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samedi 27 mars 2021

La Commune et ses échos

 "Chimère mémorielle"? (note de lecture)

                           Cet événement résonne encore aujourd’hui, non sans poser encore des problèmes d'interprétation, comme c'est le cas au sujet de tout fait historique majeur, malgré sa brièveté, dont les échos se font sentir encore dans notre présent. C'est une séquence historique qui a été  instrumentalisée, comme cela arrive souvent pour les événements marquants, qui posent encore des problèmes d'interprétation, où le consensus fait problème.                                                               "...  La Commune de Paris a notamment été enrôlée au service du Front populaire, avant de revenir spectaculairement sur le devant de la scène à partir de mai 1968, « en opposition à un PCF jugé fossilisé », et, ces dernières années, d’irriguer la gauche radicale comme « questionnement libertaire de la démocratie », selon les termes de l’historien Jacques Rougerie, ou comme modèle de défense d’un espace autonome, présent dans les ZAD ou la prose du Comité invisible.   De manière plus inattendue, « une partie de l’extrême droite subversive – des boulangistes aux identitaires, en passant par les fascistes français – s’est efforcée de s’approprier la Commune ». Au point que Jacques Doriot (1898-1945) monta avec ses troupes, en 1944, au mur des Fédérés pour honorer les morts de la Commune en même temps que ceux de la division SS Charlemagne, construisant, ce faisant, « une chimère mémorielle, un assemblage improbable et monstrueux ».           Ces appropriations politiques successives se sont ajoutées à la persistance d’une légende rouge comme d’une légende noire de l’événement, sensible jusqu’à nos jours, par exemple dans le Métronome de Lorant Deutsch qui, au prétexte d’une flânerie dans Paris, assimile en réalité la Commune au vandalisme, selon les cadres d’une vulgate réactionnaire ancienne.   Tout cela a contribué à ensevelir la séquence historique sous des mythes et des « fantasmes se rapportant à ce qu’était et ce que voulait être la Commune » qui font que, paradoxalement au regard des milliers de références bibliographiques la concernant, « la Commune de Paris reste assez mal connue ».              Pour pallier cela, l’ouvrage puise au fort renouvellement historiographique qui a eu lieu depuis le centenaire de l’événement et entrelace trois modes d’écriture pour saisir un événement dont la désignation même n’est pas consensuelle puisque le mot « commune » demeure un fourre-tout.    Même si, rappelle le coordinateur de l’ouvrage, l’idée communaliste a « mûri lentement depuis la chute de l’Empire autour de plusieurs idées-forces : la levée en masse pour défendre la patrie envahie – avec le rappel du glorieux précédent de l’an II –, la mise en place d’institutions républicaines capables de promouvoir des mesures authentiquement démocratiques et sociales dont la nature reste encore à définir, la restitution aux Parisiens de leurs libertés municipales ».       Le premier type d’écriture est constitué par les biographies d’environ 500 acteurs du soulèvement, en continuité avec l’œuvre pluri-décennale entreprise par le Maitron, ce Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, aujourd’hui accessible en ligne. Les notices ont été choisies parce que les vies qu’elles retracent ont été profondément marquées par la Commune, comme aboutissement, épisode central ou point de départ de leur existence et de leur engagement. Elles permettent d’appréhender concrètement la grande diversité des parcours idéologiques qui ont pu mener à la foi communarde.

__Un travail collectif qui compte__

                  Le second est formé de synthèses à la fois concises, problématisées et documentées sur quasiment tous les aspects historiques de l’événement. On voit comment la Garde nationale, avec son fonctionnement démocratique lui permettant de révoquer ses officiers, ne facilita pas toujours l’efficacité militaire, sans lui nuire systématiquement.     On comprend pourquoi la marche sur Versailles des 3 et 4 avril fut trop tardive et sans succès, parce que de nombreux acteurs du soulèvement ne voulurent pas accentuer le risque de guerre civile et tinrent à doter la Commune d’une légitimité incontestable en organisant des élections avant de pousser l’avantage militaire offert par le soulèvement du 18 mars 1871.                                On cherche les causes du soulèvement à la jonction de trois dynamiques « distinctes mais confluentes » qui entrèrent en résonance à ce moment précis : le processus politique de républicanisation de la France sur le long terme, le contexte économique et politique ayant favorisé le développement d’organisations ouvrières et la montée de l’action revendicative, mais aussi la dynamique patriotique dans la cadre du conflit franco-prussien et dans une capitale assiégée par les troupes allemandes depuis le mois de septembre 1870.                         On analyse « la morale de la Commune ». Ou comment le discours anticommunard des années 1870 imposa une lecture morale, ou plutôt immorale, de la Commune, lui refusant un quelconque projet politique et social et mettant en scène des insurgés fondamentalement immoraux dans un désordre général.    Cela recouvrit ce fait que les communards insistèrent constamment « sur la rupture morale qui caractérisait le monde nouveau fondé sur la révolution politique et sociale » et sur une « nécessaire morale citoyenne », stigmatisant les « voleurs » et encourageant les comportements vertueux, même si « sa morale n’était pas forcément celle du camp adverse ».   On découvre aussi « les oppositions à la Commune dans Paris ». En effet, au-delà de la lutte entre « Paris » et « Versailles », et si la Commune a joui d’un indéniable soutien populaire, elle « n’a à aucun moment fait l’unanimité au sein de la population parisienne et son action a été entravée par des oppositions plus ou moins vives » : les « Amis de l’ordre », les « francs-fileurs » qui s’opposèrent par inertie en fuyant la capitale ou encore les conspirations et tentatives de sabotage.  La chute de la Commune fut d’ailleurs saluée par plusieurs manifestations de joie, sans même parler des 400 000 dénonciations, le plus souvent anonymes, qui affluèrent après la reddition de la Commune.    .....                          Les auteurs de cet ouvrage collectif jugent aussi que l’événement relève moins d’une « lutte des classes » que d’une cristallisation d’« antagonismes sociaux » et s’avère avant tout républicain et socialiste, mais au sens que ce mot possède au XIXe siècle et non au XXe.   Les rapports entre la République et la Commune constituent l’un des autres sujets fondamentaux des sections de l’ouvrage consacrées à mettre à plat l’état des controverses sur le sujet. Comment, déjà, expliquer ce paradoxe : « La Commune fut républicaine et pourtant, dans leur majorité, les républicains condamnèrent l’insurrection. »       Au-delà de la diversité des républicains, dont la majorité considérait que la Commune allait à l’encontre de la légalité et conduisait au désordre, beaucoup œuvrèrent pour une conciliation avec l’Assemblée nationale réfugiée à Versailles. Mais une fraction non négligeable d’entre eux jugeait que la Commune pouvait « favoriser la restauration de la monarchie, alors que la République était fragile », après sa proclamation toute récente dans un contexte d’occupation prussienne, après la défaite de Napoléon III et la fin du second Empire.      Le nœud du débat porte alors sur la question de savoir s’il est possible d’affirmer, comme l’ont fait les partisans de la Commune et leurs descendants, que celle-ci a sauvé la République, en ce sens que le sacrifice des combattants parisiens aurait interdit tout retour au passé monarchiste. Une question longtemps débattue, à laquelle il n’existe toujours « pas de réponse consensuelle ». Certains jugent que, même si les royalistes étaient majoritaires au sein de l’Assemblée élue en février 1871, leurs désaccords étaient trop nombreux pour imposer une restauration...                                                                                                            En réalité, jugent les auteurs de cette somme collective, « la Commune constitue bel et bien le moment où un basculement, à la fois politique et psychologique, s’opère » vers l’acception d’un régime républicain, même si l’on continuera longtemps à discuter dans quelle mesure cette République fut sauvée par le sacrifice des communards montés « à l’assaut du ciel », selon les termes célèbres de Karl Marx..." (Merci à Médiapart)

                  ___L'aspect militaire de la commune a été moins évoqué.__________________

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