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vendredi 24 juillet 2020

Europe: un saut hamiltonien? (2)

Ambiguïtés.
                      Après les négociations ardues de ces deniers jours à Bruxelles, certains ont qualifié le compromis, obtenus pour aider à surmonter les effets de la crise européenne, comme une sorte de saut hamiltonien, en référence à l'homme politique qui contribua à l'édification de la nation américaine sur la base d'un fédéralisme, qui allait amener à une nouvelle configuration des pouvoirs et à un partage des dettes.
       Ce qui s'est passé à Bruxelles n'est pas rien , à condition que ce soit ratifié par l'assemblée, mais ce n'est pas un saut qualitatif. C'est un compromis temporaire et encore bien vague, insuffisant sur de nombreux points, interprété diversement par chacune des parties.  Le quotidien régional de centre-gauche Berliner Zeitung salue un compromis "historique" malgré une réglementation trop "vague" . "Au départ, un droit de veto pour chaque pays membre a été discuté. Le compromis actuel ne le prévoit plus. Selon le nouveau règlement, une majorité de 55 pour cent des pays de l'UE (17 sur 27 pays) avec 65 pour cent de la population totale serait nécessaire pour déposer une plainte. En pratique, cela semble peu probable", critique le quotidien à propos du contrôle de versement des aides.
   Les zônes d'ombre ne manquent pas et il y a des gagnants.
On est encore bien loin d'un premier moment fédéral. La prudence s'impose.  Pour The Guardian, les pays de l'Union européenne auraient bien tort de se réjouir après un sommet "amer" qui "révèle un déficit de confiance entre les dirigeants". Une vrai bataille au milieu des Vingt-Sept selon le site internet du quotidien, pour qui "la confrontation entre les 'frugaux' et les pays qui doutent de l’état de droit met en évidence l’acrimonie au cœur de l’union".
      La "conversion" de l'Allemagne est certes spectaculaire, mais elle semble bien s'expliquer par le contexte difficile qui s'impose à elle et à son industrie exportatrice en péril.
                       "... Pour mesurer les zones d’ombre de cet accord, il suffisait d’écouter les différents camps au sortir de leur interminable réunion mardi matin : chacun avait gagné la partie ! « Nous l’avons fait. L’Europe est au rendez-vous, l’Europe est rassemblée », s’est félicité Charles Michel, président du Conseil européen. « Nous avons apporté une réponse à la plus grande crise de l’histoire européenne », a renchéri Angela Merkel, tandis qu’Emmanuel Macron insistait sur le caractère « historique » de ce plan.
         Au même moment, Mark Rutte, le premier ministre néerlandais qui a mené la fronde des pays dits « frugaux », hostiles à toute mutualisation des dettes au niveau européen, insistait sur le fait que le plan de relance ne transformerait pas l’Europe en une union de transferts de richesses, parce que les Pays-Bas et ses alliés avaient veillé à ce que ce soit un programme ponctuel et limité dans le temps, juste pour faire face à la crise sanitaire.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Charles Michel, président du Conseil européen, après l'accord sur le plan de relance, le 21 juillet. © Stéphanie Lecocq/ AFPUrsula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Charles Michel, président du Conseil européen, après l'accord sur le plan de relance, le 21 juillet. © Stéphanie Lecocq/ AFP          Alors que l’Europe affronte sa troisième grave crise économique en l’espace de dix ans, les dirigeants européens savaient qu’ils ne pouvaient se quitter sur un échec : il en allait de la survie de la zone euro. Durement touchée par la pandémie, l’Italie risquait de sombrer dans des niveaux d’endettement insoutenables si aucune aide ne lui était apportée, au risque de provoquer une nouvelle crise de la dette en Europe. Et, cette fois, la Banque centrale européenne, qui tient la zone euro à bout de bras depuis une décennie, risquait de se trouver sans munitions monétaires suffisantes, si les États européens ne prenaient pas le relais avec des dispositifs budgétaires.        C’est cette menace qui a conduit Angela Merkel à faire volte-face et à abandonner la position dure de refus de soutien aux autres pays européens qu’elle avait adoptée au cours des dix dernières années. Alors que la crise sanitaire met à mal toute l’économie mondiale, que la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump fait peser un risque sur ses exportations, que les produits chinois sont désormais en concurrence directe des productions allemandes, que l’industrie automobile, pièce centrale de l’économie allemande, connaît une crise existentielle, Berlin ne pouvait se payer le luxe en plus de voir s’effondrer la zone euro, devenue son marché intérieur. « Il est dans l’intérêt de l’Allemagne que l’Union européenne ne s’effondre pas », reconnaissait sans ambages Angela Merkel en juin.      Mais cette conversion de la chancelière allemande, applaudie par la France et les responsables européens, n’a pas convaincu tout le monde. Les dirigeants européens pensaient s’être débarrassés de toute opposition forte avec le départ de la Grande-Bretagne, après le Brexit. Ils ont trouvé face à eux un opposant tout aussi embarrassant : les Pays-Bas. Ceux-ci ont réussi à fédérer autour de leur cause le Danemark, la Suède, l’Autriche et la Finlande. Dès que le premier ministre néerlandais a entendu la proposition de la Commission européenne de lever de la dette sous la signature de l’Union afin de faire profiter les pays européens les plus exposés de taux plus bas ou, pire encore, de leur donner de l’argent sans exiger de remboursement, il s’est opposé de toutes les manières possibles au projet. Avec un succès certain.      Car quoi qu’en disent les communicants de l’Élysée, le couple franco-allemand, sur lequel Emmanuel Macron fait reposer toute sa stratégie européenne, a été sérieusement à la peine pendant ce sommet. Loin de donner le la, il lui a fallu aller de concessions en renoncements pour faire approuver son plan de relance. Tous s’attendaient à des révisions à la baisse par rapport au projet de 500 milliards d’euros de dons aux pays les plus en difficulté, présenté en mai. Mais pas dans de telles proportions.        Pendant le week-end, l’Allemagne et la France annonçaient encore que la somme de 450 milliards d’euros était leur dernière limite, la « ligne rouge » qu’ils se refusaient à franchir. Ils ont finalement transigé à 390 milliards d’euros. Tout le reste (360 milliards d’euros) sera versé sous forme d’emprunts auprès des différents pays demandeurs. Et encore : il faudra que ceux-ci montrent patte blanche.      Même si les pays dits frugaux ont en apparence échoué à imposer des conditionnalités sur le versement des crédits dispensés par l’Union – c’est-à-dire à placer les pays sous la direction de la Commission – et à obtenir un droit de veto – les plans seront adoptés à la majorité qualifiée –, ils ont arraché cependant une possibilité de faire appel dans un délai de trois mois, s’ils considèrent que les pays bénéficiaires ne respectent pas les règles. Surtout, ils ont réussi à imposer un contrôle étroit de la Commission européenne sur tous les projets financés par l’Union. Ce ne sera pas la troïka, qui a laissé un souvenir traumatisant dans toute l’Europe, mais cela ira bien au-delà du nécessaire contrôle pour lutter contre la corruption et le détournement des fonds publics.             Le ralliement de l’ensemble des pays européens aux positions néerlandaises sur ce sujet met en lumière la permanence des schémas macro-économiques dans lesquels s’inscrit le plan de relance. Officiellement, celui-ci est censé marquer une rupture avec l’austérité expansionniste, imposée à toute l’Europe depuis 2008, et qui a valu à la zone euro la croissance la plus faible de tous les pays occidentaux. Mais cet abandon n’est que provisoire, une parenthèse pour faire face à la crise économique provoquée par la pandémie : les critères fixés par les traités existants demeurent.                Surtout, cette mise à l’écart n’est que partielle : les réformes structurelles (retraites, marché du travail, Sécurité sociale, santé) sont toujours de mise. Les mises en demeure de Mark Rutte, qui a insisté sur la nécessité de mener à bien ces fameuses réformes structurelles, n’ont suscité aucun désaccord dans les rangs des autres dirigeants européens. Les financements dégagés par l’Europe doivent servir à des projets à même de mettre en œuvre ces réformes, censées soutenir une croissance durable – ce qui n’a jamais été prouvé, les expériences passées démontrant même le contraire. Mais cela vaut aussi pour les projets destinés à soutenir la transition écologique, le développement numérique.      Tout s’inscrit dans la même idéologie ordolibérale, promouvant les mêmes schémas de croissance que par le passé, la même stratégie de l’offre. À cette aune, le grand plan de relance risque vite de se transformer en un programme de soutien au secteur privé, en excluant toute politique publique, la Commission européenne censurant tous ceux qui seraient tentés de s’écarter du « droit chemin "....                                                          ______________________

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