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mardi 4 juillet 2023

Bollorisation des médias en cours

 Un homme discret

                                On peut lui reconnaître cette vertu. Discret, mais influant. Beaucoup n'en ont même jamais entendu parler. Dans ses propriétés ou sur son yacht, qui ne fait pas dans la demi-mesure, il supervise des réseaux multiples qu'il s'évertue à entretenir. Un homme d'influence. Même s'il ne gagne pas à tous les coups (il a des réserves), il entretient un important réseau et son nom est souvent en filigrane derrière des médias bien connus. Qui possède et influence de grands organes de presse et de télévisions est assuré de faire valoir une ligne éditoriale de son cru. C'est une constante, en France particulièrement, où tous les grands médias sont aux mains de groupes d'intérêt puissants. Monsieur B., héritier de quelqu'un qui est parti de rien, a fait son chemin dans le monde des affaires nationales et internationales et a eu le loisir et le pouvoir de se faire de nombreuses relations, surtout dans la sphère politique. C'est lui surtout que N.Sarkozy a remercié après son élection à la présidence.                                                     ___   La bollorisation des medias, et non des moindres, est en route depuis des années(*) Sans qu'on s'émeuve beaucoup dans les hautes sphères, où le contrôle de la presse, de sa liberté, devrait être un souci légitime et démocratique. Le conservatisme militant favorisant la droite la plus extrême ne devrait pas avoir autant de faveur. Le catholicisme "social" est le moindre souci du mentor breton, qui, petit à petit, fait son nid.  Pour qui vous savez...  


                                                                   (*)   "....Zemmourisation de la politique et bollorisation des médias ne vont pas l’une sans l’autre et, pour comprendre le journaliste néo-maurrassien aux portes du second tour des présidentielles, il faut comprendre le parcours et les visées du corsaire de la finance. 
Éric Zemmour a choisi de nommer sa maison d’(auto-)édition « Rubempré » depuis qu’Albin Michel, qui l’éditait, a fait défaut au candidat. Il se reconnaît sans doute dans ce parcours d’homme de lettres et de journaliste, en quête d’un titre et du pouvoir, la pairie ou un ministère sous la Restauration chez Balzac, la présidence de la République pour l’éditorialiste du Figaro. Mais tout Rubempré a son Vautrin, pour financer et soutenir sa trajectoire médiatique et politique. Nous parlons bien sûr ici de Vincent Bolloré, qui a littéralement installé Éric Zemmour dans le paysage politique français. Bien sûr, Éric Zemmour avait une carrière bien remplie, au Figaro, à RTL et sur le service public (On n’est pas couché), comme sniper et polémiste chargé de faire entendre une voix atypique, perçue alors comme minoritaire, et comme auteur à succès. Mais la surexposition dont il a joui sur CNews a marqué un passage à l’échelle supérieure dans son avènement, puisque lui a été ménagée, à un carrefour d’audience significatif, une heure quotidienne de libres propos dans un Face à l’info, où rien ne lui faisait face. De fait, il y occupait une position qui résiste mal à la définition de simple chroniqueur, puisqu’il était à la fois l’invité principal, le véritable maître des lieux et l’arbitre de tout ce qui se disait sur le plateau, servi par une Christine Kelly habile à lui tendre toutes les perches et sans véritable contradicteur. Il faut donc s’intéresser à celui qui tire les ficelles de cette montée en puissance, tel l’abbé Herrera qui, sur la route d’Angoulême, permit à Lucien de repartir à la conquête de Paris. Zemmourisation de la politique et bollorisation des médias ne vont pas l’une sans l’autre et, pour comprendre le journaliste juif et berbère néo-maurrassien aux portes du second tour des présidentielles, il faut comprendre le parcours et les visées du corsaire catholique et breton de la finance.   _________Il faut d’abord insister sur la surpuissance médiatique qu’a acquise Vincent Bolloré. Il continue, voire parachève aujourd’hui, un parcours sans faute, au moins sur le plan de la stratégie des affaires, dans sa conquête au sein de l’univers médiatique hexagonal, européen et africain. Il n’a fait qu’une bouchée de l’héritier Arnaud Lagardère qui, ayant eu l’imprudence de quitter sa forteresse en forme de commandite que son père lui avait bâtie, n’est visiblement plus le maître à bord. Ne l’a-t-il jamais été ? Après de longues années d’impéritie et de vente à la découpe et pris en tenaille entre ces différents actionnaires (Amber Capital, Bernard Arnaud), il s’est jeté dans les bras, étouffants, de Bolloré. Le capitaine d’industrie se trouve désormais à la tête à la fois de Vivendi (Canal +, C8, CNews), de Lagardère donc (Europe 1, Paris MatchLe Journal du Dimanche) et de Prisma (CapitalGEOFemme actuelle, etc.) qui lui a été revendue par Bertelsmann. On se rappelle aussi ses vues sur M6, désormais promise à TF1, qui fit elle-même jadis l’objet d’une tentative d’OPA. On parle aussi désormais du Figaro et de discussion sur le sujet avec la famille Hersant. Il est même question d’une sortie des affaires africaines, essentiellement le déploiement d’infrastructures surtout portuaires, ferroviaires et routières, pour continuer à privilégier le renforcement des médias au sein du groupe.                                                                                                     Bolloré dispose donc d’un impressionnant arsenal médiatique au moment où se lance la campagne présidentielle française. Face à cette trajectoire irrésistible dans le champ des médias et de l’information, il n’est pas illégitime de se demander de quoi Bolloré est le nom. Son empire se déploie à la fois en radio, dans la télévision de flux, dans les plateformes de contenus et dans la presse. Il s’appuie aussi sur Havas et donc sur le marché publicitaire, qui permet aux médias de vivre, et sur le marché complémentaire de l’édition, dans lequel il occupe une position dominante avec Editis, en passe donc d'absorber Hachette (et qui diffuse le dernier livre d'Éric Zemmour). Son emprise est multiple et massive, ce qui lui donne un pouvoir de frappe exceptionnel. On peut donc considérer qu’un degré supplémentaire est franchi sur la question de la dépendance des médias, de leur financement par de grands groupes et de l’enjeu démocratique que cela constitue. Certes, Vincent Bolloré n’est pas le premier grand capitaliste à investir dans l’information : en quoi diffère-t-il donc de ceux qui l’ont précédé, les Hersant justement ou ses compétiteurs Bouygues (TF1), Altice (NextRadio), LVMH (Les ÉchosLe Parisien) et autres Free dirigé pa Xavier Niel (Le Monde, Nice Matin, Mediawan) ? D’abord, si le paysage français a toujours été contrasté idéologiquement dans la presse écrite, les grands médias de flux comme la télévision restaient plus ou moins liés, pour ceux qui ont été privatisés, à leur origine publique, s’inscrivant davantage dans une certaine recherche de consensus, avec laquelle une chaîne comme CNews a clairement rompu en suivant un modèle à la Fox News. Le patron de Vivendi s’est emparé, à force de patience, de sens des affaires, de coups de force et de ruses, d’un ensemble de médias de masse qu’il oriente du côté de la droite la plus dure. L’absence de barrières éthiques dans les affaires, associée à une évidente intelligence stratégique, ont conduit à son succès, qui permet l’affirmation d’un corpus idéologique sans complexe ni déontologie journalistique.                                                                Mais Vincent Bolloré ne se contente pas de créer des médias proches de sa vision du monde ou d’en acquérir, comme il le fit dans la presse gratuite avec Direct Matin ou en rachetant France catholique. Il s’est beaucoup appliqué à détruire des offres éditoriales avec lesquelles il n’était pas en accord. Il a exercé une sorte de pouvoir sur l’existence même des médias qu’il a acquis, de la mise à mort de l’esprit Canal+ et des Guignols à l’investigation en passant par Le Grand Journal, jusqu’à la mise au pas d’Europe 1, où il a fallu se soumettre ou se démettre, en passant par la transformation de iTélé en CNews. Il crée une offre certes, mais sur les décombres de rédactions qu’il met au pas ou dont il se débarrasse, depuis les cadres dirigeants (qui n’ont pourtant pas toujours la réputation d’avoir le couteau entre les dents, voir la récente éviction d’Hervé Gattegno de Paris Match et du Journal du Dimanche) jusqu'aux journalistes qui, de motions de défiance en grèves, découvrent l’ampleur de leur impuissance. Il s’agit moins de créer une offre nouvelle, tel un Édouard Drumont lançant La Libre Parole, que de brider des contenus ou des orientations à travers les groupes sur lesquels il a pris un pouvoir financier. Ce tropisme de la terre brûlée a conduit d’ailleurs le marché à s’interroger sur la destruction de valeur à laquelle il pouvait conduire et à se demander si l’homme d’affaires préférait ses idées à ses intérêts. Ainsi, ce qui reste de l’esprit Canal+, qui a correspondu à une forme de créativité télévisuelle, a-t-il migré avec succès au sein du groupe TF1, avec Quotidien sur TMC. En réalité, il n’y a nulle indifférence au succès économique, mais ce dernier, acquis avec CNews ou C8, ne va pas sans l’affirmation d’un ligne idéologique marquée. On se rappellera aussi que Bolloré avait une revanche à prendre, tant son entrée dans l’univers des médias télévisuels, à travers le rachat de deux petites chaînes de la TNT (Direct 8 et Direct Star) qu’il avait relancées à sa façon, avait suscité de quolibets en matière éditoriale. Pourtant, c’est en les revendant au groupe et en faisant son cheval de Troie, qu’il prendra le contrôle de Vivendi.                                                                                                                   Sur les ruines d’une offre toujours trop marquée à ses yeux par le gauchisme ou le progressisme ou simplement la dérision, il construit un empire médiatique marqué par des idées ultralibérales qui interdisent toute critique possible des actions de son groupe, en particulier en Afrique, ce qui est souvent la posture des grands médias privés. Mais à cela s’ajoute aussi des idées conservatrices, catholiques, traditionalistes, très ancrées à droite, soutenues par un populisme identitaire et civilisationnel, que portent Éric Zemmour, Pascal Praud ou Sonia Mabrouk. Ces idées s’inscrivent d’abord dans une perspective décliniste, nationaliste, qui fait de l’islam le problème central en France, associé aux questions migratoires et à celles du maintien de l’ordre, et du « wokisme » l’autre grand danger contre lequel il faudrait lutter.  Le groupe médiatique fonctionne d’abord sur une logique de l’affiliation clanique avec les affidés et de règlement de compte et de mise au pas avec ceux qui font mine de s’affranchir d’un unanimisme contraint. L’humour en particulier, quand il prend une forme critique, celui d’un Nicolas Canteloup (Europe 1) ou d’un Sébastien Thoen (Canal+) par exemple, est particulièrement mal supporté. De plus, ce qui naguère prenait la forme de pressions discrètes apparaît désormais au grand jour. L’influence sur les lignes éditoriales, l’absence de « muraille de Chine » entre l’économique et le rédactionnel et le rejet de l’indépendance journalistique sont affichés au nom d’une doctrine libérale assumée de la toute-puissance de celui qui tient les cordons de la bourse. Mais ils le sont aussi au nom d’une vision qui érige les autres médias, en particulier publics, et les autres orientations idéologiques, en particulier à gauche, dans une position monopolistique qui permet de revendiquer la position de la parole bâillonnée et de crier à la dictature du politiquement correct, alors même qu’on occupe une part de voix conséquente et qu’on érige une nouvelle doxa. Cette radicalité conservatrice s’appuie aussi sur une véritable capacité à bousculer les formats, à s’affranchir de la distribution des rôles classiques sur la scène médiatique, en mêlant invités, journalistes et éditorialistes dans une sorte d’unité de pensée qui donne paradoxalement un caractère apaisé à certains plateaux. Le populisme d’expression plus grand public d’un Hanouna sur C8, qui promeut une transgression bien normative et transforme le télévisuel en cours d’école rigolarde et quelquefois cruelle, fait écho à celui, plus savant, d’un Zemmour, qu’il complète. Pourtant, derrière la variété des formes et l’appel au bon sens populaire, c’est bien une pensée réactionnaire, de moins en moins masquée, qui s’avance, en promouvant ici un catholicisme traditionaliste avec la diffusion d’un téléfilm anti-avortement sur C8 ou, là, une hostilité à toute mise en cause de l’Église, avec par exemple le blocage de l’achat du film de François Ozon, Grâce à Dieu, sur l’affaire Preynat. Au demeurant, ce catholicisme à l’ancienne, bien peu républicain, s’accommode parfaitement des valeurs les plus libérales sur le plan économique.                  L’empire Bolloré se livre désormais à une guerre sans merci pour remettre en cause les médias publics. Zemmour, comme Marine Le Pen d’ailleurs, parle de privatisation dans son programme. Ce procès s’instruit sur la base d’une orientation qui serait systématiquement à gauche et/ou proche du pouvoir en place. On assiste à la transformation des débats qui existaient à l’intérieur des grands médias en débats entre les grands médias. Ce mouvement d’opposition prend particulièrement pour cibles France Inter, ses chroniqueurs et ses humoristes, mais aussi certaines émissions de France Télévisions, qui seraient perverties par le politiquement correct.    L’ensemble de ces traits dessine bien une sorte de Rupert Murdoch hexagonal, qui amplifie la mainmise d'acteurs économiques majeurs sur les grands médias, mais qui rompt avec une certaine discrétion feutrée de l’establishment français dans l’influence, affichant frontalement un désir de promouvoir dans l’espace public un modèle à la fois très libéral et très conservateur et d’opérer une sorte de grand remplacement médiatique en mettant à bas les médias publics. La droite a trouvé en lui une ressource clef pour installer ses thématiques dans une position hégémonique à travers un dispositif médiatique puissant. Le sera-t-il assez pour porter Zemmour au pouvoir ?..." [ Merci à Esprit ]                    __________________

mardi 29 octobre 2024

Bollorisation médiatique

Un appétit sans mesure

         C'est même une boulimie. Sur la voie d'un empire médiatique. Au service de l'extrême droite. Le groupe Hachette, au riche passé, tombe dans son escarcelle. Il fait partie des princes de la presse. Où s'arrêtera -t-il?... 


            Un homme discret.  On peut lui reconnaître cette vertu. Discret, mais influant. Beaucoup n'en ont même jamais entendu parler. Dans ses propriétés ou sur son yacht, qui ne fait pas dans la demi-mesure, il supervise des réseaux multiples qu'il s'évertue à entretenir. Un homme d'influence. Même s'il ne gagne pas à tous les coups (il a des réserves), il entretient un important réseau et son nom est souvent en filigrane derrière des médias bien connus. Qui possède et influence de grands organes de presse et de télévisions est assuré de faire valoir une ligne éditoriale de son cru. C'est une constante, en France particulièrement, où tous les grands médias sont aux mains de groupes d'intérêt puissants. Monsieur B., héritier de quelqu'un qui est parti de rien, a fait son chemin dans le monde des affaires nationales et internationales et a eu le loisir et le pouvoir de se faire de nombreuses relations, surtout dans la sphère politique. C'est lui surtout que N.Sarkozy a remercié après son élection à la présidence.                                                     ___   La bollorisation des medias, et non des moindres, est en route depuis des années(*) Sans qu'on s'émeuve beaucoup dans les hautes sphères, où le contrôle de la presse, de sa liberté, devrait être un souci légitime et démocratique. Le conservatisme militant favorisant la droite la plus extrême ne devrait pas avoir autant de faveur. Le catholicisme "social" est le moindre souci du mentor breton, qui, petit à petit, fait son nid.  Pour qui vous savez...  


                                                                   (*)   "....Zemmourisation de la politique et bollorisation des médias ne vont pas l’une sans l’autre et, pour comprendre le journaliste néo-maurrassien aux portes du second tour des présidentielles, il faut comprendre le parcours et les visées du corsaire de la finance. 
Éric Zemmour a choisi de nommer sa maison d’(auto-)édition « Rubempré » depuis qu’Albin Michel, qui l’éditait, a fait défaut au candidat. Il se reconnaît sans doute dans ce parcours d’homme de lettres et de journaliste, en quête d’un titre et du pouvoir, la pairie ou un ministère sous la Restauration chez Balzac, la présidence de la République pour l’éditorialiste du Figaro. Mais tout Rubempré a son Vautrin, pour financer et soutenir sa trajectoire médiatique et politique. Nous parlons bien sûr ici de Vincent Bolloré, qui a littéralement installé Éric Zemmour dans le paysage politique français. Bien sûr, Éric Zemmour avait une carrière bien remplie, au Figaro, à RTL et sur le service public (On n’est pas couché), comme sniper et polémiste chargé de faire entendre une voix atypique, perçue alors comme minoritaire, et comme auteur à succès. Mais la surexposition dont il a joui sur CNews a marqué un passage à l’échelle supérieure dans son avènement, puisque lui a été ménagée, à un carrefour d’audience significatif, une heure quotidienne de libres propos dans un Face à l’info, où rien ne lui faisait face. De fait, il y occupait une position qui résiste mal à la définition de simple chroniqueur, puisqu’il était à la fois l’invité principal, le véritable maître des lieux et l’arbitre de tout ce qui se disait sur le plateau, servi par une Christine Kelly habile à lui tendre toutes les perches et sans véritable contradicteur. Il faut donc s’intéresser à celui qui tire les ficelles de cette montée en puissance, tel l’abbé Herrera qui, sur la route d’Angoulême, permit à Lucien de repartir à la conquête de Paris. Zemmourisation de la politique et bollorisation des médias ne vont pas l’une sans l’autre et, pour comprendre le journaliste juif et berbère néo-maurrassien aux portes du second tour des présidentielles, il faut comprendre le parcours et les visées du corsaire catholique et breton de la finance.   _________Il faut d’abord insister sur la surpuissance médiatique qu’a acquise Vincent Bolloré. Il continue, voire parachève aujourd’hui, un parcours sans faute, au moins sur le plan de la stratégie des affaires, dans sa conquête au sein de l’univers médiatique hexagonal, européen et africain. Il n’a fait qu’une bouchée de l’héritier Arnaud Lagardère qui, ayant eu l’imprudence de quitter sa forteresse en forme de commandite que son père lui avait bâtie, n’est visiblement plus le maître à bord. Ne l’a-t-il jamais été ? Après de longues années d’impéritie et de vente à la découpe et pris en tenaille entre ces différents actionnaires (Amber Capital, Bernard Arnaud), il s’est jeté dans les bras, étouffants, de Bolloré. Le capitaine d’industrie se trouve désormais à la tête à la fois de Vivendi (Canal +, C8, CNews), de Lagardère donc (Europe 1, Paris MatchLe Journal du Dimanche) et de Prisma (CapitalGEOFemme actuelle, etc.) qui lui a été revendue par Bertelsmann. On se rappelle aussi ses vues sur M6, désormais promise à TF1, qui fit elle-même jadis l’objet d’une tentative d’OPA. On parle aussi désormais du Figaro et de discussion sur le sujet avec la famille Hersant. Il est même question d’une sortie des affaires africaines, essentiellement le déploiement d’infrastructures surtout portuaires, ferroviaires et routières, pour continuer à privilégier le renforcement des médias au sein du groupe.                                                                                                     Bolloré dispose donc d’un impressionnant arsenal médiatique au moment où se lance la campagne présidentielle française. Face à cette trajectoire irrésistible dans le champ des médias et de l’information, il n’est pas illégitime de se demander de quoi Bolloré est le nom. Son empire se déploie à la fois en radio, dans la télévision de flux, dans les plateformes de contenus et dans la presse. Il s’appuie aussi sur Havas et donc sur le marché publicitaire, qui permet aux médias de vivre, et sur le marché complémentaire de l’édition, dans lequel il occupe une position dominante avec Editis, en passe donc d'absorber Hachette (et qui diffuse le dernier livre d'Éric Zemmour). Son emprise est multiple et massive, ce qui lui donne un pouvoir de frappe exceptionnel. On peut donc considérer qu’un degré supplémentaire est franchi sur la question de la dépendance des médias, de leur financement par de grands groupes et de l’enjeu démocratique que cela constitue. Certes, Vincent Bolloré n’est pas le premier grand capitaliste à investir dans l’information : en quoi diffère-t-il donc de ceux qui l’ont précédé, les Hersant justement ou ses compétiteurs Bouygues (TF1), Altice (NextRadio), LVMH (Les ÉchosLe Parisien) et autres Free dirigé pa Xavier Niel (Le Monde, Nice Matin, Mediawan) ? D’abord, si le paysage français a toujours été contrasté idéologiquement dans la presse écrite, les grands médias de flux comme la télévision restaient plus ou moins liés, pour ceux qui ont été privatisés, à leur origine publique, s’inscrivant davantage dans une certaine recherche de consensus, avec laquelle une chaîne comme CNews a clairement rompu en suivant un modèle à la Fox News. Le patron de Vivendi s’est emparé, à force de patience, de sens des affaires, de coups de force et de ruses, d’un ensemble de médias de masse qu’il oriente du côté de la droite la plus dure. L’absence de barrières éthiques dans les affaires, associée à une évidente intelligence stratégique, ont conduit à son succès, qui permet l’affirmation d’un corpus idéologique sans complexe ni déontologie journalistique.                                                                Mais Vincent Bolloré ne se contente pas de créer des médias proches de sa vision du monde ou d’en acquérir, comme il le fit dans la presse gratuite avec Direct Matin ou en rachetant France catholique. Il s’est beaucoup appliqué à détruire des offres éditoriales avec lesquelles il n’était pas en accord. Il a exercé une sorte de pouvoir sur l’existence même des médias qu’il a acquis, de la mise à mort de l’esprit Canal+ et des Guignols à l’investigation en passant par Le Grand Journal, jusqu’à la mise au pas d’Europe 1, où il a fallu se soumettre ou se démettre, en passant par la transformation de iTélé en CNews. Il crée une offre certes, mais sur les décombres de rédactions qu’il met au pas ou dont il se débarrasse, depuis les cadres dirigeants (qui n’ont pourtant pas toujours la réputation d’avoir le couteau entre les dents, voir la récente éviction d’Hervé Gattegno de Paris Match et du Journal du Dimanche) jusqu'aux journalistes qui, de motions de défiance en grèves, découvrent l’ampleur de leur impuissance. Il s’agit moins de créer une offre nouvelle, tel un Édouard Drumont lançant La Libre Parole, que de brider des contenus ou des orientations à travers les groupes sur lesquels il a pris un pouvoir financier. Ce tropisme de la terre brûlée a conduit d’ailleurs le marché à s’interroger sur la destruction de valeur à laquelle il pouvait conduire et à se demander si l’homme d’affaires préférait ses idées à ses intérêts. Ainsi, ce qui reste de l’esprit Canal+, qui a correspondu à une forme de créativité télévisuelle, a-t-il migré avec succès au sein du groupe TF1, avec Quotidien sur TMC. En réalité, il n’y a nulle indifférence au succès économique, mais ce dernier, acquis avec CNews ou C8, ne va pas sans l’affirmation d’un ligne idéologique marquée. On se rappellera aussi que Bolloré avait une revanche à prendre, tant son entrée dans l’univers des médias télévisuels, à travers le rachat de deux petites chaînes de la TNT (Direct 8 et Direct Star) qu’il avait relancées à sa façon, avait suscité de quolibets en matière éditoriale. Pourtant, c’est en les revendant au groupe et en faisant son cheval de Troie, qu’il prendra le contrôle de Vivendi.                                                                                                                   Sur les ruines d’une offre toujours trop marquée à ses yeux par le gauchisme ou le progressisme ou simplement la dérision, il construit un empire médiatique marqué par des idées ultralibérales qui interdisent toute critique possible des actions de son groupe, en particulier en Afrique, ce qui est souvent la posture des grands médias privés. Mais à cela s’ajoute aussi des idées conservatrices, catholiques, traditionalistes, très ancrées à droite, soutenues par un populisme identitaire et civilisationnel, que portent Éric Zemmour, Pascal Praud ou Sonia Mabrouk. Ces idées s’inscrivent d’abord dans une perspective décliniste, nationaliste, qui fait de l’islam le problème central en France, associé aux questions migratoires et à celles du maintien de l’ordre, et du « wokisme » l’autre grand danger contre lequel il faudrait lutter.  Le groupe médiatique fonctionne d’abord sur une logique de l’affiliation clanique avec les affidés et de règlement de compte et de mise au pas avec ceux qui font mine de s’affranchir d’un unanimisme contraint. L’humour en particulier, quand il prend une forme critique, celui d’un Nicolas Canteloup (Europe 1) ou d’un Sébastien Thoen (Canal+) par exemple, est particulièrement mal supporté. De plus, ce qui naguère prenait la forme de pressions discrètes apparaît désormais au grand jour. L’influence sur les lignes éditoriales, l’absence de « muraille de Chine » entre l’économique et le rédactionnel et le rejet de l’indépendance journalistique sont affichés au nom d’une doctrine libérale assumée de la toute-puissance de celui qui tient les cordons de la bourse. Mais ils le sont aussi au nom d’une vision qui érige les autres médias, en particulier publics, et les autres orientations idéologiques, en particulier à gauche, dans une position monopolistique qui permet de revendiquer la position de la parole bâillonnée et de crier à la dictature du politiquement correct, alors même qu’on occupe une part de voix conséquente et qu’on érige une nouvelle doxa. Cette radicalité conservatrice s’appuie aussi sur une véritable capacité à bousculer les formats, à s’affranchir de la distribution des rôles classiques sur la scène médiatique, en mêlant invités, journalistes et éditorialistes dans une sorte d’unité de pensée qui donne paradoxalement un caractère apaisé à certains plateaux. Le populisme d’expression plus grand public d’un Hanouna sur C8, qui promeut une transgression bien normative et transforme le télévisuel en cours d’école rigolarde et quelquefois cruelle, fait écho à celui, plus savant, d’un Zemmour, qu’il complète. Pourtant, derrière la variété des formes et l’appel au bon sens populaire, c’est bien une pensée réactionnaire, de moins en moins masquée, qui s’avance, en promouvant ici un catholicisme traditionaliste avec la diffusion d’un téléfilm anti-avortement sur C8 ou, là, une hostilité à toute mise en cause de l’Église, avec par exemple le blocage de l’achat du film de François Ozon, Grâce à Dieu, sur l’affaire Preynat. Au demeurant, ce catholicisme à l’ancienne, bien peu républicain, s’accommode parfaitement des valeurs les plus libérales sur le plan économique.                  L’empire Bolloré se livre désormais à une guerre sans merci pour remettre en cause les médias publics. Zemmour, comme Marine Le Pen d’ailleurs, parle de privatisation dans son programme. Ce procès s’instruit sur la base d’une orientation qui serait systématiquement à gauche et/ou proche du pouvoir en place. On assiste à la transformation des débats qui existaient à l’intérieur des grands médias en débats entre les grands médias. Ce mouvement d’opposition prend particulièrement pour cibles France Inter, ses chroniqueurs et ses humoristes, mais aussi certaines émissions de France Télévisions, qui seraient perverties par le politiquement correct.    L’ensemble de ces traits dessine bien une sorte de Rupert Murdoch hexagonal, qui amplifie la mainmise d'acteurs économiques majeurs sur les grands médias, mais qui rompt avec une certaine discrétion feutrée de l’establishment français dans l’influence, affichant frontalement un désir de promouvoir dans l’espace public un modèle à la fois très libéral et très conservateur et d’opérer une sorte de grand remplacement médiatique en mettant à bas les médias publics. La droite a trouvé en lui une ressource clef pour installer ses thématiques dans une position hégémonique à travers un dispositif médiatique puissant. Le sera-t-il assez pour porter Zemmour au pouvoir ?..." [ Merci à Esprit -Souligné par moi ]
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jeudi 21 novembre 2024

Un grand pas de plus...

Vers une plus grande privatisation des medias.

        Pourquoi se gêner? Main basse sur l'information.

              A fond , la bollorisation!  

 Pour des journalistes plus soumis  _________________________

mardi 9 mai 2023

Pot-pourri

__ Alberta en feu

           Catastrophe sans précédent

              Région déjà ravagée par une pollution hors du commun  _______


__ EN:  un effondrement du système?  (point de vue)

__  Education: la quadrature du cercle? Un équilibre complexe.... 
                                                    La "bienveillance" est une notion ambiguë. Qui aime bien châtie bien?

__ Enfants et écrans: Les bonnes intentions ne suffisent pas. 
                                                                      Les dérives sont inquiétantes

__ Concentration des médias: une "bollorisation" inquiétante.
                                                                                             L'empire empire.
__ Chat GPT: le patron regrette... 
                                               Que peut ce nouvel outil? Malgré l'engouement

__( Parfois) très drôle, François!
                                         Il a de bons mots. C'est pas moi, c'est l'autre...  Il a bien du souci...
                                                                                _____________________________

mercredi 19 juillet 2023

Il monte, il monte...

... Notre ambitieux et obstiné Breton

                                       Dans le firmament des médias. Tel un nouveau Citizen Kane, son appétit semble insatiable. Et ce ne sont pas quelques petites résistances qui vont entraver sa marche en avant. Il a gagné des batailles plus dures; comme à C+. Notre héros breton poursuit sa route, même s'il perd parfois quelques plumes; sa fortune est assez grande pour encaisser quelques coups durs. Plus que l'argent, c'est l'influence qu'il vise d'abord maintenant, au service d'une cause que l'on connaît.       Un peu comme Murdoch, l'information, la vraie, est le dernier de ses soucis. Son ambition est claire. Le prince de la presse s'est aménagé une voie royale.                                                                                                             Et en haut lieu, c'est le grand silence. Comme si rien ne se passait d'important dans le PAF....Il y a un autre parti qui ne dit rien, mais pour d'autres raisons...assez compréhensibles: la bollorisation croissante des médias apporte de l'eau à son moulin. Il reste encore de beaux jours pour le Smiling Killer. Jusqu'au jour où... peut-être.                                                                                                                     Un empire, ça se construit       Avec la main basse sur le groupe Lagardère, le domaine d'influence  du mastodonte s'étend encore..."... l’arrivée de Vincent Bolloré est peu rassurante. L’homme est au contraire réputé pour son interventionnisme, comme il l’a encore montré récemment à Europe 1. Si personne, chez Hachette, ne s’avoue surpris du rachat du groupe Lagardère par le milliardaire breton, beaucoup craignent la perte de cette culture maison. Et se rappellent avec quel acharnement Vincent Bolloré a poursuivi en justice deux ouvrages publiés par des éditeurs du groupe, Informer n’est pas un délit (Calmann-Lévy) et Vincent tout-puissant (JC Lattès). Et bientôt, ce sera lui le patron..."   


     Il fait le ménage avec une méthode bien singulière: froide et calculatrice. Vise-t-il le monopole où le quasi monopole? Il y avait des lois pour éviter cela à une certain époque. La réduction de la diversité est la base de l'uniformité de l'information et de la concurrence faussée. Ce n'est pas qu'une affaire d'argent, mais aussi d'influences et de distorsion de l'information, surtout quand on a des préférences bien marquées: le patron protège Zemmour, C.News est sa tribune, où ne règnent plus que les gens de confiance. Connivence et intérêts. Après l'"épuration" à Canal et à Europe 1. Et il y a la face cachée.


______La main basse sur l'information par des intérêts privés continue, la concentration se poursuit. L'Etat ne pipe mot et continue à subventionner à l'aveugle. Le CSA réagit timidement. Le verrou médiatique se referme peu à peu. Une situation française atypique et inquiétante. Où est passé l'esprit de la charte de la presse, adoptée en octobre 1945 par la commission exécutive de la Fédération de la presse, qui précise que « la loi devra prendre les mesures nécessaires pour que les journaux appartiennent soit à des partis politiques ou groupements idéologiques, soit à des équipes essentiellement composées de personnes travaillant effectivement dans l’entreprise, de telle sorte que ces partis, groupements et équipes ne puissent être dépossédés ou dominés par des groupements capitalistes »?     Dix milliardaires possèdent l'essentiel de la presse française; il y a de quoi s'interroger.                                 L'empire empire....       _________

vendredi 3 novembre 2023

Nasse meurtrière

     Désespérant!                                                                                                                                                                        Stupeur, effroi et incrédulité. Un "conflit" pas comme les autres. Un conflit qui tend fou...comme le dit Monat Chollet.                                                                                                                                                             Une situation insoluble dans l'état actuel des choses. On a mis trop longtemps la poussière sous le tapis, avec le silence ou la complicité des grands et la passivité/impuissance de l'ONU. Une explosion volcanique se préparait, pour les esprits avertis.   Jabaliya n'est qu'une phase tragique dans un déluge de feu. L'idée d'une paix juste devient problématique et celle de deux Etats, un mirage.  Malgré des protestations, même en Israël.    Paroles de Juif français...                                                                                                                                                                                                               On ne voit pas d'issue...Une impossible stratégie. Cela semble consacrer l'échec d'une utopie, devenue une chimère...La vengeance ne fera qu'amplifier le malheur et Netanyahou met en péril son peuple. (Voir ici). Malaise à gauche... __Atterré!


                   ______ Point de vue  [Merci à Mediapart __ Photos choisies par moi]

                                                       . "...Colère, accablement face à l’accumulation des souffrances insoutenables qui défilent sur nos écrans, sentiment d’injustice torturant, panique devant le déferlement de la propagande de guerre, angoisse mortelle devant ce cataclysme et ses probables répercussions : ces deux dernières semaines, rivée aux informations en provenance d’Israël-Palestine, j’ai eu plusieurs fois l’impression – comme beaucoup, je crois – de perdre la têteIl y a d’abord ce télescopage permanent entre deux grilles de lecture contradictoires, qu’on pourrait appeler la grille « héroïque » et la grille « coloniale ».

En Europe et aux États-Unis, l’État israélien reste perçu au seul prisme de la Shoah, comme le refuge des victimes de l’antisémitisme européen, de sorte qu’un halo d’innocence inamovible, systématique, irréel, entoure toutes les actions de son appareil gouvernemental et de son armée. Quoi qu’il puisse faire, cet État est le héros ou la victime, il incarne la vertu, et toute critique à son encontre ne peut se comprendre que comme une manifestation d’antisémitisme.

. En revanche, le monde arabe – qui n’est pour rien, lui, dans le génocide des juifs d’Europe – et le Sud en général voient Israël tel qu’il est aussi. C’est-à-dire, plus prosaïquement : un État surarmé, soutenu inconditionnellement par la première puissance mondiale, fondé sur le colonialisme, sur le massacre ou l’expulsion, en 1948, d’une grande partie des Palestiniens ; un État qui occupe illégalement la Cisjordanie et Gaza en ignorant les résolutions de l’ONU et qui y mène une politique d’apartheid (« développement séparé ») en multipliant les exactions et les confiscations de nouvelles terres, de nouvelles maisons.

Si terrible qu’elle ait été, l’attaque du Hamas n’a rien changé à ce rapport de forces radicalement déséquilibré entre occupant et occupé (lire notre entretien avec Michel Warschawski).   La mémoire du colonialisme – et non la solidarité religieuse – est déterminante dans le soutien des pays arabes aux Palestiniens (c’est le cas en Algérie, en particulier). Ce soutien s’explique aussi parfois par une expérience directe, concrète, des conflits du Proche-Orient. Il y a quelques années, une de mes amies, une artiste libanaise qui vit en France et qui a gardé un stress post-traumatique des années de guerre, avait été invitée à participer à un festival en Israël. Elle m’avait demandé pensivement : « Est-ce que tu crois que je peux leur dire que je leur en veux quand même un peu d’avoir bombardé ma maison ? »

Comme le résume le chercheur Gilbert Achcar, « en dehors du monde occidental, on ne voit pas les Israéliens – je ne parle pas des juifs en général, mais bien des Israéliens – comme des héros ou des victimes, mais comme des colons, protagonistes d’un colonialisme de peuplement ».                                               La grille de lecture du Sud est partagée en Occident par de nombreuses personnes qui font elles-mêmes l’expérience du racisme et/ou qui portent une mémoire familiale du colonialisme et, plus largement, par des militants politiques de gauche – dont de nombreux juifs. Tous ces gens sont sensibilisés à l’injustice que vivent les Palestiniens, mais ils sont conscients aussi de ce que la politique menée jusqu’ici a de désastreux, y compris pour les Israéliens.

Encourager ces derniers à s’accrocher à la grille de lecture héroïque, c’est en effet les pousser à se fourvoyer toujours plus, comme un voyageur à qui on donnerait une carte délibérément tronquée du pays qu’il est amené à traverser. Ce n’est pas du « soutien », c’est un cadeau empoisonné. En 2001, sous le titre « Ils ne font pas le lien », la journaliste israélienne dissidente Amira Hass avait rapporté une anecdote très parlante.

À un checkpoint, en Cisjordanie, un de ses amis palestiniens, en voiture avec son fils de dix ans, avait été interpellé par un soldat qui lui avait lancé en agitant son arme : « Voulez-vous la paix ? Voulez-vous la paix ? » Surpris, l’homme avait balbutié : « Oui, évidemment. » Avant qu’il ait eu le temps d’expliquer ce qu’il entendait par « paix », le soldat lui avait répliqué : « Alors pourquoi ton fils me regarde avec autant de haine ? »

Effectivement, on ne peut pas comprendre le regard de haine d’un jeune garçon, si on se perçoit comme l’innocence incarnée alors qu’on est un soldat d’une armée d’occupation qui terrorise et humilie toute une population.

Pour l’Occident, cependant, la grille de lecture « héroïque » est une aubaine. Elle permet de faire coup double, voire triple : en soutenant fanatiquement la politique israélienne, les Européens délèguent à cet État le rôle – sacrément risqué – de gardien de leurs intérêts au Proche-Orient ; ils se dédouanent (ou croient se dédouaner) à bon compte de leur culpabilité dans la Shoah ; et, à l’abri de cet écran vertueux, ils peuvent donner libre cours à leur refoulé colonial sans aucune limite, à travers leur perception et leur traitement des Palestiniens.                                                                                                                                      La vision idyllique d’Israël, combinée à un racisme anti-Arabes phénoménal, conduit ses alliés occidentaux à mépriser ou à diaboliser les Palestiniens, et à justifier – voire à approuver – leur écrasement, perçu comme de la légitime défense de la part de l’occupant. À les écouter, on a l’impression que c’est la Palestine qui occupe Israël, et non l’inverse. Alors qu’il y avait déjà à Gaza le triple du nombre des victimes israéliennes de l’attaque du Hamas, alors qu’une population prisonnière subissait un blocus impitoyable et un déluge de bombes, la présidente de l’Assemblée nationale française, Yaël Braun-Pivet, parlait encore du « droit d’Israël à se défendre », affirmant le 22 octobre : « Il y a un attaquant et des attaqué

Les Palestiniens se retrouvent ainsi piégés dans une sorte de trappe de la conscience occidentale. « Nous sommes les victimes des victimes, les réfugiés des réfugiés », constatait en 1999 l’intellectuel américano-palestinien Edward Saïd – une formule amère restée célèbre. Dans un effort désespéré pour les libérer de cette trappe, pour dessiller les yeux de l’Occident, les tenants de la grille de lecture coloniale sont parfois tentés de jeter sur la place publique les atrocités commises par l’armée israélienne ou par les colons                                                                                                                              Lors des bombardements sur Gaza de 2008-2009, le quotidien communiste  L’Humanité, soutien historique des Palestiniens, avait ainsi mis à sa une (7 janvier 2009) la photo de la tête d’une fillette tuée, reposant au milieu des gravats, maculée de poussière et de sang. Un choix sensationnaliste et indéfendable, mais révélateur. « Nous restons éveillés la nuit, à la lueur vacillante de nos téléphones, cherchant la métaphore, la vidéo, la photo qui prouvera qu’un enfant est un enfant, écrit aujourd’hui l’autrice américano-palestinienne Hala Alyan. Quelle est l’image qui marchera finalement ? Celle de cette moitié d’enfant sur un toit ? Celle de cette petite fille croyant reconnaître le corps de sa mère parmi les morts ? »

Cependant, ces efforts sont interprétés par ceux qu’ils voudraient convaincre comme le signe d’un acharnement, d’une fixation antisémite et d’une volonté malsaine de diaboliser Israël. Ils produisent donc l’effet inverse à celui qui était recherché : ils renforcent encore la grille de lecture héroïque. Un cercle vicieux parfait. 

Quand ils ne sont pas diabolisés, perçus comme une horde indistincte et barbare, congénitalement violente et « terroriste », les Palestiniens sont traités comme quantité négligeable. Leur invisibilisation vient de loin ; elle vient du mensonge premier, du slogan des débuts du sionisme : « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». 

L’accusation d’antisémitisme systématique contre les défenseurs des Palestiniens dit aussi cela : ceux qui la profèrent n’imaginent même pas qu’on puisse sérieusement se soucier de ces gens ; la critique d’Israël ne peut donc s’expliquer que par l’antisémitisme. Le mur de séparation en Cisjordanie et la clôture high-tech de Gaza traduisent de la manière la plus concrète le refus de les voir, de les prendre en compte, d’admettre leur existence.

Starhawk et l’effacement complet des Palestiniens

Au cours des années 2000, la militante de gauche américaine et « sorcière néopaïenne » Starhawk a mené de nombreuses actions de solidarité en Palestine. Juive « de naissance et d’éducation », dit-elle, elle est venue au monde en 1951, peu après la Seconde Guerre mondiale. Dans un texte écrit lors des bombardements sur Gaza de 2008-2009, elle se souvenait du récit mythologique de la création d’Israël qui avait bercé son enfance. Et elle commentait : « C’est une histoire puissante, émouvante. Elle ne présente qu’un seul défaut : elle oublie les Palestiniens. Elle doit les oublier, parce que, si nous devions admettre que notre patrie appartenait à un autre peuple, elle en serait gâchée. […] Golda Meir disait : “Les Palestiniens, qui sont-ils ? Ils n’existent pas.” » 

Une affirmation que le ministre des finances actuel, Bezalel Smotrich, l’un des chefs de file de l’extrême droite israélienne, qui vit dans une colonie de Cisjordanie, a réitérée en mars dernier à Paris, créant un petit scandale.

Le 18 octobre dernier, Starhawk a publié une version remaniée de son texte de 2008, et elle y a ajouté cette remarque : « Quand un peuple entier est effacé du récit, la tentation devient irrésistible de l’effacer complètement. » Et, en effet, l’invisibilisation des Palestiniens, nécessaire à la préservation du mythe national, rend possible une logique génocidaire.

Les Gazaouis sont aujourd’hui massacrés d’une telle manière que de plus en plus de voix prononcent le mot « génocide » : le philosophe Étienne Balibar en France, le Centre américain pour les droits constitutionnels, l’organisation américaine If Not Nowdes experts de l’ONU, un journaliste britannique qui a couvert le génocide rwandais, une ministre espagnole, la philosophe américaine Judith Butler (membre du bureau de Jewish Voice for Peace), le président brésilien

Ce qui définit un génocide selon la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, ce sont des actes commis « dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Le massacre d’environ huit mille hommes par l’armée serbe à Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine, en juillet 1995, est ainsi considéré comme un génocide.

Ici, le fait de priver toute une population d’eau, de nourriture, d’électricité, le vocabulaire déshumanisant utilisé par le ministre de la défense israélien, Yoav Galant, qui disait le 9 octobre : « Nous nous battons contre des animaux humains », la déclaration du président Isaac Herzog rejetant, le 12 octobre, l’idée que les civils gazaouis soient innocents, ainsi que les mots du porte-parole de l’armée Daniel Hagari, le lendemain, selon lesquels ce qui était recherché était « les dégâts et non la précision » – une franchise tout à fait nouvelle –, pourraient indiquer qu’on se trouve dans ce cas de figure. Le 24 octobre, 42 % des habitations de Gaza avaient été détruites.

Les mêmes éléments de langage repris ad nauseam

Dans un XXIe siècle hyperconnecté, exterminer – ou laisser exterminer – une population oblige à investir autant dans la communication que dans les armes, afin de persuader l’opinion occidentale de l’approuver, ou au moins de l’accepter sans broncher. Cela implique de persuader les spectateurs qu’ils ne sont pas réellement en train de voir ce qu’ils sont en train de voir. Un article du site Arrêt sur images rappelle que « pour étouffer le récit d’occupation gazaoui, l’État israélien dispose d’un véritable arsenal technique et humain dédié aux “psyops”, la guerre psychologique et informationnelle ». Les utilisateurs de YouTube et de X-Twitter en ont eu un aperçu quand des bannières « publicitaires » se sont invitées sur leurs écrans pour justifier les bombardements sur Gaza en soulignant l’horreur de l’attaque du Hamas – quitte à trahir la mémoire de certaines des victimes, qui étaient des militants pour la paix.

Alors même qu’elle pilonne des civil·es, l’armée israélienne est présentée comme une bande de braves gars pleins de bonne volonté et de combattantes valeureuses et sexy ; des journalistes français relaient sans aucun recul la parole de ses représentants, toute déontologie jetée aux orties.

Les discours affirmant la supériorité civilisationnelle de l’Occident (« C’est un combat des enfants de la lumière contre les enfants des ténèbres », a déclaré Benyamin Nétanyahou le 16 octobre) sont particulièrement pénibles, alors même que la soif de vengeance indistincte qui s’exprime partout, en Israël, aux États-Unis ou en France, reproduit précisément la logique animant les membres du Hamas. 

Comme lors des précédentes campagnes de bombardements intenses sur Gaza, en 2008-2009, puis en 2014 – ce que les généraux israéliens appelaient « tondre le gazon » –, les mêmes éléments de langage sont repris ad nauseam, leur absurdité étant compensée par leur matraquage illimité. Cette fois, la puissance de ce rouleau compresseur est encore décuplée, en France, par la bollorisation du paysage médiatique (les chaînes d’information en continu, en particulier), et plus généralement par l’extrême-droitisation accélérée du climat politique.

Les arguments censés justifier la destruction des vies palestiniennes ont été pulvérisés par l’humoriste égyptien Bassem Youssef (marié à une Gazaouie) dans une prestation face à Piers Morgan sur Sky News devenue virale.                         « Israël a la seule armée du monde qui avertit les gens avant de les bombarder. Qu’est-ce que c’est mignon ! C’est tellement sympa de leur part ! » ; « Hassan, le cousin de ma femme, c’est un bon à rien, il n’arrive jamais à garder un boulot, il a raté l’entretien pour devenir bouclier humain » ; « Est-ce que chacun des quatorze mille civils déjà tués ou blessés dissimulait une cible militaire ? Parce que, si c’est le cas, ça fait beaucoup d’armes. Le Hamas est blindé ! » ; « Oh, alors ce sont des “dommages collatéraux” ? Très bien, dans ce cas, pas de problème. Ça se défend. »

La vision des Gazaouis en Occident, un « effet “Homeland” »

Dans un précédent billet, j’ai écrit qu’il était plus facile pour les Occidentaux de s’identifier aux Israéliens, au mode de vie très semblable au leur, qu’aux Palestiniens. J’aurais dû préciser que toute identification avec ces derniers était activement découragée par le discours gouvernemental israélien.

Il y a vingt ans, l’entourage d’Ariel Sharon martelait déjà cet argument pour justifier son refus de négocier avec l’Autorité palestinienne : « Il faut prendre la mesure de ce que représente un attentat en Israël. Quarante morts là-bas, c’est comme s’il y en avait quatre cents en France. » À l’époque, le journaliste de Politis Denis Sieffert faisait observer qu’on ne tentait jamais le même rapport avec les Palestiniens : « Plus de deux mille morts sur trois millions d’habitants en deux ans, cela n’équivaut-il pas à quarante mille en France ? » (Télérama, 15 janvier 2003)

Même invisibilisation, même déshumanisation, il y a quelques jours, quand le compte X-Twitter d’Israël a admonesté Greta Thunberg, qui venait de clamer son soutien aux Gazaouis bombardés, en lui répondant que les jeunes Israéliens fauchés par le Hamas lors du festival de musique auraient pu être ses amis. C’est vrai, bien sûr. Mais pourquoi n’aurait-elle pas aussi pu être amie avec les jeunes Gazaouis tués ? 

Il y a, dans la vision méprisante qu’on se fait généralement des Gazaouis en Occident, ce qu’on pourrait appeler un « effet Homeland ». En 2015, l’épisode 2 de la saison 5 de cette série d’espionnage américaine avait suscité l’atterrement ou l’hilarité dans le monde arabe. Il était censé se dérouler à Beyrouth, mais la capitale libanaise avait été représentée comme un dédale de ruelles poussiéreuses, une succession de gargotes et de gourbis louches – là où, dans la réalité, il y avait plutôt des Starbucks. 

De la même manière, loin des fantasmes, il se trouve que, en dehors du fait qu’ils sont parqués sur une étroite bande de terre, entre la Méditerranée et une clôture barbelée, et qu’ils sont gouvernés par le Hamas, ce détestable produit de l’occupation, les Gazaouis sont des gens ordinaires, ni plus ni moins « modernes » que d’autres sociétés.

Si les États-Unis avaient forcé Israël à mettre fin à l’occupation il y a trente ans...

Dans le même temps, en France, le soutien à la politique israélienne semble permettre, ou accompagner, une grande décharge non seulement du refoulé colonial, mais aussi du refoulé antisémite. Comme le rappelle le collectif Tsedek !, en France, ces dernières années, le gouvernement d’Emmanuel Macron a multiplié les hommages aux figures historiques de l’extrême droite (le maréchal Pétain, Charles Maurras, Jacques Bainville) ; un ministre – Gérald Darmanin – a écrit pour l’Action française et relayé les thèses antisémites de Napoléon.        _La semaine dernière, Charlie Hebdo a publié une caricature représentant les otages israéliens du Hamas avec des nez crochus. L’un des succès de la rentrée littéraire 2023 est un livre présentant une collabo ayant dénoncé ses voisins juifs pendant la guerre comme une « femme libre ».

Une bonne partie de l’extrême droite se range derrière le gouvernement israélien, et certains juifs de France acceptent son soutien, ce qui, comme le résumait bien l’humoriste Waly Dia dans une chronique, est à peu près aussi prudent que de « faire du bouche-à-bouche à un cobra ».                                              On a le vertige en pensant à la quantité de violence qui aurait pu être évitée si les États-Unis avaient obligé Israël à mettre fin à l’occupation il y a trente ans. Maintenant, il est peut-être trop tard. Il est bien possible que les « soutiens » d’Israël aient condamné les Palestiniens à subir de manière définitive le même sort que les Amérindiens, parqués dans des réserves, décimés, diabolisés, méprisés, et les Israéliens à devenir les nouveaux cow-boys de ce nouveau Far West, des geôliers éternels – un destin sordide qui marquerait un échec historique terrible.

________________Et la violence risque de se répandre dans le reste du monde : déjà la guerre menace de gagner le Liban ; le risque terroriste se renforce ; les agressions et incidents antisémites et islamophobes se multiplient. Les partisans d’une paix juste – une paix qui ne soit pas celle des cimetières – vont devoir s’accrocher plus que jamais." [Mona Chollet___Désolé pour les liens du texte, défectueux...Mytère de la transcription?..]

Espérer encore?... __________________________________