'Avril 2020. On pourra en parler, comme les poilus de 14 racontait leur guerre.
     Mais ne n'est pas une guerre, comme disait Madame Merkel. C'est un long et âpre combat contre un ennemi invisible et perfide, une "saloperie", comme disait un soignant, qui est loin d'être terminé. J'avais entendu parler par mon grand-père, de la grippe espagnole, si meurtrière, mais presque passée inaperçue, du moins dans mon village, la fin des combats éclipsant tout et les médias ne jouant pas le rôle d'amplificateurs comme aujourd'hui.

    Un mois étrange, au temps suspendu, différemment vécu selon les lieux et les types d'habitats. Un temps d'une surprenante étrangeté, en rupture avec tout de que l'on avait pu connaître, hors classification dans nos courtes mémoires.
   Il fallait parfois se pincer pour y croire, Jamais on a ressenti autant notre fragilité en tant qu'humanité, jamais on a relativisé autant ce qui nous apparaissait, dans la vie routinière d'avant,  comme important. Le péril toujours possible nous faisait passer de rires (souvent nerveux) à l'incrédulité  voire à l'abattement. Avec cet espoir toujours renaissant: on en sortira. 
   Mais quand, comment? Dans quelles conditions? Car nous ne sommes pas au bout de nos peines, nous dit-on. Heureusement que des élans de solidarité se sont manifestés pour soutenir les valeureux combattants de l'avant et les innombrables petits soldats de l'arrière, tout aussi importants.
    Mais nous entrons avec Mai, sans défilé ni muguet, dans une zône grise plus incertaine. Il faudrait être madame Irma pour prédire ce qui va se passer dans les mois qui viennent et dans quel état notre pays va s'en sortir, sanitairement et économiquement. En Mai ne fais pas encore ce qu'il te plaît...
  Le train va-t-il dérailler, comme le prévoient certains économistes, qui, on le sait, se trompent souvent? ou bien repartirons-nous d'un autre pied, plus fragilisés certes, mais sur des bases nouvelles, vers d'autres formes de développement et d'échange. A condition qu'au niveau national comme international, une solidarité de fait s'installe réellement pour définir d'autres règles du jeu que celles du libéralisme mondialisé facteur d'injustices, que le système financier passe de l'accumulation spéculatif stérile à l'investissement productif rénové, tendu vers un équilibre rompu entre l'homme et son milieu. Ce qui suppose un contrôle démocratique sur les institutions, qu'il va falloir réinventer. La peur peut être le début de la sagesse, mais elle peut aussi accentuer antagonismes et nationalismes
   Les jours d'après sont incertains par définition. Ils peuvent être sombres comme remplis de lueurs d'espoirs. Après le désastre de la dernière guerre, 1945 fut le temps de la reconstruction matérielle, morale et législative avec le CNR et ses avancées sociales et institutionnelles.
   Reviendront, on peut l'espérer, les "jours heureux" annoncés après cette épreuve inédite.
                                               ____________________________

mercredi 29 avril 2020

Un juteux marché

Chère, très chère santé.
                                 Aux USA, peu de domaines échappent à la loi du marché, à l''impitoyable règle du business pur et dur. 
     A chacun même de gérer ses propres soins avec ses propres deniers. Des mutuelles existent pour les plus favorisés, mais à des prix qui laissent plusieurs dizaines de millions de citoyens incapables d'avoir accès à certains service de soins, malgré l'Obamacare, dont les effets pourtant limités sont en train de s'estomper.
    La santé, c'est comme le reste. Elle a un prix. Et quel prix parfois! Du moins pour ceux qui peuvent bénéficier de soins médicaux, quels qu'ils soient.
    France 5 a eu la bonne idée de diffuser hier soir un document sur ce sujet, mettant en évidence la logique froide et parfois cruelle du fonctionnement de ce système de santé, qui ne connaît pas, comme dans les  autres pays industrialisés, une gestion publique basée sur le principe de la solidarité.
        "...En plus d'avoir le système le plus cher du monde nous avons une mauvaise espérance de vie, une mortalité infantile élevée et un nombre record de décès (dus à des causes évitables) » s’indigne le professeur et médecin Adam Caffney en insistant sur le fait que les « hôpitaux sont devenus des entreprises commerciales qui ne pensent qu’à optimiser leurs profits. » Ainsi, des « codeurs » sont chargés d’attribuer aux malades des codes qui permettent à l’hôpital de surfacturer les actes. Les puissants lobbys ne reculent devant rien pour empêcher le système de changer, et dépensent des millions pour arroser élus et laboratoires.
   Paul Gosar, représentant républicain de l’Arizona assène cyniquement :  « La santé, ce n’est pas un droit. Vous êtes ce que sont vos gènes, c’est à vous d’être responsables de votre santé, de ce que vous mangez, du sport que vous faites, de la vie que vous menez… en fait, ce n’est pas mon problème et tout le monde peut se faire soigner »Un « dernier filet de sécurité », qui s’appelle « Emtal » prévoit que « quiconque se présente à un service d’urgence doit être traité et stabilisé, qu’il soit assuré ou non ». Il oblige les hôpitaux qui reçoivent des fonds publics à donner les premiers soins mais un tiers des établissements ne l’appliqueraient pas. Et les assauts répétés de l’administration Trump finissent de fragiliser un système à l’agonie..."
         Chacun est responsable de sa santé comme de son statut social, de sa richesse, celle-ci étant méritée, comme la pauvreté aussi, au pays du self made-man winner.
    Le  projet de refonte initié par Benni Sanders ne se concrétisera pas, étant donné son retrait de la candidature et l'aile modérée des Démocrates n'est pas très décidée à faire campagne sur le sujet étant donnée la résistance attendue d'un partie du public aisé et du poids des lobbies.
        ___ Pour prolonger.    __..Carences et concurrence.
                                                ______________________________

mardi 28 avril 2020

Des pandémies et des hommes

Chocs historiques.      
                         Si le phénomène que nous vivons est profond, durable et perturbant, s'il est capable de ralentir et de modifier la vie économique et sans doute politique, de la manière que nous observons, il n'est pas le premier.
    Mais nous oublions vite ces épisodes tragiques qui ont affecté l'histoire des hommes, pour ce que nous pouvons en savoir, et qui les ont laissés bien plus démunis que nous, subissant souvent l'événement, court ou durable, mais terriblement mortifère, comme une manifestation de puissances extérieures se déchaînant contre eux de manière punitive.
   Elles ont eu souvent des incidences importantes sur le cours des événements, dans l'histoire humaine, au point d'en modifier les données par ses conséquences ou de contribuer à remettre en cause un système établi, comme la peste justinienne, qui eut des conséquences profondes et durables. au niveau du cours des choses comme des croyances et des institutions établies.
               "..Malgré l’effondrement de sa partie occidentale sous la pression des Barbares au Ve siècle, l’empire romain perdure en Orient autour de Constantinople, la « nouvelle Rome ». Vers elle convergent les routes commerciales de la mer Baltique à l’Égypte nourricière, de la mer du Nord à la mer de Chine !
L'empereur Justinien promulguant le Code, Maître du Retable Beaussant, vers 1480, Paris, musée du Louvre.
Par la mer Rouge et l’océan Indien, les Romains se procurent des marchandises précieuses, soie et épices en premier lieu. Ils les paient avec l’or venu du sud du Sahara et cet or rejoint ainsi les chambres fortes du sous-continent indien. Seule la Perse sassanide fait entrave à ce fructueux commerce.
      Arrivé sur le trône en 527 à la mort de son oncle Justin, Justinien s’affirme rapidement comme un empereur à poigne. Soutenu par sa femme Theodora, il mate dans le sang la sédition Nika en 532. Il fait également compiler le droit romain du Corpus iuris civilis de 528 à 534, intégrant à la fois les anciennes lois et les plus récentes.
    En matière de politique extérieure, il conclut en 532 un traité de paix avec les Perses afin d’avoir les mains libres pour restaurer son autorité sur l’Occident romain.
    La reconquête est entamée en 533-34 en Afrique vandale, poursuivie avec l’Italie ostrogothique à partir de 535 et complétée plus tard, en 552, par la prise de la Bétique (Andalousie). Mais il doit en même temps affronter un ennemi autrement plus redoutable que les Perses et les Germains…
    La peste entre dans l’empire romain en suivant la route commerciale de la mer Rouge : elle se manifeste à l’été 541 à Péluse, sur le delta du Nil. Une fièvre s’installe puis des ganglions gonflent et les malades meurent très vite, provoquant un effet de sidération dans la population.
     Une fois à Alexandrie, l’un des carrefours de l’Empire, elle profite des rats embarqués sur les navires pour gagner les ports de toute la Méditerranée. Les puces commencent par s’en prendre aux rats du lieu, puis après quelques jours, une fois tous les rongeurs tués, elles s’attaquent aux hommes. La population n’a pas les moyens de se prémunir contre la pestilence alors même qu’elle en est informée.
   À court terme, l’empire byzantin semble surmonter la crise. Tant bien que mal, Justinien et son général Bélisaire parviennent à compenser les pertes dans l’armée pour mener à bien leurs entreprises militaires, mais la crise est aussi économique. Il n’y a plus d’argent pour payer les soldats et malgré une pression fiscale maximale, les impôts ne rentrent plus par manque de contribuables. En 553, Justinien est obligé d’effacer les impôts dus depuis l’épidémie. Aucun de ses successeurs ne parviendra à surmonter la situation : trop peu d’hommes pour gérer un empire trop grand qui ne parvient pas à réduire ses ambitions et s’épuise dans d’interminables guerres avec la Perse.
Saint Sébastien intercède auprès de Dieu pour conjurer la peste, Josse Lieferinxe, XVe siècle, Baltimore, Walters Art Museum.En effet, une fois la première vague passée, l’épidémie frappe de nouveau une vingtaine de fois en deux siècles, la dernière vague étant attestée en 750. L’auteur (inconnu) des Miracles de saint Demetrius décrit ainsi la situation catastrophique de Thessalonique en 597 : « Ni les bébés, ni les femmes, ni la fleur de la jeunesse, ni les hommes en âge de porter les armes et de servir la cité n’étaient épargnés par la maladie : seuls les vieux y ont échappé [sans doute avaient-ils été immunisés lors de la précédente épidémie] ». De nouvelles habitudes se prennent comme celle de fuir les villes : en 747-748, l'empereur Constantin V lui-même s’installe à Nicodémie et « télétravaille » au moyen de dépêches officielles.
   Au total, les estimations varient beaucoup mais le nombre de décès sur ces deux siècles se chiffre en millions dans un empire d'Orient qui devait alors compter environ trente millions d'habitants et ne plus en voir que la moitié à la fin du VIème siècle (un demi-millénaire plus tôt, à son apogée, l'empire romain pouvait avoir cinquante millions d'âmes).
    La peste et ses conséquences sur l’organisation administrative contribuent à distendre les liens entre la capitale et ses possessions, surtout en Occident. Le pape Pélage II ayant succombé à la maladie le 8 février 590, son successeur Grégoire le  Grand (590-604) organise en avril une grande procession contre le fléau, au cours de laquelle la tradition postérieure rapporte qu’il aurait porté une image de la Vierge attribuée à saint Luc.
    Dans un contexte de forte angoisse religieuse, il s’affirme comme le protecteur des Romains dont il gère aussi le ravitaillement, l’administration impériale – puisque Rome se trouvait encore théoriquement dans l’Empire – n’étant pas à même de le faire : l’épidémie contribue ainsi, indirectement, à l’affirmation de la papauté en tant que puissance territoriale.
    La peste frappe profondément l’Europe, jusqu’à l’Irlande, même si les sources sont bien moins nombreuses et ne permettent pas d’en évaluer la gravité. Elle fait un retour violent dans les années 660, en Angleterre à partir de 664 : l’archevêque de Cantorbéry Didier et le roi du Kent Earconberht succombent tous deux. Son influence sur les transformations sociales et économiques s’avère toutefois impossible à préciser en l’absence de sources précises, comme dans les régions.
   C’est toutefois plus à l’Est que les conséquences sont les plus profondes : la saignée humaine subie par les empires romain et perse les a laissés vulnérables face aux armées issues d’une des rares régions qui n’avait pas été touchée par la peste, l’Arabie. L’ascension fulgurante de l’islam et ses victoires militaires déroutantes de facilité ne peuvent être appréhendées en oubliant les ravages de la peste, même s’il n’est pas question de les réduire à ce seul aspect.
     Pourquoi la peste est-elle arrivée en 541 et pas avant, ou après ? L’hypothèse souvent retenue aujourd’hui lie cette date à la vague de froid des années 530 et 540, d’une intensité exceptionnelle. Elle est la conséquence d’une part d’une tendance de fond à un refroidissement du climat depuis la fin de l’optimum climatique romain, au milieu du IIème siècle, et d’une éruption volcanique colossale survenue en 536 et peut-être d’une seconde en 539 ou 540.
     Les chroniqueurs notent la disparition du soleil en 536 et les analyses dendrochronologiques confirment que les dix ans qui suivirent cette année furent les plus froides de notre ère. Le lien entre ces conditions climatiques et l’épidémie de peste est très vraisemblable mais n’est pas établi avec certitude : les rongeurs ont-ils modifié leurs habitudes en raison des conditions climatiques ? Se sont-ils multipliés parce que les pluies intenses de ces années avaient accéléré la croissance de la végétation ?
     Quoi qu’il en soit, le climat plus froid et humide a aggravé les effets de la peste justinienne : il a occasionné une forte baisse des récoltes, notamment en Italie, et occasionné des disettes qui, en affaiblissant les organismes, les ont rendus plus réceptifs à la maladie...." (Merci à Hérodote.net)
                                                         _______________________________________

lundi 27 avril 2020

A quoi sers-je?


Hommage soit rendu
A ceux et à celles qui sont dans l'ombre, sans lesquels une société ne pourrait fonctionner.
   Ceux que la crise a révélés.
Le personnel médical jusqu'à celles qui assurent le ménage en hôpital, indispensables, les aides soignantes en Ehpad ou ailleurs, les aides à domicile, etc...toutes les "petits mains" sans lesquelles une économie périrait.
A ceux qui assurent les poubelles, sans lesquelles les villes deviendraient invivables.
Les invisibles, les oubliés, les déconsidérés, les méprisés parfois.
Les mal payés  Ceux dont la fonction sera demain mieux reconnue, nous promet-on en haut lieu. (?)
Dans le contexte d'un nouveau contrat social. Rénové.

"...Les métiers les plus importants ne sont pas ceux qu’on croyait. Il y a une contradiction énorme entre la hiérarchie des salaires, de la reconnaissance sociale, d’une part, et l’utilité des métiers, d’autre part. Ceux qui sont au front sont certes des professions encore dotées de prestige, comme les médecins et les infirmières, mais il y a aussi en première ligne de nombreuses personnes qui appartiennent aux métiers du care (le soin et le prendre soin, les aides-soignantes, les aides à domicile, les auxiliaires de vie…), ou aux métiers de la vente, du nettoyage, du transport, de la production (les caissières, les livreurs, les transporteurs, les éboueurs…). Une partie de ces métiers sont l’objet d’une faible considération – on parle parfois de métiers peu qualifiés ou non qualifiés. Or, on s’aperçoit que ces activités sont aujourd’hui les plus importantes pour la vie et la survie de la société..."


_______________________

dimanche 26 avril 2020

Points du jour

__ L' aveuglement n'a pas de limites.

__ Certains ont vraiment beaucoup de soucis.


__ L'homme au "concept intéressant" abandonne.

__ Des salariés mieux protégés que des soignants.

___Il avait dit:
                    "...Une certaine idée de la mondialisation s'achève avec la fin d'un capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l'économie et avait contribué à la pervertir...L'idée que les marchés ont toujours raison était une idée folle..." (N.Sarkozy sept.2008)
                                   On a vu....
        Il disait:
                      "Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France, une Europe souveraine, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai." (M.Macron, mars 2020)
                                   On verra...
                     ______________________________________________________________

samedi 25 avril 2020

L'herbe à Nicot

Serait-elle un remède? 
                    Si oui, les médicaments ne manquent pas.
             On peut en douter. Des statistiques ne prouvent rien.
  Que les cigarettiers ne se réjouissent pas trop vite!

Ne m'appelez pas Président

Dites Docteur.
                         Docteur Donald.
   Homme d'Etat de première grandeur, fin spécialiste en coronamachintruc et gestionnaire avisé des affaires publiques. The best of the World!
    Tout le monde sait ça.
On devrait écouter davantage celui que Dieu a envoyé, comme Moïse, pour le salut de son peuple.
 Et ses conseils éclairés en remèdes magiques, dignes des grands médecins de Molière.
Ce n'est pas ma réélection qui m'obsède, tout le monde sait ça!
 Je change souvent d'avis, passant d'un extrême à l'autre, mais c'est le propre des génies de savoir se remettre en question. Se confiner ou pas...faut voir.
       America first ou pas first? That is the question..
    En tout cas, en phase avec la droite, voire l'extrême, la vraie Amérique. Au boulot, quoi qu'il en coûte!
   Les inégalités sont dans la nature des choses et , selon la loi du ruissellement, disparaîtront quand les riches seront encore plus riches. C'est une évidence. Foi de Donald!
   Seul Bolsonero fait mieux, ainsi que Pinera. Ils ont juste un peu plus d'audace.
                  God bless América!
______
                                               
     De mauvaises langues prétendent que " A partir de 1900 et pendant plus d’un siècle, l’espérance de vie a progressivement augmenté aux États-Unis. Mais curieusement, depuis 2014, elle est en recul. Alors qui meurt et pourquoi ? Ce sont les deux questions que se sont posées Anne Case et Angus Deaton (lauréat du prix Nobel d’économie en 2015), un couple d’économistes de l’université de Princeton. 
     Dans Deaths of Despair, ils montrent que ce déclin de l’espérance de vie ne concerne en réalité qu’une catégorie bien précise de la population américaine : les hommes blancs, d’âge moyen (45-54 ans), peu instruits. Et de quoi meurent-ils ? De « désespoir ». Chez eux, on observe en effet une forte augmentation du nombre de suicides et de morts liées à une surdose de médicaments ou à l’abus d'alcool. Rien qu’en 2017, 158 000 Américains seraient ainsi « morts de désespoir ».
    À l’origine de leur accablement, un sentiment de déclassement nourri par la baisse de leur pouvoir d’achat et la précarisation croissante de leurs emplois. Et cela, alors même que la situation des diplômés s’améliorait sensiblement. Tout comme celle des Noirs et des Latinos. « Mourir de désespoir n’est pas qu’un phénomène américain. La même chose s’est produite en Russie, après la chute du communisme […], de telles morts résultent de la dissolution des structures sociales qui conféraient un sens à la vie des gens. Mais les États-Unis sont peut-être particulièrement vulnérables à ce genre d’événements, en raison de l’individualisme prégnant et d’une certaine tendance à associer réussite économique et prestige social », analyse l’économiste britannique David Canning dans la revue Science.
    Se sentant exclus du rêve américain, les « petits Blancs » trouvent une consolation dans les paradis artificiels, expliquent les auteurs. Et la défaillance du système de santé américain a tôt fait de transformer leur désespoir en catastrophe sanitaire, comme en témoigne la récente crise des opioïdes. « La colère de Case et Deaton cible essentiellement le secteur de la santé, qui non seulement donne de mauvais résultats mais en plus coule l’économie américaine. Nos dépenses de santé par habitant sont deux fois plus élevées qu'en France, mais notre espérance de vie est inférieure de quatre ans, nos taux de mortalité infantile et maternelle sont près de deux fois plus élevés et, contrairement à la France, il y a chez nous 30 millions de personnes qui sont dépourvues d'assurance maladie », pointe la biologiste Helen Epstein dans The New York Review of Books. (Pauline Toulet)
                                                             ____________________

vendredi 24 avril 2020

La barbe!

Mieux vaut la laisser pousser...
                                              Pas besoin qu'elle soit au poil.


Des animaux et des hommes

Ils nous étonneront toujours...
Proches ou lointains, domestiques ou sauvages...
Etonnants rapports que ceux que nous entretenons par le biais du langage avec le monde animal, finalement si peu connu. Pour le meilleur et pour le pire..Des rapports ambigus où l'anthropomorphisme et la fantaisie règnent en maître, mais parfois avec un brin d'observation et de bon sens mêlé à un imaginaire immémorial.
Pas si bêtes, les bêtes...
D'Ormesson s'est bien amusé...

«Myope comme une taupe», «rusé comme un renard» «serrés comme des sardines»...  les termes empruntés au monde animal ne se retrouvent pas seulement dans les fables de La Fontaine, ils sont partout.

    La preuve: que vous soyez fier comme un coq, fort comme un bœuf, têtu comme un âne, malin comme un singe ou simplement un chaud lapin, vous êtes tous, un jour ou l'autre, devenu chèvre pour une caille aux yeux de biche.
     Vous arrivez à votre premier rendez-vous fier comme un paon et frais comme un gardon et là , ... pas un chat !
    Vous faites le pied de grue, vous demandant si cette bécasse vous a réellement posé un lapin.
Il y a anguille sous roche et pourtant le bouc émissaire qui vous a obtenu ce rancard, la tête de linotte avec qui vous êtes copain comme cochon, vous l'a certifié: cette poule a du chien, une vraie panthère
   C'est sûr, vous serez un crapaud mort d'amour. Mais tout de même, elle vous traite comme un chien.
   Vous êtes prêt à gueuler comme un putois quand finalement la fine mouche arrive.
  Bon, vous vous dites que dix minutes de retard, il n'y a pas de quoi casser trois pattes à un canard.
Sauf que la fameuse souris, malgré son cou de cygne et sa crinière de lion est en fait aussi plate qu'une limande, myope comme une taupe, elle souffle comme un phoque et rit comme une baleine.
Une vraie peau de vache, quoi !
Et vous, vous êtes fait comme un rat.
Vous roulez des yeux de merlan frit, vous êtes rouge comme une écrevisse, mais vous restez muet comme une carpe.
Elle essaie bien de vous tirer les vers du nez, mais vous sautez du coq à l'âne et finissez par noyer le poisson. Vous avez le cafard, l'envie vous prend de pleurer comme un veau (ou de verser des larmes de crocodile, c'est selon). Vous finissez par prendre le taureau par les cornes et vous inventer une fièvre de cheval qui vous permet de filer comme un lièvre.
 C'est pas que vous êtes une poule mouillée, vous ne voulez pas être le dindon de la farce.
  Vous avez beau être doux comme un agneau sous vos airs d'ours mal léché, faut pas vous prendre pour un pigeon car vous pourriez devenir le loup dans la bergerie.
  Et puis, ça aurait servi à quoi de se regarder comme des chiens de faïence.
  Après tout, revenons à nos moutons: vous avez maintenant une faim de loup, l'envie de dormir comme un loir et surtout vous avez d'autres chats à fouetter."

     _________________
De tuer les animaux à tuer les hommes il n'y a qu'un pas, tout comme de faire souffrir les animaux à faire souffrir les hommes. (Léon Tolstoï)   ______________

jeudi 23 avril 2020

A votre santé

Une priorité.
                      Nous sommes en train de le redécouvrir crûment. IL faut une crise d'ampleur mondiale pour revenir aux fondamentaux. Nous avons manqué de prévision, malgré les avertissements répétés et nous avons négligé les moyens.
      Le grand corps malade a repris de la vigueur. Par nécessité. Mais à quel prix? Avec les moyens du bord, Parfois avec des bouts de ficelle. Au début sans masques  et les moyens manquent encore. Il ne suffit pas de se dévouer corps et âme, il aurait fallu un peu de prévoyance, moins de gestion à la petite semaine, moins de comptabilité à courte vue pour "faire des économies" à tout prix. Nous le payons cher.
   Repenser la santé publique, au niveau international aussi, est une urgence. Le pilotage de l'OMS a  montré ses limites. Les virus ne connaissent pas les frontières.
     Sophie Crozier, qui exerce sur le terrain, n'a pas de mots assez forts pour dénoncer les carences organisées qui ont affecté le système de soins français, particulièrement le système hospitalier, dont le fonctionnement et la logique d'organisation désespèrent les meilleurs praticiens, du haut de l'échelle au plus bas échelon, de l'aide-soignante au chirurgien confirmé, qui ne peuvent ouvrer efficacement que dans une étroite collaboration
   . La crise sanitaire révèle encore toutes ces défaillances depuis longtemps dénoncées mais ignorées des gestionnaires surtout tournés vers des objectifs de rentabilité, au nom de la sacro-sainte doctrine libérale. Nous en payons le prix.
   L'empathie ne suffit pas. Il faut encore être efficace et pour l'être il faut des moyens et aussi une autre organisation, des équipes soudées et stables, considérées et (aussi) mieux payées. Le salaire d'un infirmière en France est dans les derniers d'Europe.
   Pas de médecine sans moyens. Mais pas de comptabilité à courte vue.  La vie avant la bourse. Une question de priorité morale mais aussi de simple bon sens.
                                                _____________________________

mercredi 22 avril 2020

C'est décidé

Je me remets à la cigarette, ou alors:
                                                                _________________

Du côté de Varsovie

Ombres et périls
                           A la faveur des événements politico-sanitaires en cours, le gouvernement polonais, comme d'autres dans le monde, accentue son glissement à droite, renforce son contrôle social, son conservatisme déjà bien engagé et son nationalisme inquiétant. A la faveur du Covid-19, le pouvoir accentue son emprise et l'arbitraire gagne un peu plus.

    Une longue dérive se poursuit, malgré les oppositions, à la faveur des divisions internes. La société est de plus en plus clivée, ce qui favorise le pouvoir du gouvernement ultra-conservateur:
   "...Les Polonais s’affrontent, de plus en plus violemment, sur les droits de femmes, leur place dans la culture et la société polonaise, la mémoire ou le récit national, les droits des LGBTQI, l’environnement, la place de l’Église catholique dans la culture et dans la société polonaise, la réforme de la justice et des médias menée par Droit et Justice qui vise à leur retirer leur indépendance, l’Europe, l’accueil de migrants, l’éducation, etc. ..."
     Une lutte politique à l'issue incertaine, malgré certaines avancées féministes, mais aussi un combat culturel, qui s'inscrit dans une histoire où la femme est restée longtemps mineure.

 Les dirigeants du PiS, tout en profitant de la manne européenne, joue un jeu ambigu dans leurs relations avec Bruxelles et contribuent à l'affaiblir un peu plus.
     En revisitant l'histoire à leur manière, le pays de Chopin fait planer de bien sombres nuages, surtout dans le contexte actuel, sur une Europe en plein désarroi.
                                                    _____________________________

mardi 21 avril 2020

Espoir...

Durs sont les temps
                              Mais tenace est la résiliente espérance.
                                                                        ___________

Pouquoi Bergame?


La rentabilité ou la santé
                                            Une catastrophe sanitaire d'une ampleur rare.
     On s'est très peu  interrogé sur les causes profondes de ce désastre. On a invoqué divers facteurs, comme la densité de la démographie et du tissu industriel de cette riche partie de l'Italie du Nord, divers événements comme un match de football de trop...
 Mais curieusement d'autres parties italiennes aussi denses, comme la région de Rome et le bassin de Naples ont été moins atteints.

Faut-il mettre ce phénomène sur le compte du hasard? Certainement pas. Rares sont les journaux qui ont souligné l'attitude d'une partie du patronat à vouloir trop longtemps privilégier l'emploi aux dépends de la santé, du moins dans les premiers temps, les plus décisifs.

   S'il y a encore des incertitudes, il n'y a  pas de mystère. (*)
  Le lobby patronal a été d'une totale inconscience, faisant pression sur les autorités politiques et sanitaires locales pour faire prévaloir ses droits, quoi qu(il en coûte.
            __ (*)     "...Le 23 février, il y avait dans la province de Bergame 2 cas positifs de coronavirus. En une semaine, ils atteignaient le chiffre de 220 – presque tous dans la Val Seriana. A Codogno, petite ville lombarde où fut détecté le 21 février le premier cas de coronavirus, il suffit de 50 cas diagnostiqués pour fermer la ville et la déclarer zone rouge. Pourquoi n'en fit-on pas autant dans la Val Seriana ? Parce que cette vallée du Serio concentre un des pôles industriels les plus importants d'Italie, et les patrons de l'industrie firent pression sur toutes les institutions pour éviter de fermer leurs usines et de perdre de l'argent. C'est ainsi, aussi incroyable que cela paraisse, que la zone comptant le plus grand nombre de morts par habitant de l'Italie – et d'Europe - par coronavirus n'a jamais été déclarée zone rouge, à la grande stupeur des maires qui le réclamaient, et des citoyens qui, maintenant, demandent qu'on recherche les responsables. Les médecins de famille de la Val Seriana sont les premiers à parler clairement : si on l'avait déclarée zone rouge, comme le conseillaient tous les experts, on aurait sauvé des centaines de personnes, assurent-ils, impuissants.
L'histoire est encore plus trouble : ceux qui ont intérêt à garder les usines ouvertes sont, dans certains cas, les mêmes qui ont des intérêts dans les cliniques privées. La Lombardie est la région d'Italie qui incarne le mieux le modèle de marchandisation de la santé, et elle a été victime d'un système de corruption à grande échelle, dirigé par celui qui fut son gouverneur pendant 18 ans (de 1995 à 2013), Roberto Formigoni, membre éminent de Communion et Libération (CL). Il était du parti de Berlusconi, qui l'appelait « le gouverneur à vie de la Lombardie », mais il avait toujours bénéficié du soutien de la Ligue, qui gouverne la région depuis que Formigoni est parti, accusé – puis condamné -pour corruption dans la Santé. Son successeur, Roberto Maroni, a engagé en 2017 une réforme de la santé qui taille encore plus dans les investissements dans la santé publique et qui a pratiquement fait disparaître le personnage du médecin de famille, le remplaçant par celui du « gestionnaire ». « C'est vrai, dans les 5 prochaines années, 45 000 médecins de famille disparaîtront ; mais qui consulte encore son médecin de famille ? » a dit, imperturbable, en août dernier, Giancarlo Giorgetti, membre de la Ligue, alors vice-secrétaire d'Etat du Gouvernement Conte-Salvini.
L'épidémie dans la zone de Bergame, ce qu'on appelle le Bergamasque, a officiellement commencé dans l'après-midi du dimanche 23 février, bien que les médecins de famille – en première ligne dans la dénonciation de la situation – assurent que, dès la fin du mois de décembre, ils soignaient de très nombreux cas de pneumonies atypiques, même chez des personnes de 40 ans. Dans l'hôpital Pesenti Fenaroli, d'Alzano Lombardo, petite ville de 13 670 habitants, située à quelques kilomètres de Bergame, arrivèrent ce 23 février les résultats des tests de coronavirus de deux patients hospitalisés : ils étaient positifs. Comme tous deux avaient été en contact avec d'autres patients et avec des médecins et des infirmiers, la direction de l'hôpital décida de fermer ses portes. Mais, sans aucune explication, elle les rouvrit quelques heures après, sans désinfecter les installations ni isoler les patients atteints de Covid-19. Plus encore : le personnel médical continua à travailler sans protection pendant une semaine ; une grande partie du personnel sanitaire de l'hôpital fut contaminée et le virus se répandit parmi la population. Les contaminations se multiplièrent dans toute la vallée. L'hôpital fut le premier grand foyer d'infection : des patients hospitalisés pour un simple problème de hanche mouraient contaminés par le coronavirus.
Les maires des deux petites villes les plus touchées de la Val Seriana, Nembro et Alzano Lombardo, attendaient tous les jours, à 19 heures, que leur parvienne l'ordre de fermeture, comme cela avait été décidé. Tout était prêt : les ordonnances rédigées, l'armée mobilisée ; le chef de la police avait communiqué les tours de garde, et les tentes étaient dressées. Mais l'ordre n'est jamais arrivé, sans que personne ait pu leur expliquer pourquoi. Par contre, arrivaient constamment des coups de téléphone des entrepreneurs et patrons des usines de la région, très soucieux d'éviter à tout prix l'arrêt de leurs activités. Ils ne se cachaient pas.
Le 28 février, en pleine urgence coronavirus, - en 5 jours, on était arrivé à 110 contaminés officiels dans cette zone, dès lors hors contrôle – le patronat de l'industrie italienne, la Confindustria, lance sans aucune pudeur une campagne sur les réseaux avec le hashtag ≠ YesWeWork. « Nous devons baisser le ton, faire comprendre à l'opinion publique que la situation est en cours de normalisation, que les gens peuvent se remettre à vivre comme avant », déclara dans les médias le président de Confindustria Lombarda, Marco Bonometti.
Le même jour, Confindustria Bergamo lança sa propre campagne à l'adresse des investisseurs étrangers, pour les convaincre qu'il ne se passait rien et qu'il n'était absolument pas question de fermer. Le slogan était sans ambiguïté : « Bergamo non si ferma / Bergame is running » (Bergame ne s'arrête pas).
Le message de la vidéo promotionnelle pour les associés internationaux était absurde : «  On a diagnostiqué des cas de Coronavirus en Italie, tout comme dans beaucoup d'autres pays », minimisaient-ils. Et ils mentaient : « Le risque de contamination est faible ». Ils s'en prenaient aux médias pour leur alarmisme injustifié et, montrant des ouvriers au travail dans leurs usines, assuraient que toutes les usines resteraient « ouvertes et tournant à plein régime, comme toujours »....
            ______ Ce fut pendant un temps trop long, mais décisif, le marché avant la santé, la bourse avant la vie...
                                                      ______________________________

lundi 20 avril 2020

L' envol ?

L' espoir de l'envol...

Situation, perspectives et interrogations

                        L'innovation viendra-t-elle des grandes peurs?
Point de vue:
                         " Le monde est lugubre. La moitié de l’humanité est placée en confinement, événement jamais survenu. Plusieurs libertés fondamentales (droit de réunion, de manifestation) ont été supprimées, laissant la place à des systèmes de surveillance orwelliens. Plus de 50 pays ont déclaré l’état d’urgence. Les démocraties ont mis leur Parlement sous cloche. Les régimes dits « illibéraux » ou autoritaires en profitent pour cadenasser un peu plus leur société.
      Et le paysage international est plus dévasté que jamais. Certes, ce qu’il est convenu d’appeler le « multilatéralisme », ces systèmes de gouvernance et de régulation qui ne se résument pas aux Nations unies, était déjà à l’agonie, incapable de régler les grandes crises : guerre en Syrie ou au Yémen, conflit israélo-palestinien, course aux armements, crise migratoire et crise climatique, terrorisme, explosion des inégalités (entre autres).

     Or voilà que face à une pandémie mondiale, aucune réponse internationale n’est construite. La surenchère des États, les hystéries xénophobes et nationalistes (en Chine, en Inde, en Hongrie), le chacun pour soi l’emportent, dans un désordre généralisé.
     Une fois de plus, Donald Trump a donné le la de manière caricaturale. Après avoir coupé les financements à l’Unesco, dénoncé l’accord de Paris, être sorti du traité sur les forces nucléaires intermédiaires, avoir mis à bas des traités commerciaux jugés défavorables aux États-Unis, le voilà qui s’en prend à l’Organisation mondiale de la santé, seule instance existante capable de coordonner la lutte contre la pandémie, en particulier dans les pays les plus pauvres (lire ici notre précédent article).
     « Quand la première puissance mondiale ne joue pas le jeu, le multilatéralisme est mort. Beaucoup va donc se jouer avec l’élection présidentielle américaine », note Pascal Boniface, directeur de l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques), interrogé par Mediapart.
   Thierry de Montbrial, président de l’IFRI (Institut français des relations internationales), qui n’a rien d’un révolutionnaire et a toujours défendu les intérêts bien compris des États, est cette fois d’une rare violence. « Le désastre actuel est la manifestation la plus flagrante de l’incurie de la politique sanitaire des États et de la gouvernance mondiale au cours des dernières décenniesCette incurie est bien celle des principaux acteurs du système international, et d’abord des États-Unis, de la Chine et de l’Union européenne »écrit-il.
    Voilà pour l’état des lieux (lire également l’article de Fabien Escalona). Un état des lieux qui pourrait produire le pire dans les années à venir. La revue Foreign Policy a récemment interrogé une dizaine de spécialistes des relations internationales sur ce monde qui vient. Le tableau est désespérant et ainsi résumé par Nicholas Burns, ancien diplomate américain et professeur à la Harvard Kennedy School : « Le Covid-19 va créer un monde moins ouvert, moins prospère et moins libre. Cela aurait pu n’être pas le cas, mais la combinaison d’un virus mortel, d’une préparation inadéquate et d’un leadership incompétent a placé l’humanité sur une voie nouvelle et inquiétante. »
   Les premières mesures de déconfinement, prises dans le plus grand désordre par les pays européens, chacun élaborant son petit plan et son calendrier, ne sont qu’une illustration supplémentaire de la faillite de l’Union européenne. Une fois encore, elle aura échoué à s’imposer comme un acteur politique capable de protéger ses populations (lire ici l’article de Martine Orange).
   Alors, faut-il se résigner à l’horreur mondiale ainsi annoncée ? Des sursauts sont encore possibles et de très rares signes laissent envisager que le pire n’est pas certain. Le premier est la coopération internationale scientifique et médicale sur le virus et la recherche d’un vaccin. La question est simple : laissera-t-on breveter un vaccin par un géant pharmaceutique privé ou sera-t-il d’emblée considéré comme un « bien commun » disponible pour tous ?
    Lors d’une réunion le 15 avril avec la cinquantaine de pays africains membres des Nations unies, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est voulu catégorique : « Nous devons construire des solidarités exceptionnelles. […] Un vaccin pourrait être le seul outil permettant un retour du monde à un sentiment de normalité. Il sera clairement un bien public global et nous devrons nous assurer de son déploiement universel. »
    Josep Borrel, « haut représentant » de l’Union européenne chargé de la politique extérieure et de la sécurité, estime lui aussi que ce futur vaccin devra « être considéré comme un bien public mondial ». Ces deux responsables seront-ils entendus, par exemple par les acteurs privés américains qui sont engagés dans une course effrénée pour la découverte d’un tel vaccin ?
   Autres signaux faibles de coopérations internationales nouvelles : le cessez-le-feu intervenu au Yémen, l’aide apportée par les Émirats arabes unis à l’Iran, la coopération nouvelle entre la Colombie et le Venezuela, et l’aide à l’Afrique avec la décision d’instaurer un moratoire de 12 mois sur le remboursement de la dette (lire notre article)
    « C’est la seule bonne surprise de cette crise à ce jour », note Pascal Boniface. Certes, la mesure instaurant ce moratoire est faible, elle représente 20 milliards de dollars (un centième du plan de relance économique voté par le Congrès américain). Il n’est toujours pas question d’annulation de ces dettes, mais cette décision évitera l’effondrement financier de certains États africains.
            Ces petites avancées peuvent-elles construire un système international renouvelé échappant aux chocs entre puissances ? Le spécialiste des relations internationales Bertrand Badie, critique acéré de l’actuelle gouvernance mondiale (nos précédents entretiens sont ici et ici), veut pourtant espérer en de nouveaux possibles. « Le premier signe positif, c’est la prise de conscience. Jamais l’opinion publique mondiale n’a été aussi consciente des insécurités nouvelles et de la nécessité d’une gouvernance mondiale pour y faire face. Le second signe, ce sont tous ces appels à un nouveau multilatéralisme », estime-t-il, interrogé par Mediapart, tout en notant la manière dont ce « virus alimente les poussées de fièvre nationaliste ».
   Bertrand Badie rappelle quelques fondamentaux qui valent même pour les grandes puissances : « La peur et la nécessité froide, c’est-à-dire l’obligation de faire ce que je n’aime pas faire, ont toujours été deux grands facteurs de changement. » Il ne s'agit pas là de refonder ce qui est encore pensé – à tort – comme le cœur du système international, c’est-à-dire le Conseil de sécurité des Nations unies.
   Cette instance est de longue date inopérante, déconnectée des nouveaux enjeux du monde. Tous les débats des années 2000 sur une réforme du Conseil de sécurité, portés par l’Allemagne, le Japon, le Brésil ou l’Afrique du Sud, visaient à renouveler ce Conseil, ses missions, sa représentation surtout (inchangée depuis sa création, avec les mêmes membres permanents, États-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni, France). Ces tentatives ont toutes échoué. Et le Conseil n’a d'ailleurs pas même été capable d’adopter une résolution depuis le tout début de la crise du Covid-19…
   C’est ailleurs que peut se reconstruire une gouvernance mondiale pour des politiques publiques globales efficaces. La santé, l’alimentation, la démographie, le climat, l’environnement sont aujourd’hui les premiers enjeux d’un village mondial totalement interconnecté et interdépendant.
    « En 2017, Donald Trump a annoncé une nouvelle stratégie de sécurité nationale centrée sur la concurrence entre les grandes puissances. Le Covid-19 montre que cette stratégie est inadéquate »estime Joseph Nye, spécialiste des relations internationales et ancien des administrations Carter et Clinton. Pendant que Trump débloquait de faramineux budgets pour l’armée américaine et le renouvellement de son arsenal nucléaire, quand la Russie et la Chine faisaient de même, les défis sanitaires ou environnementaux ne faisaient que grossir.
  « Les dépenses militaires dépassent 2 000 milliards de dollars, or l’essentiel est ailleurs », note Bertrand Badie. Délégués jusqu’alors à des agences onusiennes sous-financées, bureaucratisées et à l’efficacité faible, tous ces enjeux modifient ou déterminent les conditions de vie de la population mondiale. C’est là que doivent se reconstruire en urgence les coopérations internationales. Si ces appels à un nouveau multilatéralisme ne sont pas aussitôt oubliés à peine la crise enrayée, il serait alors permis de ne pas totalement désespérer."  (Merci à Mediapart)
                                              _____________________________________