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mercredi 30 janvier 2019

Vers un hiver européen?

    La question: où va l'Europe? ne cesse de se poser
                                                         Surtout dans cette période inédite où les turbulences sont fortes et ébranlent les structures du fragile esquif dont la consolidation ou même la construction n'est pas encore terminée. Loin de là. (*)
     Ici ou là émergent des critiques et des remises en question d'une gestion estimée défaillante, au sein d'un marché commun inachevé, où le fossé entre idéaux proclamés et réalité de gestion apparaît de plus en plus au grand jour. Ce qui ne sera pas sans conséquences lors des prochaines élections.
    D'un côté, l'un des partenaires veut reprendre ses billes, non sans contradictions, de l'autre les critiques sont acerbes et, malgré les injonctions de Macron, l'Allemagne joue sa propre partition.
    Les forces centrifuges ne jouent plus. Le fragile édifice  semble au bord de la dislocation et on s'aperçoit un peu tard qu'il n'y a pas de peuple européen.             Bruxelles fait fausse route et il va être difficile e de sauver le projet européen;
  Même des fidèles haussent le ton et certains disent, non sans paradoxe apparent, que l'Union tue l'Europe..
    Chaque pays regarde dans une direction différente. 
Macron semble bien seul à prêcher la bonne parole.
    Les défis sont majeurs..
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(*)....L' embellie n’aura pas duré dix-huit mois. À peine sortie d’une crise de dix ans, l’économie européenne est en train de retomber dans le marasme. Le président de la Banque centrale européenne (BCE) a été le dernier à le reconnaître lors de sa conférence mensuelle, jeudi 24 janvier. Les derniers indicateurs économiques « continuent à être plus faibles que prévu, ce qui pèse sur les perspectives de croissance à court terme », a dû reconnaître Mario Draghi, invoquant « la persistance des incertitudes liées aux facteurs géopolitiques, la menace du protectionnisme, les faiblesses des marchés émergents et la volatilité sur les marchés financiers ». Après tant d’autres, il lui a bien fallu admettre que les planètes censées soutenir la croissance mondiale s’étaient totalement désaxés.
    En décembre, le président de la BCE niait encore ces bouleversements. Il espérait alors que la zone euro ne traversait qu’un simple trou d’air et que la conjoncture allait se redresser rapidement. Mais les chiffres continuent à s’empiler et tous disent la même chose : le ralentissement économique en Europe est patent.                    
        La production industrielle européenne baisse, les services ralentissent, les indicateurs d’activité repassent dans le rouge et les dirigeants d’entreprise broient du noir. Sans que le Brexit, les « gilets jaunes » ou l’Italie n’y soient pour quelque chose, même si tous ces éléments ajoutent des facteurs d’incertitude.
       Tous les instituts de conjoncture révisent à la baisse leurs prévisions. Le FMI prévoit une croissance de seulement 1,6 % pour la zone euro en 2019, au lieu de 1,8 % précédemment. Et encore, ces prévisions semblent bien optimistes pour nombre d’observateurs. « Il n’y a rien de positif dans les indices aujourd’hui », note Frederik Ducrozet, économiste au département gestion de fortune de la banque Pictet. Tous notent un ralentissement très net en Europe, mais espèrent encore que la zone euro pourra éviter la récession.
      Si l’Allemagne l’évite, en tout cas, ce sera d’un cheveu. Au troisième trimestre 2018, l’activité économique allemande est devenue négative (– 0,2 %) pour la première fois depuis 2015. Le gouvernement allemand espérait qu’il ne s’agirait que d’une secousse passagère, liée aux difficultés du secteur automobile à s’adapter aux nouvelles normes antipollution.
   Les mois qui ont suivi ont dissipé cette illusion : le moteur allemand est durablement grippé. Au quatrième trimestre, l’économie allemande, selon les premières indications, devrait se situer juste au-dessus de zéro. Ce qui devrait éviter à Berlin d’être en récession technique, déclarée au bout de deux trimestres négatifs.
        La machine exportatrice allemande, qui a été quasiment la seule en Occident, ces deux dernières décennies, à profiter de l’expansion spectaculaire de la Chine, accuse le contrecoup du ralentissement chinois. Malgré les efforts du gouvernement pour maintenir un certain dynamisme économique, l’économie chinoise, après un bond sans précédent historique, semble appelée à marquer une pause durable et pourrait même ne pas éviter la récession. Tous les indicateurs – consommation, immobilier, investissement – sont en chute. La croissance chinoise devrait être la plus faible depuis 1990. Le président Xi Jinping a mis en garde, en début de semaine, tous les responsables du parti communiste en leur annonçant des temps « très troublés ».
    Les industriels allemands voient leurs exportations vers la Chine reculer dans tous les secteurs. Et certains redoutent de ne plus jamais retrouver à l’avenir certains débouchés : les industries chinoises ont beaucoup augmenté en gamme et en savoir-faire. Ils n’ont plus besoin de nombre d’équipements allemands qu’ils savent désormais produire. Ils risquent même de devenir de redoutables concurrents des productions allemandes à l’avenir.
       Mais au-delà de la Chine, c’est tout le modèle mercantiliste de l’Allemagne qui se trouve bousculé, attaqué par un Donald Trump éructant contre les excédents allemands, mais aussi affaibli par une perte de débouchés dans la zone euro, devenue son marché intérieur. « C’est la fin des vaches grasses. Le bon temps où l’État dégageait un excédent budgétaire plus élevé que prévu s’achève », a prévenu, dès le 3 janvier, le ministre allemand des finances Olaf Scholz. En 2018, l’excédent budgétaire allemand devrait encore dépasser les 30 milliards d’euros. Mais rien n’est assuré pour 2019. Le gouvernement allemand, qui tablait sur une croissance de 1,6 % au début de l’automne, ne l’estimait plus qu’à 1,3 % fin novembre. Il a de nouveau révisé à la baisse ses prévisions le 24 janvier : au mieux, la croissance ne devrait n’être que de 1 % cette année.
Mais quand le moteur allemand cale, c’est toute l’Europe qui est entraînée. Tous les pays de la zone euro se retrouvent face aux mêmes difficultés qu’en 2015 : activité stagnante, chute des exportations et sans doute, bientôt, montée du chômage.
     L’Italie est la plus pénalisée. Affaibli par la crise financière dont il ne s’est jamais remis, marqué par la destruction d’une partie de son appareil productif, un chômage de masse et un secteur bancaire malade, le pays subit, en même temps que le nouveau ralentissement économique, les contrecoups des embardées de la coalition gouvernementale dirigée de fait par l’extrême droite de Matteo Salvini. Après avoir enregistré une activité à zéro au troisième trimestre, l’Italie risque de ne pas pouvoir éviter la récession dans les mois qui viennent. Pour 2019, le FMI y prévoit une croissance de 0,3 %, au lieu de 0,6 % il y a quelques mois.
   « C’est une décennie de perdue pour l’Italie », a relevé le premier ministre italien Giuseppe Conte à Davos, soulignant que son pays n’avait toujours pas réussi à retrouver le niveau de croissance de 2008. Ni les réformes du marché du travail, ni les réformes des retraites, ni les autres réformes « structurelles », censées être la réponse européenne à tous les maux économiques et que l’Italie a mises en œuvre jusqu’à l’arrivée de la coalition gouvernementale en mai 2018, ne sont parvenues à inverser la tendance, n’a pu s’empêcher de relever le premier ministre italien, accusé de briser les tables de la loi européennes par un budget excessif....
         À quoi bon dépenser tant de milliards pour de si piètres résultats ? À ce stade, la BCE et les responsables européens ne peuvent plus différer d'affronter quelques questions dérangeantes, posées depuis longtemps par des économistes. Pour certains, les voies choisies par la BCE, qui reposent sur la seule transmission monétaire au travers des banques et du système financier, donc en faisant confiance au seul marché, ne sont pas efficaces. Car l’essentiel des moyens financiers mis à disposition par les banques centrales sont selon eux captés par la sphère financière, contribuant ainsi à alimenter des bulles d’actifs, elles aussi impressionnantes tant sur les marchés obligataires que les marchés d’actions, ou des marchés immobiliers, comme de permettre l’enrichissement sans précédent des grandes fortunes ces dix dernières années. Ce qui contribue à aggraver les déséquilibres économiques et financiers et les inégalités.
        D’autres remettent en cause les choix politiques faits par l’Europe depuis dix ans. Les politiques d’ajustement structurel et de dévaluation interne, devenues les règles d’or dans toute la zone euro, au moment même où il aurait été nécessaire, selon eux, de pratiquer des soutiens budgétaires pour contrecarrer les effets de la crise, ont abouti à une dévitalisation économique de la zone euro, que la seule politique monétaire ne parvient pas à enrayer. Il est donc urgent, disent-ils, de réhabiliter les outils budgétaires.
      Mais pourquoi ne pas utiliser les moyens immenses engagés par la BCE pour investir et financer la transition écologique, pour changer de modèle, plutôt que de les réserver au monde financier et d’essayer de perpétuer un modèle économique à bout de souffle, s’interrogent d’autres économistes, en prônant un QE pour le peuple.
     Toutes ces questions sont légitimes. Pourtant, elles ne semblent pas franchir les portes du conseil de la BCE, encore moins celles des conseils européens. Alors qu’un nouvel hiver économique est en train de s’abattre sur l’Europe, aucun responsable ne paraît décidé à la moindre remise en cause. Au contraire. Il n’est question que de se conformer aux règles édictées, de les renforcer même et de sanctionner les récalcitrants. Dans ses prévisions, le FMI lui-même note que la dégradation économique est liée à une chute de la demande en Europe. Les gouvernements européens, eux, s’en tiennent plus jamais à une politique de l’offre.
       En annonçant la fin des années fastes pour l’Allemagne, le ministre des finances Olaf Scholz a ainsi exclu par avance tout rééquilibrage de l’économie allemande, toute relance de l’investissement public, bien que nombre d’infrastructures publiques soient au bord de la rupture, toute reprise de l’endettement. L’austérité, selon lui, est plus que jamais nécessaire à l’Allemagne comme au reste de l’Europe. On ne change pas une politique qui perd, même si elle fait le lit d’un capitalisme illibéral, de la pauvreté et de l’extrême droite.
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