On (n')a (pas) tout essayé (Bis repetita...)
On nous raconté de belles histoires depuis les années 80, ou plutôt on nous a masqué les évolutions (les choix) en cours, présentées comme modernes, voire inéluctables.
On a dévoyé la notion de libéralisme politique, née de la Révolution Française et celle, bien tempérée, d'un certain libéralisme économique contrôlé, au service du plus grand nombre, pour une plus équitable redistribution..
L'Etat est sorti de ses rails et a donné aux marchés un espace de plus en plus important jusqu' à être phagocyté par eux. D'où les renoncements et les abandons, les collusions et le piège s'est installé: on a tout essayé, comme disait L.Jospin, impuissant.
Les conflits d'intérêts et les passages continus des décideurs du public au privé et vice-versa ont favorisé une évolution observée à peu près partout, sous l'influence d'une finance mondialisée de plus en plus puissante et d'une rente qui atteint des sommets.. Les instances étatiques se trouvaient entravées dans leurs décisions et favorisaient même le développement de puissances financières qui imposaient leur loi, la spéculation prenant le pas sur la production.
A la suite des "révolutions libérales" de Thatcher et Reagan, la loi des marchés devaient devenir la loi et les prophètes pour la plus grande prospérité des peuples au niveau mondial, disait-on.
There is no alternative, disait Maggie, qu'on a pris l'habitude de traduire par le sigle TINA.
L' 'Etat était devenu le problème et non la solution, selon les dogmes de Reagan.
L'ultralibéralisme gagnait des points dans les choix et les orientations majeures. L'extrême, c'est le minarchisme, dont la principale égérie fut Ayn Rand. Hayeck et l'école de Chicago, avec Milton Friedman, conseiller de Pinochet, furent les livres de chevet de la Dame de fer, dont Fillon, il y a peu, vantait les choix politiques et économiques, l'Etat abandonnant ses fonctions de contrôle et de régulateur et ne gardant que le minimum, ses fonctions régaliennes.
L'Etat est peu à peu devenu le servant des groupes financiers et des multinationales, facilitant leur pénétration et leurs concentration. Ce que Roosevelt avait condamné en son temps.
___Assisterait-on à un début de retournement?
Des signes sembleraient l'indiquer: des économistes, qu'on dit atterrés, veulent remettre les choses à l'endroit, contre la colonisation par de puissants intérêts privés de certaines structures de l'Etat, notamment dans le courant né de la crise.
On constate aussi que des voix s'élèvent, au sein du très conventionnel FMI, pour remettre en cause des choix politiques asservis à des intérêts qui font du lobbying permanent et du chantage à l'emploi, critiquant même les décisions funestes prises à l'égard de la Grèce par une Europe à la ligne étroitement néolibérale.
Un autre monde est possible, disent certaines voix, qui veulent changer un logiciel aux effets pervers.
Le retour à l'Etat régulateur est enfin de plus en plus demandé, au service de l'intérêt général, pour retrouver les principes fondateurs et démocratiques.
Oui, il faut envisager des alternatives, retrouver de nouveaux chemins, sortir du tunnel, du piège, qui peut mener à de nouvelles crises, l'Etat ayant déjà renfloué les banques en notre nom et nous faisant payer les intérêts d'une dette qui n'était pas fatale.
Comme le signale Gilles Ravaud, le monde a changé ! Si vous plongez dans les travaux de recherche des économistes, dans les gros rapports des institutions internationales, voici ce qui ressort : il y a trop d'inégalités, trop de finance, les salaires ne progressent pas assez, il faut plus d'investissements publics, lutter contre les paradis fiscaux et promouvoir la lutte contre le changement climatique !
Le libéralisme économique a perdu la bataille intellectuelle. Il peut perdre la bataille politique. Une mondialisation régulée, c'est possible, une finance au service de l'économie aussi. L'Europe n'empêche pas les politiques nationales : la France peut développer sa propre politique industrielle, faire reculer le chômage, réduire les inégalités, sortir du " tout croissance ". Et pas besoin d'en passer par le rejet de l'autre, comme Trump, ou par le rejet de l'Europe, comme avec le Brexit. On peut, aujourd'hui, suivre une voie progressiste et écologique sans sortir de la mondialisation ou de l'Europe.
Laisser faire les marchés, livrés à eux-mêmes est le contraire des tâches bien comprises de l' Etat investisseur et stratège, qui doit retrouver ses fonctions, dans l'esprit de Philadelphie, largement oublié.
La loi du marché n'a pas que des conséquences matérielles.
La régulation est une nécessité, de plus en plus affirmée. Toute la question est celle du passage réel à une autre logique, à un renversement des priorités, au delà de l'échelle nationale. Avant qu'une nouvelle crise, plus cruelle, nous oblige à le faire.. Piketty nous ouvre quelques voies, après d'autres.
Au moins au niveau européen. Il y a encore du chemin à faire...
A condition de sortir de l'ornière d'une certaine économie de complaisance
et des bréviaires en vogue. ___________________
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