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lundi 27 octobre 2014

Une presse indépendante?

   Demain, peut-être...
                                        Ils le disent souvent haut et fort, quand on leur reproche leurs silences ou leurs parti-pris:
                   Nous sommes in-dé-pen-dants!
   Les directeurs de presse, certains journalistes ayant pignon sur rue se targuent d'objectivité dès que des critiques leur sont adressées sur leurs choix rédactionnels, leur interprétation des faits, leurs liaisons dangereuses avec le monde des affaires.
    D'abord, l'objectivité,  cet horizon, cette quête du Graal, n'existe pas au sens strict dans le domaine des medias. Seule une plus ou moins grande honnêteté peut s'exercer, avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins de bonne foi, d'esprit critique. Par exemple, aujourd'hui, au sujet des événements d'Ukraine....
   Il n'y pas de presse qui ne soit d'opinion, même dans le traitement de certains faits divers.
    L'essentiel est de résister à la soumission.
C'est là que le bât blesse trop souvent en France, comme le reconnaît   Roland Cayrol:  
« Nous sommes le seul pays au monde où les groupes de presse sont dirigés par des industriels ou des financiers qui ont également des intérêts dans d’autres domaines (armement, industrie du luxe, eau…). Les grands groupes dont je viens de parler sont des groupes qui ont une activité principale et qui de surcroît ont des instruments de communication… sans doute pour servir aussi leur stratégie et leur politique. »
      Depuis une vingtaine d'années , la presse (en déclin) est de plus en plus sous tutelle.
Les barons d'affaires achètent des titres comme des entreprises ordinaires pour les contrôler insidieusement. Comment pourraient-il admettre une certaine liberté de ton journalistique à leur encontre ou à celle d'intérêts voisins. La publicité, qui fait vivre la presse , est une chaîne invisible, mais efficace. Elles paralyse, condamne au mutisme, à l'édulcoration ou à la complicité. Seuls deux organes de presse en France peuvent ne pas en subir les effets: Le Canard enchaîné et Mediapart. Le Monde Diplomatique aussi.
    La concentration est impressionnante... et inquiétante. De Lagardère à Bolloré en passant par Bouygues et Daussault. Peu d'organes échappent à leur contrôle plus ou moins direct. Le Monde lui-même est maintenant asservi...
      Les aides traditionnelles de l'Etat à la presse, légitime" en soi, ne sont pas sans créer des distorsions à l'avantage des plus forts. Par exemple,   Le Figaro de M. Dassault a reçu 17,2 millions d’euros du Trésor public entre 2009 et 2011 ; L’Express, presque aussi hostile que Le Figaro à l’« assistanat », 6,2 millions d’euros ; Le Point, qui aime dénoncer la « mama étatique », 4,5 millions d’euros. Quant à Libération (9,9 millions d’euros d’aides, toujours selon la Cour des comptes) et au Nouvel Observateur (7,8 millions d’euros), comme ils sont bien introduits auprès du pouvoir actuel, plusieurs régions ou municipalités présidées par des élus socialistes financent également leurs « forums » locaux..."
    En matière de subvention, Closer écrase le Monde
                              Le cas de Libération, journal "réputé de gauche"est exemplaire et assez pathétique:
        "...Ayant servi de relais éditorial à M. François Hollande, Libération est logiquement aspiré par ces deux tourbillons simultanés. La « mort » qui rôde autour du quotidien ne ferait alors que préfigurer la mise en garde — « La gauche peut mourir » — avec laquelle le premier ministre Manuel Valls tente de rameuter son dernier carré de fidèles.
   Dans le cas du journal, le remède imaginé est de faire dépendre sa survie de tout autre chose que du journalisme — organisation de colloques surpayés par des collectivités territoriales, « marketing croisé » avec SFR-Numericable, l’actionnaire principal du titre, transformation des locaux du quotidien en lieu de divertissement dans un quartier « branché » de la capitale. Quant à la perspective de la gauche gouvernementale, elle se résume à supplier ses partisans de tenir le cap qui a conduit l’extrême droite « aux portes du pouvoir » en leur répétant qu’il n’y a pas d’autre chemin susceptible… d’empêcher l’extrême droite de parvenir au pouvoir.
   Mais, à moins de céder au travers habituel du journalisme consistant à dénicher de l’inédit là où des gens plus ordinaires repèrent aussitôt de vieilles ficelles, cela fait très longtemps que nul ne prend Laurent Joffrin pour l’héritier de Jean-Paul Sartre, fondateur de Libération, ni M. Hollande pour celui de Jean Jaurès. S’il a fallu un certain aplomb au président français pour clamer que son « véritable adversaire » était la finance alors même qu’il avait résolu de ne rien entreprendre contre elle, que dire du directeur de Libération qui, dans le cours du même entretien, proclame que son quotidien est « le plus libre de France » et avertit ceux qui y travaillent encore : « On ne va pas insulter les actionnaires qui ont mis 18 millions dans le journal » ?..
... La presse constitue dorénavant un secteur trop sinistré pour pouvoir résister aux grandes fortunes miséricordieuses qui daigneraient éponger ses déficits. Libération perd chaque jour 22 000 euros, soit près de 16 % de son chiffre d’affaires.. L’an dernier, seuls deux — Les Echos et La Gazette des courses — des dix-huit quotidiens français recensés par l’OJD ont vu leur diffusion progresser, de 1,86 % et 2,60 % respectivement. Dans le même temps, deux cent quarante des trois cent un hebdomadaires, mensuels, bimestriels et trimestriels affichaient un recul, parfois sensible, de leurs ventes : — 21 % pour Les Inrockuptibles, — 19 % pour Marianne, — 16 % pour Le Canard enchaîné.
      La désaffection du lectorat intervient au moment où les recettes publicitaires elles aussi se dérobent — celles de la presse écrite ont baissé de 27 % entre 2009 et 2013. Dans ces conditions, les grands patrons n’investissent plus dans un journal avec l’espoir d’en tirer un profit financier. « Serge Dassault, rappelle le magazine Capital, a perdu avec le seul Figaro 15 millions d’euros en moyenne par an depuis cinq ans. Michel Lucas, le patron du Crédit mutuel, 33 millions en moyenne avec ses neuf quotidiens régionaux de l’est de la France. Claude Perdriel tournait à 5 millions de déficit avant qu’il ne cède son Nouvel Observateur. Bernard Arnault a accumulé plus de 30 millions de pertes depuis le rachat des Echos. Seul rescapé, François Pinault a longtemps récolté 2 à 3 millions de profit avec Le Point, mais était en perte au premier semestre 2014. »
     Si M. Patrick Drahi a cependant décidé d’engloutir 14 millions d’euros dans le sauvetage de Libération, c’est qu’il en attend un autre retour sur investissement. « On y regarde à deux fois avant d’attaquer le patron d’un journal, poursuit Capital. L’obscur boss de Numericable, Patrick Drahi, n’était qu’un “nobody” quand il est parti à l’assaut de SFR. Moyennant quoi, il fut attaqué sur tous les fronts : exil fiscal, holdings douteuses aux Bahamas, nationalité française incertaine... D’où Libération. Ce n’est pas TF1, bien sûr, mais l’effet dissuasif n’est pas nul. Xavier Niel est, lui, passé du statut de pirate des télécoms à celui de membre de l’establishment depuis qu’il est devenu copropriétaire du Monde en 2010. Et cela à peu de frais : sa fortune varie chaque jour en Bourse de plus de 30 millions d’euros, la somme qu’il a investie dans le quotidien du soir. »
...Obtenir que la ligne éditoriale de la quasi-totalité des médias épouse un discours libéral et austéritaire ne requiert pas pour autant une pression de chaque instant. La formation et la socialisation de la plupart des journalistes économiques, comme celles des éditorialistes, garantissent qu’ils penseront assez spontanément comme le Fonds monétaire international, la Cour des comptes ou le patronat.
    Ainsi, l’économiste américain Paul Krugman relève presque chaque semaine dans le New York Times que toutes les craintes des monétaristes ont été démenties, en particulier celle de voir les déficits publics déchaîner l’inflation, que tous les avertissements des keynésiens ont été confirmés, notamment l’idée que les politiques d’austérité allaient casser la croissance. Néanmoins, se lamente-t-il, ce sont les premiers qui continuent de triompher, surtout dans les grands médias. Or comment douter que la quasi-disparition d’une presse indépendante ou sa subordination progressive aux grands intérêts qui déjà déterminent la politique économique et sociale des gouvernements alimentent l’humeur conservatrice d’une Europe en crise?..
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- Rappel de quelques principes 
Aides à la presse, un scandale qui dure
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