Ça va jazzer

https://www.jazzradio.fr/

mercredi 26 avril 2023

Entendez-vous dans nos campagnes? (suite)

Nouveau servage?

               Nos belles campagnes françaises ne sont pas seulement comme marginalisées, trop souvent loin des avantages des services publics, ou de qu'il en reste. La paysannerie, de plus en plus réduite en nombre, sur des terres de plus en plus concentrées, subit, quand elle ne reste pas traditionnelle ou semi-traditionnelle, des pressions fortes pour s'insérer dans le monde des multinationales ou de l'industrie alimentaire locale, qui ont souvent une puissance insoupçonnée, non seulement pour fixer les prix de production sans négociation, mais aussi pour imposer l'achat  des produits phytosanitaires et des intrants. C'est le monde de l'agrobusiness, qui fait beaucoup de perdants, sous la pression de puissants lobbies, qui se sont installés jusque dans le monde des coopératives agricoles, avec l'appui de syndicats puissants, au nom du "progrès". Un système qui s'est imposé, notamment en Bretagne, qui produit ses winners et trop souvent ses loosers, quand le poids des dettes se fait trop fort et que la course au rendement produit des effets délétères.                    L'accoutumance à l'emploi encore systématique du glyphosate, notamment, est devenue persistante, malgré les mises en garde, les études qui aujourd'hui ne permettent plus de douter de leur nocivité pour la santé des utilisateurs et de l'environnement, sans parler de la qualité des sols. Que ce soit des produits de Monsanto ou d'un autre. Leurs effets nocifs sur le système endocrinien sont maintenant bien connus, surtout après les études sur le sujet, en France ou ailleurs, notamment les travaux de Marie Robin. Malgré les dénégations des vendeurs ou le doute constamment instillé.       


                                                                                                                             "...Il faut arrêter d'emmerder le monde agricole!...Le 22 septembre dernier, 250 agriculteurs, emmenés par la FNSEA, le principal syndicat agricole, bloquent les Champs-Élysées en étalant de la paille. Ils dénoncent la position du gouvernement français sur le glyphosate – l’herbicide le plus utilisé au monde, ingrédient actif du Roundup, produit phare de la firme Monsanto, et classé cancérogène probable par l’Organisation mondiale de la santé. Le gouvernement français envisage alors de ne pas voter la proposition de la Commission européenne d’autoriser à nouveau le glyphosate pour les dix prochaines années [1]. A Bruxelles, la FNSEA fait front commun avec le lobby des pesticides pour montrer qu’une interdiction du glyphosate provoquerait, selon eux, une baisse de la production de céréales. Comment expliquer l’attachement du syndicat agricole majoritaire à ce désherbant jugé cancérogène par plusieurs études indépendantes ?     
Pour le comprendre, prenons la direction de Landerneau, en Bretagne. C’est ici que siège Triskalia, la plus grande coopérative agricole de la région. Elle emploie 4800 salariés et fédère 16 000 agriculteurs adhérents, pour 280 sites en Bretagne. Son conseil d’administration est géré par des agriculteurs membres de la FNSEA [2]. En 2016, Triskalia a réalisé un chiffre d’affaires impressionnant, à hauteur de 1,9 milliards d’euros. « Ils vendent des aliments pour le bétail, du lait... mais quand on regarde les bilans annuels, l’activité la plus rentable est la vente de produits phytosanitaires » observe Serge Le Quéau, de l’union régionale Solidaires. La vente de pesticides constitue, avec l’alimentation destinée aux animaux d’élevage, le principal levier de profits de Triskalia, sans commune mesure avec ce que lui rapporte la commercialisation de véritables produits agricoles (lait, céréales, œufs...). La stratégie de la coopérative va donc se concentrer sur ce marché des produits chimiques : Triskalia s’appuie sur 120 techniciens spécialisés pour apporter des conseils aux agriculteurs adhérents.... tout en faisant la promotion des produits commercialisés par la coopérative. « Sur le terrain, des techniciens vont de ferme en ferme, vendre des semences de plus en plus productives mais aussi de plus en plus sensibles. Ils fournissent dans la foulée des produits chimiques, au lieu de faire de la prévention, et de proposer des méthodes alternatives », déplore René Louail, ancien conseiller régional Europe Écologie-Les Verts en Bretagne et membre du Collectif de soutien au victimes des pesticides de l’Ouest. Cette pratique est commune à nombre de coopératives gérées par des représentants de la FNSEA. Interdire le glyphosate, c’est se priver de plusieurs centaines de millions d’euros de chiffre d’affaires.     Résultat : alors que les gouvernements successifs cherchent, avec le plan Ecophyto, à réduire par deux l’usage des phytosanitaires – l’appellation officielle des pesticides – d’ici 2018, leur épandage ne cesse d’augmenter. Le dernier bilan du plan Ecophyto 2 révèle un échec total, avec une augmentation de l’usage des pesticides de 6 % entre 2011 et 2014 [3]« Il y a d’un côté l’affichage politique, et de l’autre côté des pratiques commerciales exactement inverses, observe Serge Le Quéau. Les commerciaux employés par les coopératives ont des objectifs de vente qui prévoient une hausse des produits phytosanitaires, et subissent une forte pression managériale. » La rémunération des techniciens au sein des coopératives agricoles reste souvent liée à la quantité de pesticides vendus, même si la pratique « tend à disparaître »...                                                                                        La France compte à ce jour 2600 entreprises coopératives agricoles [6]. Bien loin des premières coopératives paysannes initiées par des agriculteurs à la fin du 19e siècle, les coopératives actuelles connaissent une très forte concentration : 10 % d’entre elles réalisent les trois quarts du chiffre d’affaires global, évalué à près de 86 milliards d’euros. Outre InVivo et Triskalia, figurent dans le top 20 le groupe sucrier Tereos, la coopérative laitière Sodiaal, ainsi que les semenciers Limagrain et Maisadour. « Ceux qui siègent dans les conseils d’administration de ces coopératives ont des leviers politiques et financiers très puissants », note Serge Le Quéau. « C’est un État dans l’État, ils sont incontournables. »...                                                                                                    ... Un réseau de fermes (« Déphy ») a été créé avec pour mission de démontrer qu’il est possible de réduire sa consommation de pesticides sans que les fermes ne sombrent. Rotation des cultures, décalage des dates de semis, réduction des labours... Lors de notre enquête en mars 2015, des céréaliers conventionnels confiaient utiliser entre 40 et 60 % de phytosanitaires en moins que leurs voisins, tout en modifiant progressivement leurs façons de travailler. Selon le ministère de l’Agriculture, 2800 exploitations agricoles sont à ce jour engagées volontairement dans une démarche de réduction de l’usage des pesticides [12]. Eux ne se sont probablement pas « roulés dans la paille » avec la FNSEA. [Lire à ce sujet : Comment sortir des pesticides, en sept leçons]....."          __________________

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est bien ça, et parfois au-delà...